REGION REUNION BRGM REUNION MINISTÈRE DE I/INDUSTRIE DES POSIES ET DES TELECOMMUNICATIONS ET DU COMMERCE EXTERIEUR SERVICE PUBLIC Approche des problèmes de stabilité des pentes à la Réunion (Convention REGION - B R G M n°1428) BRGM - REUNION 46 bis, rue de Nice - B.P. 1206 • 97484 Saint-Demi cedex, Fronce Tél. : 19 (262) 21.22.14 - Télécopieur : 19 (262) 21.86.96 - Télex : 916 372 RE R 37962 SGN REU 94 Mars 1994 Rapport 94 REU 11 Rapport 94 R E U 11 R 37962 S G N / R E U '94 Mars 1994 Approche des problèmes de stabilité des pentes à la Réunion RESUME L'île de la Réunion, située dans la zone tropicale de l'océan Indien, est une montagne volcanique culminant à plus d e 3000 mètres d'altitude. Soumise à des précipitations exceptionnelles (records mondiaux d'intensité de pluies pour les périodes comprises entre 3 heures et 12 jours), elle est affectée par de nombreux mouvements de terrain. Dans le cadre de la convention B R G M / R E G I O N R E U N I O N , une réflexion a été engagée sur les problèmes liés à la stabilité des pentes volcaniques. L e premier travail a consisté à définir les principales caractéristiques o u paramètres intervenant dans les processus de stabilité ; ce sont : - la morphologie de l'île et la distribution des pentes ; - les caractéristiques géologiques et mécaniques des roches, constituées essentiellement de basalte ; - les caractéristiques des sols de l'île qui correspondent à l'altération des épandages cendreux et des roches basaltiques ;. - les facteurs anthropiques. Les mécanismes qui régissent la stabilité des pentes de l'île sont généralement particuliers, en relation avec les spécificités volcaniques. L a plupart des terrains ont des propriétés différentes de celles des zones tempérées, non volcaniques. Les matériaux rencontrées sur l'île ont d e bonnes caractéristiques géomécaniques mais sont sensibles aux intensités de pluies exceptionnelles qui sont à l'origine de la plupart des mouvements de terrain. L'approche des problèmes de stabilité a conduit à distinguer 3 domaines en fonction des caractéristiques des matériaux, de la morphologie de l'île et des mécanismes d'instabilité ; il s'agit de : - l'instabilité des terrains d e couverture qui se traduit par des glissements pelliculaires et une érosion intense des terres ; - l'instabilité des remparts et falaises qui sont affectés par de nombreux écroulements et éboulements ; - des glissements de grande ampleur, rencontrés dans les cirques, qui pourraient se transformer en catastrophe pour les habitants accrochés aux îlets. U n e meilleure connaissance des problèmes de stabilité des pentes devra, à long terme, aboutir à des attitudes ou comportements adaptés au milieu volcanique, au zone montagneuse, aux conditions cycloniques tant en matière d'aménagement qu'en matière de gestion des risques naturels. Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars ¡994 SOMMAIRE INTRODUCTION I NOTION DE STABILITE D E PENTE II LES PENTES D E L'ILE D E LA R E U N I O N 1 - Les crûtes morphologiques 2 - Cartes des pentes de l'île 3 - Distribution des pentes 4 - Interprétation géostructurale des pentes III LES M A T E R I A U X R E N C O N T R E S A LA REUNION 1 - Les roches volcaniques de la Réunion 2 - Caractéristiques des roches volcaniques 2.1 Données générales 2.2 Structures des roches volcaniques 3 - Les pyroclastites 3.1 Rappel de la terminologie 3.2 Les pyroclastites de la Réunion 3.3 Caractéristiques géomécaniques des pyroclastites 4 - Les produits de démantèlement IV SOLS ET ALTERATION 1 - Les sols de la Réunion 2 - Répartition des sols 3 - Caractéristiques des sols 4 - Altération des roches volcaniques 4.1 Altération superficielle 4.2 La "zéolitisation" 4.3 Les paléosols V STABILITE DES PENTES D E LA R E U N I O N 1 - Stabilité des massifs rocheux 2 - Stabilité des terrains de couverture 2.1 Stabilité des andosols 2.2 Les mouvements de couverture 3 - Les cirques 4 - Action de l'homme VI SYNTHESE LISTE D E S F I G U R E S Figure 1 : L'île de la Réunion vue de satellite Figure 2 : Cartes des pentes de la Réunion Figure 3 : Extrait sectoriel de la carte des pentes Figure 4 : Séquences topo-géologiques de la couverture Figure 5 : Carte morphopédologique de la Réunion d'après le C I R A D Figure 6 : A b a q u e de plasticité de Casagrande Figure 7 : Position des sols de la Réunion sur le diagramme de Casagrande Figure 8 : Cohésion et angle de frottement des sols volcaniques Figure 9 : Altération des roches basaltiques Figure 10 : Stabilité des falaises en milieu basaltique Figure 11 : Sections transversales de talus stables (Java) Figure 12 : Influence de l'aménagement sur la stabilité des pentes Figure 13 : Stabilité des pentes à la Réunion - Synthèse Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 LISTE DES TABLEAUX Tableau I : Distribution des pentes de l'île de la Réunion Tableau II : Interprétation géostructurale des pentes Tableau III : Les roches basaltiques à la Réunion Tableau IV : Les variétés de roches rencontrées sur l'île Tableau V : Quelques caractéristiques des roches de la Réunion Tableau VI : Classement des pyroclastites Tableau VII : Caractéristiques W L , W P , IP de certains sols de l'île Tableau VIII : Poids volumiques de certains sols de l'île Tableau IX : Angle de frottement et cohésion de certains sols de la Réunion Tableau X : Divers degrés d'altération des roches (recommandations I S M R 1 9 8 0 ) Tableau XI : Paramètres définissant la stabilité des falaises Tableau XII : Stabilité des pentes à la Réunion - Synthèse Rapport BRGXf 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 INTRODUCTION Lile de la Réunion, située dans la zone tropicale de l'océan Indien, est u n massif montagneux volcanique culminant à plus de 3000 mètres. Elle est formée de deux volcans récents accolés : - le Piton des Neiges (3069 m ) formé il y a 3 millions d'années environ, - le volcan actif de la Fournaise (2361 m ) formé depuis 2 millions d'années environ. Lesflancsdes deux volcans sont constitués par un empilement de coulées basaltiques et de scories. La lave émise depuis les cratères sommitaux ou provenant d'épanchements sur des fissures des flancs du volcan s'est écoulée jusqu'à l'océan en nappant les pentes des volcans (pentes comprises entre 5 et 15°). La jeunesse du relief est surtout marquée au niveau des 3 cirques de Cilaos, Mafate et Salazie et au niveau des ravines encaissées. Lesflancsde l'île sont plus réguliers et présentent une meilleure stabilité apparente. Les pentes s'adoucissent vers le littoral pour donner une côte basse. Pour la plupart, les mouvements de terrain à la Réunion sont circonscrits aux cirques et aux falaises. D e par leur ampleur o u de par leur impact sur les activités socio-économiques de l'île, les écroulements et les chutes de blocs sont mieux connus des habitants (chute de pierres sur la route du littoral par exemple). Cependant, des glissements lents, localisés, existent sur les pentes externes des volcans et dans les cirques. Leurs conséquences sont tout aussi primordiales du point de vue de l'aménagement et du développement futur des hauts de l'île pour désenclaver les zones côtières fortement urbanisées. Rapport BRGM 94 RHU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 1 L'extension des principales villes (Saint Denis, Saint Louis, Saint Pierre, L a Possession, Saint Pau!, Saint André, ...) conduira inéluctablement à conquérir les pentes du volcan jusqu'alors délaissées. D e plus, l'engouement des nouvelles générations pour les hauts font que ces secteurs sont de plus en plus habités : vue panoramique, fraîcheur du climat, tranquillité,.. Outre le développement urbain, la stabilité des pentes intéresse directement l'agriculture qui doit préserver les sols de l'érosion, les projets touristiques dans les hauts et dans les cirques, la sylviculture.... Dans le cadre d'une meilleure connaissance des problèmes de stabilité des pentes, un bilan des connaissances acquises sur les sols et roches de l'île de la Réunion a été effectué par le B . R . G . M . Réunion. C e rapport est rédigé dans le cadre de la convention B R G M - R E G I O N Réunion (Thème : stabilité pente). Rapport BRGAf 94 RKU J1 /R 37962 SGN-RFM 94 - Mars 1994 2 ï - NOTION DE STABILITE DE PENTE Les paramètres déterminants dans le déclenchement des mouvements de terrain sont variables d'une région à l'autre. C e u x qui régissent la stabilité d'un versant sont : - la nature du sol (nature géologique, nature minéralogique, structure, fracturation...) - le relief (hauteur, pente) - le climat (précipitations, température, végétation,...) - l'activité humaine. L'origine d'une instabilité est, très souvent, difficile à connaître compte tenu que ces paramètres sont difficilement quantifiables. Les méthodes de calcul modernes permettent toutefois de résoudre les problèmes de stabilité avec une assez bonne fiabilité dans la mesure o ù les caractéristiques du milieu ont pu être définies. Les principales caractéristiques physiques des matériaux à prendre en compte sont : - le poids des matériaux, - les teneurs en eau - la perméabilité et la porosité - la cohésion - l'angle de frottement - la minéralogie des argiles - la structure d u terrain - la pente du versant - la hauteur des reliefs ou des talus Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 3 Selon le contexte géologique, la nature du problème à traiter, les méthodes de calcul seront différentes. Par exemple, l'étude de stabilité d'une falaise rocheuse n'est pas conduite de la m ê m e façon que celle d'un talus argileux. Dans cette première approche des problèmes de stabilité de pente, nous avons donné un aperçu des principales caractéristiques morphogéologiques de l'île de la Réunion afin de cerner les réels problèmes. Rapport BRGM 94 1ŒU 11/R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 4 w II - LES PENTES DE L'ILE DE LA REUNION 1 Les entités morphogcologiqucs (figure 1) Classiquement on distingue les entités morphologiques de l'île suivantes : - les cirques - les plaines alluviales - les flancs des volcans (ou planèzes) a) Les cirques Ils occupent la partie centrale de chaque volcan. Délimités par un rempart abrupt de 5 0 0 à 1000 mètres de hauteur, ils correspondent à des structures d'effondrement (caldeiras d'effondrement). L'arrêt de l'activité volcanique d u Piton des Neiges n'a pas permis d'oblitérer ces gigantesques structures effondrées qui sont soumises à une érosion intense. Les cirques se vidangent de leurs dépôts détritiques par des gorges profondes. b) Les plaines littorales D e u x types de plaine littorale apparaissent sur le pourtour de l'île : les plaines sur les cônes alluviaux au débouché des ravines principales (Plaine des Galets, de Saint André, de la Rivière Saint Etienne,...) les plaines d'ennoyement littoral : (Plaines de Saint Paul, du Gol, de Sainte Suzanne, Les premières sont pentées vers l'océan (de quelques degrés 3 à 5°) tandis que les seconds qui ont un caractère sublacustre, sont sub-horizontales et sont à une altitude proche du niveau de la mer. Rapport BRGM 94REU il /R 37962 SGN-REU 94 - Mars ¡994 5 Figure 1 Rapport BRGM R37962 Lile d e La Réunion vue de satellite BRGM NORD La cote "au vent* Le massif db Ptton des Saint André Saint Benoît Le volcan actif d e I* Fournaise Saint Denis Saint JosepK Le Port Saint Pierre Saint Louis Saint Paul Lm edle "sous le veuf" Vue en perspective obtenue grâce à un traitement informatique réalisé par le BRGM à partir (Tune image satefiite Landsat prise le 26 septembre 1994 à une altitude de 900 km. Document BRGM • Département Télédétection -1986. #10 km c) lesflancsdes volcans (planèzes). Ces pentes, régulières à l'échelle de l'île sont en réalité constituées par une succession de ressauts topographiques (figure 3). La pente varie entre 6 et 15° environ. C e s valeurs sont proches des valeurs de pendages des coulées : on peut donc parler de relief conforme c'est-à-dire que la topographie épouse la géométrie des coulées. 2 - Cartes des pentes de l'île de la Réunion Les cartes présentées en figure 2 ont été effectuées à partir d'un modèle numérique de terrain. L e modèle permet de dresser différentes cartes de l'île selon les valeurs de pentes choisies. D e u x présentations de la distribution des pentes sont données en figure 2 . L a différenciation des pentes faibles inférieures à 24° (pentes M N T ) permet de visualiser les planèzes, les plaines côtières alluviales, les cirques et remparts. E n revanche, des coupures plus lâches (10, 3 5 , 70°) mettent en évidence les portions de rempart vertical dont la pente est supérieure à 70° et les zones à pentes modérées inférieures à 10°. Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces deux cartes de pentes : les pentes du volcan actif de la Fournaise sont semblables à celles du Piton des Neiges, des ressauts topographiques ressortent nettement au niveau des planèzes ("irisation") sur toute l'île : Saint Paul, Saint Louis, L e T a m p o n (fig. 3 ) , des entités morphologiques remarquables peuvent être décelées par cette approche. Par exemple : les plateaux liés aux tufs de Saint Gilles, des tufs de Sainte Suzanne, le plateau de Belouve apparaissent sur ces cartes des pentes. Rapport BRGM 94 REU 11/R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 7 Figure 2 Distribution des pentes à la Réunion Cartographie établie à partir d'un modèle numérique de terrain BRGM Cartographie des pentes à la Réunion 120000 i 160000 uoooo 180000 i 1 20000Q t 80000 - - SO000 m m m fi ft 60000 - jsgyjCr 4-0000 - •• \ '< .7 -60000 -I - 40000 Pentes (degré) BJ BB 20000 - - 20000 H 1 ft/I 120000 î+0000 160000 180000 200ÛOÛ 120000 14-0000 160000 180000 1 200000 I »oooo- - SO000 e-oooo - -6000G J-0000 - - 40000 de 22 à 27 ût i7 j ; : dû 12 i 17 I de 6 à 12 Ucir.3 de 6 Pentes (degré) plus - 20000 :oooo - de / D Ml 1 1 JE 10 -i J i 1 ') Mti na Je 10 120000 Rapport BRGM H37962 uoooo 160000 150000 200000 Figure 3 Extrait sectoriel de la cartographie des pentes Région S U D O U E S T Oà 10 ° plaine alluviale du Gol, planèzes, îlets du cirque de Cilaos 10° à 20° ressauts topographrques au niveau des planèzes, bordure des îlets 20 r - à 30° zones d'érosion (cirque et ravines) ou escarpements liés à des fractures >30° remparts du cirque de Cilaos, du bras de Cilaos, du Bras de la plaine Rapport HHGM R37962 3 - Distribution des pentes La répartition a été calculée à partir du modèle numérique de terrain. Les limites choisies sont : Répartition Pente en % Pente en degré 0-10% 10-20% (0-5,7°) 23,5 % (5,7°-11,3°) 34,5 % 20 - 30 % (11,3°-16,7°) 18,2% 30 - 40 % (16,7°-21,8°) 7,3 % 40 - 50 % (21,8°-26,6°) 4,8 % > 50 % (>26,6°) 11,7% Tableau I - Distribution des pentes de l'île La g a m m e la plus représentée correspond aux pentes comprises entre 10 et 20 %, soit 5 à 11°. 1/4 de la superficie de l'île a une pente inférieure à 10 %. La moitié de la surface de l'île a une pente comprise entre 10 et 30 %. 1/4 de la superficie a une pente supérieure à 30%, Les pentes extrêmes ( » 50 %) occupent 10 % environ de la surface de l'île. Compte tenu que les zones planes (littorales) sont pratiquement aménagées ou en cours d'aménagement, que les zones très pentées (remparts) sont dangereuses, non aménageables, on constate que le développement de l'île conduit forcément à conquérir les planèzes des volcans qui ont une pente comprise entre 10 et 30 % soit entre 5.7° et 16.7° La connaissance de la stabilité des pentes moyennes de l'île revêt une importance particulière pour l'aménagement futur de l'île. 4 - Interprétation géostructurale des pentes La confrontation des données géologiques et des données morphologiques aboutit à donner une interprétation géologique des diverses entités morphologiques. Les correspondances sont rassemblées dans le tableau II ci-après : Rapport IiRGM 94 REU II /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 10 Tableau II INTERPRETATION G E O S T R U C T U R A L E DES PENTES Zones planes - plaines littorales <5° - plaines alluviales - lahars - coulées de lave fluide - compartiments affaissés (caldeiras, îlets) - compartiments basculés - accumulations de cendres volcaniques Zones moyennement pentues - cônes de déjection torrentiel (5°àl0°) - coulées volcaniques basaltique - coulées boueuses Zones pentues - coulées basaltiques (10° à 20°) - fronts de coulée - empilements soumis à érosion - brèches Pentes de 2 0 ° à 35 ° - fronts ou bordure de coulées - brèches des cirques - zones d'érosion actives - éboulis Pentes > 35 ° - brèches détritiques cimentées - remparts et falaises rocheuses - pitons - cônes de scories - pyroclastites soudées Rapport imCiM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 11 HI - LES MATERIAUX RENCONTRES A LA REUNION La Réunion, île volcanique de l'océan Indien, a émergé des eaux il y a plus de 3 millions d'années. Les roches affleurantes les plus anciennes sont datées de 3,1 M A . C e volcan repose sur le plancher océanique situé à 4000 mètres sous les eaux ; l'île correspond à la partie sommitalc de l'appareil volcanique dont la plus grande partie se trouve sous l'eau ( 9/10 du volume est immergé). L'activité du Piton des Neiges s'est arrêtée il y a 20.000 ans environ, celle du Piton de la Fournaise se poursuit au rythme de 1 éruption par an (fréquence 10 mois). Les produits émis sont, soit des laves basaltiques, soit des pyroclastites. Leur empilement (alternance de coulées et de scories) a abouti à l'édification d'un vaste strato-volcan constitué de : - roches volcaniques (coulées, dykes,...) - pyroclastites (cendres, scories,...) - roches détritiques provenant du remaniement des formations précédentes (brèches, alluvions, colluvions, lahars,...) - sols d'altération. Dans ce chapitre, nous nous intéresserons aux formations volcaniques non remaniées et non altérées dont la mise en place est liée à la géodynamique interne du volcan. 1 - Les roches volcaniques d e la Réunion La principale spécificité géologique de la Réunion est que les roches sont pratiquement toutes volcaniques. Les seuls matériaux, non volcaniques, correspondent aux dépôts carbonates récifaux. Ces derniers sont très marginaux tant du point de vue de leur répartition que de leur volume. Les roches de l'île sont des roches magmatiques eiTusives. Elles se sont mises en place à l'état liquide ou pâteux, à l'air libre ou sous l'eau, avec un refroidissement rapide. Rapport IÎRGM 94 RHU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 12 • Les basaltes Les roches volcaniques de la Réunion sont essentiellement basaltiques. Toutefois, elles offrent une grande diversité de faciès qu'il convient de présenter (cf. Tableau III). La caractérisation peut être faite selon divers critères : a) minéralogiques O n parle alors de basalte à olivine, à feldspath, de basalte aphyrique,... b) morphologiques L'aspect des coulées de lave permet de les différencier. Il existe des laves lisses, des laves scoriacées. c) chimiques La composition chimique du m a g m a a évolué dans le temps. Certaines effusions sont caractérisées par un chimisme plus acide, d'autres plus basiques. Ceci explique la présence de basaltes, de syenites, de trackytes...L'évolution des m a g m a s basiques vers des laves différenciées est représentée en tiretés sur le diagramme ci-dessous : N Q 1 2 H 20+K 2 phonoliteX 0 trachyte rhyolite 8 - dacite andésite 6 • •b"ásalte ( alcalin 4 2 J 1 / 40 ^^-""~ ^-^ .—— """"""" ¿f s* ^ ^ *\ basalte tholeütique 50 S¡0 2 60 70 Composition chimique des laves reportées dans un diagramme Na2Û + KjO/Si0 2 13 Tableau III Description des roches basaltiques à la Réunion DESCRIPTION FACIES Basaltes à olivine L'olivine est abondante sous forme de cristaux millimétriques de couleur vert bouteille. Basaltes à olivine L e basalte contient des phénocristaux de feldspath et à feldspath blanc, m m à c m , et des cristaux plus petits d'olivine Basaltes Ils sont dépourvus de phénocristaux d'olivine et o u aphyriques de feldspath) ; leur structure est microlitique avec des pyroxenes abondants. Basaltes compacts Il s'agit généralement de basaltes aphyriques, sombres, denses. Basaltes Ils sont caractérisés par la présence de "bulles vacuolates gazeuses" donnant u n aspect de vacuole. L e m a g m a originel était riche en gaz. Ils sont légers et souvent altérés. Pillow - Lava Ces laves se sont épanchées sous l'eau, elles ont des (laves en coussins) formes en coussins Lave "en grattons" L a surface de la coulée a un aspect scoriacé. ou "aa" Lave lisse L a surface de la coulée est plane et rugueuse. L a "pahoehoe" lave se débite en dalle. Rapport BRGAf 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 14 Tableau IV Varietes de roches rencontrées à la Réunion . Basaltes . Andésites Toute l'île. très abondants coulées Plateau de Belouve peu abondantes dykes et sills Piton des Neiges . Trackytes Cirques peu abondantes coulées . Syenites Cirques rares Sills, dykes et coulées . Monzonites Cirques rares Sills, dykes . Gabbros Cirques rares Filons . Péridotites Cirques rares Dykes Ignimbrites Cirques | peu abondantes Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 | Coulées 15 Scion le dosage des silicates et de la silice, on distingue : les basaltes tholcïtiques, saturés en silice, mésocrates et ses produits de différenciation (andésites, rhyolites), les basaltes alcalins, sous-saturés, mélanocrates et ses produits de différenciation (hawaïtes, mugéarites, trachytes, ...)• Les basaltes à la Réunion sont le plus souvent : - des basaltes compacts, aphyriques ou à phénocristaux, - des basaltes vacuolaires, aphyriques o u à phénocristaux. U n e dernière variété est constituée par les brèches basaltiques contenant des blocs anguleux cimentés par de la lave. • Autres faciès D'autres roches existent dans le massif du Piton des Neiges. Elles proviennent de la différenciation magmatique des lignées précédentes. Bien que peu abondantes, ces faciès peuvent localement présenter une extension suffisante. Ces roches sont présentées sommairement dans le tableau IV. 2 - Caractéristiques physiques des roches volcaniques 2.1 - Données générales Parmi les roches magmatiques, les basaltes sont les plus denses avec des valeurs supérieures à 2,8 pouvant atteindre 3,1. E n revanche, les laves acides (trackytes) ou vacuolaires (Ignimbritcs) sont beaucoup plus légères (Tableau V ) . Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 16 Tableau V Quelques caractéristiques des roches à la Réunion Nature de la roche Densité Résistance à la Porosité compression en bars Ignimbrites 2,33 ~ 1910 12,40% Basalte 2,63 1910 3,79 % 2,72 838 9,40 % Rivière des Galets Basalte à phénocristaux de feldspath Alluvions de la Rivière des Galets Galerie Takamaka Basalte vacuolaire. 316 Basalte sain 983 Basalte Géol. 896 Basalte compact de la 3,15 880 2,20 270 carrière des Lataniers Basalte vacuolaire carrière des Lataniers Syenite Cilaos 2,37 Basaltes du Bras des Lianes 2,90 Brèches basaltiques Rapport BRGM 94 REU 11/R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 1600 à 2550 110 17 2.2 - Structures des roches volcaniques U n e des principales difficultés inhérentes au domaine volcanique réside dans la complexité de leur structure. Les plans ou discontinuités rencontrés dans les volcans sont : - les surfaces des coulées qui sont souvent des paléosurfaces onduleuses, - les fentes de retrait dues au refroidissement de la lave, - les fissures et diaclases perpendiculaires ou obliques par rapport aux coulées, - les dykes (filons) qui recoupent les empilements de coulées. Les coulées volcaniques se débitent en blocs métriques (0,50 m à 5 m ) . Il est très rare de trouver des masses non fissurées d'échelle décamétrique. Les blocs ont une forme subarrondie. Il n'existe pas de plan de clivage préférentiel (plan de schistosité, foliation, stratification,...) c o m m e dans la plupart des massifs rocheux. L a distribution des plans étant aléatoire, il est difficile de prévoir les plans de faiblesse potentiels d'un massif basaltique. U n e autre spécificité des laves volcaniques est à rattacher au pendage originel des épanchements . E n effet, en l'absence de basculement tectonique o u morphotectonique, les coulées ont toujours une inclinaison de 5 à 10 ° parfois supérieure, généralement vers l'océan. Enfin, il faut considérer que ces milieux ont la plupart d u temps une extension latérale limitée à l'instar des geometries des remplissages alluvionnaires. E n fait, les "raisonnements tridimensionnels" à adopter a u milieu volcanique rocheux sont plus proches de ceux des formations détritiques q u e celles des milieux rocheux classiques (roches métamorphiques, .roches granitiques, calcaires, ...). D e s reliquats de coulées de fond de vallée plaqués sur une falaise donnent l'impression d'une "couche continue". Enfin, les coulées de surface peuvent recouvrir des systèmes éruptifs anciens ; les structures superficielles sont en totale discordance avec les structures profondes. Toute extrapolation à partir de la surface est dans certains cas est hasardeuse. Rapport liRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-RFAJ 94 - Mars 1994 18 3 - Les Pyroclasliles 3.1 - Rappel de la terminologie Selon A . F O U C A U L T , J.F. R A O U L T , dictionnaire de géologie, "s'applique aux débris de roches magmatiques éjectés par les volcans, et dont l'accumulation donne les roches pyroclastiques (les pyroclastites) : cendres, lapilli, tufs". Leur classification est fondée sur la taille des débris de lave émis par projection par des gaz. Quant à la forme des débris, elle dépend essentiellement de la viscosité du m a g m a , de la vitesse de refroidissement et de la teneur en gaz. Les éléments contiennent une phase vitreuse importante avec une fraction cristallisée. Ils peuvent être classés selon leur composition chimique et minéralogique ; par exemple, il existe des pyroclastites trachytiques, andésitiques, basaltiques. Le terme de pouzzolane au sens large correspond aux pyroclastites (cf. Tableau VI) 3.2 - Les pyroclastites de la Réunion • Les scories Ces débris de lave déchiquetée ont une taille comprise entre 1 et 5 c m , pouvant atteindre 15 c m . La lave est vacuolaire, poreuse et est généralement basaltique. O n les rencontre principalement sur les flancs du volcan de la Fournaise et localement sur ceux du Piton des Neiges, sous forme de cônes (Piton de la Plaine des Cafres, de Sainte Rose, de Saint Joseph, de l'Etang Salé,...) Les scories apparaissent également en "couches" intercalées entre les coulées de lave (empilement de coulées et de scories) dans le stratovolcan. Rapport imGM 94 REU 1994 11 /R 37962 SGN-REU -Mars 94 19 Tablean V I Classement des pyroclastites Chimisme du magma granulante en m m basique à neutre acide * Cendres 0/0,5 * Sables volcaniques 0,5/5 * Sables perlitiques 0,5/5 Pouzzolanes et scories 0/200 Ponces 5/00 Blocs - bombes en fuseaux - bombes en croûte de pain * * * * * >200 * Nuées ardentes LES POUZZOLANES Emission explosive de lave à l'état solide avec débris de socle Cendres Bombes Blocs avec zénolithes Lapilli cristallin • Les cendres Souvent méconnus, les dépôts cendreux occupent une surface importante. Ils se localisent sur lesflancsdes volcans du Piton des Neiges et de la Fournaise. Les dépôts cendreux qui ont nappé le volcan du Piton des Neiges sont datés entre - 40.000 à - 15.000 ans. Leur épaisseur peut atteindre plusieurs mètres voire 15 mètres. Elles ont été érodée dans les zones pentues et ont été préservées dans les zones planes. Pratiquement tous les versants de l'île sont recouverts par ces cendres altérés (Hauts de Saint Denis, de Sainte Marie, Bras Panon, L a Plaine de Palmistes.( cf. Carte morphopédologique de la Réunion du C I R A D , figure 5) Compte tenu de leur altération, elles sont traitées en tant que sols. . Les "tufs" Ils regroupent plusieurs faciès typiques qui sont des pyroclastites brèchiques et non des tufs. A u sens strict, les tufs sont des roches formées par accumulation de projections volcaniques en fragments millimétriques pouvant contenir des blocs, consolidées sous l'action de l'eau (dictionnaire de géologie A . F O U C A U L T , J.F. R A O U L T ) . La terminologie est souvent élargie à des pyroclastites hétérogènes, en place o u remaniées après leur dépôt originel. Les principaux gisements de tufs sont : - les tufs de Saint Gilles - les tufs de Sainte Suzanne - les tufs de Saint Pierre. Leur particularité est liée à la présence d'une matrice cendreuse qui lie les éléments d'origines diverses (basaltes variés). Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 21 Ces brèches pyroclastiques se sont mises en place localement (cas des tufs de Saint Gilles) ou bien ont subi un transport depuis le centre d'émission (nuée de ponces trachytiques de Saint Pierre et de Saint Louis). • Les pyroclastites des cirques Les formations pyroclastiques des cirques sont la plupart du temps confondues avec les matériaux détritiques. Pourtant, dans de nombreux cas, des vestiges de pyroclastites subsistent sous les formations détritiques superficielles après avoir été épargnées de l'érosion C e s pyroclastites se rencontrent dans le secteur du Piton d'Enchaing, du Piton Maído, de N e z de Boeuf,.... 3.3 - Caractéristiques géomécaniques des pyroclastites Les propriétés des pyroclastites sont fonction de leur nature, de l'altération, et surtout de la qualité de la matrice qui peut être meuble o u bien cimentée. Dans certains cas, une pyroclastite a u n comportement rocheux ; dans d'autre, elle est assimilable à un sol argileux. Certains pitons de scories sont complètement altérés, d'autres sont constituées de scories soudées saines. Il faut retenir que ce sont des formations volcaniques qui se sont mises en place à la suite d'éruptions explosives ce qui implique une complexité de leur gisement (cônes éruptifs emboîtés par exemple). O n peut rencontrer dans un m ê m e cône de scories des faciès argileux et des faciès soudés et sains. Rapport liRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 22 4 - Les produits de démantèlement Les produits d'érosion des reliefs volcaniques sont localises dans les cirques, dans les ravines encaissées et en périphérie de l'île dans les plaines alluviales. Leur puissance atteint plusieurs dizaines de mètres, parfois, plusieurs centaines de mètres (brèches de cirques, cônes alluviaux). E n revanche, les produits d'érosion sont peu représentés sur les pentes des volcans où ils sont pelliculaires ; ils forment un manteau colluvial d'épaisseur métrique. Ces formations colluviales tapissant les flancs du volcan, leur comportement est dépendant de la nature du sol et de l'altération des couches sous-jacentes La faible épaisseur des dépôts détritiques sur les pentes, primordiale dans la compréhension de la stabilité des versant de l'île, s'explique par le fait que les matériaux volcaniques se mettent en mouvement avec des quantités importantes d'eau, sous forme de coulées boueuses et de laves torrentielles qui atteignent instantanément la côte. A chaque crue, les eaux transportent des quantités considérables de matériaux. Quant aux brèches de cirques, il s'agit de matériaux grossiers à blocs décimétriques à métriques avec une matrice graveleuse, limoneuse, peu argileuse. L'épaisseur de ces brèches peut atteindre plusieurs centaines de mètres. Elles contiennent souvent des blocs ou des chaos rocheux provenant des écroulements de remparts. Les matériaux détritiques de l'île présentent fréquemment une cimentation qui leur confère d'ailleurs une bonne stabilité en talus. Des études conduites sur les matériaux du port de la Pointe des Galets avaient montré que la cohésion de ces alluvions est liée à des dépôts sur les grains de la matrice. "Les cimentations examinées au microscope optique et électronique sont assurées par u n réseau lamellaire finement cristallisé, par des hydroxydes de fer, de la silice et des zeolites".* * Rapport C E M E R E X / M E C A S O L : Problèmes posés par les travaux de terrassement. Extension du port en baie de La Possession. Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars ¡994 23 IV - SOLS ET ALTERATION 1 - Les sols d e la Réunion A ce jour, les sols de l'île ont été principalement étudiés sous l'angle pédologiquc par le C . I . R . A . D . U n e étude a toutefois été réalisée par V . R O S E L L O (Université Paris VII) sur les sols bruns des hauts. Les principales catégories de sols volcaniques sont : - les andosols, - les sols ferralitiques, - les vcrtisols, - les sols bruns. Ces différents types de sols sont caractérisés par : - leur composition minéralogique particulière (argiles, gels,...), - leur faible densité et leur forte teneur en eau, - leur structure, susceptible de modification irréversible lors de séchage o u de mise en mouvement. E n première approche, une définition succincte peut être donnée c o m m e suit: Andosols : ils se forment sous climat tropical humide, contiennent principalement de l'allophane, parfois des halloysites, de la kaolinite. Ils sont très friables, légers, très perméables ; Vertisols : ils se forment sous climat contrasté, sont argileux (argiles gonflantes : montmorillonites). L a proportion d'argiles peut dépasser 7 0 %. Leur comportement est très différent de celui des andosols, lourds, gonflants, faible macro-porosité, imperméables ; Sols bruns : ces sols de couleur brune, ils se forment sous l'influence d'alternance de période sèche et humide. Les principaux constituants sont l'halloysite, la métahalloysite, la goethite, ... Il s'agit de sols fermés, moyennement perméables peu argileux ; Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 24 Sols ferralitiques : de couleur rouge, ces sols se développent sur d'anciennes altérites. Ils sont friables, argileux, perméables, contiennent des métahalloysite, de l'hématite et de la goethite (hydroxyde de fer). Ces quatre variétés de sols se forment dans des conditions géologiques et climatologiques différentes. Il est primordial d'un point de vue géologique, de distinguer deux groupes de sols : - les sols sur roches basaltiques ou apparentées. - les sols sur cendres. La composition du sol héritée de la nature de la "roche mère" évoluera en fonction des conditions hydroclimatiques. D a n s les approches pédologiques qui s'intéressent à la partie superficielle du sol, la cartographie est aisée. E n revanche, si l'on s'intéresse à la couverture audessus du substratum rocheux, il est plus difficile de cartographier la distribution de la couverture.. E n effet, les sols cendreux ont recouvert dans de nombreux secteurs des sols d'altération anciens . Dans cette évaluation des problèmes de stabilité des pentes, 3 séquences-types de sols doivent être retenues (cf. figure 4). C o m m e nous le verrons ultérieurement, les instabilités des pentes ont souvent lieu au niveau des contacts entre les diverses couches (roche mère / altérites / cendres / colluvions). Des exemples classiques de ces topo séquences sont connues : - dans les hauts de Saint Denis, où l'on rencontre des sols cendreux recouvrant des séries basaltiques fortement altérées, - dans les hauts du T a m p o n , de Saint Paul, où les sols cendreux recouvrent des coulées récentes. Rapport BRGM 94 RHU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 Figure 4 Séquences typiques de la couverture i Cendre /attente Cendre /ancien sol Altération des basaltes sol résiduel as Cendres I Ut a Sa n a Epandages successifs Cendres 1 basalte altéré Sol résiduel I Coulée altérée basalte altéré basalte altéré scories altérées basalte sain #1m Coulée légèrement altérée coulée saine 2) Repartition des sols (carte niorpho pcdologiqiie d u C I R A D - figure 5) Cette carte de M . R A U N E T 1989 montre la grande variété de sols de la Réunion. L a classification proposée s'appuie sur la nature du substratum géologique. Les andosols se forment sur des niveaux cendreux accumulés pendant les phases explosives entre - 40.000 et - 15.000 ans et rarement sur des coulées basaltiques, massives (S. P E R R E T 1992). L'épaisseur des andosols dépasse parfois 5 mètres sur les planèzes des volcans. Les andosols occupent environ 3 2 % de la surface totale. Les sols ferralitiques rouges se forment sur des basaltes anciens (hauts de Saint Denis, hauts de l'Etang Salé). Ils occupent environ 11 % de la surface totale. Les sols bruns sont moins représentés, on les trouve sur les hauts de Saint Denis, sur la côte ouest, associés à des colluvions. Les vertisols sont les moins représentés. Ils se développent sur des colluvions ou sur les altérites à basse altitude dans des zones moyennement pentées. 3) Caractéristiques des sols a) Classification de Casagrande D ' u n point de vue géotechnique, la caractérisation usuelle des sols se fait à partir du diagramme de Casagrande. Les sols classiques peuvent exister sous 3 états : solide, plastique, liquide. L e passage d'un état à l'autre est fonction de la teneur en eau des sols. Chaque sol peut aussi être analysé (tests normalisés) afin de connaître son comportement mécanique. Les analyses des limites consistent à déterminer les teneurs en eau caractéristiques pour lesquelles les sols (fins et argileux) sont plastiques, solides, liquides. Ces passages, parfois progressifs et arbitraires, sont plus connus sous le n o m de limites d'Atterberg(1991). Rapport URGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU-Mars 94 1994 LEGENDE I - LANDES ERICOIDES DE HAUTE ALTITUDE j I 1 Placages cendreux à andasols pethydrulés cryplopodioliquey suupoudrugei d e loplli a tindasais «triques .__.: rocailles ei dallas affleurantes cônes d e scories . II - COULEES DE LAVE A MATELASSAGE CENDREUX QUASI CONTINU ^ ^ ^ ^ ^ B Sols iaihiernenl lerrallitiques andiques (non pei+iydrntés) sut alientes el cendres mélangées ¡replotiori el I 1 Sois bnjnn andiques soi cendres ; I Andosols desatores non perhydrules chromiquev >ui tendrez I I \ " "" ' Andoiols desertores fyrhydrate* chromiqueti *u> cendres (nvec o u sail "avoune") A n d o s o k rlcsaiii'6'. (jcttiydrntc- chromiques cryptopodroiiques sur cendres ó "mascoreiqnite" III - COULEES DE LAVE FAIBLEMENT ALTEREES A RECOUVREMENT CENDREUX PEU EPAIS ET DISCONTINU (NOMBREUX AFFLEUREMENTS) ! | Sols brunp, m i "gralons" désagrégés l 1 Sols \m\m\ (indiques sut cendres I Anrtovils desnhtres non perhydrntes sur cendres I Andosols desatufes perlivdraléí cryptapodroliqur"; '.ur rondros I . ' STDENIS LA POSSES^ LEPORT IV - COULEES DE LAVE N O N ALTEREES, S A N S R E C O U V R E M E N T C E N D R E U X L. I Sols peu évolues humiféres flitieifi} iui "graton^" Ifigérement désagrégés ' Coulées Ixule^ <?i L Ó O U Í tlf si OTIH^ V- COULEES DE LAVE ALTEREES, SANS RECOUVREMENT CENDREUX Rplrel d e diiserlion ri sols peir évolues ;ut malérimi nitentique rftmonié colluvionne et a rpliqutis Pianerci dm-oupees residu«ll(;% n sols ta Plnneies n ioK ftiiblemenl ler'ulliliqu»', Planèzes o sols bruni non (eiiugmiiés Planeïei a sols hruns ferruginises el sols Planezes a vprhsols el arfleurements caillouteux VI - "TUFS" DE SAINT-GILLES • J Sols bruni peu épais el sok ucrliques VU - ZONES EFFONDREES DES CIRQUES A MATERIAUX DETRITIQUES !;•' . ' . • ' _ • ' y . ST maim toiles u nivipiL'ineiit lr»;s 'ii Itl ( " I H K I Lun(!s| et "Ilots" • i .olí biuris o u ondoioi<i <.uiHouleux SI JOSEPH VIII- CÔNES DE DEJECTION ("ALLUVIONS A GALETS") K:T-:::::::-:::::-::l C ô n e s "anciens" a vils caillouteu» foihlemenl (emiUitiques I C ô n e s "anciens" u sols caillouteux verliques i iiiií'^-iü;! C ô n e s receñís 6 sols sabio coillouteu* ondique^ i-.'.oy.v'.V.J C ô n e s receñís o sols sabio- caí Houleux peu évolues IRAT M RAUNET Î989 ILE DE LA REUNION IX - CUVETTES LITTORALES A E N N O Y A G E ALLUVIAL ARGILO LIMONEUX ~ X ¿ois argilcu* plus ou m o m s hydramorphes SABLES LITTORAUX (CORDONS SABLEUX EOLIENS) til•)ll'= ''í'i'1'» Reyosols el soU peu évolues scibiet>» (basaltiques o u m n d r e p o n q u e s ) CARTE MORPHO-PEDOLOGIQUE XI - "REMPARTS" [ „ _l -Lilhosols cl placages colluvionnès brunifiès ou andiques Figure 5 T A B L E A U VII Caractéristiques W L , W P , IP de sols à la Réunion Valeurs moyennes sur quelques sites | WL -% (1) La Montagne WP - % IP 82,5 59 23,5 58 43 15 66 39 27 105 80 25 84 66 18 72,5 56,5 16 35 23,5 11,5 35 23,5 11,5 240 170 70 (2) La Comète Saint François (3) Tufs altérés S te Suzanne (4) Trois Bassins (5) Saint Leu Bras Sec (6) Saint Leu (7) CD 48 Salazie (8) C a m p de Pierrot Salazie (9) Piton Rouge W P : Limite de plasticité entre la phase solide et plastique W L : Limite de liquidité correspond à un passage entre la phase plastique et la phase Ip: Indice de plasticité: Ip = W L - W p Rapport HRGM 94 REU 11/R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 Figure 6 Abaque de plasticité de Casagrande limite de liquidité W 70 0 10 \ 20 30 1 1 60 2 '5 V, S. a. <D •a 30 W, 50_[. argiles 40-L 30J. a> Ü 5 20. L 40 50 60 70 80 90 100 1 1 \ 1 r- 1 W L •= 50 argiles minérales de forte plasticité argiles minérales de faible plasticité minérales de moyenne plasticité limons minéraux de haute'compressibilité et argiles organiques - 10. -f- + limons minéraux d e faible compressibilité -4- H f- + limons minéraux de moyenne compressibilité et limons organiques et limons organiques Caractéristiques courantes W L et Ip des argiles, limons et sables WL Indice de plasticité Ip Sables WL<35 Ip< 15 Limons 20 < W L < 60 5 < Ip < 25 Argiles WL>30 Ip> 15 Limite de liquidité Dans le cadre d'étude géotechnique réalisée par le B . R . G . M . Réunion, des analyses ont été effectuées par le laboratoire de l'Equipement. Quelques résultats significatifs sont reportés dans le tableau VII et dans le diagrammefig.6. Les valeurs obtenues sur les sites étudiés se situent sous la ligne A , dans le domaine des "limons argileux" de moyenne à haute compressibilité excepté les échantillons de C a m p Pierrot qui sont des colluvions argileuses bleutées ou verdâtres. Commentaires: * La détermination des limites d'Atterberg oblige à faire varier la teneur en eau des échantillons. Or, des études conduites sur des sols volcaniques ( B . R . G . M . Martinique, C . I . R . A . D . Réunion...) démontrent que le séchage de ces sols modifie les caractéristiques structurales des matériaux. Les phénomènes modificateurs entraînent une irréversibilité des propriétés des sols. E n conséquence, les limites obtenues sur sols volcaniques doivent être considérées avec prudence; un sol à allophane (andosol) n'est pas un solfinargileux classique. • C o m m e nous le mentionnons, le passage de l'état solide à l'état plastique est progressif. Les pédologues parlent d'un "état friable" entre l'état solide et l'état plastique. • La dessiccation modifie les propriétés mécaniques des sols volcaniques. b) Poids volumique et teneur en eau Dans les problèmes de stabilité, ces caractéristiques sont à considérer. Les poids volumiques couramment utilisés en géotechnique sont : - Le poids volumique apparent yL (poids à humidité ambiante) - le poids volumique sec yd (après séchage) - le poids volumique solide ys (poids des grains solides) La teneur en eau à saturation Wsat est égale à y w (J_ - _i_) yd ys Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 31 Tableau VIII Poids volumique de certains sols de la Réunion Origine du sol Teneur en eau Poids volumique Poids volumique naturelle W n a t humide yh sec yd en KN/M3 La Montagne 55 en KN/M3 16 Saint Denis 66 15.3 9.2 Andosols 84 13 7.3 3 Bassins 47.8 17.3 11.7 158 11.9 4.6 Piton Rouge 10.3 33 8.5 28.8 10.2 56 8.7 22 21.5 17.6 Andosols 101 12.4 6.2 Saint Leu 66.3 15.8 9.5 Saint Bernard 62 17.5 10.8 Saint Denis 96 20.1 11 74 15.7 9.2 La Comète 41 17.3 12.3 Saint Denis 37.6 18.5 13.5 34.8 17.4 12.9 45 18 12 50 17.2 11.5 47.3 13.6 9.2 67.1 15.2 9.1 C a m p Pierrot Salazie Sainte Suzanne Le Grand Tampon Rapport BRGM 94 REU 11/R 37962 SGN-REU 94 - Mars ¡994 32 Figure 7 Position de certains sols de la Réunion sur diagramme de Casagrandc (études B R G M ) 50 40 • 30 • • • 20 - • • • • 10 0 1 H 1 1_ 20 40 60 H 80 1 1 100 120 WL Position des sols de la Réunion sur diagramme de Casagrande (d'après C H E V 1 N 1983) IP S100H o •o o c MATERIAUX ANDOSOLIÛUES MATERIAUX FERRALLITIQUES FERRALLITIQUES ANDIQUES 'M10 50- 30% 50 100 © échantillons »échés è l'air 150 200 250 teneur en composés amorphes WL limite d e liquidité 33 Les sols de la Réunion ont des densités apparentes très variables, comprises entre 0,7 et 1,8. Les faibles valeurs correspondent aux sols à forte teneur en eau ( W n a j > 50 % ) A partir de ces caractéristiques, il est facile de distinguer les andosols (yd < 1, w n a t > 5 0 des sols argileux classiques tels que ceux rencontrés dans les cirques (yd > 1,5 w n a t # 20 % ) . Toute approche géomécanique de stabilité de sol doit impérativement inclure des tests d'identification (y, w ) des sols. c/ Cohésion et angle de frottement Malgré leur forte teneur en eau et leur faible densité, les andosols présentent une très bonne stabilité (bonne tenue des talus.). E n revanche, dans les cirques o ù l'on rencontre localement des formations argilisées, les sols sont plus instables (exemple Salazie). Des essais de cisaillement rectilignes ont permis de connaître les caractéristiques de ces sols : angle de frottement, cohésion. Les valeurs regroupées dans le tableau correspondent à des analyses effectuées dans le cadre d'études B R G M par le laboratoire de l'Equipement. Ces m ê m e s valeurs sont reportées sur le diagramme (c,cp) Figure 8 O n constate que les andosols (yd faible) se situent dans une g a m m e homogène (zone hachurée). Les valeurs exceptionnelles ont été obtenues sur les sols des cirques. Bien que ces données, peu nombreuses ne peuvent être statistiquement représentatives, elles corroborent les valeurs obtenues sur les andosols dans d'autres régions volcaniques (figure 8). D e telles valeurs d'angle de frottement q> explique la bonne tenue des terrains en talus. Rapport BRGM 94 REU ii/R 37962 SGN-REU 94 - Mars ¡994 Tableau IX Angle de frottement et cohésion de sok» à la Réunion Angle de frottement Cohésion Poids volumique interne y en degré C u en kpa yd 29 25 1,03 25 65 0,92 La Comète 30 28 1,23 Saint François 30 24 1,35 29 35 1,29 31° 0 0,77 Andosols 27 16 0,62 Bras Sec 27 18 0,85 Andosols 34 10 0,84 Saint Leu 31 18 1,16 Matrice de 12 26 1,12 colluvions Salazie 32 45 1,89 C a m p de Pierrot 43 0 1,76 50 8 47 16 ? ? 25 50 1,08 25 28 1,09 21 54 1,10 La Montagne Andosols Trois Bassins Saint Bernard Rapport URGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 Figure 8 Cohésion et angle de frottement des sols volcaniques Essais de cisaillement sur sol intact à La Réunion 1 80 //A « 60 a. c 0) m 40 1 '5> ««> .C O Ü '•¿A 7 y • v / /x 20 10 20 30 A • i — • 40 50 Angle de frottement en degré Essais de cisaillement sur sols compactés à Java 80 « 60 a c 140 • • 'w O g O 20 • B II 10 20 30 40 50 Angle de frottement en degré 36 4 - Alteration des roches volcaniques (figure 9, tableau X ) 4.1 - Alteration superficielle E n milieu tropical humide, l'altération des roches conduit à la formation de sol latéritique. Les profils d'altération traduisent le passage entre la roche mère saine et le sol. U n sol d'altération se distingue des sols sur colluvions, alluvions par la conservation des structures originelles de la roche mère. L'altération des basaltes donne une structure en boules appelée débit en "pelure d'oignon". A la Réunion, les sols ferralitiques rencontrés sur les formations volcaniques anciennes sont des sols d'altération. Les profils classiques que l'on rencontre dans les principales régions volcaniques du m o n d e (Inde, Afrique, Amérique du Sud) sont différents à la Réunion à cause de la structure de la roche mère constituée d'une alternance de coulées basaltiques et de scories friables. O n peut parler d ' u n e altération préférentielle : les cendres et scories s'altèrent plus vite q u e les basaltes. D e s exemples de sol ferralitiques se rencontrent dans la région de Saint-Denis, de SaintLouis, de Bras-Panon sur les séries plus anciennes Les caractéristiques des roches basaltiques altérées sont intermédiaires entre celle des roches saines (basalte) et les sols d'altération. L e phénomène d'altération induit une fragilisation de la roche mère et une diminution de ses caractéristiques mécaniques. 4.2 - La"zéolitisation" Les séries volcaniques anciennes sont généralement zéolitisées. L a zeolite est u n minéral calcique ou alcalin, hydraté qui traduit un métamorphisme faible. Ces modifications minéralogiques correspondent en quelques sortes à une altération très poussée des matériaux anciens. Rapport BRGM94 REU 11/R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 37 Figure 9 Altération des roches basaltiques Classification des sols résiduels p a r degrés d'altération (d'après Utile 1969) , HUMUS » TOPSOIL 31 SOC I COMPlXTCLT WtAThCRtO ' _ • • _ * HIGHLY WCATMCJHD m MOOCRATCLY WtATH£»lD peck SOItoKtt) n SLIGHTLY WtATXtUEO 1 fBCSM »OCX Paléosol fersiallitique sur coulée m i o c è n e d a n s le M a s s i f central français ( W . C h e s w o r t h et al., 1983). Le schéma de droite met en évidence quelques évolutions géochimiques au niveau de la roche totale : l'altération se traduit par un lessivage de Ca et M g , mais également de Si ; la forte croissance de la teneur en eau accompagne la néoformation des minéraux supergènes. Coulée supérieure Horizon rouge métamorphisé Brèche basaltique Coulée inférieure 20 % 40 % Les faciès à zeolites se rencontrent dans le coeur des cirques, et plus particulièrement dans le fond et lesflancsdes ravines profondes de ces cirques. D e s faciès similaires existent sur la côte ouest de fíle(Cap L a Houssaye) et vers l'est. Les propriétés géomécaniques des roches zéolitisées sont , apparemment, très médiocres. Les plans de cisaillement des glissements de grande ampleur qui affectent les îlets des cirques se situeraient dans ces formations zéolitisées. 4 3 - Les paléosols D e s niveaux de sols rougeâtres sont visibles dans les falaises de lile. Ils dénotent l'existence de niveaux d'altération anciens qui ont été ensuite recouverts par des coulées volcaniques. C e type de paléosol est connu dans le Massif Central français (figure 9). Pendant les périodes de calme volcanique (absence d'éruption), les coulées sont soumises à l'altération ; u n couvert végétal se forme et favorise l'altération des roches volcaniques. Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 39 Tableau X Les divers degrés d'altération selon les recommandations de la Société Internationale de Mécanique des Roches (ISMR, 1980) Roche Description Symbole Saine Aucun signe visible d'altération : tout au plus une légère décoloration sur les principales surfaces de discontinuité Wl Légèrement altérée Décoloration des discontinuités et de la roche elle-même. Altérée dans la masse, la roche est moins résistante W2 Une fraction volumique inférieure à 50 % est décomposée et/ou désintégrée en un sol. Il subsiste des résidus de roche saine ou de roche décolorée. W3 Fortement altérée Une fraction supérieure à 50 % est décomposée en un sol. Il y a encore des résidus de roche saine ou décolorée. W4 Complètement altérée La roche est entièrement décomposée et forme un sol. Mais la structure initiale est en grande partie conservée. W5 M o y e n n e m e n t altérée IV - STABILITE DES PENTES A LA REUNION Dans cette approche globale, nous allons distinguer : - la stabilité des milieux volcaniques "rocheux" - L a stabilité de la couverture (sols) - la stabilité dans les cirques. 1 - Stabilité des massifs rocheux Les versants rocheux abrupts de Hic ont été façonnés par l'érosion littorale (falaise littorale), ou par l'érosion torrentielle (ravine, gorges des rivières,...) o u par les m o u v e m e n t s tectoniques (remparts des cirques et ravines). D a n s la plupart des cas, ces falaises se superposent aux structures volcaniques (caldeira d'effondrement) o u au accidents morphotectoniques qui sont à l'origine de ces cicatrices majeures. Les processus d'érosion sont tardifs. Ces pentes "extrêmes", le plus souvent verticales, contrastent avec les pentes desflancsd u volcan qui correspondent approximativement aux surfaces d'épanchement basaltique. Les problèmes de stabilité intéressent particulièrement les falaises littorales et les remparts qui constituent souvent une menace pour la population et les infrastructures. L'exemple le plus probant est la falaise de la route littorale entre Saint Denis et L a Possession. 1.1 - Stabilité des falaises et remparts Classiquement, la stabilité d'une falaise est fonction de sa hauteur ; les talus deviennent instables lorsque leur hauteur croît. O r , à la Réunion, nous pouvons constater que les instabilités ne sont pas toujours liés à la hauteur des falaises et remparts. Rapport BRGM 94 REU II /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 41 Ainsi, certains remparts des cirques hauts de plusieurs centaines de mètres (h = 200 à 1000 m ) sont apparemment beaucoup plus stables que les falaises côtières hautes de 100 mètres (route du littoral par exemple). En fait, d'autres facteurs interviennent au niveau de la stabilité des falaises : • - la nature des matériaux. Les empilements de coulées de basalte et de scories ont des caractéristiques géomécaniques médiocres, très inférieures à celles de coulées basaltiques massives. L'intercalation de pyroclastites entre les coulées affaiblit le massif. Le facteur de stabilité (c/yH) d'une falaise est intimement lié à la cohésion et à l'angle de frottement interne du massif. L a présence de niveaux de scories entre les coulées basaltiques discontinues diminue les caractéristiques C et 0 de l'édifice. (Cscorie tend v e r s 0, e t 0 scorie < 4 5 °)- • - le pendage des coulées. Les massifs sont constitués de coulées qui ont conservé leur pente d'origine (pente d'écoulement de la lave). L e pendage des coulées est fonction de la topographie ancienne d u volcan sur laquelle s'épand la lave mais aussi de la fluidité de la lave .Ces pendages oscillent entre 5 et 15°. Selon la position de la falaise par rapport aux pendages des coulées, on parle : - d'aval pendage (cas de la falaise littorale) - d'amont pendage (cas des remparts des cirques). Quant aux remparts des ravines, elles sont parallèles aux directions des coulées et ont une "stabilité intermédiaire". • - fissuration. Bien que récente, l'histoire tectonique de l'île ne doit pas être négligée dans l'approche des problèmes de stabilité des falaises. Rapport ÜRGM 94 REU ll/R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 42 Tableaux X I Paramètres définissant la stabilité des milieux rocheux a) Systèmes de classification des massifs rocheux ( d'après la classification des massifs rocheux appliquée au soutènement souterrain AFTES, BIENIAWSKI, BARTON) -Espacement des discontinuités (épaisseur coulées, fentes, fissures,...) - Pendage des discontinuités - Orientation des discontinuités (angle entre le pendage et la falaise) - L a résistance des roches ( R C ) - L a nature des joints ou bases de scories - Les venues d'eau b) Paramètres définissant la stabilité des falaises à L a R é u n i o n Type de falaise instable Type de falaise stable Nature des massifs Alternance scories/coulées coulées massives Pendage aval pendage amont pendage Altération séries altérées anciennes séries saines (récentes) Filons sills,filons,fractures peu de fractures et diaclases absence de filons petites sources, forte perméabilité, suintements sources ponctuelles à faible perméabilité gros débit falaise littorale rempart des cirques de R N 1 (h = 1 5 0 m ) Salazie (h = 8 0 0 m ) Eau Exemples Rapport liRGM 94 REU U/R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 43 Figure 10 Stabilitc des falaises en milieu basaltique BRGM Falaise instable Aval pendage exemple : falaise de la route du littoral Pyroclastites altérées Coulée de fond de talweg Blocs instables Sources Empilement scories et coulées Pyroclastites épaisses [#1m Sous-cavage. Brèches zéolitisées Falaise stable amont pendage ¿ -r V I V \ exemple : rempart du cirque de Salazie coulée épaisse et étendue *" J\ contact sain V empilement homogène \ ' •j ~J - l\ coulées peu fracturées RAPPORT'BRGM 94 RFAJ11 / R 37962 SGN-REU 94 -• Murs m , [#1m 44 D'une part, de nombreux remparts se superposent à des structures d'effondrement postcaldcira, d'autre part les manifestations tectoniques se sont traduites pour la mise en place de filons, sills qui aujourd'hui sont des discontinuités principales au sein des massifs. Les grands glissements des cirques ont souvent eu lieu sur des surfaces de sills ou filons (Grand Sable, Grand Met, ...). Les filons qui découpent les falaises verticalement diminuent la cohésion globale des massifs par u n effet de compartimentation. Les écroulements concernent les compartiments délimités par les sills. Les paramètres favorables et défavorables sont récapitulés dans le tableau IX. Les deux exemples choisis confirment que les caractéristiques intrinsèques des massifs sont déterminantes sur la stabilité d'une falaise. Les remparts des cirques ont des hauteurs 5 à 8 fois supérieures à celles des petites falaises périphériques de l'île (corniche, falaise littorale). 1.2 - Stabilité globale des volcans Lorsque l'on considère les pentes du volcan dans leur ensemble, se pose le problème de la stabilité de l'édifice volcanique. A l'échelle géologique, des mouvements de très grande ampleur (> k m ) peuvent affecter les versants. Certaines déchirures pourraient traduire de tels phénomènes ; celle de la falaise de Saint Paul, celle de la Rivière des Remparts. L'accumulation de produits de démantèlement (cône alluvial) ou volcanique (amoncellement de coulées de lave) ont certainement joué sur les équilibres du volcan qui repose sur le plancher océanique (hauteur du volcan = 7 k m ) . Cette notion de glissement de séries volcaniques sur des unités plus anciennes en milieu saturé, a motivé des recherches géophysiques marines par les scientifiques. Les mouvements de grande envergure qui modifieraient le modelé des versants du volcan sont intimement liés à la tectonique active des volcans : o n parle de morphotectonique. L a distinction entre l'origine tectonique (géodynamique interne) et l'origine morphologique, gravitaire (géodynamique externe) est souvent impossible à faire. Bien que ces phénomènes n'interviennent pas directement sur la stabilité des pentes à grande échelle, ils ont dû modifier certains flancs des volcans dans leur structure par basculement et contribuer ainsi à une évolution de la stabilité des pentes du volcan. Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 45 2 - Stabilitc des terrains d e couverture Souvent ignorés, voire méconnus, les glissements de terrain au sein de la couverture sont relativement fréquents dans certaines régions de l'île : Hauts de Saint Denis, Hauts de Sainte Marie, Bras Panon. Les instabilités observées sont de plusieurs ordres ; elles traduisent : - des mouvements de la couverture colluviale sur les terrains en place, - des glissements au sein des sols et altérites, - des liquéfactions des matériaux. Pour appréhender ces mécanismes, il convient d'examiner la stabilité des matériaux de couverture. 2.1 - Stabilité des andosols Les observations effectuées sur les talus routiers des routes hautes montrent que la plupart des talus taillés dans les andosols présentent des profils "stables" et ce malgré qu'ils soient pratiquement subverticaux. Les dégradations observées se traduisent par un effritement (desquamation) du talus. U n e propriété remarquable des andosols est leur bonne tenue en talus. D a n s de nombreuses régions volcaniques (ex Java figure 11), les sols volcaniques (andosols) sont cités pour leur tenue exceptionnelle : berges de rivière, carrière,... D e s sols fins, argileux ne pourraient avoir un tel comportement. Les résistances au cisaillement élevées et leur forte cohésion confèrent aux andosols cette bonne stabilité (cf. résultat paragraphe IV3). E n contrepartie, les matériaux deviennent très instables après remaniement. D e s études conduites par le C I R A D à la Réunion montrent que l'érosion des terres devient intense lorsque le sol a été remanié, mécaniquement par exemple. Rapport MGM 94 RHU 1 i /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 46 Figurre 11 Sections transversales de talus stables en pays volcanique Talus de carrière intacte depuis 40 ans à Java (selon W E S L E Y 1974) .Original (round surface I zl E i^—7 7" «• K Profils de talus de rivière dans des latosols (Java) D ' u n point de vue géologique, ceci explique que les produits d'accumulation soient peu représentés sur les flancs du volcan. Dès que le sol est remanié, il devient très instables et est aussitôt transporté par les eaux de ruissellement. E n guise de conclusion, il convient de souligner les propriétés déterminantes des andosols vis à vis de la stabilité de la couverture des volcans : - les bonnes propriétés mécaniques (perméabilité élevée, 0 élevé), - leurs propriétés physiques particulières (teneur en eau élevée, granularité fine, densité faible), - leur sensibilité au remaniement, à l'érosion. 2.2 - Les m o u v e m e n t s de couverture Paradoxalement et en dépit de la bonne stabilité des andosols, des mouvements de terrains existent sur lesflancsdes volcans. Plusieurs raisons sont à invoquer : - le rôle de l'eau L a Réunion détient les records mondiaux de précipitations pour les périodes comprises entre 3 et 12 jours . Ces hauteurs sont considérables : 500 m m en 3 heures 1000 m m en 1 journée 6000 m m en 12 jours D e telles sollicitations climatiques provoquent une saturation importante des sols qui pourront se liquéfier et donner naissance à des coulées de boues méconnaissables à leur couleur beige marron. Les précipitations extrêmes annihilent donc la b o n n e tenue des andosols dus à leurs propriétés mécaniques favorables. Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 48 - les sols d'altération ferralitique La couverture cendreuse (andosols) repose fréquemment sur d'anciens sols altérés. Les sols d'altération (sol brun, sol ferralitique) contiennent une proportion significative d'argiles et sont moins perméables. Ces sols anciens sont plus sensibles aux glissements de terrains que les andosols. - la présence d'interfaces (paléohorizons) L a couverture des flancs des volcans est constituée par un empilement de niveaux aux propriétés différentes soit à cause d'une altération différentielle (fronts d'altération), soit à la suite de saupoudrages successifs de cendres, soit il s'agit d u contact entre u n sol récent et le substratum ancien, (figure 4 ) L a fragilité induite par ces discontinuités est à prendre en considération pour expliquer certains glissements de terrain de couverture. L'interface entre le sol et la roche-mère joue le rôle d'une couche "savon". D a n s la plupart des cas, elle présente u n pendage de plusieurs degrés et favorise le mécanisme de glissement. 3 - Les cirques Les cirques constituent des entités spécifiques qui, à notre avis, doivent être traitées séparément. C e s spécificités qui entrent en compte dans les problèmes de stabilité sont : - la présence de formations géologiques particulières : - brèches de démantèlement - séries volcaniques anciennes "zéolitisées" - hétérogénéité des matériaux. - u n relief exceptionnel (des versants fortement érodés avec des pentes > 30°) Rapport DRCiM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 49 - des conditions hydrogéologiques spécifiques (mares, pluviosité abondante, perméabilités contrastées). Les caractéristiques physiques et mécaniques particulières des matériaux rencontrés dans les cirques font que les mécanismes ou les types d'instabilité sont différentes de ceux ou celles rencontrés sur les flancs du volcan et en falaise. Par exemple, les îlets des cirques sont affectés de mouvements de grande ampleur, lents et continus (Grand Ilet, M a r e à Goyave., M a r e à Poule d'Eau, Palmiste R o u g e , Cilaos,...) Les glissements apparaissent dans les versants délimitant les îlets, sur les bordures des cirques ou bien au contact entre les brèches de cirque et le substratum "zéolitisé" imperméable. 4 - Action de l'homme Souvent évoquées dans les processus d'érosion des terres, les actions de l ' h o m m e peuvent contribuer à déstabiliser ou stabiliser les pentes. 4.1 - Les effets néfastes L'influence sur la stabilité des pentes apparaît lorsque: - il y a défrichement des terres (agriculture) - l'on terrasse les pentes (urbanisation) - l'on modifie l'écoulement des ravines. a) Le défrichement des terres L'érosion des sols survient dès que le couvert végétal disparaît. A la Réunion, la quantité de matériaux transportés par les cours d'eau atteindrait 3000 t/km2/an (sources CIRAD/Université de L a Réunion). Les processus d'érosion sont favorisés par de mauvaises pratiques culturales (S. P E R R E T C I R A D -1993). L e dessèchement et l'émiettement des andosols les rendent plus facilement mobilisables par les eaux de ruissellement concentrées en rigoles. Rapport URGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-RFM 94 - Mars 1994 b) Les terrassements L'expansion des villes vers les hauts a m è n e à aménager des secteurs en pentes, recouverts par des sols plus ou moins épais. La déstabilisation qui se traduit généralement par des glissements est provoquée par des décaissements de route, de plate-forme (pente de talus trop raide) ou par des remblais inconsidérés sur ces pentes. L a figure 12 illustre les instabilités qui peuvent survenir lors d'aménagement (construction d'une villa, ou bien d'une route,..) U n e reconnaissance géotechnique préalable du site aurait permis d'adapter le projet aux conditions de pente et aux types de matériaux. c) La modification des écoulements Les perturbations engendrées par la modification de la géométrie des lits de ravines sont liés à l'affouillement du lit (mise en vitesse de l'eau) qui provoque u n glissement des berges par suppression de la butée de pied. Les aménagements de zones urbaines ou pavillonnaires ont pour effet de détourner et concentrer les eaux de ruissellement vers des ravines dont le profil d'équilibre n'est pas adapté au débit. Par ailleurs, les rejets d'eau (eau pluviale, eau d'assainissement) favorisent les instabilités des terrains par saturation des sols. L à encore, la prescription d'un assainissement autonome devrait tenir compte du problème de stabilité (en métropole de nombreux cas ont conduit à interdire l'assainissement autonome dans les secteurs sensibles). Rapport IiRGM94REU 11 /R 37962 SGN-REU94-Mars 1994 51 Figure 12 INSTABILITES ENGENDREES PAR L'AMENAGEMENT BRGM Erosion des terres Habitation glissement de terrain potentiel Rapport BRGM94 REU 11 /R 37962 SGX-REU 94 - Mars ¡994 4.2 - L a lutte contre l'érosion Des programmes de revégétalisation sont actuellement menés par O . N . F dans certains secteurs de l'île (Salazie). Les techniques employées sont la réalisation de banquettes, de fascines avec des piquets de goyaviers,.: méthodes de restauration des terrains en montagne R T M . . Des travaux sont menés parallèlement au niveau des ravines pour éviter l'affouillement. D e s seuils sont disposées perpendiculairement au lit de la ravine. Ces techniques de stabilisation des versants pourraient être appliquées aux programmes d'aménagement des hauts de l'île tant dans le domaine agricole que urbain. Rapport BRGM 94 RKU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 53 VI - SYNTHESE Dans le présent rapport, les principaux paramètres intervenant dans la stabilité des pentes ont été examinés. Les instabilités constatées ou potentielles sur l'île de la Réunion sont liées à : - des conditions hydroclimatiques extrêmement sévères, - une topographie accidentée, - des aménagements inadaptés, - des terrains aux propriétés mécaniques "inattendues". Les désordres susceptibles d'affecter l'île ont été schématisés sur u n profil caractéristique d'un versant de l'île (figure 13). Dans l'approche de la stabilité des pentes, il est important de bien cerner les différents paramètres, d'une part pour comprendre les mécanismes, d'autre part pour y remédier. U n regroupement des problèmes de stabilité en trois thèmes principaux est proposé. - stabilité des édifices rocheux (falaises, remparts) - stabilité des sols (planèze) - stabilité dans les cirques. Chaque thème appelle des disciplines différentes et surtout concerne des domaines de compétences différents. Ainsi, la stabilité de la couverture est en étroite relation avec les problèmes agricoles et forestiers. Elle pourrait et devrait être étudier en collaboration avec les services de O . N . F . et de l'agriculture. L a stabilité des remparts appelle les disciplines de la mécanique des roches (géomécanique, géologie, hydrogéologie). Elle concerne surtout les aménageurs des infrastructures routières. D e s méthodes devraient être recherchées pour stabiliser ces falaises o u pour prévenir au mieux les risques. La stabilité des cirques intègre les mouvements de grande envergure. D e s programmes d'auscultation devraient être lancés. L a stabilité des pentes dans les cirques tombe dans le domaine des risques naturels majeurs Rapport BRGM 94 REU 11 /R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 54 U n e meilleure analyse des problèmes de stabilité des pentes devrait, à long terme, permettre de mieux gérer les risques de mouvements de terrain. Actuellement, les mouvements de terrain sont souvent ressentis c o m m e une fatalité. O r , une prise de conscience individuelle et collective des véritables causes pourrait, dans de nombreux cas, supprimer de nombreux désordres. D e s adaptations doivent être faites en fonction de spécificités volcaniques et climatiques de l'île. Rapport BRGM 94 REU 11/R 37962 SGN-REU 94 - Mars 1994 55 Tableau XII Synthese sur la stabilité des pentes à la Réunion Unité Nature des terrains Pente Instabilités potentielles Les falaises et Coulées basaltiques Subvertical Eboulements remparts Empilements scories/coulées >50° Ecroulements géomorphogéologique "milieu rocheux" Affaissements Lesflancsdes volcans Cendres (andosols) "sols d'altération" Sols d'altération Glissements pelliculaires 10 à 30° Erosion, ravinement Coulées volcaniques altérées Coulées de boue Les cirques Filons et sills Glissements de grande "formations Brèches argileuses détritiques de Roches zéolitisées Ecroulements démantèlement" Eboulis, chaos rocheux Coulées boueuses 10 à 70° ampleur Glissement/tassement Rapport BIIGM 94 REU II /R 37962 SGN-REU 94 - Mars ¡994 56 Figure 13 STABILITE DES PENTES A LA REUNION FALAISE LITTORALE PLANEZES I CIRQUE BRGM Ecroulement Remparts Glissement de grande ampleur Glissement de la couverture Ecroulement Eboulement LEGENDE Substatum volcanique Empilements coulées / scories Formations de cirques ^•B Chaos rocheux Terrains d e couverture Alluvions Andosols Filons Py rocl asti tes Séries zéolitisées Rapport BRGM R37962 orecnes ae cirque Altérites \ Faille