
K
K
L
LE
ES
SI
IS
S
–
–
R
R
E
EV
VU
UE
E
P
PH
HI
IL
LO
OS
SO
OP
PH
HI
IQ
QU
UE
E
=
=
V
V
O
OL
L
.
.
8
8
/
/
2
20
00
08
8
:
:
L
L
A
A
B
BI
IO
OP
PO
OL
LI
IT
TI
IQ
QU
UE
E
© Maria Fimiani – « La vie en sommeil » 49
l’humanisme
5
. Ce seuil montre toute l’énigme que pose Kant. L’« énigme
kantienne » – écrivait Foucault en 1966 – tire de notre mémoire deux grandes figures
et libère une « double nostalgie » : nous demandons à l’âge grec d’éclairer notre
rapport à l’être, et au XVIII
e
siècle de remettre en question les formes et les limites de
notre savoir
6
. Si la pensée contemporaine est vouée au « déracinement de
l’Anthropologie », celui-ci est donné dans l’exercice d’une « critique générale de la
raison » qui sait décliner, précisément comme chez Kant, une pensée radicale de
l’être et l’interrogation sur les limites de la pensée
7
. Le kantisme, repensé à travers
l’Anthropologie, a indiqué à la fois la validité des limites et les limites de cette
validité.
La naissance de la modernité est donc agitée par l’événement que constitue
l’apparition de l’homme sur la scène du savoir. C’est cette thèse qui mûrit dans Les
Mots et les Choses, prémisse de l’analyse annoncée des rapports entre pensée critique
et réflexion anthropologique. La biologie, l’économie et la philologie soustraient le
« réseau incolore »
8
des représentations au quadrillage spontané des choses
9
et
interrogent cet être qui est « tel qu’on prendra en lui connaissance de ce qui rend
possible toute connaissance »
10
. Il fallait chercher les « synthèses empiriques » « là
où précisément cette souveraineté [scil. : la souveraineté du “Je pense”] trouve sa
limite ; c’est-à-dire dans la finitude de l’homme, finitude qui est aussi bien celle de la
conscience que celle de l’individu vivant, parlant, travaillant »
11
.
La figure de l’homme, qui ne peut échapper aux synthèses des savoirs, occupe
ainsi l’épaisseur d’une position ambivalente, objet de connaissance et sujet qui
connaît. L’effet en est l’apparition d’un « souverain soumis » et d’un « spectateur
regardé ». L’homme est le pouvoir de représenter, mais en même temps il « surgit en
un creux ménagé par les vivants, les objets d’échange et les mots », il s’insinue en
une « irréductible antériorité »
12
. Les « formes concrètes de l’existence finie »,
reprenant les contenus déterminés des savoirs empiriques, disent par conséquent
l’apparition de l’homme « à titre de figure de la finitude », « figure paradoxale »
puisque « les contenus empiriques de la connaissance délivrent, mais à partir de soi,
5 Sur la centralité du kantisme chez Foucault, lié à sa critique de l’« anthropologisme » et son
élaboration de la nouvelle éthique, je me permets de renvoyer à M. Fimiani, Foucault et Kant. Critique
Clinique Éthique, trad. franç. de N. Le Lirzin, Paris, L’Harmattan, 1998.
6 « Une histoire restée muette », La Quinzaine littéraire, n° 8, juillet 1966; maintenant in Dits et
Écrits. 1954-1988, édition établie sous la direction de D. Defert et Fr. Ewald, Paris, Éditions
Gallimard, 1994, I, p. 546-547 (qui sera désigné ici sous le sigle DE).
7 MC, p. 353.
8 MC, p. 322.
9 MC, p. 315.
10 MC, p. 329.
11 MC, p. 352.
12 MC, p. 323-324.