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INTRODUCTION
Depuis ses premières manifestations dans les années 1950, le théâtre pour enfants au
Québec a bien changé tant dans les formes proposées que dans l’audace de ses contenus. Si
l’évolution de ce jeune théâtre est constamment marquée par la recherche d’un « quoi dire »,
qui se manifeste par une remise en cause continuelle du contenu et de la forme de ses
productions, ce sont les années 1990 qui repoussent le plus les limites des sujets abordés,
s’engageant sur les territoires dangereux que sont l’inceste, la violence et même la mort. Ces
nouvelles propositions sont d’abord le fait d’une dramaturgie forte, s’éloignant peu à peu du
simple divertissement ou, à l’opposé, du didactisme absolu. En effet, les pièces destinées aux
enfants vers la fin des années 1980 ne tentent plus de camoufler la réalité d’un monde abîmé.
Davantage dans la décennie 1990, s’étant éloignés des exigences scolaires, les auteurs
abordent des sujets qui touchent petits et grands, à commencer par eux-mêmes, et ne tiennent
pas les enfants à l’écart des préoccupations existentielles. C’est ainsi que les années 1990
vont voir naître des textes complexes, portant sur des problématiques qui le sont tout autant.
Certains adultes sont stupéfaits en constatant que les artistes osent présenter « ça » aux
enfants. « "Ça" voulait dire une situation émotivement chargée et exceptionnelle
», explique
Suzanne Lebeau, en pensant au traitement de l’inceste dans sa pièce inédite Petite fille dans
le noir (1991). Vient alors la lourde question : peut-on parler de tout aux enfants par le biais
du théâtre ? Peut-on aborder des sujets dits « difficiles » devant un jeune public ? En réponse
à ces questions, de vives polémiques se soulèvent. Pour notre part, nous ne chercherons pas à
prendre position dans ces débats, pour plutôt nous concentrer sur l’étude de ce répertoire.
Joël Jouanneau, Itinéraire d’auteur no 6, Suzanne Lebeau, Villeneuve-lez-Avignon, Édition Centre National
des Écritures du Spectacle–La Chartreuse et Lanctôt, coll. « Itinéraire d’auteur », 2002, p. 38.