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Intégration Commerciale en Afrique de l’Ouest : Rôle de la Monnaie dans les Echanges
Commerciaux du Burkina Faso
Proposition de communication pour la Conférence économique africaine
Johannesbourg, Afrique du Sud
28-30 octobre 2013
INTRODUCTION
« Je veux que toute l’Europe partage une seule monnaie ; cela rendra les échanges beaucoup
plus faciles »
Napoléon Bonaparte, 1769 -1821
A l’ère de la mondialisation, de grands blocs régionaux se créent. Les Etats ratifient des
conventions internationales, signent des accords commerciaux ou encore adoptent une
monnaie commune en vue d’une intégration de plus en plus croissante des économies
nationales.
L’Afrique de l’Ouest n’est pas en marge de ce phénomène d’intégration monétaire. Ainsi, la
Gambie, le Ghana, la Guinée Conakry, le Nigéria, et la Sierra Leone forment depuis 2000 la
Zone Monétaire d’Afrique de l’Ouest (ZMAO). L’union monétaire entre ces pays,
initialement fixée à 2003 (date prévue pour la mise en circulation de l’Eco
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), a été reportée
trois fois pour juillet 2005, décembre 2009 puis enfin pour janvier 2015 lors du sommet des
chefs d’Etat tenu à Abuja en juin 2009. A cet effet, l’Institut Monétaire d’Afrique de l’Ouest
(IMAO) a été créé en 2001 pour suivre les ajustements dans ces pays afin de faciliter leur
convergence vers une monnaie commune, avant une fusion avec l’Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) devant déboucher sur la Zone Monétaire Unique
d’Afrique de l’Ouest (ZMU)
2
. Il est donc nécessaire de mener des études de faisabilité pour
identifier les effets d’une monnaie commune sur l’économie des différents pays partenaires.
Pour cela nous nous attelons dans cette étude à analyser ces effets sur les échanges
commerciaux.
L’évaluation de la possibilité de constitution d’une zone monétaire unique en Afrique de
l’Ouest a été le plus souvent effectuée sur la base des critères de convergence
macroéconomique (Balogun, 2008b). Cette approche met l’accent sur la réalisation des
critères de convergence ex ante tels que la mobilité des facteurs de production (Mundell,
1961), la symétrie des chocs, la similitude des taux d’inflation ou encore la diversification des
économies (Kennen, 1967), comme conditions nécessaires à la formation d’une Zone
Monétaire Optimale (ZMO) ex post. Ainsi plusieurs auteurs ont utilisé des modèles Vecteur
1
Nom de la monnaie prévue pour l’espace ZMAO
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Les critères de convergence requis pour la ZMAO étaient les suivants: (i) limiter le déficit budgétaire à 5% du
PIB en 2000 (4% depuis 2002); (ii) un taux d’inflation annuelle à un chiffre en 2000 et limité à 5% en 2003; (iii)
le plafonnement du financement du déficit par la banque centrale de chaque Etat membre est de 10% des
prévisions des recettes budgétaires de l’année précédente en 2000; (iv) le minimum des serves de changes doit
couvrir au moins trois mois d’importations en 2000 et six mois en 2003.
Auto Régressif (VAR) pour analyser l’asymétrie des chocs entre les pays de l’Afrique de
l’Ouest comme cela avait été appliqué aux pays industrialisés (Bayoumi et Eichengreen
(1992), Bayoumi et Ostry (1997)).
Ces études aboutissent à la conclusion selon laquelle la ZMU n’est pas optimale en raison de
l’asymétrie des chocs qui caractérise les pays ouest africains spécialisés chacun dans
l’exportation de quelques produits primaires.
Toutefois, à ces résultats jugés « statiques » par Tapsoba (2009), s’opposent ceux des études
s’appuyant sur le caractère endogène des critères d’optimalité des zones monétaires. La
présente étude, en analysant l’effet de la monnaie commune sur les échanges, s’inscrit dans
cette vision.
Une analyse des déterminants des échanges entre le Burkina Faso et les pays de la CEDEAO
est effectuée, puis le potentiel des échanges commerciaux entre ces pays est calculé. Ces
résultats permettent de répondre aux questions suivantes : (i) quels sont les déterminants des
échanges commerciaux du Burkina Faso? La monnaie joue-t-elle un rôle important dans ces
échanges ? (ii) existent-il des potentialités commerciales entre le Burkina Faso et les autres
pays de l’Afrique de l’Ouest ?
Ce travail permet d’apporter un éclairage nouveau par rapport à la littérature existante sur la
question de l’optimalité de la ZMU, qui s’appuie le plus souvent sur l’asymétrie des chocs et
les divergences de politiques macroéconomiques au sein de la zone pour conclure à sa non
optimalité. Une des particularités de l’étude est qu’elle s’intéresse aux échanges entre un pays
(le Burkina Faso) et les autres (UEMOA et ZMAO). Cette spécificité s’explique par la
nécessité pour chaque pays de mener une étude d’impact indépendante sur l’entrée en vigueur
de la monnaie commune.
Suite à une revue de littérature succincte (I), le modèle de gravité qui a été utilidans l’étude
est présenté (II). Les résultats des estimations font l’objet d’un commentaire (III) qui conduit
à la formulation de recommandations de politiques économiques et ouvre la voie à des
possibilités d’approfondissement de la réflexion.
I. Revue de la littérature
1.1.Union monétaire et intensité des échanges
L’union monétaire pourrait influencer les échanges dans la mesure où elle implique une
réduction de l’incertitude sur le taux de change, les coûts de transaction et simplifie le calcul
des coûts et les décisions de fixation des prix (Lochard, 2005). Le principal problème, comme
le soulignent Krugman et Obstfeld (2009), est que contrairement au commerce international
dont les effets théoriques sont bien identifiés et peu contestés, l’intégration monétaire, au
contraire, fait référence à des questions sophistiquées et ambiguës. La présence simultanée
d’effets positifs et négatifs rend la tâche compliquée pour qui veut comprendre, d’un point de
vue théorique, les effets de l’union monétaire sur le commerce. Mais cette question peut
néanmoins être envisagée d’un point de vue empirique.
Plusieurs études ont été effectuées en vue d’analyser l’effet des unions monétaires sur les
échanges, la synchronisation des cycles macroéconomiques et la convergence
macroéconomique des Etats considérés. Ces dernières s’inscrivent dans une vision endogène
des critères d’optimalité des zones monétaires identifiés par Frankel et Rose (2000).
La plupart des études visant à estimer la dynamique des échanges au sein d’une zone
monétaire aboutissent à la conclusion selon laquelle la formation d’une union monétaire
accroit le niveau des échanges entre pays considérés (Rose (2000), Rose et Van wincoop
(2001), Fontagné et al (2001), Rose (2002), Gbetnkom et Avom (2005), Nitsch (2008)).
L’étude pionnière a été effectuée par Rose (2000), qui sur un échantillon de 186 pays et des
données couvrant la période 1970 1990, a montré que deux pays appartenant à une union
monétaire commercialisent 3,3 fois plus entre eux que s’ils avaient des monnaies différentes.
Presque toutes les recherches ultérieures sur l’impact des unions monétaires sur les échanges
commerciaux bilatéraux cherchaient à vérifier ce résultat jugé très optimiste (Rose, 2002). Ce
« procès » du modèle de Rose s’appuyait sur des critiques liées d’une part à l’échantillon
utilisé, et de l’autre à la technique d’estimation. Plus formellement, trois types de biais ont été
reprochés à ce modèle :
un biais d’agrégation, dû à la prise en compte d’unions monétaires trop hétérogènes,
un biais d’auto-sélection, créé par une corrélation entre la variable d’union monétaire
et les autres variables explicatives du modèle,
et un biais de variables omises (Lochard, 2005). Par exemple, on peut avoir des
variables inobservables (ou incontrôlables) qui expliquent le niveau des échanges
entre deux pays que ceux-ci soient ou non en union monétaire. De ce fait, tout modèle
qui ne tiendrait pas compte de ces variables dans les estimations aboutirait à des
résultats biaisés (Pakko et Wall 2001).
Les différentes études qui ont été menées à la suite de celle de Rose (2000) ont toutefois
confirmé l’existence d’une relation positive entre l’union monétaire et les échanges
commerciaux. Ainsi, en utilisant une technique d’estimation Least Square with Dummy
Variable (LSDV) pour capter l’effet des facteurs invariant dans le temps, Pakko et Wall
(2001) estiment que les pays en union monétaire échangent 3,2 fois plus que les pays en
autonomie monétaire. En utilisant le modèle de Anderson et Van Wincoop (2001), qui permet
de tenir compte du critère de sistance multilatéral
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, Rose et Van Wincoop (2001) estiment
que le partage d’une même monnaie entrainent un accroissement des échanges de près de
400% si on ne prend pas en compte les effets spécifiques aux différents pays. La prise en
compte de ces effets diminue l’impact de l’union monétaire qui passe à 230%. Ainsi donc
l’union monétaire réduit les obstacles aux échanges liés aux monnaies nationales, augmentant
de ce fait le niveau des échanges et du bien-être. Rose et Engel (2002) trouvent que les pays
en union monétaire sont beaucoup plus intégrés et échangent environ 6,5 fois plus entre eux
qu’avec les autres pays.
La différence fondamentale qui existe entre ces modèles, se situe au niveau des techniques
d’estimation. En effet chaque auteur a pris en compte certains facteurs qui pourraient
influencer le niveau des échanges. Toutefois elles aboutissent à la conclusion selon laquelle
l’intégration monétaire a un important effet positif sur le volume des échanges commerciaux
entre deux pays. Des études similaires, plus récentes, ont été menées pour les pays de
l’Afrique de l’Ouest et débouchent sur des conclusions très intéressantes.
1.2. Union monétaire et intensité commerciale en Afrique de l’Ouest
La plupart des études qui ont été menées sur l’impact d’une monnaie commune sur les
échanges commerciaux en Afrique de l’Ouest aboutissent à un effet positif de l’intégration
monétaire sur les échanges. Cependant ces études ne permettent pas de tirer une conclusion
pour chaque pays, les estimations étant effectuées sur l’ensemble de la sous-région.
Nnanna (2007) rappelle qu’aucune zone monétaire n’est optimale ex ante. Pour cet auteur,
même la zone euro qui est une référence en matière d’intégration monétaire ne remplit pas
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Le concept de résistance multilatérale permet de tenir compte de la protection relative d’un pays. C'est-à-dire
que le commerce entre deux pays dépend aussi des obstacles rencontrés dans les autres pays.
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