UNIVERSITÉ DE TOULOUSE II LE MIRAIL CENTRE D’ÉTUDES DU TOURISME, DE L’HÔTELLERIE ET DES INDUSTRIES DE L’ALIMENTATION MASTER TOURISME - HOTELLERIE - ALIMENTATION Parcours « Sciences Sociales appliquées à l’Alimentation » MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE Le lait : entre discours nutritionnel et représentations symboliques Présenté par : Marion Burgevin Année universitaire : 2011 - 2012 Sous la direction de : Laurence Tibère Le CÉTIA de l’Université de Toulouse II – Le Mirail n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les projets tutorés et mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur(e). Remerciements L’élaboration de ce mémoire a été possible grâce au soutien de plusieurs personnes. Je tiens donc à remercier : mon maître de mémoire, Madame Laurence Tibère, pour les conseils qu’elle m’a prodigués ; Monsieur Christophe Serra Mallol qui a toujours été disponible pour répondre à mes questions concernant l’élaboration de ce mémoire ; tous les mangeurs qui ont bien voulu remplir mon questionnaire ; Martine Derouineau et Christine Derouineau pour le temps qu’elles m’ont accordé. Sommaire INTRODUCTION p.6 Partie 1 : Le lait, un aliment incontournable de l’alimentation française p.8 1. Le lait p.8 2. La consommation du lait p.16 Partie 2 : Pourquoi le mangeur consomme-t-il des produits laitiers ? p.30 1. Hypothèse 1 : le rôle des allégations nutritionnelles p.30 2. Hypothèse 2 : l’influence des croyances p.37 3. Hypothèse 3 : la montée de la médicalisation de l’alimentation p.42 Partie 3 : Méthodologie p.49 1. Le choix de la méthode d’enquête p.49 2. Le protocole d’enquête p.52 3. Le guide d’animation p.57 CONCLUSION p.60 INTRODUCTION Dans la vie des humains, l’alimentation tient une place importante. En effet, les journées sont rythmées par les repas. Chez le mangeur traditionnel français, on observe trois repas. Ils sont structurés de manière similaire ; d’un jour à l’autre, on va retrouver des groupes d’aliments identiques. Le repas sera composé de protéines avec les viandes, poissons, œufs ; de légumes verts crus ou cuits ; de féculents ; d’un produit laitier et/ou d’un fruit. L’alimentation du français est donc très diversifiée. Cependant, à l’intérieur de ces groupes d’aliments, il existe pour le mangeur un choix très important. En effet, lorsque celui-ci va faire ses courses, il doit sélectionner ses produits parmi une multitude de propositions. Il se trouve face à des rayons entiers pour un même produit. Les industries agroalimentaires rivalisant d’efforts marketing avec des packagings différents, des slogans, des publicités et des messages adressés aux consommateurs. Face à cet hyper- choix, le mangeur se sent souvent désorienté et perdu. De plus, les dernières crises sanitaires compliquent encore cette situation. En effet, depuis plusieurs années, elles se sont multipliées. Dans ce contexte, comment choisir de consommer un produit lorsque l’on a perdu confiance en lui et que l’on a peur pour sa santé ? C’est cette inquiétude qu’ont engendrée la crise de la vache folle en 1996 ou encore la grippe aviaire en 2004. On a pu constater à la suite de ces évènements une diminution de la consommation de viandes rouges pour le premier et de volailles pour le second. Plus récemment en 2011, la souche rare d’Escherichia coli a causé un vent de panique chez les consommateurs et a entrainé une diminution très importante des ventes des légumes frais. Les médias, ont un rôle majeur dans ces crises puisqu’ils les relayent et contribuent à amplifier ce sentiment d’insécurité par rapport à la nourriture. Difficile de ne pas modifier ses comportements alimentaires quand les journaux titrent « le concombre tueur ». Cette insécurité a fait naître chez le consommateur le désir de choisir des aliments bons pour la santé. Il devient un expert en nutrition et de plus en plus exigeant par rapport à ses choix alimentaires. Il veut savoir ce qu’il ingère ; dans ce contexte, « le principe d’incorporation » de Claude Fischler prend toute son importance. Les règles nutritionnelles prennent également une grande place dans les choix du consommateur et ce pour tous les groupes d’aliments. C’est pourquoi, j’ai décidé de m’intéresser au lait et aux produits laitiers. En effet, si ceux-ci étaient consommés depuis plusieurs années par une majorité de la population, on remarque une diminution de sa présence dans les repas du Français. J’ai donc voulu comprendre l’évolution de la consommation de ces produits. De plus, j’ai choisi ce sujet car il est d’actualité. De fait, de nombreuses publicités ainsi que les recommandations nutritionnelles données par les différentes institutions (médicale, école, Etat…) visent à augmenter nos apports en calcium. Mais on constate aussi l’émergence de nouveaux courants anti-laits qui dénoncent la propagande de l’industrie laitière. Ce constat, mes différents questionnements ainsi que mes premières lectures m’ont permis d’en arriver à cette question de départ qui est : « Quels sont les différents arguments et visions des acteurs anti-lait et pro-lait ? » Dans ce mémoire, j’étudierai dans une première partie le lait en tant qu’aliment incontournable de l’alimentation française, aussi bien d’un point de vue nutritionnel que d’un point de vue social en intégrant les différentes représentations symboliques. La deuxième partie traitera des hypothèses qui répondront à la problématique. Et enfin, la troisième partie exposera la méthodologie à appliquer sur le terrain pour vérifier ces hypothèses. Partie1 : Le lait, un aliment incontournable de l’alimentation française Le lait est un aliment que l’on consomme quotidiennement. Il est présent quasi systématiquement à chaque repas sous forme de lait ou de produits laitiers dans la population française. Dans cette partie, je vais étudier l’histoire du lait, sa consommation en France, ses représentations et ses statuts. 1 Le lait 1.1 Le lait sous toutes ses formes 1 Le lait se définit depuis 1909 comme « le produit intégral de la traite totale et ininterrompue d’une femelle laitière bien portante, bien nourrie et non surmenée ». Le lait est à la fois un aliment et une boisson d’un grand intérêt nutritionnel. Selon les civilisations, on consomme du lait d’animaux domestiques : de vache, de brebis, de chèvre, de jument, de bufflonne, de yack, de chamelle et de renne. En France, c’est le lait de vache qui est le plus consommé mais on trouvera également en bouteille du lait de brebis et de chèvre qui est également apprécié. Il existe sous différentes formes : - le lait cru : il est embouteillé directement après la traite ; - les laits ayant subi un traitement thermique : pasteurisé, stérilisé et stérilisé UHT ; - le lait entier, ½ écrémé, écrémé : dépend du pourcentage de matières grasses ; - les laits déshydratés : en poudre, concentré ; - les laits supplémentés : en fer, en vitamines, en calcium, en zinc, en magnésium ; 1 le lait fermenté : les yaourts ; CNIEL. Les produits laitiers, le lait, la vie [en ligne]. Disponible sur : < www.produits-laitiers.com/lesproduits-laitiers/varietes/le-lait/>. (Consulté le 21-02-2012). - le lait biologique. C’est le lait qui va servir à faire le fromage, les yaourts, les desserts lactés. 1.2 Le lait, un aliment nutritionnel 2 Le lait est un aliment complet pour le nourrisson ; c’est le seul indispensable jusqu’à l’âge de 6 mois. 1.2.1 Qualités organoleptiques La couleur du lait varie du blanc au jaune en fonction de la teneur en matières grasses et en carotènes. La flaveur évolue selon la température de dégustation : l’odeur du lait froid est neutre ; le goût du lait est caractéristique. La texture du lait est liquide. 1.2.2 Qualités nutritionnelles Le lait contient tous les micronutriments et macronutriments essentiels. Il est riche en calcium qui participe à la construction du squelette et à la solidité des os et des dents. Il est également riche en vitamine D qui aide à fixer le calcium sur les os. Le lait contient majoritairement de l’eau c’est pourquoi il est considéré comme une boisson. Pourtant, sa composition complète fait qu’on peut aussi le considérer comme un aliment. Le lait est donc un aliment incontournable pour une alimentation équilibrée. L’annexe A, présente la composition nutritionnelle du lait pour 100ml. 1.2.3 Qualités hygiéniques Le lait dans le pis de la vache est stérile. Mais dès la traite, il est contaminé par des micro-organismes. 2 VIERLING Elisabeth. Aliments et boissons, filières et produits. 3e édition. Paris : Editions Doin, 2008, p. 15-54. Cependant, grâce aux différents procédés de conservation appliqués au lait pasteurisation, stérilisation (UHT ou non) – c’est un aliment hygiénique. De plus, lors de la collecte, des prélèvements sont effectués et certaines bactéries sont recherchées comme les salmonelles dont la tolérance est de 0 ou les bactéries thermorésistantes. Le lait ayant subi un traitement thermique est donc microbiologiquement sain. 1.3 La place du lait en France 3 Auparavant, il était difficile d’estimer les consommations car le lait, du fait de sa fragilité, n’était pas taxé et la production n’était pas enregistrée. De 1815 à 1824, la consommation par an et par habitant était de 63 kg ; elle passe à 124 kg entre 1895 et 1904 et à 164 kg entre 1935 et 1938. En 1991, c’est dans les régions de l’ouest et de l’est qu’on achetait le plus de lait. En 2006, c’est toujours dans l’ouest que l’on en consommait le plus. Figure 1 : Variations de la consommation en fonction des régions 3 AMBROISE Martin et al. Apports nutritionnels conseillés pour la population Française. Paris : Editions Tec et doc, 2001, p. 421. Ce sont les régions du nord-ouest qui consomment le plus de lait. Cette consommation plus importante peut être liée au fait que ce sont des régions productrices de produits laitiers. Par ailleurs, la consommation annuelle moyenne de lait et de produits laitiers est particulièrement forte chez les enfants et les adolescents. Les enfants consomment 15% de leurs produits laitiers frais hors domicile. Cependant, on peut constater que même dans cette catégorie de population, il y a une diminution de la consommation. Figure 2 : consommation des produits laitiers en France chez les enfants et adolescents Consommation de produits laitiers en France Lait Ultra-frais Fromage 20,4 18,5 83,1 87,3 232,1 3 à 5 ans 25,1 65,4 19,8 63,6 23,5 73,3 17,8 61,4 196,5 192,3 164,1 144,1 141,8 6 à 10 ans 11 à 12 ans 13 à 14 ans 15 à 16 ans 16 à 17 ans Figure 3 : évolution de la consommation de lait chez les enfants Evolution de la consommation du lait chez les enfants 1999 234,6 206,3 227,1 185,3 Garçons de 3 à 10 ans Filles de 3 à 10 ans 2007 200,5 181,6 Garçons de 11 à 14 ans 184,1 146,8 Filles de 11 à 14 ans Pour le lait et les yaourts, les consommations des hommes et des femmes sont équivalentes, tandis que le fromage est consommé en quantité supérieure par les hommes. On observe d’une manière générale, une baisse de la consommation du lait. « En 2006, un ménage français moyen a acheté 102 litres de lait au prix moyen de 69 centimes/l. Les trois quarts des volumes correspondent à du lait UHT demi-écrémé, viennent ensuite le lait UHT écrémé (7 %) et entier (4 %). Les laits spécifiques, en particulier ceux destinés à l’alimentation des bébés et petits enfants, sont achetés pour 9 % de volume à un prix nettement supérieur : 1,15 €/l. Les laits pasteurisés et crus correspondent à des achats marginaux (respectivement 2 litres/an et moins de 1 litre/an). Rapportée à une personne, la consommation annuelle de lait est de 44,5 l, dont 32,9 l de lait UHT demi-écrémé. D’un point du vue tendanciel, les achats de lait ne cessent de diminuer (réduction de 6 litres par ménage en 3 ans) mais les laits spécifiques progressent (+ 0,8 l, soit + 10 % depuis 2003) à la faveur de la multiplication de ces produits et des campagnes publicitaires» 4. Figure 4 : achats de lait en 2006 4 OFFICE DE L’ELEVAGE. Comité lait de vache. La consommation des produits laitiers par les ménages Français en 2006, 7 février 2008, p.4. Tableau 1 : structure des dépenses des consommations des ménages Français Années 1980 Années 1990 Années 2000 Années 2003 3,8% 3,8% 3,1% 3,1% 19,1% 16,7% 15,7% 15,9% 34,2% 42,9% 39,2% 40,4% 44,6% 36,5% 50,3% 30,7% Produits agricoles Produits industriels alimentaires Services Autres Source : INSEE, 2006 Ce graphique et ce tableau nous montrent bien la diminution de la consommation du lait ½ écrémé, des laits spécifiques, ainsi qu’une légère augmentation du lait écrémé et du lait pasteurisé. La consommation du lait jusqu’à aujourd’hui continue de diminuer. 1.4 Histoire de lait 5 C’est à la période du néolithique, quand l’homme est devenu agriculteur, qu’il commence à boire du lait. Vers 8000 av. J. C. l’homme va commencer à faire des élevages et, par ce biais, accéder à la consommation de lait. Du moyen âge jusqu’au XV ème siècle, le lait n’était ni un signe de distinction sociale, ni considéré comme ayant des qualités nutritionnelles. Puis, à partir du XVème siècle, on a pu observer un changement progressif de son statut. 1.4.1 Le rejet Dans l’antiquité, les grecs et les romains boudaient catégoriquement le lait, optant volontiers pour les légumes, les fruits, les céréales, etc. Au moyen âge, ce sont les régions du nord-ouest de la France qui consommaient du lait. La Bretagne était d’ailleurs considérée comme le pis fromager de la France. A cette époque, les laitages formaient la base de l’alimentation des pauvres 5 Observatoire CNIEL des habitudes alimentaires. Mémoire lactée [en ligne]. Disponible : < http://www.lemangeur-ocha.com/>. (Consulté le 22-12-2011). Un proverbe illustre d’ailleurs bien cette perception : « Fromage, poyre et pain est repas de villain. » Ils symbolisaient aussi, aux yeux des gens, les populations isolées, arriérées dont voici un exemple : « Le lait fournit à des nations entières, principalement aux habitants des montagnes, la nourriture ordinaire, journalière, fondamentale. Les hommes de ces contrées sont gras, lourds, stupides ou du moins graves, sérieux, pensifs, sombres. Il n’est pas douteux que l’usage habituel du lait ne soit une des causes de cette constitution populaire. La gaîté, l’air leste, la légèreté, les mouvements aisés, vifs et vigoureux des peuples qui boivent habituellement du vin en est le contraste le plus frappant.»6 Au IXème siècle, les médecins recommandaient une grande prudence à l’égard du lait. D’ailleurs, le traité arabe de diététique d’Isaac le Juif expliquait que les produits laitiers sans exception doivent être considérés comme indigestes et détestables. Au XIVème siècle, le lait était peu utilisé car c’était une denrée très fragile qui avait une mauvaise conservation. On s’en servait dans les bouillies ou les sauces et les potages. Il était consommé exclusivement cuit ou bouilli. De plus, de nombreuses sauces étaient préparées avec du vin et il était interdit de consommer simultanément lors d’un même repas du lait et du vin. Cette interdiction émanait des médecins. Au XVème siècle, le lait était déconseillé aux hommes adultes sains qui risquaient de s’affaiblir à en boire trop et était interdit aux adolescents dont la croissance exigeait des aliments plus substantiels. Une autre raison expliquant le fait que le lait était désapprouvé, c’est que les vaches de la région méditerranéenne étaient de très mauvaises laitières et ne pouvaient donc pas subvenir aux possibles besoin en lait de la population. 6 Observatoire CNIEL des habitudes alimentaires. Mémoire lactée [en ligne]. Disponible : < http://www.lemangeur-ocha.com/>. (Consulté le 22-12-2011). 1.4.2 L’acceptation Au XVIème siècle, l’église autorisait la consommation de lait uniquement les jours gras car il faisait partie des aliments gras. Au XVIIIème siècle, l’église accorde des dispenses locales ; les chrétiens peuvent ainsi boire du lait en jour maigre comme en jour gras. On observe un reclassement des laitages dans les produits maigres. A partir du XVIIIème siècle, on a donc commencé à voir des changements quant à la consommation du lait. Il est passé d’aliment marginal méprisé à un aliment de référence. On assiste à la naissance de la cuisine au beurre et à la crème. Le lait devient une bonne nourriture qui présente quelques inconvénients. Le discours médical a également évolué, puisqu’en 1765, on pouvait voir écrit dans l’encyclopédie : « le lait de vache est le lait par excellence, il possède le plus grand nombre des qualités génériques du lait ». Le lait va même intervenir dans les régimes contre la goutte. 1.4.3 L’intégration Du milieu du XVIIIème siècle à nos jours, la consommation de produits laitiers a cru, celle de lait a doublé entre 1900 et 1950 : les progrès de l’hygiène et de la pasteurisation étant pour beaucoup dans cette augmentation. En 1926, est créé à Paris un « office du lait » dont l’objectif est de promouvoir la consommation de laitages et de soutenir par un mécanisme de subventions les établissements et les organismes qui distribuent du lait. Dès 1930, avec la découverte du principe de réfrigération, la consommation du lait se répand dans les villes. Très vite, des industriels se lancent dans la transformation du lait pour des produits dérivés de grande consommation. Ainsi, en 1951, la technique de conservation par ultra haute température révolutionne la filière lait. En effet, mis en brique, celui-ci se conserve à température ambiante sans crainte d'oxydation pendant 6 à 18 mois. La consommation du lait prend alors une dimension inattendue, que les grands industriels vont développer. Le 18 septembre 1954, Pierre Mendès France annonce que chaque jour, un verre de lait avec du sucre sera servi à l’école,. Le 26 novembre 1954, une circulaire précise que tous les enfants scolarisés dans le premier degré bénéficieront, à partir du 1 er janvier 1955, de distributions de lait et de sucre dans les établissements privés et publics. Le lait est élevé au rang d’aliment indispensable à la santé, idée qui perdure encore aujourd’hui. Cependant, on voit arriver une nouvelle tendance, avec des discours controversés à propos du lait et des bénéfices. Mais qu’en est-il de l’image du lait ? 2. La consommation du lait 2.1 Le lait : images et mythes Comme on a pu le constater, dans son histoire, l’image du lait a été modifiée au fur et à mesure des années. Nous allons nous intéresser ici aux symboles qu’il véhicule. 2.1.1 Les images « Les aliments sont porteurs de sens et ce sens leur permet d’exercer des effets symboliques et réels, individuels et sociaux »7. C’est le cas du lait qui a une image symbolique très forte. Le lait est considéré comme un aliment bâtisseur, il renforce les os, le squelette et les dents. Il permet d’être plus fort, de résister aux épreuves. 7 FISCHLER Claude. L’homnivore. Paris : Editions Odile Jacob, février 2001, p.88 Il représente la pureté et la vie. C’est d’ailleurs le premier aliment exclusif du nourrisson. Il est source de santé, de bien-être et d’un vieillissement réussi. « Le choix de consommer tel ou tel produit s’inscrit dans une logique de protection-prévention qui prend sa source dans la pensée magique : croire aux vertus du produit incorporé ».8 Lorsqu’on boit du lait, on incorpore ses bénéfices. C’est le principe d’incorporation décrit par Fischler 9 : « Acte fondamental sur lequel se cristallise l’angoisse de l’homnivore. C’est le mouvement par lequel nous faisons franchir à l’aliment la frontière entre le monde et notre corps, le dehors, le dedans. Ce geste est à la fois banal et porteur de conséquences potentiellement irréversibles.» L’incorporation répond à des enjeux à la fois vitaux et symboliques. Le lait a toujours une image positive. Cette théorie est confirmée par Fischler : « Les produits laitiers sont classés par les gens dans une famille santé ou laitage, mais jamais ils ne sont renvoyés à des classes négativement connotées. »10 Dans l’esprit des gens le lait devient presque un alicament. Le lait a donc différentes représentations dans l’inconscient des humains. Mais cette image est toujours positive. Et elle n’est pas nouvelle puisqu’on la trouve dès l’antiquité et même dans certaines légendes. 8 GINESTE Muriel. Les formes sociales de l’équilibre alimentaire. Thèse de doctorat sociologie. Toulouse : Université de Toulouse II-Le Mirail, 2003, p. 258-264. 9 FISCHLER Claude.op.cit., 2001, p. 66. 10 FISCHLER Claude. Le bon et le saint. Cahier de l’OCHA, n°1, CIDIL, p.20. 2.1.2 Les mythes autour du lait 11 12 Le lait a toujours eu une charge symbolique très forte. A ce titre, il fait partie de nombreux mythes. Nous en verrons ici quelques-uns dans lesquels il a un rôle important. Les hindous pensaient que le monde était né d’une mer de lait vigoureusement barattée par les dieux. De cette agitation est sortie la vache, ce qui explique aujourd’hui son caractère sacré venant de son statut de mère nourricière des hommes. Pour les hindous, littéralement obsédés par la notion de pureté et la crainte de la souillure, le lait représente le seul aliment pur de par sa couleur blanche. C’est un récit vieux de trois mille ans qui en explique les raisons. Les dieux étaient très satisfaits d’avoir créé la vache, source inépuisable de nourriture pour les hommes. Quand le dieu Agni aperçut la vache, il en tomba amoureux et la pénétra. Le récit explique que : « sa semence devint le lait qui est dans la vache. » Le dieu Agni étant le dieu du feu purificateur des rituels, son sperme, et donc le lait, représente la pureté absolue. Les autres aliments potentiellement souillés peuvent ainsi être purifiés s’ils sont cuits dans le lait ou frits dans le beurre. Les Peuples du Sahel pensaient eux que l’univers n’avait été créé qu’à partir d’une seule goutte de lait. Les récits mythologiques autour du lait ne manquent pas non plus : Zeus nourri par la chèvre Amalthée, Hercule faisant gicler du lait pour former la Voie Lactée, notre galaxie (du grec gala : lait) ou encore Romulus et Remus nourris par le lait d’une louve. 11 BLIN Dominique et al. L’allaitement maternel : une dynamique à bien comprendre. 2ème édition. Ramonville : Editions Erès, 2007, p.88-123. 12 CNIEL. Histoire, sociologie et images du lait [en ligne]. Disponible sur : http://www.cniel.com/publicat/Questions_sur/pdf/QS_HS2.pdf. (Consulté le 29/02/2012). Les textes orphiques de la Grèce antique présentaient le lait comme une boisson divine où l’on pouvait puiser l’immortalité. De plus, en Egypte, il existe une croyance en la fertilité de l’eau et du lait qui est illustrée par la vénération d’Isis durant les dernières dynasties égyptiennes. Elle symbolise la fécondité, mais elle est aussi appelée Isis lactans, celle qui nourrit et qui, tous les 10 jours, descend le Nil en répandant son lait sur les autels funéraires de son époux défunt pour assurer la perpétuation de la race. Le lait représente ici la fertilité. Une expression religieuse marque également cette représentation : « Sur toutes les terres promises coulent des ruisseaux de miel et de lait. » Il est vrai que le lait est également un symbole religieux important. Il représente l’amour divin et la dépendance de l’homme envers son Créateur. C’est aussi un symbole d’abondance, de richesse et de prospérité collective. Dans la religion chrétienne le lait, de par sa couleur blanche, est symbole de pureté. En effet, la robe de la mariée doit être blanche ce qui est le signe de sa virginité et donc de sa pureté. Mais, le lait est aussi pour certaines religions source d’interdiction alimentaire. Il est dit : « Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère. » (Exode : 23 ; 19 et 34 ; 26. Dt 14 ; 21). Certains auteurs ont vu dans cet énoncé une façon de rappeler en permanence le tabou de l’inceste (sa transgression était, chez les Anciens Hébreux, punie de mort). En effet, la présence dans la même marmite (dans le même lit) d’une mère (symbolisée par son lait) et de son fils et leur « fusion » sous l’action du feu (de l’âtre ou de la passion amoureuse) pourrait bien constituer un cas « d’inceste… culinaire. » Par la suite, le tabou sera étendu : il se traduit par l’interdiction faite aux Juifs pratiquants d’ingérer au cours d’un même repas produits laitiers et produits carnés. Dans les civilisations anciennes, le lait était étroitement associé à l’eau, symbole de vie. La déesse iranienne des eaux est aussi celle qui permet aux femmes d’avoir du lait. Dans de très nombreuses cultures, des cérémonies autour de la traite et des offrandes de lait avaient pour but de faire tomber la pluie. Depuis la fin du paléolithique jusqu’à aujourd’hui, les eaux « galactophores » furent l’objet de cultes : en buvant l’eau miraculeuse de ces « sources laitières », les femmes et les animaux dont le lait était tari voyaient leur sécrétion lactée reprendre. Le lait est également souvent associé au sang. Ils furent assimilés à un point tel que, pendant longtemps, on considéra qu’entre les deux, la seule différence était la couleur (les vampires des anciennes légendes suçaient indifféremment le lait et le sang de leurs victimes humaines). On leur attribua aussi la vertu d’être des élixirs de longue vie : les vieillards malades étaient incités à boire du sang et du lait, ce dernier étant considéré comme particulièrement bénéfique s’il était tété directement au sein d’une femme ! Si le lait est spontanément associé à la féminité, il a aussi été présenté, parfois, comme un trait caractéristique des hommes. L’Occident chrétien verra ainsi surgir de nombreuses légendes de « Saints laitiers » : ne se contentant pas de faire jaillir des « sources laitières », ils interviendront pour empêcher le lait de tourner et iront même jusqu’à offrir leur sein aux nourrissons abandonnés. De même, si le lait est l’aliment des enfants, êtres faibles et fragiles, il peut aussi être la nourriture quotidienne d’adultes à la force terrifiante. Dans l’Odyssée, le cyclope Polyphème attaque les compagnons d’Ulysse après avoir empli « son vaste sein de chairs humaines et de grands traits de lait pur ». Dans les contes scandinaves, l’ogre dévoreur d’enfants est décrit comme un grand buveur de lait. Comme nous venons de le voir, le lait fait partie de nombreux mythes, ce n’est pas un aliment banal. C’est pourquoi, il se retrouve souvent au cœur des débats nutritionnels. 2.2 Discours nutritionnels : entre abondance et controverse On va rencontrer essentiellement deux types de discours nutritionnels. Le premier est véhiculé par la plupart des médecins, par les nutritionnistes, diététiciens et relayés par les médias via le biais du Centre National Interprofessionnel de l’Economie Laitière (CNIEL). Il prône les bienfaits du lait. Le deuxième discours, plutôt anti-lait, émerge depuis quelques années. Il met en garde contre une consommation excessive, inutile voire dangereuse du lait. 2.2.1 Le discours pro-lait Le discours nutritionnel encourage la consommation de lait et de produits laitiers car ils sont source de calcium, minéral important pour la croissance et la solidité des os. 2.2.1.1 Le calcium 13 14 Le corps humain contient 1000 à 1200 mg de calcium dont 99% se trouve localisés dans l’os et forment avec le phosphate inorganique des cristaux qui se fixent sur la trame protéique rendant ainsi la charpente osseuse très solide. C’est le processus de calcification ou minéralisation. Le calcium non osseux (1%) qui se trouve dans le sang joue un rôle essentiel dans sa coagulation, dans l’innervation nerveuse, dans l’activité musculaire et cardiaque, dans la pression artérielle, dans les mécanismes enzymatiques. Le squelette évolue et se renouvelle tout au long de la vie car l’os est un tissu vivant en perpétuel remaniement sous l’influence d’hormones et de facteurs de croissance. La masse et la solidité de l’os vont dépendre de l’apport de « matériaux » bénéfiques à l’os tels que les protéines, le calcium et l’activité des cellules osseuses. C’est parce que notre système osseux se renouvelle intégralement entre 3 et 4 fois dans une vie, que l’organisme a besoin du calcium apporté par l’alimentation car il ne sait pas en fabriquer. 13 CNIEL. Les produits laitiers : les meilleurs amis de la croissance. Montpellier : Pôle éditorial et enseignement du CNIEL, 2010, p.12. 14 CNIEL, CIDIL. Guide d’applications pédagogiques : alimentation et activités physiques. Yvelines : Pôle éditorial et enseignement du CNIEL, 2010, p.7-8. Tableau 2 : les besoins et apports conseillés en calcium par jour en mg 15 Entretien Enfants 1-3 ans Enfants 4-9 ans Adolescents 10-14 ans Adolescents 15-18 ans Adultes > 18 ans Femme > 55 ans Homme > 65 ans Femme enceinte (dernier trimestre) Femmes allaitantes 1 2 50 Rétention (croissance, fœtus, lait) 90 Coefficient d’absorption réelle 40 Besoin nutritionnel moyen1 350 Apports nutritionnels conseillés2 500 100 140 40 600 800 170 250 45 930 1200 260 100 40 920 1200 260 / 38 690 900 280 / 30 930 1200 280 / 30 930 1200 200 220 55 760 1000 200 250 45 1000 1300 BNM suffisant pour 50% de la population ANC = BNM + 30% 2.2.1.2 Les populations ciblées Un apport alimentaire suffisant de calcium peut être particulièrement recommandé : - pour les enfants et les adolescents qui sont en pleine croissance ; ils en ont besoin pour permettre une minéralisation optimale du squelette mais aussi pour atteindre, à 18 ans, une densité minérale osseuse optimale ; - pour les femmes enceintes du fait de l’augmentation des besoins calciques essentiellement au cours du troisième trimestre, moment où le fœtus accumule le calcium ; 15 AMBROISE Martin et al. Apports nutritionnels conseillés pour la population Française. Paris : Editions Tec et doc, 2001, p. 137. - pour les femmes allaitantes car une partie du calcium est utilisée pour la lactation ; - pour les femmes ménopausées qui ont un risque plus grand d’ostéoporose probablement accentué par la diminution des œstrogènes ; - pour les personnes âgées qui sont plus exposées aux fractures ; en effet, le vieillissement est responsable d’un défaut d’adaptation de l’absorption intestinale du calcium ce qui entraîne une diminution progressive de la densité minérale osseuse. 2.2.1.3 Les recommandations officielles 16 Le Programme National Nutrition Santé (PNNS) : depuis 2001, l’objectif général du programme est d’améliorer l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur l’un de ses déterminants majeurs qu’est la nutrition. En ce qui concerne le calcium, les recommandations visent à augmenter la consommation afin de réduire de 25% le nombre d’individus ayant des apports calciques en dessous des apports nutritionnels recommandés. Le lait et les produits laitiers sont la source privilégiée de calcium. Le PNNS préconise d’en consommer 3 par jour (ou 4 selon leur richesse en calcium), et de les diversifier car leur composition est très différente d’un aliment de ce groupe à l’autre. Le Groupe d’Etude des Marchés de Restauration Collective et Nutrition (GEMRCN) : cette charte datant de 2007 contient des repères et objectifs prioritaires à atteindre pour améliorer la qualité nutritionnelle des repas servis en restauration scolaire. Il y un contrôle de l’exécution des prestations, sur la base de fréquences de présentations de plats. Dans le cas des besoins nutritionnels en lien avec le calcium, la recommandation du GEMRCN est d’augmenter les apports calciques. 16 ASCOMED, CNIEL. Les produits laitiers comment leur en parler ? . Paris : Pôle éditorial et enseignement du CNIEL, 2010, p. 8. Pour cela, il propose des fréquences de consommation : - fromages contenant au moins 150mg de calcium par portion : 8 repas sur 20 successifs au minimum ; - fromages contenant plus de 100mg et moins de 150mg de calcium par portion : 4 repas sur 20 successifs au minimum ; - produits laitiers ou desserts lactés contenant plus de 100mg de calcium et moins de 5g de lipides par portion : 6 repas sur 20 successifs au minimum. Il fournit également des recommandations sur les grammages devant être servis aux enfants. Tableau 3 : grammages (en g) des produits laitiers servis en restauration collective selon l’âge Produits prêts à consommer Fromages Produits laitiers frais Fromage blanc, fromage frais Yaourt Petit suisse Lait ½ écrémé (en ml) Desserts lactés Enfants en maternelle 20 Enfants en classe élémentaire 30 100 à 120 100 à 120 100 à 120 100 à 125 60 100 à 125 60 100 à 125 120 125 125 125 100 100 100 Adolescents 30 à 40 Nous avons vu ici que le lait est décrit comme un aliment indispensable et que, à ce titre, il est conseillé pour toutes les tranches d’âge. Nous pouvons donc nous demander ce qui, depuis quelque temps, met en doute ces certitudes. 2.2.2 Le discours anti-lait Depuis plusieurs années, on a vu émerger des revendications contre le lait. Ces remises en question, émanant dans un premier temps des médecines douces, se sont propagées à une partie du corps médical. Nous allons voir dans les paragraphes suivants quels sont leurs arguments. 2.2.2.1 Le lait : un agrobusiness Toutes les recommandations sur la consommation du lait se fondent sur des études scientifiques. Selon ce nouveau courant, il semblerait que ces études soient biaisées. En effet, la plupart des études scientifiques seraient demandées par les industries laitières. Les médecins n’auraient donc pas le choix dans leurs conclusions. Payés par les industries laitières pour faire ces études, ils ne peuvent donc pas dire que le lait est mauvais pour la santé. Voilà un des arguments avancés par les anti-laits. De plus, l’industrie laitière est présente lors de nombreuses conférences ou colloques médicaux qu’elle parraine ou sponsorise. Cette omniprésence leur vaut le qualificatif « d’envahisseurs de la voie lactée »17. Nous allons voir quelques exemples qui montrent que l’industrie laitière serait aux commandes des recherches scientifiques. Ainsi, le financement de l’Institut Français pour la Nutrition (IFN) est en grande partie apporté par les industries laitières. L’IFN est une structure influente qui joue un rôle de conseil auprès des pouvoirs publics. Cependant sa crédibilité a des limites « lorsqu’il s’agit de dire le rôle des aliments transformés sur la santé, ces aliments-mêmes fabriqués par les bailleurs de fond de l’IFN »18. En France, la direction du programme national nutrition santé PNNS, une émanation des ministères de la santé, de l’éducation nationale et de l’agriculture a été confiée à la fin de l’année 1999 à un médecin siégeant à l’institut Candia. Dès l’année suivante, le PNNS se fixait l’objectif prioritaire d’augmenter chez tous les français la consommation du calcium. « Comment ? En consommant notamment trois produits laitiers par jour. Ces recommandations ont été d’autant plus facilement entérinées par le PNNS qu’y participaient deux cadres de Candia, un de Danone, un autre médecin membre du conseil scientifique de Candia, un médecin membre du conseil scientifique de Danone, un médecin 17 18 SOUCCAR Thierry. Lait, mensonges et propagandes. Vergèze : Editions Thierry Souccar, 2008, p.49 SOUCCAR Thierry. ibid. 2008, p.51 membre du conseil scientifique de Nestlé, un représentant de Kellogg’s qui ne vend pas de laitages mais en fait la promotion active (des corn flakes à rien, c’est pas génial à croquer). Ne manquait à la réunion que mamie nova, elle avait oublié de mettre son réveil »19. Pendant les années 1990, on va voir un lien se tisser entre les autorités sanitaires et l’industrie laitière, pas seulement en France mais aussi aux Etats unis. « En juin 1999, Le National Dairy Council (qui fédère les acteurs de l’industrie laitière Américaine), monte aux Etats-Unis, sous couvert de communication scientifiques, une gigantesque opération de promotion des laitages. Son nom ? « Le sommet du calcium ». Médecins et chercheurs y sont invités, moyennant rétribution, à chanter à l’unisson la gloire du calcium laitier ».20 On peut constater à travers ces différents exemples que les recommandations peuvent être influencées par l’industrie laitière. L’alimentation est devenue une industrie avec des enjeux économiques planétaires. 2.2.2.2 Le lait, un aliment dangereux ? Les recommandations en France pour la consommation des produits laitiers se fondent sur leurs bienfaits pour la santé. Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, il serait possible que les études les démontrant ne soient pas totalement fiables. On peut donc se demander quels sont les risques d’une consommation excessive de produits laitiers. Le Professeur Henri Joyeux, chirurgien-cancérologue à la faculté de médecine de Montpellier explique que : « Nous vivons l’intoxication par le lait, ce que j’appelle le lactoolisme. Evidemment, il s’agit des laitages de vache sous toutes leurs formes. 19 20 SOUCCAR Thierry. Op.Cit, 2008, p.55 SOUCCAR Thierry. Op.Cit, 2008, p.54 Les lobbies du lait sont mondiaux et veulent faire consommer tous les humains évolués de la même façon. Voilà un des plus purs excès de la mondialisation qui consiste à formater le peuple du lait, l’immense secte des laitages, avec des allégations santé encore le plus souvent fausses ou faussées».21 Selon des études scientifiques, augmenter la consommation de calcium n’aurait pas d’impacts sur la prévention de l’ostéoporose et donc sur les fractures. C’est en Suède, en Norvège, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Irlande, au Royaume-Uni, en Finlande, en Australie et en Nouvelle Zélande que l’on consomme le plus de lait par personne et par an. C’est aussi dans ces pays que le nombre annuel de fractures du col du fémur est le plus élevé. A contrario, en Chine où l’on consomme encore très peu de lait (10 kg/pers/an), le taux de fracture du col du fémur est l’un des plus faibles au monde (5 à 6 fois plus basse qu’aux Etats-Unis). De même, au Togo l’ostéoporose est extrêmement rare (il consomme moins de 10 kg/pers/an de lait) ainsi qu’au Cambodge, au Laos, en Nouvelle Guinée… Figure 5 : rapport entre consommation de lait et fractures du col du fémur 21 Pr JOYEUX Henri, Dr SCHNEBELEN Arnal. Comment enrayer l’épidémie des cancers du sein ? Editions FX de Guibert, 2007. Le lien entre prévention de l’ostéoporose et consommation de lait est donc discutable. Cependant, l’autre « cheval de bataille » du mouvement anti-lait est encore plus grave puisqu’il dénonce le lait comme étant un accélérateur du cancer. Lorsque l’être humain boit du lait, il absorbe du même coup les substances destinées à favoriser la croissance du veau. Leur concentration dans le lait de vache dépend du stade de la traite. La plus connue de ces substances s’appelle IGF-1 (insulin-like grouwth factor 1). C’est un facteur de croissance, un agent qui conduit les cellules à se multiplier, mais pas seulement les cellules saines. Il donne donc « un coup d’accélérateur aux cellules précancéreuses et cancéreuses. Plusieurs études ont trouvé que les personnes qui avaient les taux d’IGF-1 les plus élevés dans le sang avaient un risque augmenté de cancer du sein avant 50 ans mais aussi des cancers de la prostate et du poumon ».22 Ces deux pathologies sont les principales incriminées par une consommation de lait trop importante. Mais ce ne sont pas les seules, on retrouvera d’autres maladies comme les problèmes d’acné ou encore l’otite… Le lait serait donc un aliment indispensable à notre alimentation, mais à consommer sans excès. 2.2.3 La multitude des discours alimentaires Comme nous venons de le voir, il existe de très nombreux discours nutritionnels contradictoires autour du lait. Certains auteurs comme Claude Fischler ou Jean-Pierre Poulain parleront d’ailleurs de « brouhaha diététique » et de « cacophonie alimentaire » : «Cet affrontement passe par un affrontement sur le terrain de la recherche, un choc d’experts et de scientifiques, chacun suscitant et invoquant des études à l’appui de ses thèses. […] Les discours 22 SOUCCAR Thierry. op.cit. 2008, p.147. diététiques se mêlent, s’affrontent ou se confondent aux discours culinaires et gastronomiques, les recueils de régimes aux recueils de recettes, les manuels de nutrition aux guides gastronomiques. »23 Cette cacophonie des discours traduit la modernité alimentaire.24 Dans ce contexte, le mangeur se trouve désorienté. Cela crée de l’anxiété par rapport à son choix des aliments. On peut donc se demander quelle est la part des arguments scientifiques et la part des arguments magiques dans la consommation du lait et des produits laitiers. 23 24 FISCHLER Claude. L’homnivore. Op.cit. 2001, p.202. POULAIN Jean-Pierre. Sociologies de l’alimentation. Paris : éd. PUF, 2002, p.53. Partie 2 : Pourquoi le mangeur consomme-t-il des produits laitiers ? Dans cette partie, nous allons nous intéresser à ce qui pousse les consommateurs à choisir de consommer des produits laitiers. C’est pourquoi nous allons essayer de répondre à la problématique suivante : quelle est la part des arguments scientifiques et celle des arguments magiques dans leur choix ? Pour cela, nous allons aborder 3 hypothèses susceptibles de répondre à la problématique posée. 1. Hypothèse 1 : le rôle des allégations nutritionnelles Les allégations nutritionnelles sur les aliments que nous consommons sont de plus en plus nombreuses. Nous allons voir quelles sont celles inscrites sur les produits laitiers et dans quelle mesure elles peuvent influencer le mangeur dans son choix alimentaire. 1.1 Les allégations en général Il existe différents types d’allégations : les allégations nutritionnelles et les allégations santé. On les trouve sur les étiquettes des produits. Le consommateur doit donc être habitué à la lecture des étiquettes pour les comprendre et les interpréter. 1.1.1 Définitions 1.1.1.1 Allégations nutritionnelles Les allégations nutritionnelles se définissent règlementairement comme suit: « On entend par allégation nutritionnelle toute représentation et tout message publicitaire qui énonce, suggère ou implique qu’une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles particulières : - soit en raison de l’énergie qu’elle fournit ou ne fournit pas, ou qu’elle fournit à un taux réduit ou accru ; - soit en raison des nutriments qu’elle contient ou ne contient pas, ou qu’elle contient en proportion réduite ou accrue. La mention qualitative ou quantitative d’un nutriment ne constitue pas une allégation nutritionnelle dans la mesure où elle est prescrite par une disposition législative ou règlementaire ».25 Un produit ayant une allégation nutritionnelle possède donc des caractéristiques spécifiques. 1.1.1.2 Allégations santé Les allégations santé vont, elles, porter sur des bienfaits que le produit aurait sur la santé. Elles sont définies de manière règlementaire et ne sont autorisées que sous certaines conditions : « Les allégations de santé ne sont autorisées que si les informations suivantes figurent sur l’étiquetage ou, à défaut d’étiquetage, sont communiquées dans le cadre de la présentation du produit ou de la publicité faite pour celui-ci : a) une mention indiquant l’importance d’une alimentation variée et équilibrée et d’un mode de vie sain ; b) la quantité de la denrée alimentaire concernée et le mode de consommation requis pour obtenir l’effet bénéfique allégué ; c) s’il y a lieu, une indication à l’attention des personnes qui devraient éviter de consommer la denrée alimentaire en question, d) un avertissement approprié pour ce qui concerne les produits susceptibles de présenter un risque pour la santé en cas de consommation excessive ».26 Les allégations de santé peuvent porter sur une multitude de bienfaits de la solidité des os à la diminution des risques cardio-vasculaires. 25 26 SOROSTE Alain. Lamy Dehove. France :Editions Wolters Kluwer France, mai 2008. SOROSTE Alain. Ibid. mai 2008 1.1.2 Les acteurs impliqués par la mise en place ces allégations 1.1.2.1 L’industrie laitière L’industrie laitière est représentée en France par la maison du lait, qui comprend tous les acteurs de la filière laitière. On retrouvera les fédérations de producteurs et de transformateurs, les organismes interprofessionnels, financiers, de formation, de liaison, les syndicats de produits et la revue laitière. C’est le Centre National de l’Industrie et de l’Economie Laitière (CNIEL) qui va être en grande partie responsable de la mise en place des allégations nutritionnelles et santé sur les produits laitiers. En effet, en collaboration avec les acteurs de la filière laitière, le CNIEL : organise la promotion collective des produits laitiers et en valorise l'image, définit et met en œuvre des programmes de recherche d'intérêt collectif, participe à la recherche nutritionnelle et à la diffusion de ses résultats. Bien sûr, les grands groupes agro-alimentaires de la filière des produits laitiers Danone, Candia…- ne sont pas non plus étrangers à ces allégations puisque cela leur permet de proposer des gammes de produits bénéfiques pour la santé. Ils ont donc un rôle important dans le financement des recherches permettant d’aboutir à des produits de qualités ayant des vertus spécifiques. 1.1.2.2 Les acteurs de la nutrition Si des allégations peuvent être émises c’est parce que, au niveau de la nutrition, des recommandations sont mises en place. C’est l’agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) qui est à l’origine des différentes prérogatives en matière d’alimentation. Elle a été créée le 1er juillet 2010 par la fusion de deux agences sanitaires françaises : l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et l'AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail). C’est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l'agriculture, de l'environnement, du travail et de la consommation. L'ANSES intervient dans les domaines du travail, de l'environnement, de l'alimentation, de la santé et du bien-être des animaux, de la santé des végétaux avec un objectif prioritaire : contribuer à assurer la sécurité des travailleurs et des consommateurs. En santé humaine, l'Agence évalue les propriétés nutritionnelles et fonctionnelles des aliments ainsi que l'ensemble des risques auxquels l'homme peut être exposé au travers du travail, de l’environnement et de l'alimentation.27 L’AFSSA émet donc des recommandations qui sont relayées par les pouvoirs publics grâce à des rapports sur la nutrition (PNNS, GEMRCN…). A partir de ces avis, les industriels essaient de créer des produits répondant aux critères nutritionnels et ayant des effets bénéfiques sur la santé. 1.2 Les allégations sur les produits laitiers Les produits laitiers font partie des aliments qui ont des allégations nutritionnelles. Figure 6 : étiquetages et allégations sur les produits laitiers Produits laitiers en fonction de l'étiquetage 90% 22% Produits avec étiquetage nutritionnel 8% Produits avec au Produits avec au moins une moins une allégation allégation santé nutritionnelle 27% 18% 8% Produits avec repères nutritionnels Produits avec au moins une recommandation de consommation Produits avec adjonction de vitamines et minéraux Source : étude sectorielle des produits laitiers ultra frais, 2009 27 28 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Présentation et missions de l’ANSES [en ligne]. Disponible sur : < http://www.anses.fr/ >. (Consulté le 12-03-2011). 28 OBSERVATOIRE DE LA QUALITE DE L’ALIMENTATION. Étude Sectorielle Des Produits Laitiers Ultra-Frais 2009. Mai 2010, p.14. Nous allons donc voir celles qui les concernent à savoir des allégations nutritionnelles et des allégations santé. Le tableau 4 présente les allégations nutritionnelles que l’on retrouve sur les produits laitiers, les allégations les plus citées et celles que l’on retrouve le moins souvent. Tableau 4 : liste des allégations nutritionnelles les plus citées sur les produits laitiers Nombre de produits concernés 142 119 64 30 19 12 12 11 9 8 8 8 7 7 7 6 5 4 4 4 Allégations nutritionnelles 0% de matières grasses Source de calcium 0% de sucres ajoutés Enrichi en vitamines D Source naturelle de calcium Sources de fibres Allégé en sucres Source de vitamine D Source de protéines Pauvre en graisses saturées Source naturelle de protéines Source de vitamines E Sans matières grasses Contient du bifidus 0,9% de matières grasses Source naturelle de vitamines et minéraux Sans sucres ajoutés A teneur garantie en calcium Faible teneur en matières grasses Riche en calcium Source : étude sectorielle des produits laitiers ultra frais, 2009 29 Si on s’intéresse aux plus citées, on remarquera qu’elles portent soit sur un allègement en sucre ou en graisses soit sur un enrichissement en calcium ou en vitamines D. Pour les allègements, ces allégations nutritionnelles vont intéresser les personnes faisant un régime. Pour la source de calcium, elles interpelleront les publics vus 29 OBSERVATOIRE DE LA QUALITE DE L’ALIMENTATION. Étude Sectorielle Des Produits Laitiers Ultra-Frais 2009. Mai 2010, p.20. dans la première partie qui sont concernés par la solidité des os (enfants, adolescents, femmes ménopausées, personnes âgées). Car même s’il n’y a pas explicitement d’informations sur la santé, celles-ci, pour le consommateur, en découlent automatiquement. Nous allons maintenant voir dans le tableau 5, quelles sont les allégations santé qui concernent les produits laitiers. Tableau 5 : liste des allégations santé les plus citées sur les produits laitiers Nombre de produits concernés 23 14 9 6 4 4 3 3 3 3 3 3 3 Allégations de santé Aide à réguler le transit dès 15 jours Très digeste Agit au cœur de la flore intestinale + de vitamines D, calcium mieux fixé Le calcium intervient dans le développement du tissu osseux Renforcez votre flore intestinale Le calcium intervient dans le maintien de votre capital osseux Participe à renforcer les défenses naturelles de l’organisme dans le cadre d’une consommation quotidienne Consommé quotidiennement dans le cadre d’une alimentation variée et équilibrée et d’un mode de vie sain, aide à réguler le transit lent dès 15 jours Aide à renforcer les défenses naturelles Réduit le mauvais cholestérol de 10% Le lactobacillus rhamnosus aide à renforcer les défenses naturelles Source de vitamine E, qui contribue à la protection des membranes cellulaires Source : étude sectorielle des produits laitiers ultra frais, 2009 30 Les allégations santé vont, elles, porter principalement sur le confort digestif, sur la solidité des os et sur les défenses immunitaires. Ces indications vont donc concerner tous les mangeurs. 30 OBSERVATOIRE DE LA QUALITE DE L’ALIMENTATION. Étude Sectorielle Des Produits Laitiers Ultra-Frais 2009. Mai 2010, p.23. J’ai réalisé un mini-questionnaire (annexe B) pour interroger les gens sur leur consommation des produits laitiers. Si la majorité les consomme pour leur goût, certains évoquent comme raison de consommation le fait qu’il soit source de calcium et donc important pour la solidité des os. Les allégations nutritionnelles et de santé représentent donc une motivation du choix pour le mangeur. 1.3 Le rôle des médias Afin d’influencer le choix des consommateurs et de les pousser à acheter des produits laitiers bons pour la santé, l’industrie laitière fait appel aux médias. En effet, que ce soit à la télévision, à la radio ou dans des magazines et des journaux, on trouve de nombreuses publicités incitant à acheter des produits laitiers. La télévision représente un axe très utile pour communiquer ces allégations. Effectivement, à chaque tranche d’âge sa publicité. D’ailleurs, les consommateurs les connaissent bien et sont capables d’en citer plusieurs. Pour les jeunes enfants, on retrouvera des slogans comme un produit laitier « c’est bon pour une croissance solide », « c’est parti pour bien grandir ». Pour les enfants et les adolescents, il est impossible de passer à côté de la publicité mettant en scène un loup et 3 petits squelettes mangeant des produits laitiers. De même, certaines marques revendiquent une efficacité sur le plan scolaire pour un produit laitier qui redonne de l’énergie. Et, si les slogans ne suffisent pas, l’utilisation de stars du sport comme Gaël Monfils termineront de convaincre les plus sceptiques sur les bienfaits des produits laitiers. Ces publicités s’adressent à la fois aux enfants qui vont demander à leurs parents d’acheter ces produits, mais aussi aux parents qui font les courses et qui veulent le meilleur pour leurs enfants. Les adultes ne sont pas en reste, puisqu’on retrouvera des publicités qui mettent en avant un goût similaire pour les produits allégés parfaits pour les régimes ; de même pour celles qui promettent aux femmes ménopausées de voir leur risque de fractures réduit. Dans le mini-questionnaire (annexe B), une des questions reposait sur la connaissance des slogans par les consommateurs. Cela m’a permis de vérifier l’efficacité de ces publicités que, mêmes les gens qui ne consomment pas de lait, connaissent. L’accroche qui revient quasi-systématiquement (chez 83% des personnes interrogées) est « Les produits laitiers sont nos amis pour la vie ». Comme nous avons pu le constater, le mangeur se retrouve face à un vaste choix de produits. Cette situation d’abondance et de diversité va faire émerger de nouvelles interrogations. Le mangeur va devenir plus exigeant, il prend conscience des effets directs et indirects des aliments sur sa santé31. C’est dans ce contexte, que les allégations nutritionnelles vont jouer un rôle fondamental dans le choix de la consommation des produits laitiers. 2. Hypothèse 2 : l’influence des croyances Le consommateur, bien que guidé par ses désirs et ses goûts, choisit également ses aliments en fonction des représentations que ceux-ci ont pour lui. La plupart du temps, ces choix symboliques sont pleinement conscients mais, parfois, ils font appel à des images et des perceptions inconscientes. Dans cette partie, nous étudierons les représentations qui poussent le mangeur à consommer du lait. 31 PROUST Isabelle. Désirs et peurs alimentaires au XXIème siècle. Paris : Editions Dalloz, 2006, p.45. 2.1 Le lait, symbole de vie 2.1.1 Le lait, le premier aliment de la vie Le lait maternel est l’aliment naturel du nourrisson. L’allaitement maternel satisfait à lui seul les besoins nutritionnels du nourrisson les six premiers mois de la vie. Compte tenu des bénéfices qu’il apporte, aussi bien à la maman qu’au bébé, l’allaitement est une question de santé publique. C’est pourquoi, l’Organisation Mondiale de la Santé recommande l’allaitement exclusif pendant 6 mois. De plus, de nombreux psychologues ont mis en évidence que ce premier contact avec l’alimentation est déterminant pour nos comportements alimentaires ultérieurs. Le lait s’adapte parfaitement aux besoins de l’enfant : sa composition se modifie dans le temps et au cours de la tétée pour le satisfaire pleinement. Il permet une continuité de la vie intra à extra-utérine. Allaiter représente le don de soi, la maman transmet un peu d’elle-même lorsque le bébé ingère son lait. C’est dans ce sens que le lait représente la vie. En effet, il accompagne la naissance d’un enfant, il participe donc à ce processus de création de la vie. Au Sénégal, le lait transmet le moral et la morale : « avec le lait se transmet la bonté, la beauté, l’angoisse, l’intelligence… » […] Le lait donné symbolise la générosité, le dévouement, l’abandon et l’oubli de soi. »32 On retrouve ici la notion d’incorporation de Claude Fischler décrite dans la première partie. Dans le mini-questionnaire (annexe B), 27% des personnes évoquent en repensant au lait la maternité, l’allaitement et les bébés. Cela montre l’image de vie du lait. 32 BLIN Dominique et al. L’allaitement maternel : une dynamique à bien comprendre. 2ème édition. Ramonville : Editions Erès, 2007, p.91-94. 2.1.2 La couleur blanche La pureté du lait est traduite par sa couleur blanche. C’est d’ailleurs pour cela que les femmes se mariaient en blanc pour marquer leur virginité. De plus, on parle bien de neige blanche immaculée lorsque celle-ci n’a pas été souillée par différentes traces. Par nature, ce qui est blanc est à caractère sacré, pur, merveilleux, magique. Le blanc, pour certains n’est pas une couleur, c’est la synthèse de toutes les couleurs qui composent le spectre solaire : « Pour les Chinois par exemple, le blanc est l’absence de couleur. Par analogie, il symbolise également la virginité, l’âme délivrée des tourments de la chair et de la passion, la beauté dépouillée de toute parure, la nudité, la transparence, la clarté, la sincérité, la vertu, la paix, la justesse, la vérité, l’incorruptibilité. »33 Le blanc renvoie également à la vie après la mort puisque, par exemple, les anges de Dieu sont entièrement vêtus de blanc. Dans l’Antiquité, on attribuait aussi le blanc aux spectres et aux apparitions. De même, le blanc symbolise la paix puisqu’en temps de guerre, le blanc s’opposait au rouge et on brandissait le drapeau blanc pour marquer la fin des hostilités. Cette couleur traduit d’une manière générale le commencement du monde, du temps, et donc la vie sur terre. On retrouve cette notion dans le dictionnaire des symboles fondamentaux : « Le blanc est une des quatre couleurs utilisées par le peintre paléolithique. Il se sert des parois comme d’une zone blanche et réservée, apposant les autres couleurs en fonction d’aspérité de la roche ou de projection de la vision. Ainsi, la couleur blanche précède 33 COLIN Didier. Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes. Italie : Editions Hachette, 2000. toute création. Elle se situe à l’aube des temps, d’où l’image de pureté, de neutralité, d’innocence, de virginité qu’on lui associe. »34 2.2 Le lait, souvenir d’enfance Dans les réponses du mini-questionnaire, 37 % des personnes interrogées ont répondu que le lait évoquait l’enfance, le petit déjeuner. Le lait renvoie donc à une image rituelle du petit déjeuner, à un souvenir d’enfance, de famille. Cela fait appel à des souvenirs affectifs. « Manger est un acte de métissage permettant la rencontre et la cohabitation symbolique de soi et de l’autre ».35 Ici, l’autre représente celui qui a préparé le petit déjeuner, souvent la mère. Le lait rappelle donc des souvenirs agréables, une époque d’insouciance où les parents prenaient soin de l’enfant, une période pendant laquelle l’enfant se sentait en sécurité entouré par sa famille. Si l’on s’intéresse à la symbolique de la jeunesse, de l’enfance, on va avoir comme interprétation cette notion d’innocence de l’enfance : « Pour l’homme paléolithique, l’enfance et la jeunesse représentent la promesse de vie, le potentiel qui n’a pas encore trouvé le moyen de s’exprimer. »36 Le lait renvoie donc ici à une image positive. 2.3 Le lait, symbole de nature et de terroir 2.3.1 La nature Les personnes interrogées dans le mini-questionnaire évoquent à 54 % l’image d’une vache en pensant au lait ; cela leur fait aussi penser à la montagne, à l’herbe fraîche, à la campagne, à la ferme, aux animaux de la ferme, à la nature. 34 PHILIBERT Myriam. Dictionnaire des symboles fondamentaux. Monaco : Editions du rocher, 2000, p.65-66. CORBEAU Jean-Pierre, POULAIN Jean-Pierre. Penser l’alimentation. Entre imaginaire et rationalité. Toulouse : Editions Privat, 2008, p.108. 36 PHILIBERT Myriam. Ibid, 2000, p.226. 35 Le lait a donc ici une image de paysage de vacances, calme, où il y a beaucoup d’espace, de libertés. Le symbolisme de la vache est aussi très important. La vache représente la mère nourricière. Elle illustre la féminité, la maternité. Elle représente la terre, dans la mythologie, par son union avec le ciel (le taureau). Le lait qu’elle produit a un caractère sacré, puisque le lait était une des boissons des dieux. Dans la mythologie Egyptienne, Nout déesse du ciel est parfois représentée comme une vache céleste avec un corps constellé d’étoiles et un pis nourricier. 37 L’image de la vache renvoie donc à la fois à la nature (et à mère nature) mais aussi à la terre. 2.3.2 Le fromage, symbole de terroir Pour 16 % des consommateurs, le lait est synonyme de fromage. Pour eux, lorsqu’ils l’évoquent, cela ne signifie pas simplement un bon plateau de fromage, ils traduisent l’authenticité, le terroir, le savoir-faire. Le lait, via le fromage, est ici un symbole d’identité nationale, il fait partie du patrimoine français. Ce qui correspond bien à l’étiquette que le Français a pour les étrangers : un béret, une baguette et un fromage. Le fromage est un fort symbole national puisque la France est le premier exportateur mondial de fromage. Elle en possède actuellement plus de 400 variétés différentes dont la fabrication est de plus en plus artisanale. Il existe d’ailleurs une citation de Charles de Gaulle qui montre bien cette importance du fromage : « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe plus de 300 sortes de fromage ? » ; ou encore celle de Winston Churchill affirmant qu’il y a en France « autant de fromage que de jours de l’année ». 37 PHILIBERT Myriam. Op.cit., 2000, p.65-66. La notion d’authenticité et de terroir, se traduit par les labels. Les labels sont pour le consommateur un gage de qualité. De nombreux fromages sont labélisés : 46 appellations d’origine contrôlée, également appellations d’origine protégée, 4 labels rouges, 3 labels régionaux et 2 qui bénéficient du certificat de conformité. Les différentes images et symboles que représente le lait, influencent donc le choix du mangeur dans sa consommation des produits laitiers. 3. Hypothèse 3 : la montée de la médicalisation de l’alimentation Le mangeur devient un expert de l’alimentation. Il est de plus en plus informé sur ses besoins nutritionnels, il fait attention à sa santé. Dans ce contexte, le choix des aliments devient un choix de santé. On assiste à une montée de la médicalisation de l’alimentation. 3.1 La médicalisation de l’alimentation Cette conviction que l’aliment ingéré doit être bon pour la santé ne date pas d’hier. Déjà dès le 5ème siècle avant Jésus Christ, Hippocrate parlait de l’importance, pour la santé, d’un régime sain : « Que ton aliment soit ta seule médecine ». Un des principes de l’école d’Hippocrate était qu’il fallait essayer de combattre la maladie et de corriger les faiblesses du corps par les qualités intrinsèques des aliments38. 3.1.1 La transition nutritionnelle39 Pour comprendre ce phénomène de médicalisation de l’alimentation, il faut s’intéresser à son contexte d’apparition. 38 RAOULT-WACK Anne-Lucie. Dis-moi ce que tu manges… Paris : Editions Découvertes Gallimard, 2001, p.32. 39 POULAIN Jean-Pierre. Sociologies de l’alimentation. Paris : Editions : PUF, 2002, p.109-116. On a assisté tout d’abord à une transition épidémiologique. On est passé d’un taux de mortalité élevé et d’une espérance de vie courte à une espérance de vie élevée et à un taux de mortalité faible. La transition alimentaire qui accompagne cette transformation épidémiologique va comporter différentes étapes : - contexte de famine et disette : accès difficile à l’alimentation ; - progrès agronomiques qui ont permis d’assurer une alimentation suffisante à la population ; c’est le début de la transition : il y a une esthétisation de l’alimentation et du goût ; - contexte d’abondance alimentaire : on observe une nouvelle esthétique du corps, la minceur devient un signe de distinction ; - contexte de surabondance alimentaire : développement de ce modèle de minceur qui devient synonyme de santé ; - apparition de l’anomie alimentaire, de la dérégulation : intensification de la pression du modèle de l’esthétique corporelle de minceur ayant pour conséquence la venue de troubles du comportement alimentaire. Parallèlement à ces étapes, il y a donc eu une disparition des maladies infectieuses et une apparition des maladies dégénératives. Afin de combattre ces nouvelles maladies, au XXème siècle, il y a une progression des connaissances scientifiques dans le domaine de la diététique et de la nutrition. Ces connaissances se sont diffusées au sein de toute la population et ont participé à l’apprentissage et à la prévention de ces maladies. Cependant, ces avancées rapides de la science et la durée de vie très courte des produits aboutissent à des recommandations fluctuantes, éphémères et parfois contradictoires40. 40 RAOULT-WACK Anne-Lucie. Op.cit., 2001, p.33. 3.1.2 La montée des régimes Le mangeur se retrouve face à un hyper- choix pour son alimentation mais aussi à une multitude de régimes liés à cette médicalisation de l’alimentation et surtout ce culte de la minceur. « Plus la réalité culturelle devient complexe, plus on fait des distinctions subtiles et plus les sous-groupes sont nombreux. En matière d’alimentation, cela se manifeste de façon particulière au XX ème siècle par l’envolée du nombre de régimes alimentaires et de mouvements diététiques. Le lien entre alimentation et santé est l’un des aspects les plus débattus des habitudes alimentaires actuelles ».41 Dans un contexte où l’esthétique corporelle est de plus en plus importante, le mangeur choisit ses aliments pour rester mince et en forme. Pour cela, il s’appuie sur les nombreux régimes qu’il peut trouver dans des livres, des magazines ou encore sur internet. En effet, de nos jours, il n’y a pas un seul magazine féminin qui ne possède pas, dans son sommaire, une page consacrée à tel ou tel régime. Les livres sur la nutrition écrits par des nutritionnistes et concernant des nouveaux régimes (macro nutrition, micro nutrition, hyper protéiné) fleurissent eux aussi sur tous les étals des librairies. Il y a donc un engouement pour ces régimes minceurs où l’aliment devient le plus important pour la santé. 3.1.3 Quand l’alimentation devient un facteur de bonne santé Dans le livre L’alimentation ou la troisième médecine, le Dr J Seignalet42 exposera au fil des pages l’importance d’une alimentation saine pour avoir une bonne santé. 41 MAKELA Johanna. Alimentations modernes et classification des aliments. Colloque sur les alimentations particulières, 19 janv. 2012. 42 SEIGNALET Jean. L’alimentation ou la troisième médecine. 5ème édition. Paris : Editions de l’œil, 2004. L’alimentation est le premier outil pour se battre contre les maladies car, là où la médecine ne soigne que les symptômes, l’alimentation, elle, soigne la cause, l’origine du problème. C’est le cas, par exemple, dans la maladie cœliaque où l’on exclut de l’alimentation le gluten qui cause cette pathologie. « Pour mieux prévenir ou traiter les états pathologiques, il faut d’abord comprendre leur mécanisme. Ceci est impossible si l’on se cantonne dans une seule spécialité médicale. Mais bien des mystères s’éclaircissent si l’on parvient à développer une vision globale, basée sur des connaissances dans les principaux secteurs de la médecine et dans diverses branches scientifiques. Une réflexion poussée permet souvent de relier des faits apparemment disparates et de reconstituer la chaine des événements qui conduisent au développement d’une maladie. L’alimentation moderne est le premier maillon de cette chaine qui aboutit aux divers troubles : auto-immunité, encrassage et élimination ».43 Cette citation montre bien l’importance d’une alimentation saine pour être en bonne santé. L’ensemble de la population Française admet un lien entre l’alimentation et la santé. Ainsi, selon une étude dans le baromètre santé nutrition du CFES en 1996, les Français considèreraient que l’aliment est un facteur impliqué dans les maladies cardio-vasculaires, le diabète, l’ostéoporose et le cancer.44 Dans le mini-questionnaire, à la question « Pensez-vous que le lait a des effets bénéfiques sur la santé ? », 82,8% des consommateurs interrogés répondent que le lait a un rôle important pour être en bonne santé. Les rôles qui lui sont attribués le plus souvent sont : favorise la croissance, lutte contre l’ostéoporose, contribue à satisfaire la ration journalière de calcium. Cela confirme bien cette perception de l’aliment-santé. 43 SEIGNALET Jean. Ibid. 2004, p.591. POULAIN Jean-Pierre. Manger aujourd’hui, attitudes, normes et pratiques. Toulouse : Editions Privat, 2008, p.121-128 44 3.2 Le lait, un alicament ? 3.2.1 Alicament : définition Le terme alicament provient de la contraction du mot aliment et médicament. Bien qu’il n’existe pas de définition règlementaire, cela désigne un aliment ayant des vertus thérapeutiques, ayant un impact positif sur la santé physique et psychique. Les nutriments pouvant avoir des effets potentiellement positifs sur la santé sont les fibres, certaines vitamines (B9, A, C, E), les minéraux comme le calcium, les flavonoïdes (propriétés anti-oxydantes), les phyto-œstrogènes (aide à éliminer le cholestérol), les pré-biotiques et pro-biotiques… Dans le cas des produits laitiers, les nutriments qui pourront leur valoir le titre d’alicament sont le calcium, comme nous l’avons vu dans la première partie, ainsi que les pré-biotiques et pro-biotiques rajoutés industriellement, principalement aux yaourts. 3.2.2 Yaourt et pro-biotiques Pro-biotique : organisme vivant ayant un effet favorable sur l’organisme Ce type d’aliment est de commercialisation récente. Ils appartiennent à la famille des laits fermentés non traditionnels. Ils vont ressembler au yaourt, mais la flore sera spécifique, ce qui va leur donner leurs aromes caractéristiques. Ils sont préparés avec du lait de vache mais de plus en plus souvent avec du lait de chèvre et de brebis. Les bactéries classiques du yaourt sont lactobacillus bulgaricus et streptococcus thermophilus. On va rajouter à ces deux bactéries des bactéries thermophiles qui sont pour la plupart des bactéries intestinales : - lactobacillus acidofilus et casei : renforce le système immunitaire - lactobacillus bifidus ou bifidobacterium longum ou bifido bifidum : régule le transit intestinal. On attribue à ces laits fermentés des effets pro-biotiques. Les ferments lactiques sont des bactéries qui colonisent l’intestin en se combinant à la flore intestinale, ils permettent donc de réguler, de rééquilibrer la flore, d’empêcher le développement des virus (gastro-entérite). Ils ont un effet hypocholestérolémiant, antimutagène (éviterait le cancer). Ces effets ne peuvent s’observer que s’il y a une consommation régulière et suffisante de laits fermentés. 3.2.3 Alicament : bénéfices ou supercherie commerciale ? Dans les pays de l’Union européenne, une directive interdit aux producteurs d’attribuer aux denrées alimentaires des propriétés de prévention, de traitement et de guérison. Malheureusement, les principes énoncés dans ce texte sont susceptibles d’interprétations. « Si un spot publicitaire allègue qu’en buvant chaque jour une bouteille d’un produit X vous pouvez espérer diminuer sensiblement votre cholestérol, cette formulation entre-t-elle dans le champ d’application de l’interdiction d’attribuer aux denrées alimentaires des propriétés de traitement ? À y regarder de près, la réponse est non, puisque la publicité n’affirme pas que la consommation du produit fera baisser votre taux de cholestérol mais que vous êtes en droit de l’espérer ».45 La notion d’alicament n’étant pas approuvée par les autorités compétentes en matière de nutrition (AFSSA), il semblerait que cela ne soit qu’un pur produit marketing. Le fait que Danone se soit retrouvé obligé de retirer la mention « aide à renforcer les défenses naturelles » de son produit Actimel © est un exemple supplémentaire qui conduit à se demander si ces produits laitiers sont vraiment bénéfiques pour la santé. C’est dans ce contexte où notre façon de manger influence notre santé, dans un bon ou un mauvais sens, que la médicalisation de l’alimentation va avoir un impact sur la consommation des mangeurs, notamment en ce qui concerne les produits laitiers. 45 Manger Bouger. Alicaments : Des Bénéfices Nutritionnels Peuvent Cacher Des Déséquilibres En Sel, Sucre Et Graisses [en ligne]. Disponible sur : < http://www.mangerbouger.be/ALICAMENTS-DES-BENEFICES>. (Consulté le 13-03-2012). Partie 3 : Méthodologie Le lait fait partie de l’alimentation des français. Comme nous l’avons vu, il existe divers possibilités quant à ce qui pousse les mangeurs à consommer ou non des produits laitiers. Cela m’a conduit à envisager trois hypothèses : le rôle des allégations nutritionnelles, l’influence des croyances et la montée de la médicalisation de l’alimentation. L’application sur le terrain va permettre de les confronter et de les vérifier. 1. Le choix de la méthode d’enquête 1.1 La méthodologie en général46 La méthodologie est la réflexion préalable sur la méthode qu’il convient de mettre au point pour conduire une recherche. Il existe plusieurs méthodes qui permettent de collecter de l’information : - l’observation directe : l’observateur se rend sur le terrain pour étudier un groupe au naturel ; - l’observation participante : l’observateur participe réellement aux activités des sujets observés ; - le questionnaire : technique d’élaboration et de collecte de données chiffrées « il prend la forme d’une série de questions rédigées et préétablies, et posées de façon standardisée à un échantillon d’individus, de façon à établir des liaisons statistiques destinées à expliquer leurs pratiques, conduites ou opinions à partir de leur position dans l’espace social ».47 - les entretiens individuels non directifs : l’enquêté organise son discours à partir d’un thème qui lui est proposé, il choisit librement les idées qu’il va développer sans limitation, sans cadre établi ; - les entretiens individuels semi-directifs : l’enquêteur s’est fixé des zones d’exploration et veut obtenir que le sujet traite et approfondisse un certains nombres de thèmes ; 46 BERTHIER Nicole. Les techniques d’enquête en sciences sociales. Méthodes et exercices corrigés. Paris : Editions Armand colin, 2010. 47 SAVARESE Eric. Méthodes des sciences sociales. Poitiers : Editions ellipses, 2006, p.37. - l’entretien collectif : entretien non directif de groupe sur un sujet précis. 1.2 Le qualitatif Afin de récolter de l’information, il est donc nécessaire de réaliser une enquête. Celle-ci pourra être de nature qualitative (si le sujet est peu ou pas connu, si on veut identifier de nouveaux comportements, croyances ou formuler des hypothèses) ou quantitative (si les données sont mesurables, généralisables, chiffrables). J’ai choisi de travailler avec une méthode qualitative plutôt que quantitative. En effet, celle-ci permet d’expliquer, de comprendre les comportements humains ; c’est donc la meilleure approche pour répondre à mes hypothèses. Le choix, pour les individus, de consommer ou non un aliment ne relève pas du scientifique mais plutôt du social. Il apparaît donc que, pour cette étude, la meilleure approche est celle qualitative car elle permet, par des entretiens approfondis, de comprendre la motivation des mangeurs. De plus, cette méthode permet d’identifier, chez le consommateur, de nouveaux comportements mais aussi de nouvelles opinions et croyances qu’il sera utile de faire émerger. L’étude qualitative va donc permettre de comprendre les motivations de l’achat de lait et des produits laitiers. Tous les choix qui le mangeur fait, ne sont ni mesurables, ni quantifiables. En revanche, prendre le temps d’écouter, de discuter, de découvrir et d’analyser des représentations et des associations d’images fera l’objet d’une étude de nature qualitative. C’est en recueillant le point de vue de deux choix complètement opposés : « je consomme du lait » et « je ne veux pas en consommer » que l’on pourra dégager des profils de consommation. 1.3 Le focus group J’ai donc choisi le focus group qui se définit comme une discussion collective, une réunion de groupe. « L’entretien collectif permet un transfert progressif du pouvoir de l’enquêteur vers le groupe : à plusieurs, les personnes interrogées acquièrent une influence sur la définition des thèmes et autres questions pertinentes, alors que ce rôle leur aurait plus probablement échappé dans le cadre d’un entretien collectif […] il a la capacité de saisir des discours prononcés avec une certaine spontanéité, car la situation de recherche reste à priori proche des interactions sociales concrètes. En effet, les participants sont confrontés à la contradiction, prennent position en relation avec d’autres acteurs ».48 C’est pourquoi, il m’a semblé que le focus group était le meilleur moyen d’apporter des réponses à mes hypothèses. En effet, il permet de faire discuter les gens entre eux ; on observe donc à la fois un avis individuel et un avis de groupe. Cette double opinion pourra permettre de mettre en évidence le rôle de l’alimentation sur la santé. Il est également intéressant car la communication, les interactions entre les personnes vont fournir plus de réponses en matière de croyances et d’imaginaires ce qui permettra de répondre à l’hypothèse sur l’influence des croyances. Il fait aussi apparaître une synergie de groupe avec des interactions entre les personnes ce qui donne un débat très enrichissant et permettra d’appréhender au mieux le lait et son statut. C’est donc dans le cadre du focus group que j’essaierai de valider mes hypothèses. Pour y répondre, il me paraît plus judicieux de prévoir deux réunions, l’une avec un groupe de consommateurs de lait, l’autre avec un groupe de non consommateurs. En effet, le focus group nécessite que l’échantillon soit homogène par rapport au problème mais hétérogène en ce qui concerne ses membres. Afin d’avoir une meilleure synergie, les groupes seront restreints : 10 personnes par groupe. 48 SAVARESE Eric. Méthodes des sciences sociales. Poitiers : Editions ellipses, 2006, p.23. 2. Le protocole d’enquête 2.1 Choix de l’échantillon Pour le focus group, l’échantillon sera composé de 10 personnes. Comme nous l’avons vu précédemment, il sera préférable de faire deux focus groupes différents. Parmi les différents critères possibles pour la sélection de mon échantillon, j’ai décidé d’en choisir 4 qui, pour moi, semblaient les plus adaptés pour répondre à mes hypothèses. 2.1.1 Le groupe des consommateurs de lait 2.1.1.1 Le sexe Les hommes et les femmes consomment du calcium. Cependant, les femmes sont plus concernées car, généralement, ce sont elles qui font les courses pour leurs enfants et leur mari. De plus, elles sont davantage touchées par les problèmes d’ostéoporose et de fracture à la ménopause. Il faudra qu’il y ait une majorité de femmes présentes dans l’échantillon. Tableau 6 : répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur sexe Femmes Hommes 7 3 2.1.1.2 L’âge Afin de répondre aux hypothèses, il me paraît important que les âges des participants soient assez différents. En effet, on a vu que les discours nutritionnels étaient ciblés en fonction des populations et que les symboles variaient en fonction des âges de la vie. Il faudrait donc qu’il y ait des enfants, adolescents et jeunes enfants, car c’est une population qui est particulièrement visée par la consommation des produits laitiers. Cependant il ne me semble pas judicieux de faire interagir des adultes et des enfants. En effet, les adolescents ont souvent un rapport conflictuel avec les adultes, et les jeunes enfants sont trop timides et n’oseraient pas argumenter leurs idées. C’est pourquoi, il serait donc plus intéressant d’avoir dans l’échantillon, des parents qui seraient le reflet des envies de leurs enfants. L’échantillon se composera également de quelques jeunes adultes - 18-30 ans - et d’adultes - 30-55 ans - qui représenteront la population bien portante. Enfin, il comprendra des personnes ayant un âge supérieur à 55 ans qui représenteront la population avec un risque de fracture plus important, population également ciblée pour une augmentation de la consommation de calcium. Tableau 7 : répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur âge Jeunes adultes 18-30 ans 4 Adultes 30-55 ans 3 Adultes > 55 ans 3 2.1.1.3 Le statut marital Comme nous venons de le voir, il est nécessaire de retrouver au sein de l’échantillon des parents qui seront représentatifs de la voix de leurs enfants. Les enfants n’étant pas ciblés de la même manière en fonction de leur âge, on choisira, dans l’échantillon, des couples qui ont des enfants de moins de 10 ans et de plus de 10 ans. Il y aura également des célibataires pour que tous les statuts soient représentés. Tableau 8 : répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur statut marital Couples ayant un ou Couples ayant un ou plusieurs enfants de plusieurs enfants de plus Célibataires moins de 10 ans de 10 ans 4 3 3 2.1.1.4 Le niveau d’éducation Les hypothèses utilisent, pour les allégations santé, des termes nutritionnels. Il sera donc nécessaire d’avoir des niveaux d’étude différents pour voir comment ces notions sont appréhendées et comprises. Il faudra donc que l’échantillon comprenne des gens qui ont fait peu d’études - CAP, BEP - qui se sont arrêtés au baccalauréat et d’autres qui ont fait des études supérieures. Tableau 9 : répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur niveau d’étude BTS/ IUT et bac CAP/ BEP Baccalauréat > bac +3 +3 2 3 3 2 2.1.2 Le groupe des non-consommateurs de lait 2.1.2.1 Le sexe La non consommation de lait peut aussi bien concerner les hommes que les femmes. Pour avoir un panel représentatif, on choisira donc autant d’hommes que de femmes. Tableau 10 : répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur sexe Femmes Hommes 5 5 2.1.2.2 L’âge L’âge des participants devra couvrir le plus de tranches d’âge différentes possible. En effet, on a peu de données sur ces non-consommateurs. Pour être sûre d’avoir un échantillon représentatif, il y aura un nombre équivalent de personnes dans chaque catégorie d’âge. Tableau 11 : répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur âge Jeunes adultes 18-30 ans 4 Adultes 30-55 ans 3 Adultes > 55 ans 3 2.1.2.3 Le statut marital Sur ce point, il sera aussi nécessaire de retrouver, au sein de l’échantillon, des parents représentatifs de la voix de leurs enfants. Cette catégorie est d’autant plus importante que l’on connaît les risques d’une carence en calcium chez les jeunes enfants. Il sera donc intéressant que ces personnes soient les plus nombreuses. Tableau 12 : répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur statut marital Couple ayant un ou plusieurs enfants de moins de 10 ans 4 Couple ayant un ou plusieurs enfants de plus de 10 ans 2 Célibataires 4 2.1.2.4 Le niveau d’éducation Pour les mêmes raisons que pour les consommateurs de lait, il faudra des personnes de niveaux d’études différents pour évaluer les niveaux de compréhension. Tableau 13 : répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur niveau d’étude CAP/ BEP Baccalauréat 2 3 BTS/ IUT et bac +3 3 > bac +3 2 2.2 La mise en place Le lieu choisi devra être assez central et facile d’accès pour que tout le monde puisse y venir. Il faudra qu’il soit desservi par le métro pour que les gens non motorisés puissent s’y rendre et qu’il y ait à proximité un parking où ceux qui ont une voiture pourront se garer. La salle devra être suffisamment grande pour accueillir toutes les personnes et pour que la réunion de groupe se déroule bien. Le rendez-vous sera fixé aux alentours de 18h pour laisser le temps aux personnes qui travaillent de s’y rendre. Commencer à 18h permettra également de ne pas finir la réunion trop tard, puisque celle-ci durera environ 2 heures. 2.3 Le déroulement Les personnes seront installées en « U » avec des tables devant elles pour qu’elles puissent écrire si besoin est. Cette disposition permettra à l’animateur de voir tout le monde et aux personnes présentes de pouvoir interagir plus facilement avec les autres membres du groupe. La séance sera filmée par un camarade afin de faciliter, après la séance, le traitement et l’analyse des données. 3. Le guide d’animation Le guide d’animation pour le groupe des consommateurs de lait sera présenté en annexe C. Celui pour les non-consommateurs sera un dérivé du premier. 3.1 La construction du guide La séance commencera par la présentation de la personne qui filmera et de l’animateur. Puis ce dernier expliquera le déroulement de la discussion et les règles. Ensuite, ce sont les participants qui se présenteront afin de mieux se connaître. Pour faciliter l’interaction, ils placeront devant eux, un papier avec leur prénom. Avant de commencer, on réalisera un exercice d’évocation avec un mot qui n’a rien à voir avec le thème de la réunion pour que chaque personne parle. Dans un premier temps, on proposera le même type d’exercice mais sur l’alimentation en général. On n’abordera pas directement les produits laitiers pour voir à quelle place ils se situent dans l’alimentation globale des consommateurs. Après cet exercice, on fera lister tous les produits laitiers que les mangeurs connaissent et les mots qui leur correspondent. Ensuite, on essaiera de faire classer, par les participants, les produits laitiers en différents groupes. Dans un deuxième temps, on va chercher à savoir quels sont les bienfaits ressentis par les consommateurs lorsqu’ils mangent des produits laitiers. Puis on analysera correspondance avec les indications inscrites sur les produits. On leur fera définir ce qu’est une allégation nutritionnelle pour eux ; sont-ils d’accord avec ces étiquetages ? On essaiera de savoir si, en ce qui les concerne, l’alimentation et la santé sont liées. Dans un troisième temps, on tentera de comprendre les motivations d’achat de ces différents produits, la consommation personnelle et celle des enfants. On utilisera une projection temporelle pour argumenter sur cette consommation de lait. On leur proposera de se projeter en 2030 et d’expliquer pourquoi la consommation de lait aura doublé. Enfin, on proposera de faire un découpage : à partir de magazines divers, chaque participant découpera des images, des textes, des lettres, des symboles qui lui évoqueront les produits laitiers ; puis il les collera sur un grand tableau blanc. Pour cet exercice, les participants seront en autonomie, l’animateur les laissera faire sans se mêler de leur choix. Par la suite, on affichera le grand tableau et chacun donnera les raisons de ses choix d’images, lettres… Pour conclure, on débriefera sur le choix de la consommation des produits laitiers et sur leurs bienfaits. Les participants auront un temps, à la fin de la réunion, pour remplir un questionnaire (auto-administré) sur les produits laitiers. 3.2 Les résultats attendus Les résultats de cette réunion de groupe seront, probablement, que la consommation de lait et de produits laitiers est influencée par deux variables : la santé et le symbolique. En effet, dans le contexte actuel, les études montrent que les choix des mangeurs sont guidés par le désir d’une alimentation saine et donc par l’achat de produits bons pour la santé. De plus, la symbolique de l’aliment ingéré et les images perçues auront toujours un rôle important dans le choix des aliments quels qu’ils soient. CONCLUSION Comme nous avons pu le voir, le lait est un aliment incontournable dans l’alimentation des Français. Il est consommé tel quel ou sous ses formes dérivées (fromages, yaourts…). Cependant, cela n’a pas toujours été le cas et l’on note que sa consommation s’est transformée au fil des années. En effet, d’un aliment complètement rejeté, il a été progressivement accepté puis complètement intégré dans l’alimentation. Sa consommation varie selon les régions, mais aussi en fonction de l’âge. Certaines populations sont d’ailleurs plus ciblées que d’autres par les industries agro-alimentaires et les recommandations nutritionnelles. C’est le cas, par exemple des enfants, des adolescents, des femmes ménopausées et des personnes âgées. On assiste aussi à une multiplication des discours nutritionnels qui, souvent, sont contradictoires. On a ainsi pu constater l’émergence de nouveaux courants antilait émettant des réserves quant à ses bienfaits et allant même jusqu’à dire que le lait serait dangereux pour la santé. C’est en grande partie via les médias que ces discours quels qu’ils soient et ces recommandations sont véhiculés. De plus, comme nous l’avons vu, le rôle des images inconscientes n’est pas négligeable. La montée de la médicalisation de l’alimentation, les nombreuses recommandations nutritionnelles et allégations nutritionnelles mais aussi les symboles que le lait représente peuvent inspirer le consommateur. Dans ce contexte, le mangeur se retrouve désorienté vis-à-vis de ses choix alimentaires. On observe donc une modification des motivations et des comportements. Pour choisir, le mangeur doit ainsi tenir compte de données à la fois scientifiques et nutritionnels (pour le bien de sa santé) mais aussi plus sociologiques (aliment ayant une charge symbolique importante). Il semble qu’il soit également soumis aux pressions des groupes industriels et scientifiques mais aussi à ses propres représentations inconscientes. Dans ces conditions, dispose-t-il vraiment de son libre-arbitre quant à la consommation du lait et des produits laitiers ? Bibliographie Ouvrages : AMBROISE Martin et al. Apports nutritionnels conseillés pour la population Française. Paris : Editions Tec et doc, 2001, p. 131-139 ; p. 407 ; P. 421. BERTHIER Nicole. Les techniques d’enquête en sciences sociales. Méthodes et exercices corrigés. 4ème édition. Paris : Editions Armand colin, 2010. BLIN Dominique et al. L’allaitement maternel : une dynamique à bien comprendre. 2ème édition. Ramonville : Editions Erès, 2007, p.88-123. COLIN Didier. 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Table des annexes Annexe A : Composition nutritionnelle du lait Annexe B : mini-questionnaire sur la consommation des produits laitiers p.65 p.67 Annexe C : le guide d’animation p.69 Annexe A : Composition nutritionnelle du lait Pour 100ml de lait Eau : 88g Teneur élevée, donc énergie faible Composés azotés : 3,4g Composés azotés protéiques : 3,2g - Fraction caséinique : αS1, αS2, β, Kappa caséine Ensemble micellaire. Ce sont des monomères de caséines, ph=4,6 αS1 et β ne contiennent pas de protéines soufrées, alors que αS2 en contient et va pouvoir créer des ponts disulfures. Ces monomères sont hydrophobes. Elles sont insolubles. Kappa caséine : elle a un pôle hydrophobe et un pôle hydrophile. Elle stabilise les monomères précédentes en limitant leur précipitation. Elle est soluble et permet la formation de micelles stables. Ces monomères forment des submicelles et plusieurs submicelles forment des micelles. La stabilité des micelles est assurée par la répulsion statique des charges négatives. Il peut y avoir des facteurs déstabilisants comme : - Le Ph : une diminution du Ph entraîne une diminution de l’ionisation, le calcium et le phosphore sont dissout, les micelles se désagrègent, la fraction caséinique précipite en dessous de 4,6. Il y a formation d’un gel lactique. - Enzymes coagulantes : la pressure hydrolyse partiellement la kappa caséine, il y a libération de la partie hydrophile, les micelles se resserrent et il y a formation d’un gel de pressure. - la température : inférieur à 4°C, les micelles se dépolymérisent et repassent sous forme de submicelles. Il n’y a pas de facteur limitant même si la cystéine et la méthionine sont faiblement représentées. - Les protéines du lactosérum : elles sont solubles. - les albumines : α lactalbumine et le sérum albumine : forte teneur en tryptophane - la β lactoglobuline : forte teneur en tryptophane - les autres protéines : immunoglobulines, protéases, peptoses Le facteur limitant est l’histidine. Les protéines du lactosérum sont de meilleures qualités que celles de la caséine. - les enzymes : protéases, lipases, lysosome, oxydases, réductases… - les métalloprotéines : la transferrine Composés azotés non protéiques : 0,2g Acide urique, créatinine, acides aminés libres, urée, nucléotides Lipides : 3,7g Il y a 98% de TG et 2% de phospholipides (céphalines, sphingosines, lécithines) AGS : 65% AGMI : 33% AGPI : 2% 6>3 Glucides : 4,8g Lactose : 98%fermentation lactique ou fermentation alccolique. Le lactose -> glucose + galactose Inositol : 2% IG = 45 Energie : 280KJ Varie avec les lipides Acides organiques : Citrique, neuramique, orotique qui sont à l’origine du Ph légèrement acide du lait Minéraux : 0,6g Ils sont sous forme de sels. Ils vont se trouver dans la phase hydrique sous forme ionisée et non ionisée. Na : faible K : élevée Ca : 120mg Ca/p=1,4 Le calcium du lait est optimisé grâce à la légère acidité qui permet de maintenir le calcium sous forme ionisée. P : 90mg Oligoéléments : très faible quantité d’où la supplémentation en fer des laits pédiatriques Vitamines : - - Liposolubles : - activité vitaminique A : plus importante dans le lait récolté en été, des vaches élevées en plein air. Teneur couvre 20% des ANC - vit D : couvre 10% des ANC - vit E : couvre 2% des ANC Hydrosolubles : la vit B2 couvre 30% des ANC, vit B12 : 0,42µg Annexe B : mini-questionnaire sur la consommation de lait *Obligatoire Quel est votre âge?* 12 à 15 ans 16 à 18 ans 18 à 25 ans 25 à 45 ans 45 à 65 ans 65 ans et + Combien consommez-vous de produits laitiers par jour?* (lait, yaourt, fromage) 0 1 2 3 4 5 et plus Pourquoi consommez-vous des produits laitiers?* Pensez-vous que les produits laitiers ont des effets bénéfiques sur la santé?* Oui Non Si oui, lesquels?* Connaissez-vous des slogans de publicité pour les produits laitiers?* Oui Non Si oui, lesquels ? * A quoi vous renvoie le lait et les produits laitiers?* (images, symboles...) Annexe C : le guide d’animation Introduction : 10 min Présentation de l’animateur et de la personne qui filme. Présentation du déroulement de la séance et les règles : - il n’y a pas de bonnes ou mauvaises réponses, pas de tabou ; - on peut s’approprier les arguments des autres et la reprendre avec ses propres mots ; - on peut ne pas être d’accord avec un argument et y opposer ses propres idées ; - on respecte le temps de parole de l’autre, on ne parle pas tous en même temps ; - on éteints les téléphones portables. Présentation des participants : âge, nombre d’enfant, hobbies, activités pratiquées, régimes alimentaires particuliers, un trait de caractère. Prénom que la table sur une feuille pliée en deux. Exercice préliminaire : Si je vous dis : « soleil », à quoi cela vous fait penser ? Dites tous les mots qui vous viennent à l’esprit. Faire le même exercice avec un autre mot : « bébé », veillez à ce que tous les participants aient donné 1 ou plusieurs mots. Nous allons maintenant entrer dans le sujet pour lequel nous nous sommes réunies aujourd’hui : les aliments importants. Les aliments en général : 5 min Evocations spontanées sur le mot « aliment » : Si je vous dis « aliments », quels sont les mots et adjectifs auxquels cela vous fait penser : - mots/adjectifs - goût/ dégoût - odeurs/saveurs Regarder à quel moment sont cités les produits laitiers, comment ils sont classés. Les différents produits laitiers 20 min Quels sont tous les produits laitiers que vous connaissez ? - lister Reprendre chaque produit laitier cité et travailler sur les évocations spontanées de ces produits laitiers : - Mots/adjectifs - Couleurs - Images/symboles - Situations - J’aime ce produit - Je n’aime pas ce produit Faire établir des catégories de produits laitiers : - comment peut-on les regrouper ? - pourquoi ? - qu’est ce qui les différencie ? Les bienfaits des produits laitiers 20 min Selon vous, quels sont les bienfaits que vous apportent les produits laitiers ? - Lister toutes les réponses - A chaque réponse, associer une explication, une sensation Est-ce que ces bienfaits correspondent à ce qu’il y a de marqué sur les étiquettes des produits ? Quelles sont ces informations que les mangeurs reconnaissent sur ces produits ? Leur faire définir le terme d’allégation nutritionnelle. Sont-ils d’accord avec ces allégations ? : - qu’en pensent-ils ? - sensations - émotions - vécu personnel L’alimentation peut-elle jouer sur la santé ? - donner des exemples - explications - vécu Comportement d’achat 5 min Combien de produits laitiers, ils achètent en fonction des catégories qu’ils ont citées ? Pourquoi on achète ce produit, pourquoi on ne l’achète pas ? Relance : - prix - image - packaging - saveurs Consommation 15 min Combien ils en consomment personnellement ?, leurs enfants ? Pourquoi ? Quelles sont les raisons de consommation ? Projection temporelle : Imaginez, en 2030, la consommation de lait a doublé : - que s’est-il passé ? - pourquoi - qui consomme ? - quels sont les arguments qui ont fait augmenter les ventes ? Le lait dans tous ses états 35 min Maintenant, on propose de faire un découpage. A partir de magazines divers, chaque participant simultanément découpe des images, textes, lettres, symboles qui lui font penser aux produits laitiers et les collent sur un grand tableau blanc. Pour cet exercice, les participants sont en autonomie, l’animateur les laisse faire sans se mêler de leur choix. Par la suite, on affiche le grand tableau et chaque participant donne les raisons de ses choix d’images, lettres… Conclusion 5 min Quels sont les meilleurs produits laitiers ? Pourquoi doit-on en consommer ? Pour conclure, quels arguments donneriez-vous à une personne qui ne consomme pas de lait pour qu’elle change ses habitudes alimentaires ? Questionnaire Les participants auront un temps à la fin de la réunion pour remplir un questionnaire (auto-administré) sur les produits laitiers. 5 min Table des figures - Figure 1 : Variations de la consommation en fonction des régions p.10 - Figure 2 : Consommation des produits laitiers en France chez p.11 les enfants et adolescents - Figure 3 : Evolution de la consommation de lait chez les enfants p.11 - Figure 4 : Achats de lait en 2006 p.12 - Figure 5 : Rapport entre consommation de lait et fractures p.27 du col du fémur - Figure 6 : Etiquetages et allégations sur les produits laitiers p.33 Liste des tableaux - Tableau 1 : Structure des dépenses des consommations des ménages Français p.13 - Tableau 2 : les besoins et apports conseillés en calcium par jour en mg p.22 - Tableau 3 : grammages (en g) des produits laitiers servis en restauration collective selon l’âge p.24 - Tableau 4 : liste des allégations nutritionnelles les plus citées sur les produits laitiers p.34 - Tableau 5 : liste des allégations santé les plus citées sur les produits laitiers p.35 - Tableau 6 : Répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur sexe chez les consommateurs de lait p.53 - Tableau 7 : Répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur âge chez les consommateurs de lait p.53 - Tableau 8 : Répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur statut marital chez les consommateurs de lait p.54 - Tableau 9 : Répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur niveau d’étude chez les consommateurs de lait p.54 - Tableau 10 : Répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur sexe chez les non consommateurs de lait p.55 - Tableau 11 : Répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur âge chez les non consommateurs de lait p.55 - Tableau 12 : Répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur statut marital chez les non consommateurs de lait p.56 - Tableau 13 : Répartition des 10 personnes de l’échantillon en fonction de leur niveau d’étude chez les non consommateurs de lait p.56 Table des matières INTRODUCTION p.6 Partie 1 : Le lait, un aliment incontournable de l’alimentation Française 1. Le lait 1.1 Le lait sous toutes ses formes 1.2 Le lait, un aliment indispensable 1.2.1 Qualités organoleptiques 1.2.2 Qualités nutritionnelles 1.2.3 Qualités hygiéniques 1.3 La place du lait en France 1.4 Histoire de lait 1.4.1 Le rejet 1.4.2 L’acceptation 1.4.3 L’intégration 2. La consommation du lait 2.1 Images et mythes du lait 2.1.1 Les images 2.1.2 Les mythes autour du lait 2.2 Discours nutritionnels : entre abondance et controverse 2.2.1 Le discours pro-lait 2.2.1.1 Le calcium 2.2.1.2 Les populations ciblées 2.2.1.3 Les recommandations officielles 2.2.2 Le discours anti-lait 2.2.2.1 Le lait : un agrobusiness 2.2.2.2 Le lait, un aliment dangereux ? 2.2.3 La multitude des discours p.8 p.8 p.8 p.9 p.9 p.9 p.9 p.10 p.13 p.13 p.15 p.15 p.16 p.16 p.16 p.18 p.20 p.21 p.21 p.22 p.23 p.24 p.24 p.26 p.28 Partie 2 : Pourquoi le mangeur consomme-t-il des produits laitiers ? 1. Hypothèse 1 : Ce sont les allégations nutritionnelles qui poussent les gens à consommer du lait 1.1 Les allégations en général 1.1.1 Définitions 1.1.1.1 Allégations nutritionnelles 1.1.1.2 Allégations santé 1.1.2 Les acteurs impliqués par la mise en place des allégations 1.1.2.1 L’industrie laitière 1.1.2.2 Les acteurs de la nutrition 1.2 Les allégations sur les produits laitiers 1.3 Le rôle des médias 2. Hypothèse 2 : Ce sont les croyances qui font que les gens consomment du lait 2.1 Le lait, symbole de vie 2.1.1 Le lait, le premier aliment de la vie 2.1.2 La couleur blanche 2.2 Le lait, souvenir d’enfance 2.3 Le lait symbole de nature et de terroir p.30 p.30 p.30 p.30 p.30 p.31 p.32 p.32 p.32 p.33 p.36 p.37 p.38 p.38 p.39 p.40 p.41 2.3.1 La nature 2.3.2 Le fromage, symbole de terroir 3. Hypothèse 3 : C’est la montée de la médicalisation de l’alimentation qui fait du lait un aliment santé et qui influe donc sur sa consommation 3.1 La médicalisation de l’alimentation 3.1.1 La transition nutritionnelle 3.1.2 La montée des régimes 3.1.3 Quand l’alimentation devient un facteur de bonne santé 3.2 Le lait, alicament ? 3.2.1 Alicament : définition 3.2.2 Yaourts et pro-biotiques 3.2.3 Alicament : bénéfices ou supercherie commerciale ? p.41 p.41 p.42 p.42 p.43 p.44 p.45 p.46 p.46 p.47 p.47 Partie 3 : Méthodologie 1. Le choix de la méthode d’enquête 1.1 La méthodologie en général 1.2 Le qualitatif 1.3 Le focus group p.49 p.49 p.49 p.50 p.51 2. Le protocole d’enquête 2.1 Choix de l’échantillon 2.1.1 Le groupe des consommateurs de lait 2.1.1.1 Le sexe 2.1.1.2 L’âge 2.1.1.3 Le statut marital 2.1.1.4 Le niveau d’étude 2.1.2 Le groupe des consommateurs de lait 2.1.2.1 Le sexe 2.1.2.2 L’âge 2.1.2.3 Le statut marital 2.1.2.4 Le niveau d’étude 2.2 La mise en place 2.3 Le déroulement p.52 p.52 p.52 p.52 p.53 p.54 p.54 p.55 p.55 p.55 p.55 p.56 p.56 p.57 3. Le guide d’animation 3.1 La construction du guide 3.2 Les résultats attendus p.57 p.57 p.58 CONCLUSION p.60 Bibliographie Table des annexes Annexes Liste des figures Liste des tableaux Table des matières p.62 p.64 p.65 p.73 p.74 p.75