Rachis, 1994, vol. 6, n02pp JJ9-124 L'OSTEOSYNTHESE DU RACHIS DORSAL ET LOMBAIRE AVEC LE SYSTEME DOMINO TECHNIQUE - PRINCIPALES INDICATIONS - RESULTATS OSTEOSYNTHESIS AND CORRECTION OF THE THORACIC AND LUMBAR SPINE WITH THE "DOMINO" SYSTEM R. ROY-CAMILLE Service de chirurgie C.H.U. Pitié-Salpêtrière orthopédique et traumatologique - 83, bd de l'Hôpital- 75013 Paris. Notre matériel pour ostéosynthèse rachidienne s'adresse à l'ensemble du rachis. Il permet les ostéosynthèses à tous les niveaux du rachis, cervical, dorsal, lombaire et lombosacré. Il est adapté essentiellement à l'abord par voie postérieure du rachis, mais il permet aussi de réaliser les ostéosynthèses par voie antérieure. Ce matériel permet la stabilisation du rachis dans toutes les conditions pathologiques: traumatismes, affections dégénératives, spondylolisthésis, tumeurs ou infections, scolioses, etc. Nous commencerons par l'ostéosynthèse du rachis dorsal et lombaire en décrivant la technique de pose du système Domino que nous avons récemment proposé. Figure 1 La vis pédiculaire INSTRUMENTATION Le système Domino comporte des vis, des plaques avec des orifices allongés, dans lesquelles viennent se placer des dominos perforés de trous à disposition variable, et une instrumentation ancillaire. (fig. 1). Les vis sont faites de 2 parties avec 2 filetages différents: - la plus longue sera implantée dans le pédicule et le corps vertébral. Elle a un filetage cortical de 0,75 mm de profondeur. Cette partie a une longueur variable de 2 en 2 mm allant de 28 à 46 millimètres de long et un diamètre de 4 - 4,5 - 5 - 5,5 et 6,5 millimètres. Les vis habituellement utilisées sont celles de 4, 4,5 et 5 mm de diamètre. Les vis de 5,5 et 6,5 sont des vis de reprise; 119 - la partie postérieure de la vis a un filetage fin métallique millimétrique qui recevra un écrou fendu autobloquant (fig. 2). Elle a un diamètre constant de 5 millimètres. Elle a normalement une longueur de 12 millimètres, mais pour certaines vis particulières, appelées "vis de rappel", utilisées parfois pour les scolioses, cette partie postérieure a une longueur de 30 millimètres. La mise en place de la vis se fait grâce à une empreinte Torx ménagée dans son extrémité supérieure. Lors d'une ostéosynthèse, les vis sont primitivement placées dans les pédicules vertébraux à instrumenter, enfoncées de toute la longueur du filetage dévolu à l'implantation intravertébrale. La partie postérieure saillante reçoit les plaques d'ostéosynthèse et la connexion se fait à l'aide des dominos, l'ensemble étant fixé par les écrous autobloquants convexes vers les dominos. Figure 3a Plaques dorso-lombaires de profil Figure 2 L'écrou autobloquant Les plaques dorso-lombaires standard (fig. 3a et 3b) Les plaques sont comme les anciennes plaques d'ostéosynthèse rachidienne prémoulées à la forme normale du rachis. Elles sont appliquées par leur partie concave sur le rachis dorsal, par leur partie convexe sur le rachis lombaire. Pour la jonction dorso-lombaire, les plaques ont une double courbure répondant en, haut à la cyphose dorsale et en bas à la lordose lombaire. Leur largeur est 12,5 mm, leur épaisseur de 6,5 mm. Elles présentent des orifices allongés de 18,5 mm de long. A la coupe, elles ont une forme de diabolo dont le diamètre central est de 8 mm. Les lumières sont séparées par des zones de jonction plates, de 8 mm. Il existe des plaques présentant de 2 à 10 orifices, c'est-àdire de 75 à 257 millimètres de long. Les centres de 2 orifices adjacents sont distants de 26 mm. La courbure des plaques peut être modifiée si nécessaire en cours d'intervention à l'aide de fers à cintrer. Figure 3b Plaques dorso-lombaires de face et de profil Les dominos (fig. 4) Dans les orifices des plaques prennent place des dominos. Ceux-ci s'adaptent à la forme de diabolo des lumières grâce à un évasement de leur partie supérieure qui vient prendre appui sur les bords des orifices des plaques afin de s'y fixer tout en gardant la possibilité d'une discrète mobilité. La face inférieure du domino présente des pointes "diamant" pour pour bien s'ancrer sur l'os. Ces dominos sont perforés d'un orifice de 6 millimètres de diamètre, dans lequel la partie postérieure des vis de 5 mm de diamètre a un débattement de 30°. La partie supérieure R. ROY-CAMILLE Elles ont 7 ou 8 orifices et sont longues de 179 ou 205 mm. Elles sont très utiles pour les stabilisations des tumeurs de la charnière cervico-dorsale. Figure 4 Les dominos: vus de face et de profil. positions des trous. Plaques lombo-sacrées (fig. 5) Elles ont une courbure régulière concave en arrière, s'adaptant à la charnière lombo-sacrée dans le plan sagittal. La partie inférieure de la plaque lombo-sacrée est aplatie pour éviter la saillie sous-cutanée. Cette partie présente 2 orifices obliques en dehors. Il y a donc une plaque droite et une plaque gauche. Au dessus, se trouve un orifice circulaire pour la vis implantée en SI. La partie supérieure de la plaque, d'épaisseur normale de 6,5 mm, est de différentes longueurs présentant de 1 à 4 orifices allongés. Les fixations lombo-sacrées peuvent ainsi être faites de L5, L4, L3 ou L2 au sacrum. Noter les différentes des orifices est évasée pour recevoir la partie convexe des écrous. La position de ces orifices dans les dominos est variable. Il y a un dOllÙno avec un orifice centré, un autre domino sur lequel l'orifice est placé latéralement de 2,5 millimètres; un troisième type enfin, sur lequel l' orifice est déplacé latéralement de 5 millimètres. En inversant de droite à gauche les dominos, on dispose de 5 positions dans chaque orifice de plaques. Il existe également un domino avec 2 orifices symétriques distants de la mm. Ce domino particulier sera utilisé surtout au niveau du rachis lombaire permettant de mettre 2 vis dans un même pédicule, lors des instrumentations ne prenant que 3 vertèbres. L'utilisation des différents dominos permet ainsi d'amener les orifices de la plaque en face des vis pédiculaires sans avoir de difficultés pour rechercher ce pédicule, dans lequel la vis a été précédemment implantée. Une fois la plaque posée sur les différentes vis pédiculaires, les dominos sont mis en place sur chaque vis et la connexion est assurée par un écrou autobloquant à chaque niveau. L'ensemble vis-domino-plaque est un système de fixation semi-rigide grâce au débattement entre vis et domino et à la mobilité entre domino et plaque. Les vis sont ainsi protégées d'une fracture de fatigue, ce qui permet d'utiliser des vis de petits diamètres avec le double avantage de : 1 - pouvoir les implanter au rachis dorsal malgré le petit diamètre des pédicules; 2 - de ne pas détruire les pédicules lors de leur implantation et de permettre éventuellement une chirurgie de reprise. Figure 5 Plaques pour arthrodèse droite et gauche) L3-S2, de face et de profil (plaques Plaques à spondylolisthésis (fig. 6) Comme nos anciennes plaques, elles ont une double courbure. La partie inférieure plate est porteuse de 3 trous obliques pour le sacrum au-dessous de SI. Il y a 2 lumières allongées pour recevoir des dominos qui correspondent aux vis de rappel de L4 et de L5. LES PLAQUES SPÉCIALES Plaques cervico-dorsales Elles sont prémoulées à la forme de la charnière cervicodorsale dans le plan sagittal. 122 L'OSTEOSYNTHESE DU RACHIS DORSAL ET LOMBAIRE AVEC LE SYSTEME DOM1NO - TECHNIQUE - PRINCIPALES IND1CATlONS - RESULTATS Figure 7a Tournevis à empreinte Torx, prenant posterieure de la vis pédicutaire. Figure 6 Plaque à spondylolisthesis, double courbure de profil. vue de face et de profil. Noter la place dans la partie lE MATÉRIEL ANCillAIRE La pose des vis est faite à l'aide d'un tournevis Torx (fig. 7 b) prenant place dans l'empreinte postérieure de la vis et qui permet de l'implanter à la profondeur voulue. Le tournevis est muni d'un préhenseur de vis. Les plaques sont présentées avec des pinces porte-plaque. Les écrous sont présentés avec des pinces porte-écrou puis sont serrés sur la vis à l'aide d'un instrument spécial. Ce serre-écrou perforé sur toute sa longueur peut recevoir en son milieu le tournevis Torx qui dépasse à son extrémité inférieure de quelques millimètres, permettant de contrôler simultanement l'implantation de la vis et de l'écrou. L'intrumentation ancillaire comporte encore: 1 - des fers à cintrer pour modifier la courbure des plaques; 2 - des pinces pour distracter et pour contracter permettant d'agir sur un foyer vertébral en prenant appui sur les vis adjacentes; 3 - des pousse-vis pour aider à l'adaptation vis/plaque. a et Figure 7b Tournevis à empreinte Torx, vue d'ensemble. de placer rapidèment l'instrumentation d'ostéosynthèse pour terminer l'intervention en toute sécurité. Quoiqu'il en soit, les vis pédiculaires étant mises en place dans les différents pédicules selon la technique habituelle "droit devant", la plaque de dimension adéquate est choisie et posée dans une des deux gouttières vertébrales, sur la partie postérieure de ces vis. Une fois que les dominos sont mis en place, le montage est stabilisé au moyen des écrous auto-bloquants. Les autres dominos sont mis en place et fixés de la même façon. Une fois que le montage est réalisé, les vis et les écrous ne dépassent pas de la plaque de plus de 2 ou 3 mm. Il n'est donc pas nécessaire de sectionner la partie postérieure des vis. Il s'agit là d'un point important. En effet, une saillie même minime peut être à l'origine d'un conflit avec les masses musculaires et de bourses séreuses douloureuses. TECHNIQUE DE POSE Fractures du rachis dorsal et lombaire Après abord du rachis, exposition du foyer de fracture, laminectomie éventuelle, réduction de la fracture par manœuvres externes, les vis sont implantées dans les pédicules. Il est souvent bon d'ailleurs avant même toutes ces manoeuvres, d'implanter les vis dans les pédicules sur lesquels on a décidé de placer l'instrumentation, car si durant l'intervention, la réduction et la libération du canal rachidien entraînent une hémorragie importante, il sera aisé Dans certaines fractures, en compression pure sans déplacement latéral, surtout au niveau de L3, si une 123 R. ROY-CAMILLE réduction parfaite peut être obtenue, on peut se contenter d'un montage court sur trois vertèbres. Dans ce cas, des vis pédiculaires de 4 mm sont mises en place dans les vertèbres sus- et sous-jacentes à la fracture. On aura soin de les implanter dans la partie caudale du pédicule, juste audessus du foramen et de la racine. Une plaque à trois trous est mise en place, après quoi un domino à deux trous est positionné, les vis se trouvant dans les orifices inférieurs. Une fois les écrous serrés sur ces vis, deux autres vis sont alors mises en place par l'orifice supérieur des dominos, elles occuperont la partie proximale des pédicules. Il est parfois possible de visser les pédicules de la vertèbre fracturée. ARTHRODESELOMBO-SACRËE Les plaques spéciales à arthrodèse lombo-sacrée présentent des trous distaux obliques permettant d'implanter les vis dans les ailerons sacrés. Les vis utilisées sont des vis Maconor 2, de diamètre 4 mm, avec une tête de 6 mm. Leur longueur varie de 36 à 40 mm. Les plaques sont de différentes longueurs, ce qui permet des arthrodèses de L5S2 à L2-S2. Les vis pédiculaires sont mises en place selon la technique "droit devant". Les vis pédiculaires de SI ont une direction légèrement interne et ascendante, afin de L'orifice de la plaque destiné à cette vis permet l'implantation de la sorte. On utilise habituellement des vis Maconor 2 de diamètre 5 mm et de longueur 46 mm. La stabilité optimale du montage ne peut être assurée que s'il est étendu jusqu'à S2, ainsi que cela résulte de notre expérience antérieure. S'il est nécessaire d'agrandir le foramen lors d'une arthrodèse lombo-sacrée, on peut proposer de mettre le montage en distraction . Cependant, si une distraction importante est nécessaire, le montage ne sera pas stable à long terme. Il nous semble qu'une arthrodèse intersomatique doive alors être réalisée par voie postérieure. SCOLIOSE LOMBAIRE ET THORACO-LOMBAIRE DE L'ADULTE De très longues plaques peuvent être utilisées selon les nécessités. Des plaques standard existent comportant jusqu'à Il orifices, des plaques sur mesure plus longues peuvent être fabriquées. Ces plaques sont aplaties dans leur partie sacrée. Elles sont très cintrées, reproduisant la cyphose thoracique et la lordose dorsale naturelles. Elles doivent ainsi rétablir les courbures rachidiennes normales. Il existe très souvent une hyper-lordose lombaire. Des vis spéciales doivent être alors utilisées, au niveau des pédicules lombaires, elles sont munies d'un long filetage postérieur de 30 mm, qui facilite la mise en place de la plaque. Ce filetage, qui fera saillie en arrière de la plaque, devra être coupé à la fin de l'opération. La correction de la scoliose est réalisée étage par étage, d'un côté puis de l'autre. En premier lieu, les vis pédiculaires sont mises en place. Les plaques sont ensuite disposées sur ces vis, et la distraction ou la contraction souhaitée est appliquée. Cette technique n'est pas compliquée, puisque la mise en place des vis dans les orifices des plaques se fait niveau par niveau. Le tournevis à empreinte Torx mis en place dans la tête des vis à travers la plaque permet une correction de la rotation vertébrale. L'angulation moyenne post-opératoire obtenue est de 12°. L'arthrodèse est réalisée selon la technique habituelle: avivement des articulaires avant la mise en place des plaques, puis résection des épineuses, décortication des lames et des transverses, enfin, mise en place des greffons sur la zone instrumentée. TUMEUR OU INFECTION Le montage est généralement facile à réaliser. Il n'y a habituellement pas de correction à réaliser, et l'adaptation rlpç:. nl~nllPç,; (,;nr lpç;: \Ill;;: pç,;t !:l;ç,;pp LONGUEUR ET DIAMETRE DES VIS Au niveau thoracique, nous utilisons des vis de diamètre 4 mm et de longueur 30 à 35 mm. Au niveau de la charnière dorso-lombaire, nous utilisons des vis de 4 mm et de longueur 36 à 40 mm. Au niveau lombaire, des vis de 4,5 mm de diamètre et de longueur 40 à 46 mm. Si nous utilisons des doubles dominos, pour un montage par 2 vis par pédicule, nous utilisons des vis de 4 mm de diamètre. Au niveau lombo-sacré, nous utilisons des vis de 5 mm de diamètre et de 46 mm de long. Au dessous de SI, nous utilisons des vis obliques Maconor 2 de 4 mm de diamètre avec une tête spéciale de 6 mm, et une longueur de 36 à 40 mm. Ces longueurs correspondent à la partie de la vis implantée dans le pédicule et dans le corps vertébral. La pointe de la vis doit atteindre le milieu du corps vertébral. Nos études biomécaniques ont montré que le maximum de résistance à l'arrachement est obtenu lorsque la pointe de la vis dépasse la corticale antérieure du corps vertébral. Néanmoins, cette technique nous paraît à déconseiller en raison des risques qu'elle comporte.