Fonctionnalités des rivières - Agence de l`Eau Seine Normandie

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C H A P I T R E
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Fonctionnalités
des rivières
I Morphodynamique
1 - Les mécanismes naturels d’équilibre
Le contexte climatique et géomorphologique détermine la pente des rivières,
leurs profils longitudinal et transversal et la granulométrie des fonds.
Les processus d’érosion, de transport et de sédimentation résultent de la
dissipation de l’énergie cinétique du fluide en mouvement de l’amont vers
l’aval, sous l’influence de facteurs hydrauliques (vitesse du courant, hauteur
d’eau, débit et régime des crues) et géologiques (pente, dureté de la roche
mère, cohésion des matériaux du lit et des berges). Le transport liquide est
indissociable d’un transport solide. La rivière reçoit des particules emportées
par les eaux de ruissellement sur le bassin, en arrache à ses berges et à son lit,
en dépose et en reprend en fonction des gradients de vitesse. Lit et berges sont
donc en perpétuel réajustement.
Énergie et transport solide
La relation entre la pente et la vitesse est donnée par l’équation de Manning :
V=kR0.66p0.5n-1 (avec R : rayon hydraulique, p : pente, n : indice de rugosité,
k : coefficient dépendant des unités). Le rayon hydraulique R est le quotient de la
section mouillée par son périmètre.
Si S est la surface mouillée et Q le débit, la relation Q=VS permet d’établir facilement
que W = k’SV3. L’énergie de l’eau en mouvement est donc proportionnelle au cube
de sa vitesse.
L’énergie cinétique est absorbée par la turbulence, les frottements, l’arrachement
et le transport des matériaux. On définit la puissance nette comme :
Pn = W-(Wfrottement + Wturbulence + Wtransport). Si Pn > 0, la rivière utilise cette puissance
pour arracher des matériaux à son lit. Si cette puissance devient négative, la rivière
dépose les matériaux qu’elle transporte. Par le jeu de l’érosion et de l’accrétion,
la rivière recherche un profil d’équilibre qui minimise l’énergie dépensée.
Ph. 14 - Cette clôture atteste du lent déplacement du méandre,
facilité ici par l’absence de ripisylve.
Le transport des matériaux se fait par charriage (les matériaux sont roulés
sur le fond), saltation (les grains sont décollés et retombent un peu plus
loin) ou mise en suspension, selon les vitesses du courant et l’adhérence
des matériaux. La force nécessaire à la mise en mouvement n’est pas
exactement proportionnelle à la granulométrie, les éléments très fins
(< 0.2 mm) sont, toutes choses égales par ailleurs, plus difficiles à arracher,
mais restent en suspension beaucoup plus longtemps.
Une accentuation locale de la pente, suite à un recalibrage, par exemple,
se traduit - à débit constant - par une érosion plus active : l’équilibre est
rétabli par l’augmentation de la charge solide et de la taille des sédiments
transportés. A l’inverse, une diminution de la pente, comme par exemple
la présence d’un seuil, déplace le système vers une accrétion : l’équilibre
est rétabli par un dépôt de matériaux et une diminution de la taille des
matériaux transportés.
En cas d’augmentation du débit liquide, lors d’une crue ou d’une ouverture
de vanne, l’équilibre est assuré par un entraînement plus important
d’éléments grossiers, alors qu’à l’étiage, le flot entraîne moins de sédiments,
voire en dépose pour ne conserver en suspension que les plus fins.
d’après Lane, 1955
Les mécanismes d’érosion et de dépôt peuvent être figurés par cette double balance dont un bras représente la charge (caractérisée par le débit
solide, la masse et la taille des sédiments transportés) et l’autre bras le flot
(caractérisé par le débit liquide et la pente).
Toute variation d’un paramètre se traduit donc par le déplacement de
l’équilibre dans le sens d’une érosion ou d’une accrétion. En régime moyen,
le lit est en apparence fixe. Les dépôts compensent les arrachements, il
s’agit, en fait, d’un équilibre dynamique.
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3 - Fonctionnalités des rivières
En régime hydraulique normal, les eaux sont, la plupart du
temps, peu chargées en matière solide, ont un faible pouvoir
d’arrachement et restent limpides. Le transport solide est
réduit (mais jamais nul) et sans effet visible en dehors de
quelques berges concaves de faible cohésion soumises à
l’érosion, ou de sections à écoulement lentique où se poursuit
la sédimentation.
Le modelé s’effectue essentiellement lors des écoulements de
plein bord, qui conjuguent fortes vitesses et charges transportées élevées. Les dépôts les plus fins ou les plus meubles non
CO2+H2O
H2CO3
H2CO3
H+ + HCO3HCO3H+ + CO3-H2CO3 + CO3Ca
Ca(HCO3)2
encore fixés par la végétation sont alors remis en suspension
et évacués. La rivière procède à un véritable nettoyage de son
lit mineur. Ce rajeunissement permanent par les crues est
une caractéristique écologique majeure des cours d’eau,
propice à une biodiversité élevée. Les endroits fraîchement
érodés ou remaniés sont colonisés par des espèces végétales
ou animales pionnières, qui évoluent ensuite diversement. Ces
milieux ouverts sont également plus facilement occupés par les
plantes invasives.
Transport en solution
L’érosion s’accompagne de la mise en solution de divers éléments du substrat, notamment des matériaux carbonatés ou sulfatés
calciques. Le dioxyde de carbone de l’air en équilibre dans l’eau forme de l’acide carbonique, qui dissout le calcaire en transformant
la calcite, très faiblement soluble, en bicarbonate de calcium beaucoup plus soluble. Les réactions chimiques réversibles tendent à
s’opposer aux variations du milieu. Les bicarbonates constituent donc un système tampon qui stabilise le pH.
Ph. 16
La très faible mobilité du lit sur la plus grande partie du linéaire et un risque de crue réduit
ont permis l’occupation des lits majeurs par les activités humaines.
Ph. 15
Ph. 17
Sur le secteur Seine-Aval, les crues débordantes sont rares
et avec des débits de pointe trop faibles pour provoquer des
remaniements significatifs des lits. Les rivières ont un espace de
divagation réduit dans leur lit majeur et un tracé très faiblement
évolutif à l’échelle humaine. Ce sont des rivières linéaires ou
à méandres. Leur lit mineur est bien défini et suffisamment
fixé par sa ripisylve naturelle pour que les propriétaires
riverains le considèrent comme immuable, contrairement aux
lits des rivières à régime nival ou torrentiel, qui présentent des
méandres très mobiles (berge concave verticale et soumise à
une érosion active tandis que la berge convexe est en pente
douce, formée de matériaux déposés récemment), des tresses,
ou sont erratiques dans un vaste lit majeur fréquemment
réinvesti et remanié. Les lents déplacements des méandres
vers l’aval ne sont perceptibles qu’à l’échelle du siècle.
2 - Profils longitudinal et transversal - faciès d’écoulement
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Les cours d’eau de Seine-Aval prennent leur source à des
altitudes modestes (130 m dans le Pays de Caux, 240 m dans
le Pays de Bray, 260 m dans le Perche, 160 m dans la forêt des
Yvelines) et ont un profil faiblement concave.
Les rivières plus longues présentent des secteurs plus lents
sur leur aval, comme le cours de l’Eure en aval de Chartres
ou la partie basse de l’Epte, ce qui conduit à des peuplements
piscicoles mixtes ou cyprinicoles (cf. ch. 7).
Les fleuves côtiers de Seine-Maritime ont des longueurs assez
courtes (70 km ou moins) pour conserver un profil à peu près
constant sur tout leur cours, la pente variant entre 4 o/oo et
2 o/oo. Ce sont des rivières à peuplements piscicoles rhéophiles.
La régularité du profil peut être interrompue par des petits
seuils, ruptures de pente causées par des variations locales de la
dureté des terrains traversés, qui contribuent à la structuration
et à la diversification des habitats aquatiques.
3 - Fonctionnalités des rivières
Cette situation « naturelle » ne tient pas compte des multiples
barrages, qui réduisent considérablement la pente réelle du fil
d’eau (cf. chap. 8).
On évalue la sinuosité d’un
tronçon en rapportant la
longueur développée du tracé
à la distance en ligne droite
entre le point amont et le
point aval. Un cours d’eau est
sinueux lorsque la sinuosité
est comprise entre 1.25 et
1.5, méandriforme au-delà. La
sinuosité est une des grandeurs
caractéristiques d’un tronçon
de cours d’eau.
Ph. 18 - La
Béthune en aval de Mesnière-en-Bray.
Les méandres sont en évolution
Il est souvent tentant
de consolider la berge
extérieure d’un méandre
pour éviter l’élargissement de la courbure et
gagner de la surface cultivable ou constructible. Le
flot est alors contraint de
réguler sa charge solide
en rognant la sinuosité et
en surcreusant le chenal,
ce qui accroît les risques
de déstabilisation des
berges.
continue et se déplacent vers l’aval à
l’échelle du siècle. Leur courbe intérieure est graduellement comblée
par les dépôts de sédiments, tandis
que la courbe extérieure s’élargit par
creusement du chenal et érosion de
la rive.
L’amplification de la courbure est
un élément normal de l’évolution du
dessin du méandre et aboutira, in fine,
à la coupure du virage et à son isolation
du cours d’eau, créant un bras mort
qui reste connecté au chenal principal
lors des crues.
L’espace de mobilité (ou fuseau de mobilité) d’un cours d’eau
correspond à la partie du lit majeur dans laquelle le méandrage et le déplacement du lit sont actifs. Ce concept a été
introduit récemment dans la réglementation par l’arrêté du 13
février 2002 fixant les prescriptions générales applicables aux
consolidations, traitements ou protections de berges soumis
à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du
code de l’environnement. Les études d’incidence des aménagements effectués dans le lit majeur doivent définir cet espace
en tenant compte de l’évolution historique du cours d’eau, de
la présence des ouvrages et aménagements significatifs faisant
obstacle à la mobilité du lit mineur à l’exception des ouvrages
et aménagements à caractère provisoire, et en s’appuyant sur
les dispositions des SDAGE et SAGE, les études disponibles et
Ph. 19
Coupure de méandre dans la basse vallée de la Saâne, et formation d’un bras mort.
des expertises. Cette délimitation de l’espace de mobilité doit
être conduite sur un secteur représentatif du fonctionnement
géomorphologique du cours d’eau en amont et en aval du site,
ayant une longueur minimale de 5 km, selon une méthodologie
qui reste à préciser.
L’article L.211-12 C. env. (loi du 30 juillet 2003) stipule
que « dans les zones de mobilité d’un cours d’eau […] ne
peuvent être réalisés les travaux de protection des berges,
remblais, endiguements et affouillements, les constructions
ou installations et, d’une manière générale, tous les travaux
ou ouvrages susceptibles de faire obstacle au déplacement
naturel du cours d’eau ».
Ph. 21 - Près des sources du Val Jouen, les fortes pentes de la Béthune (de
l’ordre de 15 o/oo) sont à l’origine d’un lit au tracé rectiligne, au profil encaissé
et à la charge solide élevée (substrat grossier constitué de blocs et où la roche
mère affleure par endroit). Ce profil, plutôt propre aux régions montagneuses,
est peu fréquent sur le secteur Seine-Aval.
Ph. 20 - Cette section de la Béthune doit à sa pente et à la nature du
sous-sol argileux d’avoir une relative mobilité..
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3 - Fonctionnalités des rivières
II Fonctionnalités écologiques
1 - Cycle de la matière organique - Flux amont-aval
Dans tout écosystème, la matière qui circule le long des chaînes trophiques effectue un cycle et passe alternativement d’un
état minéral à un état organique sous l’action d’organismes
producteurs, consommateurs et décomposeurs, et des processus de biosynthèse et de biodégradation. L’énergie lumineuse,
transformée en énergie chimique dans la photosynthèse, est le
moteur de ce cycle.
L’écosystème rivière se distingue des écosystèmes terrestres
ou lacustres par l’existence d’un flux longitudinal. Ce flux porte
sur la matière minérale et les sels minéraux mais aussi sur la
matière organique et les organismes vivants. Sous la dépendance
du courant, il conditionne le fonctionnement de la rivière de sa
source à son embouchure.
Le cycle de la matière organique présente une
composante verticale plus ou moins prépondérante
selon les courants. En faciès lentique, la
photosynthèse se fait essentiellement en surface
par le phytoplancton ; la matière organique est
consommée par le zooplancton et les organismes du
necton (poissons…), les débris organiques tombent
sur le fond, sont consommés par le zoobenthos
détritivore, puis sont minéralisés lentement, sur
place. Si la lame d’eau est importante, les échanges
gazeux avec l’atmosphère sont très faibles dans les
basses couches. Dans les eaux courantes, ce cycle
fonctionne selon un gradient horizontal et non plus vertical.
Les phénomènes de turbulence équilibrent les échanges
gazeux dans toute l’épaisseur. Les organismes planctoniques
dérivent et sont moins abondants, la photosynthèse joue un
moindre rôle, une part importante de la matière organique
disponible localement provient du transport amont-aval et n’est
que partiellement utilisée, à son passage, par les organismes.
Les échanges verticaux ne reprennent de l’importance que sur
les parties les plus en aval des rivières, caractérisées par la
dominance des faciès lentiques et une plus grande profondeur.
2 - Communautés vivantes et réseaux trophiques
Lorsqu’une feuille tombe dans l’eau
elle subit une série de dégradations mécaniques et biochimiques :
lessivage et lixiviation des composés hydrosolubles, colonisation par
des microorganismes et désagrégation en débris fins intégrés au
sédiment puis transformation en
diverses molécules. Les composés
très fermentescibles se décomposent rapidement en produits solubilisés et minéralisés, les composés
cellulosiques et surtout la lignine
et les tanins sont plus stables. Les
particules qui échappent à ces
processus sont intégrées dans des
composés phénoliques précurseurs
de complexes humiques (acides
fulviques, acides humiques, humines). Ces composés complexes,
plus résistants à l’activité microbienne, subissent à leur tour une
minéralisation lente au sein des
sédiments (cf. chap. 4).
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Les matériaux organiques
allochtones
Les feuilles mortes et la litière des
rives sont entraînées par le courant,
déposées dans les zones de calme,
remises en suspension lors des
crues. Au cours de ces phases de redistribution spatiale, les matériaux
organiques sont dilacérés, dégradés
et enfin minéralisés. La durée de
dégradation des débris organiques
est très variable selon leur nature,
la température et l’oxygénation de
l’eau, l’action abrasive du courant,
l’action des invertébrés et des
microorganismes. La dégradation
d’une feuille d’aulne s’étale sur 2 à
10 mois, celle d’une feuille de saule
sur 6 à 20 mois.
Le plancton
Le développement d’un véritable plancton, ensemble d’organismes de petite taille et faiblement mobiles, vivant normalement
en suspension dans l’eau (diatomées, chlorophycées et autres
algues, protozoaires, rotifères, crustacés), n’a lieu que dans le
cours inférieur et les biefs les plus lents. Dans les eaux courantes, la possibilité d’ensemencement du milieu en organismes
planctoniques à partir de zones d’eaux calmes et le temps de
séjour de l’eau dans la rivière, sont des facteurs limitants. Dans
les rivières de plaine, le phytoplancton se développe entre mai
et octobre, avec une biomasse variable, très liée à la concentration en nutriments dans la zone euphotique. Certaines algues
colonisatrices (cyanophycées notamment) peuvent proliférer
(blooms algaux) ou disparaître rapidement en fonction de ces
conditions. Leur dégradation libère des nutriments qui permettent à d’autres espèces de se développer. Lorsque la photosynthèse est importante, un cycle quotidien de l’oxygène apparaît
avec une sursaturation en milieu de journée (cf. eutrophisation
p. 37).
3 - Fonctionnalités des rivières
Les macrophytes
Le courant, l’éclairement, la nature du substrat, la profondeur
et les sels dissous sont les facteurs déterminants des
peuplements. Les bryophytes sont confinées aux substrats durs
et abondent dans les zones de sources, tandis que l’implantation
des phanérogames dépend des possibilités de pénétration du
sol par les racines. Comme en milieu terrestre, la colonisation
par la végétation se fait selon une dynamique temporelle, des
espèces pionnières modifiant suffisamment les conditions
locales pour que d’autres espèces s’implantent. Les principaux
groupements sont analysés dans le chapitre 4 consacré au lit.
Les herbiers constituent l’habitat du périphyton (algues et
bactéries fixées sur les végétaux, invertébrés et poissons),
les espèces se répartissant de la base au sommet des touffes
selon leur rhéophilie. Les cyprinidés sont plus directement
inféodés aux herbiers que les salmonidés, qui les utilisent
cependant comme abri, la stratégie de toutes les espèces étant
de réduire l’énergie nécessaire pour éviter leur entraînement
vers l’aval. Les herbiers sont également utilisés par les poissons
comme lieu de nourrissement, de ponte et de refuge contre les
prédateurs.
Les invertébrés
La faune invertébrée est diversifiée, remarquablement similaire
d’une zone géographique à l’autre, essentielle à la vie piscicole
et très sensible aux pollutions organiques, thermiques ou
chimiques (cf. IBGN p. 29). La faune la plus riche est celle des
fonds pierreux qui offrent, à l’échelle des invertébrés, des
conditions hydrauliques et granulométriques d’habitats variées.
Les herbiers abritent une biomasse importante d’invertébrés
brouteurs.
Les invertébrés se répartissent en détritivores, phytophages
et prédateurs. De très nombreuses espèces sont omnivores à
tendance détritivore ou carnivore, leur régime variant avec leur
stade de développement. Les dilacérateurs se trouvent plutôt
sur les parties amont, les microphages sur les parties basses. Les
organismes rhéophiles du benthos présentent des adaptations
morphologiques leur permettant de résister au courant :
aplatissement dorso-ventral des larves d’éphéméroptères,
ventouses, griffes puissantes, fourreau des trichoptères alourdi
de graviers. Les autres se cantonnent dans les parties les moins
exposées, la couche limite, les interstices. Dans tous les cas,
une partie de la faune benthique dérive vers l’aval, fortuitement
ou régulièrement, cette dérive étant plus ou moins importante
selon les espèces, leur stade de développement et les aléas
hydrauliques (crues). Elle peut atteindre un taux journalier
de 1 %. Les espèces ont adopté diverses stratégies pour la
compenser : taux de reproduction élevé ou multiplication
asexuée rapide, remontée des femelles adultes à vol aérien
vers l’amont. Dans les zones de faible vitesse et les parties aval
(potamon), la dérive est réduite, les organismes qui peuplent
ces milieux sont rarement pourvus d’un stade aérien de
recolonisation.
Adaptation au courant de quelques invertébrés benthiques
Vitesse limite m/s
Liponeura cinarescens (diptère)
Simulium sp. (diptère)
2.8
Rhyacophila sp. (trichoptère)
1.22
3
Ancylus fluviatilis (mollusque)
1.18
Rhitrogena semicolorata (éphéméroptère)
0.96
Dugesia gonocephala (turbellarié)
0.93
Baetis sp. (éphéméroptère)
0.84
Isoperla oxylepis (plécoptère)
0.6
Ecdyonurus venosus (éphéméroptère)
0.57
Radix ovata (mollusque)
0.48
Les organismes hyporhéiques vivent dans les interstices des alluvions. La
composition de cette faune dépend de la granulométrie du substrat. Elle comprend
des organismes caractéristiques (nématodes, oligochètes, crustacés…) au cycle
entièrement aquatique, auxquels s’ajoutent quelques larves d’insectes ayant une
phase aérienne et une faune microbienne. Contrairement aux organismes du sol
en milieu terrestre, qui jouent un rôle majeur dans le recyclage de la litière, les
organismes hypogés du benthos profond ont un rôle plus modeste puisque le
transfert de matière organique a une forte composante longitudinale.
Les poissons
Au sommet des réseaux trophiques se trouvent les poissons.
Un petit nombre sont herbivores, la plupart sont omnivores à
tendance carnivore (carpe, tanche, gardon, ablette, barbeau,
truite…). Leur biomasse est très variable et dépend tout
autant des conditions morphodynamiques que de la quantité
de nourriture disponible. Voir le chapitre 4 consacré au lit et le
chapitre 7 sur la gestion piscicole.
NB : La qualité réelle des peuplements d’invertébrés et de
poissons est évidemment très influencée par les pollutions
diverses (cf. ch 2).
Ph. 22 - Quelques invertébrés locaux.
De gauche à droite : mollusque gastéropode hydrobiidé, achète glossiphonidé, plécoptère ténioptérigydé, éphéméroptère éphéméridé, trichoptère hydropsychidé.
3 - Zonation écologique amont aval
L’écosystème rivière présente une succession non pas dans
le temps (comme un écosystème terrestre qui évolue vers un
climax) mais dans l’espace. La stratégie des organismes est
moins d’utiliser au mieux le flux d’énergie disponible véhiculé
par le courant que de s’adapter aux facteurs morphodynamiques,
physiques et de recolonisation qui sont largement dominants.
Les flux de matériaux, les variables morphodynamiques, le
courant, la température et l’éclairement déterminent les
ajustements et la succession des communautés aquatiques.
A l’échelle locale, la rivière apparaît comme une mosaïque
d’habitats bien individualisés que l’on peut caractériser :
par le courant et la profondeur : radiers, plats courants,
mouilles, chenaux (cf. ch. 4) ;
par la nature du substrat et sa granulométrie : blocs, graviers,
sables, limons ;
par la présence ou l’absence de macrophytes fixées et par
leur nature : bryophytes, herbiers de phanérogames.
35
3 - Fonctionnalités des rivières
A l’échelle globale, la rivière apparaît comme un continuum
défini par des transferts longitudinaux permanents et une
zonation amont aval.
La zone des sources (crénon) se distingue par une faible
amplitude thermique annuelle et une biocénose relativement
peu diversifiée où les larves d’insectes à imagos aériens sont
bien représentées.
La zone moyenne (rhithron) se caractérise par des pentes
relativement fortes (> 1.5 o/oo), un courant rapide, une moyenne
thermique annuelle inférieure à 20°C. C’est la zone préférentielle de la truite. Les organismes rhéophiles et sténothermes
dominent. L’érosion et la dérive des organismes y sont actives,
favorisant les insectes à stade adulte aérien (éphéméroptères,
plécoptères, coléoptères, trichoptères, diptères). Les invertébrés dépourvus de stade aérien (turbellariés, oligochètes,
hirudinés, mollusques, crustacés…) se cantonnent dans les
habitats abrités du courant.
La zone inférieure (potamon) se trouve dans la plaine alluviale
avec une pente faible (< 1.5 o/oo). La température estivale peut
dépasser 20°C. Les dépôts de limons l’emportent largement
sur l’érosion. Le courant organise encore les habitats et la
granulométrie du fond mais n’est plus un facteur limitant. Un
plancton véritable fait son apparition. La photosynthèse est très
active avec une forte production diurne d’oxygène, consommé
en permanence par les processus de respiration et d’oxydation
des matériaux organiques. L’absence de turbulence et la plus
grande profondeur limitent les échanges gazeux à l’interface
eau-air. Il en résulte, notamment à l’étiage, un cycle diurne de
l’oxygène avec sursaturation le jour et sous-saturation en fin de
nuit. Les taxons sans phase de dispersion aérienne dominent.
Les plécoptères sont rares.
Sur les rivières de Seine-Aval, on notera que cette zonation
théorique est peu marquée : lorsque l’alimentation se fait par
de grosses émergences de nappe avec un chevelu inexistant, la
zone des sources ne se différencie pas du rhithron. Les fleuves
côtiers de Seine-Maritime ne présentent pas, sauf dans leur
partie estuarienne, un potamon bien individualisé, à la différence
de l’Epte ou de l’Eure. L’anthropisation historique des rivières
concourt également à l’uniformisation du profil longitudinal.
Les têtes de bassin
Les ruisseaux du petit chevelu des têtes de bassin, abondants dans le Pays de Bray et le Perche, représentent les premiers maillons
du système rivière. La faible largeur du lit renforce le rôle des échanges avec les berges, dont la qualité environnementale est donc
essentielle, d’autant que ces ruisseaux sont souvent des lieux de nourrissement pour les alevins.
Des écoulements variables selon les saisons caractérisent les sources des têtes de bassin, notamment sur les terrains imperméables du Pays de Bray où les débits dépendent directement de la pluviométrie. Dans les eaux faiblement minéralisées, se trouvent
de nombreuses mousses et hépatiques, très sensibles aux modifications de la composition chimique de l’eau et à l’assèchement
du milieu. Ces ruisseaux sont également le refuge de l’écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes), crustacé d’intérêt
communautaire (annexe II de la Directive Européenne Habitats), dont quelques populations sont localisées sur les têtes de bassin
de l’Eure, de la Tourville, de la Corbie et du Crevon. Jadis commune en Eure-et-Loir, cette espèce n’y est plus repérée que dans
une station. Cette disparition est due notamment au recalibrage des petits ruisseaux pour servir de collecteur aux émissaires des
réseaux de drains.
Ph. 23 - 24 - Les ruisseaux du chevelu et les petits affluents ont été fréquemment assimilés à des fossés, curés et recalibrés pour assurer la
collecte des émissaires des drains et faciliter le développement de l’agriculture intensive. Il en résulte une forte perte de fonctionnalité et des
effets négatifs induits sur l’aval par les transferts de polluants et de limons. Le maintien d’une bande enherbée et d’une ripisylve entretenue
permettrait de restaurer la qualité de ces milieux sans nuire aux objectifs hydrauliques et économiques.
Les fortes pentes de ces ruisseaux favorisent le transport sédimentaire, la diversité des écoulements et la structuration des
habitats.
Une ripisylve suffisamment dense est primordiale pour éviter le réchauffement estival de l’eau. Leurs débits modestes rendent ces
petits cours d’eau sensibles aux pollutions et aux fluctuations du toit de la nappe, soit en période de sécheresse prolongée, soit du
fait des rabattements de nappe induits par des prélèvements proches. Les principales dégradations relevées sont l’enrichissement
en nutriments d’origine agricole, la désoxygénation des eaux (conséquence de la dystrophie), mais aussi le colmatage des fonds
par les apports du ruissellement. Le maintien des zones humides connexes à ces ruisseaux est tout particulièrement important, leur
assèchement se traduisant par le tarissement des rus qui les drainent. Une gestion patrimoniale et précautionneuse de ces milieux
s’impose donc. C’est d’ailleurs une des orientations du SDAGE du bassin Seine-Normandie (cf. p.121).
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3 - Fonctionnalités des rivières
4 - Élévation du niveau trophique Conséquences sur les fonctionnalités des rivières
Historiquement, l’eutrophisation est la conséquence de deux
faits majeurs :
La chenalisation et la segmentation des rivières, corollaires
du développement des moulins : diminution des radiers et plats
courants au profit des chenaux lentiques des biefs des moulins
avec, comme conséquence, un ralentissement du courant qui
ne joue plus son rôle de facteur limitant, une augmentation
conséquente des hauteurs et du volume d’eau (somme des
retenues derrière les vannages) ainsi que du temps de transit.
Le ralentissement s’accompagne d’une augmentation estivale
de la température, et la raréfaction de la ripisylve d’une
augmentation de l’éclairement.
L’apport des nutriments (azote et phosphore) par les stations
d’épurations et les pollutions diffuses d’origine agricole.
Tous ces facteurs favorisent la photosynthèse, le développement
du phytoplancton, des algues et des végétaux en général.
Biodégradation - Sous l’action des décomposeurs, le carbone organique est oxydé en dioxyde de carbone, les composés
azotés organiques (protéines, amines, urée) sont transformés
en ammoniac puis oxydés en nitrites, forme transitoire, et enfin en nitrates. A l’aval immédiat d’un rejet se développent des
bactéries aérobies, la consommation d’oxygène est élevée et sa
concentration diminue. Les invertébrés de cette zone polysaprobe sont des détritivores peu exigeants en oxygène
(oligochètes, tubificidés, éristales, chironomes…).
La biodiversité est faible mais les individus très nombreux. Plus en aval, la minéralisation s’accentue avec les
bactéries nitrificatrices et autotrophes. Les protozoaires et les flagellés consomment les bactéries. La photosynthèse algale fait remonter la concentration d’oxygène dissous. Enfin, la charge organique est entièrement
assimilée, le milieu retrouve ses conditions écologiques
originelles, mais avec un enrichissement en nitrates et
phosphates disponibles pour les végétaux. Le système,
hétérotrophe à l’aval du rejet, est redevenu autotrophe
(la production d’oxygène par la photosynthèse l’emportant sur la perte due à la la respiration). La limite de ce
processus est celle de l’oxygène dissous. En hiver, le
temps de transit est plus court et l’activité biologique
moindre, le processus se déroule donc sur une plus
grande distance. Lorsque le milieu devient anoxique,
la dégradation se fait par voie anaérobie et fermentaire
avec productions de composés toxiques.
L’eutrophisation extrême peut conduire à des blooms algaux,
suivis de phases de dégénérescence et de biodégradation du
phytoplancton. Les deux processus sont donc très liés.
L’IBMR, Indice Biologique Macrophytique en Rivière, renseigne
sur le niveau trophique d’un tronçon de cours d’eau en rivière
(cf. p.52).
L’élévation du niveau trophique ou eutrophisation
est l’enrichissement de l’eau en sels nutritifs d’azote
(ammoniac, nitrites, nitrates) et de phosphore. Elle
se manifeste par la tendance à l’accroissement de la
production végétale (macrophytes, phytoplancton).
L’eutrophie s’oppose à l’oligotrophie, la mésotrophie
étant un stade intermédiaire et la dystrophie un stade
perturbé. En situation normale, les sels nutritifs
proviennent de l’oxydation des composés organiques
issus du bassin versant, pour une moindre part de
l’azote atmosphérique fixé par différents organismes.
Le phosphore, par ailleurs rare dans la lithosphère, est
généralement l’élément limitant.
37
3 - Fonctionnalités des rivières
5 - Berge et ripisylve
Ph. 25 - Les berges de profil
abrupt constituent des habitats
potentiels pour la nidification
des oiseaux comme l’hirondelle des rivages et le martinpêcheur.
Ph. 26 - Les berges sous-cavées présentent des abris pouvant être
occupés par l’écrevisse à pattes blanches : les adultes y creusent
des terriers pour hiverner.
Espace de transition, la berge contrôle les échanges latéraux
(cf. chap. 4 et 5). Elle participe pleinement à la fonctionnalité
de la rivière. Sur le haut bassin, la ripisylve a une importance
déterminante par son ombrage (qui limite la photosynthèse et
maintient une température fraîche) et les apports de matériaux
(brindilles, feuilles…). Lorsque la pente décroît, la rivière se
rapproche de sa nappe, l’hydromorphie s’accentue ainsi que les
périodes d’inondation. La rivière étant plus large, l’ombrage et
les apports de matériaux se limitent au voisinage des berges.
Dans les basses vallées, l’eau est généralement chargée en sels
nutritifs. En s’infiltrant dans les alluvions inondées, elle apporte
les éléments nécessaires au développement de la végétation qui
contribue à l’épuration de l’eau, notamment par l’élimination
partielle des nitrates et phosphates. Enfin, la végétation
riveraine offre des habitats aux imagos des insectes à larves
aquatiques et aux organismes qui dépendent de ces insectes et
de la rivière pour leur alimentation, comme les batraciens, les
mammifères et les oiseaux.
La diversité morphologique des rives offre des conditions
favorables à de nombreuses espèces. La présence de troncs,
de sous-cavements, de plateaux racinaires, renforce leur
hospitalité.
6 - Zonation de la plaine alluviale Fonctionnalités transverses, zones humides connexes
38
3 - Fonctionnalités des rivières
Le cycle érosion - dépôt a une composante latérale, surtout
importante vers l’aval avec la formation d’une plaine d’inondation, de chenaux secondaires ou anciens, noues, bras morts
et milieux humides, témoins de l’évolution du style fluvial.
Les échanges entre le lit mineur et le lit majeur sont particulièrement cruciaux pour le fonctionnement de l’hydrosystème.
Ils sont assurés en partie par les infiltrations à travers la berge
et par la présence de la nappe d’accompagnement de la rivière,
mais surtout par les débordements dans les zones d’expansion
des crues.
Les submersions sont nécessaires à la pérennité des milieux
humides, qui assurent deux fonctions majeures :
Régulation des échanges avec la nappe et effet tampon : les
zones humides se ressuient lentement en période sèche et se
gorgent d’eau en période humide, contribuant à atténuer les
effets des crues et des étiages sur l’aval.
Laissés à l’abandon, ils évoluent
Grandes fonctions
naturellement de façons diverses. Les
des zones humides
bras morts, par exemple, évoluent
• Réservoirs de biodiversité.
vers des écosystèmes d’eaux closes
• Régulation des étiages
et stagnantes puis se comblent en
et des crues.
présentant des séries de biotopes
• Rétention des sédiments
pouvant aller des eaux libres jusqu’aux
et des polluants.
groupements forestiers. Mais ce
• Autoépuration.
sont surtout les activités humaines
• Valeur paysagère.
inconsidérées qui contribuent à leur
régression et, en dépit de leur intérêt
multiple et des protections qui préservent certaines d’entre
elles, les zones humides restent menacées.
De la disparition de ces biotopes résultent une fragmentation
et un rétrécissement des habitats puis un appauvrissement
génétique, la dissémination des espèces ne pouvant plus se
faire aussi facilement.
Constitution de biotopes spécifiques particuliers : mégaphorbiaies, phragmitaies, roselières, jonchaies, cariçaies,
tourbières, prairies hygrophiles, milieux saumâtres estuariens. La grande variété d’hélophytes reflète la diversité
des conditions hydrologiques et pédologiques de la plaine
alluviale. Plusieurs dizaines d’espèces sont d’intérêt patrimonial, quelques unes remarquables par leur rareté comme
Hottonia palustris, Oenanthe silaifolia, Silaum silaus, Veronica
scutellata, Althaea officinalis, Geum rivale... (cf. chap. 4).
Ces milieux enrichissent la biodiversité du corridor formé par
la rivière et sa ripisylve. Ils sont des lieux de reproduction,
d’abri et d’alimentation pour de nombreuses espèces animales.
On y observe une riche avifaune : 90 espèces pour le seul marais de Fesques en Seine-Maritime, dont certaines menacées
comme le râle d’eau et le râle des genêts.
Ph. 28 - Jonchaie dans le lit majeur de la Saâne.
Ph. 27 - Il faut des dizaines d’années d’empilement des sédiments extraits pour obtenir
un merlon de cette importance, pour un avantage économique local négligeable, une
perte de biodiversité et un accroissement des risques d’inondation sur l’aval !
En déconnectant le lit mineur du lit majeur, le cloisonnement longitudinal des rivières a de lourdes conséquences :
• en termes de fonctionnalité de la rivière et d’appauvrissement de
la biodiversité ;
• sur un plan économique, si l’on intègre les coûts induits en aval
pour faire face à l’augmentation des risques d’inondations, conséquence de la réduction des zones d’expansion des crues en amont.
Ph. 29 -
Cariçaie dans le lit majeur de la Scie.
39
3 - Fonctionnalités des rivières
Ph. 30 -
Le débouché en mer de la Scie.
Les estuaires des fleuves côtiers
Les estuaires du secteur Seine-Aval correspondent à d’anciennes
vallées fluviales creusées à la dernière glaciation puis ennoyées par
remontée du niveau marin.
En l’absence d’aménagement, la marée envahit l’estuaire avec
le courant de flot et la vidange se fait avec le courant de jusant.
Il en résulte des phénomènes sédimentaires complexes, mais,
globalement, le jusant n’entraîne qu’une partie des sédiments
déposés par le courant de flot plus puissant et le bilan est en faveur
du comblement. Les vases nues (slikke) qui ont atteint une hauteur
suffisante sont colonisées par une végétation halophile, qui tend à
piéger encore plus les sédiments, constituant le schorre. Recouvert
seulement par les plus fortes marées, ce dernier est colonisé par
les espèces des milieux humides continentaux, roselières et prairies. Ce sont donc des espaces de transition d’une grande diversité
biologique. Les éléments nutritifs (azote, phosphore) apportés par
les eaux douces favorisent la croissance végétale (phytoplancton,
algues, phanérogames halophiles) et bactérienne, sources de nourriture pour la faune inféodée à ces milieux. Riche et diversifiée, elle
se compose d’organismes limicoles, de bivalves, gastéropodes,
vers, crustacés, cnidaires… Les estuaires sont également des lieux
de prédilection pour l’avifaune, qui y trouve nourriture en abondance (mollusques, vers…) et une aire de repos, voire de nidification pour les migrateurs. Parmi les espèces observées, on peut
citer la spatule blanche, l’avocette ou encore l’huîtrier pie, et, plus
en arrière, le balbuzard pêcheur, la sarcelle d’hiver, la sarcelle d’été,
le busard des roseaux, la bécassine des marais, la pie-grièche, le
héron cendré, la barge à queue noire, le tarier des prés, l’aigrette
garzette (ces deux espèces étant inscrites à l’annexe I de la Directive
Oiseaux).
En réalité, hormis l’estuaire de la Risle qui fait partie du système
estuarien de la Seine (dont il n’est pas question ici), les estuaires
des fleuves côtiers ne sont plus fonctionnels, les aménagements
portuaires ou des fronts de mer ayant bloqué les échanges.
Les rivières communiquent avec le milieu marin par un système
de buses à clapet (voir ch. 8) et les marais saumâtres en arrière
du front de mer ont été assainis pour permettre la mise en valeur
économique de la plaine alluviale. Ces anciens estuaires renferment
encore quelques espèces typiques comme le samole de Valérand
ou mouron d’eau, et des milieux humides et halophiles résiduels
intéressants, en particulier pour l’avifaune, mais leur richesse
écologique a été considérablement appauvrie. Des possibilités de
renaturation sont à l’étude, notamment sur la Saâne. Les enjeux
économiques et l’inégale motivation des acteurs ne facilitent pas
l’aboutissement de ces projets.
Ph. 31 - 32 - Ce qu’est devenu l’estuaire du Dun.
7 - Diversité des biotopes et des biocénoses
en relation avec l’hydrosystème
Les échanges et les processus dynamiques à l’œuvre engendrent une grande variété de milieux, qui
s’enrichissent mutuellement. En Haute-Normandie et en Eure-et-Loir, la richesse des vallées est encore
plus précieuse du fait de l’appauvrissement biologique et paysager des plateaux de grandes cultures.
Les rivières de Seine-Aval et leurs milieux annexes abritent également quelques milieux rares (tourbières
du Pays de Bray…) et des espèces végétales ou animales d’intérêt patrimonial dont la préservation
s’impose à ce titre.
Synergie écologique : les milieux écotones
La rencontre de milieux différents offre toujours une plus grande richesse floristique et faunistique que
chacun des milieux pris séparément, car on y rencontre les cortèges des espèces végétales propres à
chacun, augmentés d’espèces spécifiques aux milieux de transition. La faune est également enrichie
d’espèces qui ont besoin des deux milieux pour accomplir leur cycle biologique (nourrissage, repos,
reproduction). La ripisylve et les milieux humides annexes jouent pleinement cette fonction.
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Une illustration du rôle primordial de la rivière et de ses
annexes dans la biodiversité :
Certaines chauve-souris chassent essentiellement sur les milieux terrestres, mais utilisent la
ripisylve dans leurs itinéraires de
déplacement d’un site à l’autre
(grand rhinolophe, petit rhinolophe, murin à oreilles échancrées, espèces protégées au tire
de la Directive Habitats). Ceci est
particulièrement vrai dans les
zones de grandes cultures, où
nombre de haies ont disparu.
Les lieux de reproduction de ces
chiroptères semblent être choisis dans un rayon de 200 mètres
autour des rivières ou zones
humides.
3 - Fonctionnalités des rivières
Cette carte illustre bien la forte corrélation entre les milieux remarquables
et le réseau hydrographique. Sur les 26 sites d’importance communautaire
proposés sur le secteur Seine-Aval au titre de la directive européenne
92/43 du 21 mai 1992 relative à la protection des habitats naturels, de
la flore et de la faune sauvage (réseau Natura 2000 d’espaces naturels
à préserver à l’échelle de la communauté européenne), 12 concernent
directement les milieux aquatiques.
Parmi eux, huit sites majeurs (la Bresle, l’Yères, les rivières du bassin
de l’Arques, la Corbie, la Risle, le Guiel, la Charentonne et la vallée de
l’Epte), totalisant 1 700 km de rivières, sont proposés pour un enjeu
piscicole (fréquentation par le saumon atlantique et présence d’espèces
remarquables comme le chabot, la lamproie fluviatile, la lamproie de
Planer, la lamproie marine, cf. p. 96) mais aussi pour des associations de
plantes aquatiques à renoncules flottantes, les ripisylves à aulne glutineux et
frêne élevé, les mégaphorbiaies hygrophiles de leurs berges, les bocages
prairiaux qui les bordent et la faune remarquable de tous ces milieux.
Les sites de l’arc forestier du Perche et de la vallée de l’Eure en Eure-etLoir abritent par exemple une quinzaine de couples de bihoreaux gris,
espèce migratrice en déclin, et des amphibiens d’intérêt patrimonial
comme le sonneur à ventre jaune et le triton crêté.
Gestion des milieux humides
La préservation des milieux humides et de leur biodiversité implique le plus souvent la mise en œuvre d’une gestion conservatoire :
maintien de la fonctionnalité par un entretien adapté ou par un mode de faire-valoir agricole (pâturage extensif par des races peu
exigeantes, production de roseaux…). Ces activités étant peu rémunératrices, des aides financières doivent être apportées aux
gestionnaires en contrepartie de leur engagement sur des cahiers des charges environnementaux. La gestion conservatoire des
milieux humides est un sujet complexe, dont le développement ne fait pas partie de ce guide.
La loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux devrait permettre :
- de mieux identifier les zones humides et d’améliorer la cohérence des politiques et des financements publics ;
- de créer les conditions pour un équilibre économique de ces espaces dans une logique de développement durable ;
- d’aider la maîtrise d’ouvrage en faveur du maintien des zones humides.
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