
3 - Fonctionnalités des rivières
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Les macrophytes
Le courant, l’éclairement, la nature du substrat, la profondeur
et les sels dissous sont les facteurs déterminants des
peuplements. Les bryophytes sont confinées aux substrats durs
et abondent dans les zones de sources, tandis que l’implantation
des phanérogames dépend des possibilités de pénétration du
sol par les racines. Comme en milieu terrestre, la colonisation
par la végétation se fait selon une dynamique temporelle, des
espèces pionnières modifiant suffisamment les conditions
locales pour que d’autres espèces s’implantent. Les principaux
groupements sont analysés dans le chapitre 4 consacré au lit.
Les herbiers constituent l’habitat du périphyton (algues et
bactéries fixées sur les végétaux, invertébrés et poissons),
les espèces se répartissant de la base au sommet des touffes
selon leur rhéophilie. Les cyprinidés sont plus directement
inféodés aux herbiers que les salmonidés, qui les utilisent
cependant comme abri, la stratégie de toutes les espèces étant
de réduire l’énergie nécessaire pour éviter leur entraînement
vers l’aval. Les herbiers sont également utilisés par les poissons
comme lieu de nourrissement, de ponte et de refuge contre les
prédateurs.
Les invertébrés
La faune invertébrée est diversifiée, remarquablement similaire
d’une zone géographique à l’autre, essentielle à la vie piscicole
et très sensible aux pollutions organiques, thermiques ou
chimiques (cf. IBGN p. 29). La faune la plus riche est celle des
fonds pierreux qui offrent, à l’échelle des invertébrés, des
conditions hydrauliques et granulométriques d’habitats variées.
Les herbiers abritent une biomasse importante d’invertébrés
brouteurs.
Les invertébrés se répartissent en détritivores, phytophages
et prédateurs. De très nombreuses espèces sont omnivores à
tendance détritivore ou carnivore, leur régime variant avec leur
stade de développement. Les dilacérateurs se trouvent plutôt
sur les parties amont, les microphages sur les parties basses. Les
organismes rhéophiles du benthos présentent des adaptations
morphologiques leur permettant de résister au courant :
aplatissement dorso-ventral des larves d’éphéméroptères,
ventouses, griffes puissantes, fourreau des trichoptères alourdi
de graviers. Les autres se cantonnent dans les parties les moins
exposées, la couche limite, les interstices. Dans tous les cas,
une partie de la faune benthique dérive vers l’aval, fortuitement
ou régulièrement, cette dérive étant plus ou moins importante
selon les espèces, leur stade de développement et les aléas
hydrauliques (crues). Elle peut atteindre un taux journalier
de 1 %. Les espèces ont adopté diverses stratégies pour la
compenser : taux de reproduction élevé ou multiplication
asexuée rapide, remontée des femelles adultes à vol aérien
vers l’amont. Dans les zones de faible vitesse et les parties aval
(potamon), la dérive est réduite, les organismes qui peuplent
ces milieux sont rarement pourvus d’un stade aérien de
recolonisation.
Les poissons
Au sommet des réseaux trophiques se trouvent les poissons.
Un petit nombre sont herbivores, la plupart sont omnivores à
tendance carnivore (carpe, tanche, gardon, ablette, barbeau,
truite…). Leur biomasse est très variable et dépend tout
autant des conditions morphodynamiques que de la quantité
de nourriture disponible. Voir le chapitre 4 consacré au lit et le
chapitre 7 sur la gestion piscicole.
NB : La qualité réelle des peuplements d’invertébrés et de
poissons est évidemment très influencée par les pollutions
diverses (cf. ch 2).
Ph. 22 -
Quelques invertébrés locaux.
De gauche à droite : mollusque gastéropode hydrobiidé, achète glossiphonidé, plécoptère ténioptérigydé, éphéméroptère éphéméridé, trichoptère hydropsychidé.
Les organismes hyporhéiques vivent dans les interstices des alluvions. La
composition de cette faune dépend de la granulométrie du substrat. Elle comprend
des organismes caractéristiques (nématodes, oligochètes, crustacés…) au cycle
entièrement aquatique, auxquels s’ajoutent quelques larves d’insectes ayant une
phase aérienne et une faune microbienne. Contrairement aux organismes du sol
en milieu terrestre, qui jouent un rôle majeur dans le recyclage de la litière, les
organismes hypogés du benthos profond ont un rôle plus modeste puisque le
transfert de matière organique a une forte composante longitudinale.
Adaptation au courant de quelques invertébrés benthiques
Vitesse limite m/s
Liponeura cinarescens (diptère) 3
Simulium sp. (diptère) 2.8
Rhyacophila sp. (trichoptère) 1.22
Ancylus fluviatilis (mollusque) 1.18
Rhitrogena semicolorata (éphéméroptère) 0.96
Dugesia gonocephala (turbellarié) 0.93
Baetis sp. (éphéméroptère) 0.84
Isoperla oxylepis (plécoptère) 0.6
Ecdyonurus venosus (éphéméroptère) 0.57
Radix ovata (mollusque) 0.48
3 - Zonation écologique amont aval
L’écosystème rivière présente une succession non pas dans
le temps (comme un écosystème terrestre qui évolue vers un
climax) mais dans l’espace. La stratégie des organismes est
moins d’utiliser au mieux le flux d’énergie disponible véhiculé
par le courant que de s’adapter aux facteurs morphodynamiques,
physiques et de recolonisation qui sont largement dominants.
Les flux de matériaux, les variables morphodynamiques, le
courant, la température et l’éclairement déterminent les
ajustements et la succession des communautés aquatiques.
A l’échelle locale, la rivière apparaît comme une mosaïque
d’habitats bien individualisés que l’on peut caractériser :
par le courant et la profondeur : radiers, plats courants,
mouilles, chenaux (cf. ch. 4) ;
par la nature du substrat et sa granulométrie : blocs, graviers,
sables, limons ;
par la présence ou l’absence de macrophytes fixées et par
leur nature : bryophytes, herbiers de phanérogames.