L`École des femmes de Molière : une comédie

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Séquence 5
Tragédie et comédie
au XVIIe siècle :
le classicisme
Sommaire
Objectifs & parcours d’étude
Introduction
1. Autour de l’auteur
Fiche méthode : Le classicisme
Corrigés des exercices
2. Le classicisme de L’École des femmes : vue d’ensemble
Fiche métode : Les règles du théâtre classique
3. Le classicisme de L’École des femmes : à l’épreuve du texte
Corrigés des exercices
Bilan
Séquence 5 – FR20
1
© Cned – Académie en ligne
O
bjectifs & parcours d’étude
Objectifs
votre connaissance du mouvement classique
• Approfondir
les règles du théâtre classique
• Revoir
la notion de registre comique
• Revoir
une pièce de Molière dans son intégralité
• Étudier
Textes et
œuvres
L’École des femmes (texte
• Molière,
intégral
Introduction
Objet
d’étude
La tragédie et la comédie au
XVIIe siècle : le classicisme
Objet d’étude et objectifs
Conseils de méthode
Webographie
Chapitre 3
Chapitre 1
Chapitre 1 : Autour de l’auteur
A. Biographie de Molière
B. Contexte historique
C. L’esthétique classique en peinture et dans l’art des jardins
Fiche méthode : Le classicisme
Corrigés des exercices
Chapitre 2
Chapitre 2 : Le classicisme de L’École des
femmes : vue d’ensemble
A. U
n tournant dans le genre de la comédie : « la grande
comédie »
B. Le respect de la règle des trois unités ?
C. La structure de la pièce
Fiche méthode : Les règles du théâtre classique
Corrigés des exercices
2
Séquence 5 – FR20
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Chapitre 3 : Le classicisme
de L’École des femmes : à
l’épreuve du texte
A. É tude de l’exposition (acte I,
scène 1)
B. A
rnolphe : une édifiante satire du
jaloux (acte II, scène 3)
C. D
e l’utilité du récit dans la comédie (acte III, scène 4)
D. Montrer aux hommes leurs
ridicules (acte V, scène 4)
Bilan
Questionnaire sur le classicisme et la comédie dans
Les Femmes savantes
Introduction
A
Objet d’étude et objectifs
Cette séquence s’inscrit dans l’objet d’étude « Le théâtre et la comédie au
XVIIe siècle : le classicisme », dans la continuité de la précédente, où vous avez
pu découvrir les deux genres1 théâtraux consacrés au XVIIe siècle, la comédie
et la tragédie, genres repris de l’Antiquité gréco-latine, et plus particulièrement
en France du théâtre latin de Plaute et de Térence. À présent que vous connaissez les caractéristiques de ces deux genres et que vous savez analyser les
registres comique et tragique, nous allons nous consacrer à l’étude du théâtre
et de l’esthétique classiques à travers une comédie de Molière, L’École des
femmes, considérée comme la première « comédie classique ».
Au terme de cette séquence, vous saurez définir le classicisme, mouvement littéraire et culturel dominant, sous Louis XIV, et étudier une comédie du XVIIe siècle. Vous connaîtrez en particulier les principes de l’esthétique classique et ses principaux représentants dans la littérature,
la peinture, l’architecture et l’art des jardins. Vous maîtriserez les règles
établies pour le théâtre par les représentants de ce courant et saurez les
observer dans une comédie ou une tragédie. Vous approfondirez enfin
votre connaissance des registres comique et tragique.
B
Conseils de méthode
Avant de vous lancer dans l’étude de la pièce, nous vous invitons à la lire dans
l’édition Hatier, Collection Classiques & Cie, numéro 19, parue en avril 2010.
Vous trouverez dans ce livre de poche le texte intégral annoté de L’École des
femmes et d’une autre pièce cruciale pour notre sujet, La Critique de l’École des
femmes, chaque œuvre étant précédée d’une préface et l’ensemble suivi d’un
dossier présentant les thèmes les plus importants. D’autres éditions proposent
des commentaires plus étoffés, mais superflus à votre niveau. Cette édition a le
mérite de vous donner les annotations opportunes, un accès facile et éclairant à
La Critique de l’École des femmes, et des repères synthétiques. Deux précisions
cependant : vous n’êtes pas tenu de consulter les préfaces et le dossier dans la
mesure où les cours et exercices de cette séquence vous fournissent le contenu
pédagogique que vous devez acquérir ; en revanche, nous vous recommandons
vivement la lecture de La Critique.
1. Par commodité, on parle de « genres » bien que le terme de « sous-genres » soit plus adapté, dans
la mesure où l’on emploie déjà le mot « genre » pour désigner l’ensemble des productions théâtrales,
comme on parle de genre poétique ou de genre narratif.
Séquence 5 – FR20
3
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En fin de séquence, un extrait des Précieuses ridicules vous sera proposé, afin que vous l’analysiez en mobilisant toutes les connaissances
et les compétences que vous aurez acquises pendant ce cours. Afin de
retirer le meilleur profit de celui-ci, rédigez vos réponses aux questions
d’analyse de texte, en prenant soin de citer et de commenter convenablement le texte pour justifier vos analyses.
C
Webographie
Les pièces de Molière ont fait couler beaucoup d’encre chez les critiques
et de nombreux sites sur Internet traitent de son parcours et de son œuvre.
Un site incontournable est celui de la Comédie-Française :
http://www.comedie-francaise.fr
Vous y trouverez de nombreux dossiers concernant notre dramaturge :
Parcours Molière
E Ce dossier de la Comédie-Française fournit des outils pédagogiques et
des éléments sur le contexte historique dans lequel vécut Molière ainsi
que les principales étapes de sa vie, autant de pistes pour préparer les
élèves à l’étude de l’œuvre de Molière.
Molière et ses personnages : le tableau d’Edmond Geffroy
E Ces pages proposent une analyse de Jacqueline Razgonnikoff du tableau
d’Edmond Geffroy «Molière et les caractères de ses comédies». Celui-ci
rend un hommage à Molière et témoigne ainsi de la ferveur avec laquelle
le XIXe siècle redécouvre le dramaturge.
Molière - éléments biographiques
E Ce dossier propose une série d’éléments biographiques sur Molière. Il
comprend une chronologie mais également une sélection d’articles biographiques dans les publications de la Comédie-Française. – Les parents
de Molière et sa naissance (Sylvie Chevalley)– Années d’apprentissage
(Alain Niderst).
Molière et le décor de théâtre
E
Cet article d’André Boll, secrétaire général de l’Association internationale
des Critiques Dramatiques, tiré de la revue de la Comédie-Française, propose de retracer l’évolution du décor de théâtre dans les représentations
des pièces de Molière, depuis Molière et jusqu’au XXe siècle.
Les Femmes savantes de Molière
E Ce dossier pédagogique de la Comédie-Française présente Les Femmes
savantes de Molière mises en scène par Bruno Bayen.
Un autre site important est celui du théâtre de l’Odéon
http://www.theatre-odeon.fr.
Vous y trouverez aussi de nombreux dossiers sur Molière, l’un d’eux présente L’École des femmes ainsi que des extraits de mises en scène en
vidéo.
Bonne lecture et bon travail !
4
Séquence 5 – FR20
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Chapitre
1
A
Autour de l’auteur
Biographie de Molière
Molière est un très grand dramaturge français, vous ne l’ignorez pas et avez
certainement déjà lu plusieurs de ses comédies. Il est bon que vous ayez
quelques connaissances essentielles sur sa vie, qui vous permettront de mieux
comprendre ses œuvres et de les replacer dans leur contexte historique. Pour
cela, je vous invite à faire des recherches sur la biographie du dramaturge
sur Internet, en consultant plusieurs sites – et pas seulement Wikipedia ! –,
et à prendre des notes sur ce qui vous semble important à retenir, avant de
compléter la biographie proposée dans l’exercice autocorrectif suivant.
Document 1
Nicolas Habert, Jean-Baptiste Poquelin dit Molière.
Écrivain et dramaturge,
représenté tenant le Tartuffe. Gravure. 25,2 x 18 cm.
Châteaux de Versailles et
Trianon, Paris. © RMN /
Gérard Blot
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Exercice autocorrectif n° 1
En vous aidant de sites sur Internet, complétez cette biographie. Sont
indiquées en gras les informations à retenir.
1622-1644 : À Paris, de l’univers bourgeois à la vocation pour le théâtre
dit Molière, naît à Paris le 15 janvier 1622, de
Jean Poquelin, valet de chambre et tapissier du Roi, et de Marie Cressé,
fille de marchands tapissiers. Voué à un avenir bourgeois par la charge
héréditaire de son père, il fait ses études au Collège Clermont à Paris
(aujourd’hui Lycée Louis Le Grand), puis entreprend des études de droit
à Orléans. Mais, en ....................., il fonde avec Joseph et ….................................
.............. Béjart une troupe de comédiens qu’ils baptisent ….............................
.................. et adopte, en 1644, le pseudonyme de …............................................,
abandonnant ainsi ses études et l’avenir que la position de sa famille
lui avait tracé.
…...............................................,
1645-1657 : En province, d’acteur de …............................................... à auteur …..
.............................................
En 1645, après des débuts difficiles à Paris, « l’Illustre Théâtre » fait faillite
et Molière est emprisonné pour dettes. Son père l’aide à se tirer d’affaire et
il intègre, avec les Béjart, la « troupe de Dufresne », une troupe itinérante
parcourant les grandes villes de …............................................... où ils interprètent
de nombreuses …..............................................., notamment de Corneille. Cependant, c’est dans le registre comique que Molière excelle. Il écrit alors ses
premières …..............................................., comme La Jalousie du Barbouillé (1646)
ou Le Médecin volant (1647). En 1655, il écrit sa première véritable …...........
...................................., en cinq actes et en vers, L’Étourdi ou les contretemps, et
s’impose comme auteur comique en 1656 avec Le Dépit amoureux.
1658-1661 : À Paris, sous la protection de « Monsieur », du Théâtre du
Petit-Bourbon au …...............................................
En 1658, la troupe regagne Paris et obtient la protection de Philippe d’Orléans ou « Monsieur », …............................................... unique du roi, qui les installe
comme sa troupe personnelle au Théâtre du Petit-Bourbon, où ils jouent en
alternance avec la troupe de …............................................... du célèbre comédien
italien Scaramouche. Dans ce théâtre, Molière est consacré comme auteur
comique avec la représentation des Précieuses …...............................................
(1659). En 1660, ce succès est confirmé par la représentation de Sganarelle
ou le Cocu imaginaire, mais, la même année, la troupe se retrouve sans lieu
de représentation car le Petit-Bourbon est démoli pour bâtir la colonnade
du Louvre. Cependant, grâce à la médiation de Philippe d’Orléans auprès
du Roi, Molière et sa troupe se voient attribuer le …................................................
Dans ce nouveau théâtre où il restera pour le reste de sa vie, Molière
nourrit de grandes ambitions et, en particulier celle de s’illustrer dans la
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Séquence 5 – FR20
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tragédie, le genre noble à l’époque. En 1661, il inaugure donc la nouvelle
salle avec une tragi-comédie, Dom Garcie de Navarre ou Le Prince jaloux.
La pièce est un échec et Molière revient sur le terrain de la comédie où
il rencontre un grand …............................................... avec L’École des maris.
Cette œuvre lui attire cependant l’hostilité des …...............................................
qui voient dans cette pièce l’incarnation d’une morale permissive à l’encontre des valeurs traditionnelles.
1661-1662 : Du début des divertissements royaux à Versailles à la protection royale
Document 2
Séduit par L’École des maris, le surintendant du Roi, Nicolas Fouquet,
invite Molière à donner une représentation devant Louis XIV dans son
château de Vaux-le-Vicomte. Connaissant le goût du roi pour les ballets,
Molière invente, avec Les Fâcheux, un nouveau genre, la …............................
..................., qui associe comédie, musique et danse. Louis XIV est séduit.
Cet événement marque un tournant décisif dans la carrière de Molière
qui alternera désormais les représentations de comédies-ballets créées
avec Lully devant la Cour de Louis XIV à Versailles et les représentations
de ses comédies et des tragédies nées d’autres plumes, au théâtre du
Palais-Royal. Il est désormais en charge des …............................................... En
1665, Louis XIV fera de la troupe de Molière la …................................................
Jean Hégesippe Vetter, Molière reçu par Louis XIV. XIXe siècle.
Huile sur toile. Sénat – Musée d’Orsay, Paris. © Photo RMN /
Hervé Lewandowski.
Séquence 5 – FR20
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1662-1665 : À Paris, la « grande comédie » : consécration et controverses
En 1662, Molière épouse …..............................................., de vingt ans sa cadette,
présentée sur le contrat de mariage comme la sœur de Madeleine – la partenaire de scène de Molière et son ancienne maîtresse – mais que beaucoup disent être en réalité la fille de celle-ci. Le scandale provoqué par
ce mariage, qui voit naître toutes sortes de fabulations autour du couple,
semble être à l’origine de la nouvelle comédie de Molière, ….........................
......................, dont la première représentation a lieu en décembre 1662 au
Palais-Royal. Son succès est considérable. Avec elle, Molière fonde la …..
............................................., non sans mal puisqu’elle déclenche aussitôt l’une
des plus grandes polémiques de son temps. Cette pièce satirique écrite
selon la forme des tragédies classiques, soit en cinq actes et en alexandrins, soulève les protestations des rigoristes chrétiens, moralistes et gardiens des règles du théâtre classique auxquels s’ajoutent les nombreux
auteurs et acteurs envieux de la faveur grandissante de Molière à la Cour
et auprès du public parisien. Cette longue polémique est ravivée par la
représentation de …............................................... (1664) que le Roi, sous la pression de la cabale des dévots, fait interdire très rapidement. Molière n’obtient l’autorisation de la représenter qu’en 1669, dans une version très
remaniée. De même, son …............................................... (1665) fait l’objet d’une
censure qui durera encore longtemps après sa mort (jusqu’en 1841).
1666-1673 : Comédies de caractères, comédies de mœurs et comédiesballets
Dans les dernières années de sa vie, Molière se tourne vers les comédies de caractères et de mœurs, qui le tiennent à l’écart des attaques
des dévots. Citons quelques uns des chefs-d’œuvre écrits durant cette
période : …............................................... (1666), …............................................... (1668),
Le Bourgeois …............................................... (comédie-ballet, 1670), Les …...........
.................................... savantes (1673), Le Malade imaginaire (1673). Continuant à jouer malgré la maladie pulmonaire dont il souffre depuis 1665,
il s’éteint le 7 février 1673, juste après la quatrième représentation du …..
..............................................
➠ Reportez-vous au corrigé de l’exercice n° 1 à la fin du chapitre.
B
Contexte historique
Molière a vécu sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV, au cours desquels
se sont épanouis les mouvements culturels du baroque puis du classicisme.
Molière est lui-même un représentant du classicisme. Vous trouverez une
présentation détaillée de ce courant dans la fiche méthode en fin de chapitre. La vie culturelle est étroitement liée au contexte historique. Retenez
donc les aspects marquants du XVIIe siècle exposés dans le tableau ci-après.
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Séquence 5 – FR20
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Politique
1610/17-1643
Règne de Louis XIII
avec le cardinal
Richelieu : période
de troubles.
1644-1661
Régence d’Anne
d’Autriche avec le
cardinal Mazarin.
1661-1685
« Le siècle de Louis
le Grand », phase
prospère du règne
de Louis XIV.
Hostilités d’une bonne
partie de la famille
royale et de la grande
aristocratie française,
d’où de nombreuses
manœuvres politiques
pour affaiblir les
aristocrates au profit
du pouvoir royal.
Révoltes paysannes,
puis émeutes et
Fronde des Princes
(1650-1652), révolte
des derniers féodaux
contre le pouvoir
centralisateur qui
émerge et réduit leur
influence.
Marqué par la Fronde,
Louis XIV écarte l’aristocratie du pouvoir
en 1663, s’entoure
de bourgeois, comme
Colbert, et instaure
un pouvoir personnel
et une monarchie
absolue.
Longues guerres
contre l’Espagne.
Social
Économique
Religieux
Lutte contre les protestants dans le sud
de la France.
Guerres incessantes :
guerre de la ligue
d’Augsbourg (16881697) et guerre de
succession d’Espagne
(1701-1714).
Multiples réformes.
Nombreux succès
militaires.
Développement du
courant janséniste.
Création de la Compagnie du Saint-Sacrement (1629) pour
lutter dans l’ombre
contre l’impiété,
l’immoralité et le
protestantisme.
Dissolution de la
Compagnie du SaintSacrement (1665).
Persécutions des jansénistes manifestant
une certaine opposition à l’absolutisme
(1653-1669).
Révocation de l’Édit
de Nantes (signé en
1598 par Henri IV),
interdiction du protestantisme et paroxysme
des persécutions.
Économie dynamisée
mais lourds impôts.
Lourds impôts qui
étranglent la population ; mauvaises
récoltes et épidémies.
Développement du
commerce et des
manufactures avec
Colbert.
Ruine économique de
la France provoquée
par les guerres.
Affaiblissement de
la noblesse, misère
paysanne.
Misère paysanne,
affaiblissement de la
noblesse.
Noblesse évincée
et divisée, essor de
la bourgeoisie sur
laquelle s’appuie le
roi, misère paysanne.
Noblesse, bourgeoisie
et paysans également
mécontents.
Essor du classicisme.
Le roi favorise l’épanouissement des arts
et des sciences, ce qui
donne lieu à l’apogée
du classicisme. Cet
art est au service
du pouvoir royal (cf.
les divertissements
royaux dans les
jardins du château de
Versailles) ; construction du château de
Versailles.
Incompréhension
des intellectuels qui
étaient auparavant
dévoués au roi.
Certaine émancipation
féminine tout au long
du XVIIe siècle.
1634 : création de
l’Académie française.
Culturel
1685-1715
Période moins
brillante du règne
de Louis XIV.
Épanouissement du
mouvement baroque ;
émergence d’autres
exigences artistiques
fondées sur la raison.
Naissance du courant
de la préciosité
autour de Mme de
Rambouillet et Mlle de
Scudéry.
Mécénat royal pour
mettre l’art au service
du pouvoir royal et
création d’académies
de peinture, de sculpture, d’architecture.
Querelle des Anciens
et des Modernes et fin
du classicisme.
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Exercice autocorrectif n° 2
Pour bien comprendre le contexte historique du XVIIe siècle, recherchez
les définitions du jansénisme et de la préciosité. Vous pouvez consulter
des manuels, des encyclopédies ou des sites en ligne.
Sites
conseillés :
http://www.port-royal-des-champs.eu
E http://www.amisdeportroyal.org
E http://www.ac-clermont.fr (ressources pédagogiques)
E http://www.lettres-et-arts.net
E
➠ Reportez-vous au corrigé de l’exercice n° 2 à la fin du chapitre.
Document 3
La Carte du Tendre, gravure, XVIIe siècle - Paris, B.N.F. © RMN/Agence Bulloz.
C
L’esthétique classique en peinture et dans l’art des jardins
Le classicisme est un mouvement littéraire qui se développe en France,
et plus largement en Europe, dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, de
1660 à 1680. Il s’impose donc dans la littérature, mais aussi la philosophie, la musique, les arts plastiques et l’architecture, tendant vers une
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perfection formelle définie d’après l’héritage gréco-romain mais correspond aussi à la consolidation des États nations soucieux de contribuer
au développement d’un art qui magnifie leur puissance.
Vous allez découvrir les caractéristiques de ce mouvement en peinture
et dans l’art des jardins par le biais d’exercices autocorrectifs. La lecture
préalable de la Fiche Méthode sur le classicisme en fin de chapitre peut
vous aider à répondre aux questions.
Exercice autocorrectif n° 3
Analyse d’un tableau
Document 4
Nicolas Poussin, L’inspiration du poète, 17e siècle, huile sur toile, 182x213cm,
Musée du Louvre, Paris. © RMN/René-Gabriel Ojéda.
Proposez une interprétation de ce tableau de Nicolas Poussin en répondant au questionnaire suivant.
Séquence 5 – FR20
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Identification du sujet

 Qui est le personnage assis au centre de la scène ? Regardez ce qu’il
tient dans les mains et ce qu’il porte sur la tête.
2 Regardez maintenant la femme qui se tient debout derrière le per-
sonnage central. Comment est-elle vêtue ? Que porte-t-elle à la main
droite ? Savez-vous qui est cette femme ?
3 Qui sont les deux petits garçons ailés ? Que fait celui qui se tient aux
pieds du personnage féminin ?
4 Pouvez-vous deviner qui se tient à droite de la scène ? Que porte ce
personnage dans ses mains ? Que regarde-t-il ? Pourquoi ? Que diriezvous de son expression ?
5 Le personnage assis au centre, que fait-il ? Quelle explication donne-
riez-vous à son geste d’après le titre du tableau ?
Étude de la composition

6 Que diriez-vous de la composition du tableau ? Appuyez-vous sur la
façon dont sont disposés les personnages ?
Étude de la lumière et des couleurs

7 Regardez maintenant la lumière qui emplit le tableau. D’où provient-
elle ? Quelles sont les couleurs prédominantes ? Quel rapport y a-t-il
entre les couleurs et la lumière ? Pourquoi, selon-vous, le peintre a-t-il
choisi cette lumière et ces couleurs ? Cela a-t-il un rapport avec le
thème du tableau ?
Conclusion
8 Qu’est-ce qui fait de ce tableau une œuvre éminemment classique ?
Exercice autocorrectif n° 4
Le classicisme dans les jardins du château de Versailles
Rendez-vous sur le site officiel du château de Versailles à l’adresse suivante : http://www.chateauversailles.fr. Sur la page d’accueil, cliquez
sur la rubrique « Plan interactif ». Vous aurez accès à une carte interactive, cliquez alors sur la rubrique « Les Jardins » et répondez aux questions suivantes.
1 Trouvez des arguments pour classer ces jardins comme jardins clas-
siques.
Pour ce faire, suivez les étapes suivantes :
a) Observez le plan et notez les caractéristiques classiques que vous
remarquez dans l’aménagement de l’espace.
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Séquence 5 – FR20
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b) Consultez les différents sites numérotés et relevez quelles sont les
principales références iconographiques présentes dans les jardins.
Attention, limitez-vous aux aménagements faits pendant le règne de
Louis XIV (1643-1715).
2 La course du Soleil et le mythe d’Apollon sont les références symbo-
liques les plus présentes dans les Jardins du Château de Versailles.
Dans ses mémoires, Charles Perrault évoque la création du décor
solaire de la grotte de Thétis sur ordre de Louis XIV. Lisez l’extrait qui
relate cette création et répondez au questionnaire proposé.
Document 5
« Lorsque le roi eut ordonné qu’on bâtit la grotte de Versailles, je songeai que, sa Majesté ayant pris le Soleil pour sa devise, avec un globe
terrestre au-dessous et ces paroles : Nec pluribus impar, et la plupart
des ornements de Versailles étant pris de la fable du Soleil et d’Apollon
(car on avait mis sa naissance et celle de Diane, avec Latone, leur mère,
dans une des fontaines de Versailles, où elle est encore), on avait aussi
mis un soleil levant dans le bassin qui est à l’extrémité du petit parc ; je
songeai donc qu’à l’autre extrémité du même parc où était cette grotte
(car elle a été démolie depuis), il serait bon de mettre Apollon qui va se
coucher chez Thétis après avoir fait le tour de la Terre, pour représenter
que le roi vient se reposer à Versailles après avoir travaillé à faire du
bien à tout le monde. Je dis ma pensée à mon frère le médecin, qui en
fit le dessin, lequel a été exécuté entièrement, à savoir : Apollon dans
la grande niche du milieu, où les nymphes de Thétis le lavent et le baignent, et dans les deux niches des côtés, il représenta les quatre chevaux du Soleil, deux dans chaque niche, qui sont pansés par des Tritons.
M. Le Brun, lorsque le roi eut agréé ce dessin, le fit en grand et le donna à
exécuter, sans presque y rien changer, aux sieurs Girardon et Regnaudin
pour le groupe du milieu, et aux sieurs Gaspard Marsy et Guérin pour les
deux groupes des côtés, où sont les chevaux pansés par les Tritons. Mon
frère fit aussi des dessins pour tous les autres ornements de cette grotte,
figures, rocailles, pavés... ; il fit aussi le dessin de la porte, qui était très
beau : c’était un Soleil d’or qui répandait ses rayons aussi d’or sur toute
l’étendue des trois portes, lesquelles étaient de barres de fer peintes de
vert. Il semblait que le Soleil fût dans cette grotte et qu’on le vît au travers
des barreaux de la porte. »
PERRAULT, Charles, Mémoires de ma vie, précédé de « Un moderne paradoxal »,
essai d’Antoine Picon, Paris, Macula, 1993, p. 208-209.
Questionnaire
a) L a devise latine Nec pluribus impar, de traduction controversée, est
le plus souvent interprétée ainsi : « sans égal » ou « au-dessus de
tous ». Quel est d’après vous le sens de cette comparaison du Roi avec
le Soleil ?
Séquence 5 – FR20
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b) Connaissez-vous le mythe de Latone, la naissance d’Apollon et Diane,
et l’histoire du serpent Python ? Faites des recherches documentaires
si besoin et explicitez le rapport de ce mythe avec la vie de Louis XIV.
c) Hormis le Soleil, quelles autres attributions d’Apollon peuvent entrer
en relation avec la figure de Louis XIV ?
➠ Reportez-vous aux corrigés des exercices n° 3 et 4 à la fin du chapitre.
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Séquence 5 – FR20
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Fiche méthode
L e classicisme
Chapitre
1
Fiche méthode
Naissance d’une notion
Le terme est tiré du latin classicus ; l’adjectif « classique » qualifiait dans
la Rome antique la langue parlée par l’élite intellectuelle et sociale, par
opposition à la langue vulgaire, la langue du peuple. Le terme « classique » apparaît à la Renaissance pour désigner, par opposition à l’art
gothique, une esthétique définie d’après le modèle antique grécoromain. À la fin du XIXe siècle, ce sont les historiens de l’art qui donnent
son sens actuel à la notion de « classicisme » pour définir, par opposition au « baroque », le courant qui s’est développé à partir de la fin
du XVIe siècle dans les arts plastiques, l’architecture, la littérature et la
philosophie.
Définition : L’esthétique classique du XVIIe siècle se place dans la continuité de celle de la Renaissance dont elle hérite des valeurs : la recherche
de l’harmonie, l’imitation de l’Antiquité, l’observation de la nature, et,
dans les arts plastiques, le rendu de la perspective, du modelé et de
l’anatomie. Son idéal de beauté, par opposition au baroque, réside dans
l’ordre, la clarté et la symétrie.
Chronologie et contexte historique
Née en France sous les ministères de Richelieu (1624-1642) et de Mazarin (1642-1661), l’esthétique classique atteint son apogée dans la première partie du règne de Louis XIV (1661-1687) dont elle servira l’image
de puissance et d’autorité. « La querelle des Anciens et des Modernes »,
à partir de 1687, annonce la fin de ce courant.
On peut donc distinguer trois phases dans le classicisme
1620-1661 :
détournement de l’esthétique baroque et élaboration du goût classique.
À partir de 1620, l’aristocratie et plus encore la bourgeoisie commencent à se lasser des excès baroques tandis que le pouvoir royal tente de
contrôler la création littéraire : l’Académie française est fondée en 1635.
L’idéal de l’honnête homme (cf. infra) voit le jour.
1661-1687 :
apogée du classicisme.
Cette phase correspond à une période de stabilité au moment où, à la
mort de Mazarin, Louis XIV commence à exercer le pouvoir par lui-même.
Séquence 5 – FR20
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Fiche méthode
Le Roi Soleil exerce un pouvoir absolu fondé sur la religion. Cet absolutisme est apprécié de la bourgeoisie et de l’aristocratie, l’une profitant
de la paix, l’autre de l’aide royale. Dans ce contexte, Louis XIV crée une
vie mondaine brillante et patronne les arts.
1687-1715 :
déclin du classicisme
Alors que Louis XIV multiplie les guerres qui affament le peuple et mettent à mal la bourgeoisie, des protestations s’élèvent et l’esprit critique
se répand. Dans le domaine littéraire, les « Modernes » en viennent à
rejeter le fondement du classicisme : l’imitation des Anciens
Contexte culturel
Le classicisme se diffuse au sein de la bourgeoisie et des aristocrates
de moindre rang – la haute aristocratie ayant été écartée par Louis XIV –
pétris par la même culture gréco-latine. Laissées sans instruction, mis à
part quelques personnalités d’exception –comme Mlle de Scudéry–, les
femmes, créeront le courant précieux.
Les grands principes de l’esthétique classique
 L’imitation des Anciens
Comme les écrivains de la Renaissance, les classiques se donnent pour
modèles, les auteurs grecs et latins et comme références théoriques, les
Poétique d’Aristote (IVe s. av. J.-C.) et d’Horace (Ier s. ap. J.-C.), qui ont
explicité dans leur œuvre les principes de l’art antique. Précisons cependant que cette imitation n’est pas un plagiat : il s’agit de s’inspirer d’un
auteur antique connu pour rivaliser avec lui.
Quantité de fables de La Fontaine sont ainsi empruntées aux fabulistes
grec Ésope (Ve siècle av. J.-C.) et latin Phèdre (Ier siècle après J.-C.).
Phèdre, tragédie de Racine, est la troisième version d’un mythe déjà
mis en scène par Euripide (dramaturge grec du Ve siècle av. J.-C.) puis
Sénèque (auteur latin du Ier siècle ap. J.-C.). Racine s’inspire aussi d’Euripide pour sa tragédie Andromaque. Pour Les fourberies de Scapin, la
source de Molière est le Phormion de Térence (auteur comique latin du
IIe s. av. J.-C.) ; pour L’avare, il reprend La marmite de Plaute (auteur
comique latin du IIIe s. av. J.-C.).
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Séquence 5 – FR20
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Le chêne un jour dit au roseau :
« Vous avez bien sujet d’accuser la nature ;
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau ;
Le moindre vent qui d’aventure
Fait rider la face de l’eau,
Vous oblige à baisser la tête.
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d’arrêter les rayons du soleil,
Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr.
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n’auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l’orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
– Votre compassion, lui répondit l’arbuste,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci :
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables ;
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. » Comme il disait ces mots,
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le nord eût porté jusque-là dans ses flancs.
L’arbre tient bon ; le roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts.
Fiche méthode
La Fontaine, « Le chêne et le roseau », Fables, I, 22
Ésope, « Le roseau et l’olivier »*
Le roseau et l’olivier disputaient de leur endurance, de leur force, de leur fermeté. L’olivier
reprochait au roseau son impuissance et sa
facilité à céder à tous les vents. Le roseau garda
le silence et ne répondit mot. Or le vent ne tarda
pas à souffler avec violence. Le roseau, secoué
et courbé par les vents, s’en tira facilement ;
mais l’olivier, résistant aux vents, fut cassé par
leur violence.
Cette fable montre que ceux qui cèdent aux circonstances et à la force ont l’avantage sur ceux
qui rivalisent avec de plus puissants.
* Traduction d’Émile Chambry.
La querelle des Anciens et des Modernes est révélatrice d’une évolution
qui marquera la fin du classicisme et annoncera le siècle des Lumières.
Les « Modernes » (Perrault, Fontenelle) contestent cette toute-puissance
des modèles antiques : s’ils sont dignes d’admiration, disent-ils, le progrès de l’art et de la société oblige les artistes à innover et à rechercher
d’autres sources d’inspiration et de nouvelles formes artistiques en
accord avec leur temps. Le parti des Anciens (Boileau, La Bruyère) ou
parti des classiques rétorque que l’Antiquité gréco-latine est la seule
référence possible car elle a atteint la perfection et l’universel. La preuve
en est la durée de la renommée des auteurs de l’Antiquité.
Séquence 5 – FR20
17
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Fiche Méthode
méthode
2 La raison
L’art classique prétend se fonder sur la raison, dans un souci constant de
lucidité et d’analyse. S’il s’intéresse bien souvent aux passions et à l’irrationnel, il cherche à les rendre intelligibles. On refuse donc le droit de
juger à ceux chez qui la raison et le jugement ne sont pas développés par
l’habitude de la réflexion et par la culture intellectuelle : les productions
classiques s’adressent à un public cultivé. De cette valeur accordée à
la raison découlent plusieurs traits caractéristiques de l’esthétique classique.
a) La codification : sous l’autorité de la raison, s’érige un système très
strict de règles dans chaque genre. Les règles classiques sont les œuvres
des doctes qui définissent les théories du goût classique, à travers des
lettres, des traités, des arts poétiques. Vaugelas et Guez de Balzac légifèrent ainsi sur la bonne utilisation de la langue. Jean Chapelain et l’abbé
d’Aubignac définissent les règles du théâtre classique. En musique et
dans les arts plastiques, les principes formels sont très contraignants
et rigoureusement défendus par les académies, créées pendant cette
période. L’autorité des Anciens repose donc désormais sur les théoriciens et les académiciens.
b) Vraisemblance et bienséance : afin de montrer la réalité dans ce
qu’elle a de rationnel et d’universel, l’art classique s’efforce d’être naturel, autrement dit de donner l’impression de la réalité.
c) Souci de clarté : de la même façon que la raison éclaire le jugement,
l’art se doit d’éclairer l’entendement. Ce souci de clarté se traduit en
littérature, par le recours à un langage simple et précis. Retenez les vers
de Boileau qui synthétisent si bien cette idée : « Ce qui se conçoit bien
s’énonce clairement / Et les mots pour le dire viennent aisément. » (Art
poétique)
3 Placere et docere : plaire et instruire
Les productions classiques se donnent une finalité morale, celle d’élever
les hommes, en particulier en les purifiant de leurs passions et de leurs
vices. Pour y parvenir, « le secret est d’abord de plaire et de toucher »
(Boileau, Art poétique). Autrement dit, seul un homme intéressé et ému
par l’œuvre peut recevoir l’enseignement qu’elle contient.
Lisez cet extrait de Phèdre de Racine où l’héroïne éponyme de la pièce
ouvre tout entier son cœur à son beau-fils Hippolyte à qui elle vient
d’avouer son amour. Ce passage est une remarquable illustration de la
doctrine classique « plaire, toucher et instruire ». À la lecture de ce texte,
vous éprouverez sans doute en effet à la fois un plaisir esthétique, un
sentiment de pitié pour l’héroïne tragique et de l’aversion pour sa monstrueuse passion.
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Séquence 5 – FR20
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Fiche Méthode
méthode
PHÈDRE
Ah, cruel ! tu m’as trop entendue !
Je t’en ai dit assez pour te tirer d’erreur.
Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur :
J’aime ! Ne pense pas qu’au moment que je t’aime,
Innocente à mes yeux, je m’approuve moi-même ;
Ni que du fol amour qui trouble ma raison
Ma lâche complaisance ait nourri le poison ;
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes.
Les dieux m’en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc
Ont allumé le feu fatal à tout mon sang ;
Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle
De séduire le cœur d’une faible mortelle.
Toi-même en ton esprit rappelle le passé :
C’est peu de t’avoir fui, cruel, je t’ai chassé ;
J’ai voulu te paraître odieuse, inhumaine ;
Pour mieux te résister, j’ai recherché ta haine.
De quoi m’ont profité mes inutiles soins ?
Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins ;
Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.
J’ai langui, j’ai séché dans les feux, dans les larmes :
Il suffit de tes yeux pour t’en persuader,
Si tes yeux un moment pouvaient me regarder…
Que dis-je ? cet aveu que je te viens de faire,
Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?
Tremblante pour un fils que je n’osais trahir,
Je te venais prier de ne le point haïr :
Faibles projets d’un cœur trop plein de ce qu’il aime !
Hélas ! je ne t’ai pu parler que de toi-même !
Venge-toi, punis-moi d’un odieux amour :
Digne fils du héros qui t’a donné le jour,
Délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite.
La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte !
Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t’échapper ;
Voilà mon cœur : c’est là que ta main doit frapper.
Impatient déjà d’expier son offense,
Au-devant de ton bras je le sens qui s’avance.
Frappe : ou si tu le crois indigne de tes coups,
Si ta haine m’envie un supplice si doux,
Ou si d’un sang trop vil ta main serait trempée,
Au défaut de ton bras prête-moi ton épée ;
Donne.
Racine, Phèdre, 1677, acte II, scène 5.
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Fiche Méthode
méthode
L’idéal classique ou la morale du « Grand
Siècle » : l’honnête homme
L’honnête homme (pluriel les «honnêtes gens») est marqué par le sens
de la mesure et de l’élégance. Maître de soi et plein de finesse, cultivé
et toujours désireux d’apprendre avec esprit critique, il est ouvert,
curieux, savant sans être pédant, agréable et s’adapte sans hypocrisie à
la société mondaine, puisque son sens de la mesure lui fait connaître et
accepter les faiblesses humaines.
Lisez ce portrait tiré des Caractères, œuvre dans laquelle le moraliste Jean
de La Bruyère stigmatise des défauts inconciliables avec l’honnêteté. Par
inversion, vous aurez un portrait de l’honnête homme !
Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l’œil fixe et
assuré, les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée. Il parle avec confiance ; il fait répéter celui qui l’entretient, et il ne
goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit. Il déploie un ample mouchoir, et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il éternue fort
haut. Il dort le jour, il dort la nuit et profondément ; il ronfle en compagnie. Il occupe à la table et à la promenade plus de place qu’un autre. Il
tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il s’arrête, et l’on s’arrête ; il continue de marcher, et l’on marche : tous se règlent sur lui. Il
interrompt, il redresse ceux qui ont la parole : on ne l’interrompt pas, on
l’écoute aussi longtemps qu’il veut parler ; on est de son avis, on croit
les nouvelles qu’il débite. S’il s’assied, vous le voyez s’enfoncer dans un
fauteuil, croiser ses jambes l’une sur l’autre, froncer le sourcil, abaisser
son chapeau sur ses yeux pour ne voir personne, ou le relever ensuite,
et découvrir son front par fierté et par audace. Il est enjoué, grand rieur,
impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les
affaires du temps ; il se croit des talents et de l’esprit. Il est riche.
Jean de La Bruyère, « Des biens de fortune », Les Caractères, 1688.
Principaux représentants du classicisme en
littérature
Théâtre :
Fable :
Œuvres
morales :
l’œuvre de Pierre Corneille dans la seconde moitié du XVIIe siècle et surtout Jean Racine pour la tragédie, Molière pour la comédie
Jean de La Fontaine
Jean de La Bruyère (Les Caractères), La Rochefoucauld (Maximes)
Roman :
Mme de La Fayette (La Princesse de Clèves)
Poésie :
Nicolas Boileau (Art poétique, Satires, Épîtres)
Mémorisez cette phrase pour retenir le nom des grands auteurs classiques :
« Sur la racine de la bruyère, la corneille boit l’eau de la fontaine Molière ».
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Séquence 5 – FR20
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Fiche Méthode
méthode
Caractéristiques du classicisme en peinture
Sujets nobles tirés de la mythologie, de la Bible, de la vie des saints,
de la poésie bucolique latine.
E Importance du dessin, avec des contours nets, une lumière vive, des
couleurs clairement définies et une absence totale de contrastes violents qui permet de distinguer aisément tous les éléments du tableau.
E Perspective en plans successifs, construits sur des lignes verticales ou horizontales, évitant les diagonales et les spirales réclamées par le baroque.
E Composition claire et ordonnée, souvent fermée (la scène est contenue
dans le cadre), où les figures ne se recoupent pas ou peu.
E Personnages idéalisés, selon le modèle des sculptures de l’Antiquité
classique, souvent vêtues à l’antique et dans une attitude statique,
sobre et discrète.
E Principaux représentants : Nicolas Poussin (1594-1665), François Perrier
(1590-1650) , Laurent de la Hyre (1606-1656), Philippe de Champaigne
(1602-1674), Pierre Mignard (1612-1695) et Charles le Brun (1619-1690)
E Caractéristiques de l’architecture classique
L’architecture classique se caractérise par des lignes droites, la recherche de
la symétrie et de la rigueur géométrique, ainsi que par l’importance de l’orthogonalité. La sobriété des surfaces et des plans oppose les constructions
classiques aux baroques, soucieuses
d’effet décoratif, tout en courbes et
contre-courbes, et pourvues de surcharges ornementales.
E Parfaite fonctionnalité : adéquation entre l’architecture et la
fonction de l’édifice.
E Imitation de l’Antiquité : présence de colonnes et statues
selon les modèles antiques, et le
respect des proportions tenues
pour « parfaites » par les philosophes grecs et romains.
E Principaux représentants : Pierre
Lescot (1515-1578), Philibert
Delorme (1510-1570), Salomon
de Brosse (1565-1628), François
Mansart (1598-1661), Jules Hardoin-Mansart, Louis-le Vau.
E Œuvres-phares de l’architecture
classique :
E la colonnade du Louvre
E Vue en enfilade de la Colonnade Perrault. Musée du Louvre,
Paris. © RMN/Caroline Rose.
Séquence 5 – FR20
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Fiche Méthode
méthode
Caractéristiques de l'art des jardins classiques
C'est le « jardin à la française », qui se caractérise par :
E un plan géométrique et symétrique qui crée des effets de perspective
très calculés ;
E une composition de parterres, d'allées, de bassins, de fontaines,
d'arbres et d'arbustes taillés suivant des formes régulières ;
E la présence de sculptures illustrant des scènes tirées de la mythologie
gréco-romaine et de l'histoire antique ;
E le château de Vaux-le-Vicomte.
Parterres de broderies du
château de Vaux-le-Vicomte,
Maincy,
Seine-et-Marne,
France (48°34’N–2°43’E)
© Roger-Viollet.
Vue aérienne du château. © Roger-Viollet.
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Séquence 5 – FR20
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le château de Versailles
Fiche Méthode
méthode
E Bassin, statue et jeux d’eau du Parterre d’Eau dans le parc du château
de Versailles. Photo : Sylvain Sonnet. © HEMIS.FR/AFP.
Séquence 5 – FR20
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C orrigés des exercices
Chapitre
1
Corrigé de l’exercice n° 1
1622-1644 : À Paris, de l’univers bourgeois à la vocation pour le théâtre
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, naît à Paris le 15 janvier 1622, de
Jean Poquelin, valet de chambre et tapissier du Roi, et de Marie Cressé,
fille de marchands tapissiers. Voué à un avenir bourgeois par la charge
héréditaire de son père, il fait ses études au Collège Clermont à Paris
(aujourd’hui Lycée Louis Le Grand), puis entreprend des études de droit
à Orléans. Mais, en 1643, il fonde avec Joseph et Madeleine Béjart une
troupe de comédiens qu’ils baptisent « l’Illustre Théâtre » et adopte,
en 1644, le pseudonyme de Molière, abandonnant ainsi ses études et
l’avenir que la position de sa famille lui avait tracé.
1645-1657 : En province, d’acteur de tragédie à auteur comique
En 1645, après des débuts difficiles à Paris, « l’Illustre Théâtre » fait
faillite et Molière est emprisonné pour dettes. Son père l’aide à se tirer
d’affaire et il intègre, avec les Béjart, la « troupe de Dufresne », une
troupe itinérante parcourant les grandes villes de province où ils interprètent de nombreuses tragédies, notamment de Corneille. Cependant,
c’est dans le registre comique que Molière excelle. Il écrit alors ses premières farces, comme La Jalousie du Barbouillé (1646) ou Le Médecin
volant (1647). En 1655, il écrit sa première véritable comédie, en cinq
actes et en vers, L’Étourdi ou les contretemps, et s’impose comme auteur
comique en 1656 avec Le Dépit amoureux.
1658-1661 : À Paris, sous la protection de « Monsieur », du Théâtre du
Petit-Bourbon au théâtre du Palais-Royal
En 1658, la troupe regagne Paris et obtient la protection de Philippe d’Orléans ou « Monsieur », frère unique du Roi, qui les installe comme sa
troupe personnelle au Théâtre du Petit-Bourbon, où ils jouent en alternance avec la troupe de la commedia dell’arte du célèbre comédien italien Scaramouche. Dans ce théâtre, Molière est consacré comme auteur
comique avec la représentation des Précieuses ridicules (1659). En 1660,
ce succès est confirmé par la représentation de Sganarelle ou le Cocu
imaginaire, mais, la même année, la troupe se retrouve sans lieu de
représentation car le Petit-Bourbon est démoli pour bâtir la colonnade
du Louvre. Cependant, grâce à la médiation de Philippe d’Orléans auprès
du roi, Molière et sa troupe se voient attribuer le Théâtre du Palais-Royal.
Dans ce nouveau théâtre où il restera pour le reste de sa vie, Molière nourrit
de grandes ambitions et, en particulier celle de s’illustrer dans la tragédie,
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Séquence 5 – FR20
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le genre noble à l’époque. En 1661, il inaugure donc la nouvelle salle avec
une tragi-comédie, Dom Garcie de Navarre ou Le Prince Jaloux. La pièce
est un échec et Molière revient sur le terrain de la comédie où il rencontre
un grand succès avec L’École des maris. Cette œuvre lui attire cependant
l’hostilité des moralistes chrétiens qui voient dans cette pièce l’incarnation d’une morale permissive à l’encontre des valeurs traditionnelles.
1661-1662 : Du début des divertissements royaux à Versailles à la protection royale
Séduit par L’École des maris, le surintendant du Roi, Nicolas Fouquet,
invite Molière à donner une représentation devant Louis XIV dans son
château de Vaux-le-Vicomte. Connaissant le goût du Roi pour les ballets,
Molière crée, avec Les fâcheux, un nouveau genre, la comédie-ballet, qui
associe comédie, musique et danse. Louis XIV est séduit. Cet événement
marque un tournant décisif dans la carrière de Molière qui alternera
désormais les représentations de comédies-ballets créées avec Lully
devant la Cour de Louis XIV à Versailles et les représentations de ses
comédies et des tragédies nées d’autres plumes au Théâtre du PalaisRoyal. Il est désormais en charge des distractions royales. En 1665,
Louis XIV fera de la troupe de Molière la « Troupe du Roy ».
1662-1665 : À Paris, la « grande comédie » : consécration et controverses
En 1662, Molière épouse Armande Béjart, de vingt ans sa cadette, présentée sur le contrat de mariage comme la sœur de Madeleine – la partenaire de scène de Molière et son ancienne maîtresse – mais que beaucoup disent être en réalité la fille de celle-ci. Le scandale provoqué par
ce mariage, qui voit naître toutes sortes de fabulations autour du couple,
semble être à l’origine de la nouvelle comédie de Molière, L’École des
femmes, dont la première représentation a lieu en décembre de 1662
au Palais-Royal. Son succès est considérable. Avec elle, Molière fonde
la comédie classique, non sans mal puisqu’elle déclenche aussitôt l’une
des plus grandes polémiques de son temps. Cette pièce satirique écrite
selon la forme des tragédies classiques, soit en cinq actes et en alexandrins, soulève les protestations des rigoristes chrétiens, moralistes et
gardiens des règles du théâtre classique auxquels s’ajoutent les nombreux auteurs et acteurs envieux de la faveur grandissante de Molière à
la Cour et auprès du public parisien. Cette longue polémique est ravivée
par la représentation de Tartuffe (1664) que le roi, sous la pression de la
cabale des dévots, fait interdire très rapidement. Molière n’obtient l’autorisation de la représenter qu’en 1669, dans une version très remaniée.
De même, son Dom Juan (1665) fait l’objet d’une censure qui durera
encore longtemps après sa mort (jusqu’en 1841).
1666-1673 : Comédies de caractères, comédies de mœurs et comédies-ballets
Dans les dernières années de sa vie, Molière se tourne vers les comédies de caractères et de mœurs, qui le tiennent à l’écart des attaques
des dévots. Citons quelques uns des chefs-d’œuvre écrits durant cette
période : Le Misanthrope (1666), L’Avare (1668), Le Bourgeois gentilhomme (comédie-ballet, 1670), Les Femmes savantes (1673), Le Malade
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imaginaire (1673). Continuant à jouer malgré la maladie pulmonaire
dont il souffre depuis 1665, il s’éteint le 7 février 1673, juste après la
quatrième représentation du Malade imaginaire.
Corrigé de l’exercice n° 2
Le jansénisme est une doctrine religieuse et morale du XVIIe siècle qui
doit son nom à l’évêque d’Ypres, Cornélius Jansenius (1585-1638). Son
ouvrage, l’Augustinus (1640), provoque un grave débat entre les jansénistes, partisans de cette doctrine inspirée de celle de saint Augustin
(354-430), et les Jésuites.
Jansénius prétend que le péché originel a fait perdre à l’homme sa liberté,
et que la grâce est uniquement accordée par la volonté de Dieu selon une
prédétermination «gratuite», donnant ainsi peu de part au libre arbitre.
Le pape Innocent X condamne le jansénisme comme hérésie en 1653.
Le jansénisme, prônant l’austérité et une vertu rigide, influence la bourgeoisie parisienne et la noblesse de robe et devient un instrument d’opposition politique au pouvoir royal.
Les précieuses prônent le raffinement du comportement, des idées et
du langage. C’est ainsi qu’elles souhaitent un retour à l’amour courtois
médiéval et, dans son roman Clélie, Histoire romaine, Mlle de Scudéry –
qui restera selon ses vœux célibataire – invente « la Carte du Tendre »,
sorte de « géographie amoureuse » où l’amour est « la mer dangereuse »
pour la femme. Les précieuses affectionnent les jeux de l’esprit et mettent la subtilité de la pensée au service du discours sur l’amour, au
centre de leurs conversations. Celles-ci se tenaient dans des salons, en
particulier ceux de Catherine de Rambouillet et de Madeleine de Scudéry. S’y réunissaient des femmes, mais aussi des hommes, considérés
comme les « beaux esprits » de leur temps. Dans Les Précieuses ridicules
et Les Femmes savantes, Molière raille les recherches excessives de raffinement de la préciosité en mettant en scène des femmes pédantes,
trompées par des hommes sans talent littéraire qu’elles accueillent
comme d’incomparables poètes.
Corrigé de l’exercice n° 3
 Le personnage assis au centre est Apollon. C’est une divinité aux mul-
tiples prérogatives : dieu du soleil, de la beauté, des arts, en particulier
de la poésie et de la musique. Ici, il est représenté avec l’un de ses principaux attributs : la lyre qui accompagne le poète dans la déclamation
de ses vers. On le voit aussi porter sur la tête une couronne de laurier.
2L
a femme qui se tient debout à gauche est Calliope, la première des
muses, muse de l’éloquence et de la poésie épique. Elle tient dans la
main droite un instrument à vent.
3 I l s’agit de putti. On appelle ainsi, en sculpture et en peinture, le dieu
Amour (Cupidon en latin, Éros en grec) représenté sous les traits d’un
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Séquence 5 – FR20
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petit enfant ou d’un ange. Le putto qui se tient aux pieds de Calliope,
porte un livre et une couronne de laurier. Deux autres ouvrages sont
posés au sol. Des inscriptions permettent de les identifier : Ilias (l’Iliade d’Homère), Odyssea (l’Odyssée d’Homère) et Aeneidos (l’Énéide
de Virgile).
4 À droite, enfin, se tient le poète, le stylet à la main. Il compose une
nouvelle ode et est en extase, le regard tourné vers le haut, vers le
putto qui s’apprête à le couronner de laurier.
5 Apollon désigne de la main droite ses écrits. Il s’agit de la représen-
tation de l’idéal poétique antique, tel qu’on le trouve chez Homère,
Hésiode, Virgile ou encore Platon et Aristote. Le poète reçoit l’inspiration des dieux, qui parlent par sa bouche pour dire les choses telles
qu’elles ont été et telles qu’elles sont. Pour les Grecs, l’inspiration
poétique était une forme de révélation, le moyen d’accéder à la vérité.
C’est pourquoi, Apollon est dieu de la poésie et de la musique au
même titre que dieu des oracles.
6 Ce chef-d’œuvre de Nicolas Poussin nous montre trois personnages
principaux, parfaitement alignés. On voit aussi deux putti qui se tiennent entre les personnages, l’un en bas à gauche, aux pieds de la Muse,
l’autre à droite, légèrement en arrière, au-dessus et entre Apollon et le
poète. Cette composition vise l’harmonie : les personnages sont disposés dans une symétrie soulignée par l’opposition des deux putti.
7 Une lumière diffuse et dorée de soleil couchant caresse les chairs et
les drapés, et, par ses effets d’ombres, leur confère un volume ample
et souple. La prédominance de couleurs chaudes (rouge et jaune) renforce ce climat crépusculaire, le plus propice aux chants à la gloire
guerrière. Poussin crée ici un parallèle subtil entre la dignité de la
peinture et celle de la poésie, entre la poétique du langage et celle
des images.
8 L’œuvre représente un « Parnasse », c’est-à-dire l’assemblée des Muses
réunies autour du dieu Apollon Dans la mythologie antique, cette
assemblée se tenait sur le Parnasse, lieu sacré dédié aux beaux-arts.
La mise en scène harmonieuse et symétrique que Poussin donne de
cette scène mythologique se situe dans une tradition antique, rénovée
durant la Renaissance italienne, et dont une des principales représentations demeure celle que peignit Raphaël dans l’une des « Chambres »
du Vatican. Le sujet rejoint la plus haute aspiration du classicisme : l’art
se doit de rechercher la beauté parfaite, s’adressant à l’esprit plutôt
qu’aux sens, et élevant l’homme au-dessus de ses passions.
Corrigé de l’exercice n° 4
a
) Les jardins de Versailles sont l’exemple le plus abouti du « jardin
à la française ». Suivant les canons classiques, leur organisation est
placée sous le signe de la géométrie et de la symétrie. Ils offrent ainsi
de nombreux parterres, bosquets, fontaines et bassins séparés par
Séquence 5 – FR20
27
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des allées disposées géométriquement de part et d’autre d’un axe
central est-ouest, une allée royale de 335 mètres de long et 40 mètres
de large. Notons que cette allée existait déjà du temps de Louis XIII,
mais fut réaménagée par André Le Nôtre pour représenter la course du
Soleil et ainsi glorifier le Roi-Soleil Louis XIV. La nouvelle organisation
tenait évidemment compte du parcours du soleil pour que les figures
représentées soient éclairées au moment voulu par l’astre solaire.
b) De multiples ensembles sculpturaux illustrant des scènes de la mythologie grecque animent les parterres, bassins et bosquets du château
de Versailles, et font revivre les mythes antiques chers aux classiques,
tout en glorifiant le Roi-Soleil. Au cours d’une promenade dans les jardins, le visiteur croise ainsi Apollon (Bassin d’Apollon), Diane, leur
mère Latone (Bassin de Latone), le géant Encélade, Saturne, Flore,
Bacchus et Cérès, quatre divinités liées au cycle des saisons et symbolisant respectivement l’hiver, le printemps, l’automne et l’été. Une
attention particulière doit être accordée aux sculptures qui se trouvent le long de l’allée royale puisqu’elles se rattachent au mythe du
dieu Apollon, également appelé Phébus, «le brillant « et assimilé avec
le Soleil dont il conduit le char. À l’extrémité ouest de l’allée, à l’opposé de la façade du château, se trouve ainsi le bassin d’Apollon où
l’on peut apprécier une statue d’Apollon qui sort des eaux monté sur
son char. Grâce à la disposition toute particulière de cet ensemble,
le départ du char du Soleil est salué par la lumière du matin. En deçà
de l’Allée Royale, au pied des marches qui descendent du parterre de
l’Eau en provenance de la façade du château, on trouve le bassin de
Latone, qui nous montre ce personnage défendant ses enfants, Apollon et Diane, du courroux de Junon. Là où se dresse aujourd’hui l’aile
nord du château, se trouvait la grotte de Téthis, fille d’Océan vivant
dans les profondeurs marines, qui accueillait tous les soirs Apollon
après sa course. Les statues qui montraient les nymphes assistant
Apollon dans sa toilette ont été placées depuis dans le bosquet situé
immédiatement au nord du bassin de Latone. L’omniprésence de la
mythologie gréco-romaine dans les jardins de Versailles en fait une
parfaite illustration de la conception classique du jardin.
2 a) Depuis l’Antiquité, le soleil est l’astre roi de la voûte céleste, car
il est source de chaleur et de vie : toute plante et tout animal ont
besoin de ses rayons pour vivre, jusqu’aux plus petits. Depuis Copernic (XVIe siècle), le soleil est placé au centre de l’univers (place que
l’on croyait auparavant occupée par la terre), et les autres astres tournent autour de lui comme « une espèce de cour ». Enfin, le soleil est
aussi l’astre qui représente la régularité même, qui se lève et qui se
couche, qui poursuit indéfectiblement sa course incessante. Louis
XIV se veut au centre de toute chose, investi d’un pouvoir suprême
sur tous ses sujets, qui profitent directement de sa bienveillance.
Son pouvoir et ses bienfaits ne sont plus entravés par les nobles qui,
dans le système féodal, étaient les vrais seigneurs du peuple. Désormais, les trois états (noblesse, bourgeoisie et peuple) sont sous l’autorité indiscutable et bienfaisante du roi, tout comme les rayons du
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Séquence 5 – FR20
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soleil se répandent sur la porte de la grotte de Thétis. Le roi est aussi
l’incarnation d’une action et d’un travail sans relâche, tout comme le
soleil continue éternellement sa course malgré son apparent immobilisme.
Dans ses Mémoires, Louis XIV explique le choix de sa devise au dauphin :
« Le carrousel2, qui m’a fourni le sujet de ces réflexions, n’avait été
projeté d’abord que comme un léger amusement ; mais on s’échauffa
peu à peu, et il devint un spectacle assez grand et assez magnifique,
soit par le nombre des exercices, soit par la nouveauté des habits ou
par la variété des devises3.
Ce fut là que je commençai à prendre celle que j’ai toujours gardée
depuis, et que vous voyez en tant de lieux. Je crus que, sans s’arrêter à
quelque chose de particulier et de moindre, elle devait représenter en
quelque sorte les devoirs d’un prince, et m’exciter éternellement moimême à les remplir. On choisit pour corps le soleil, qui, dans les règles
de cet art, est le plus noble de tous, et qui, par la qualité d’unique,
par l’éclat qui l’environne, par la lumière qu’il communique aux autres
astres qui lui composent comme une espèce de cour, par le partage
égal et juste qu’il fait de cette lumière à tous les divers climats du
monde, par le bien qu’il fait en tous lieux, produisant sans cesse de
tous côtés la vie, la joie et l’action, par son mouvement sans relâche,
où il paraît néanmoins toujours tranquille, par cette course constante
et invariable, dont il ne s’écarte et ne se détourne jamais, est assurément la plus vive et la plus belle image d’un grand monarque.
Ceux qui me voyaient gouverner avec assez de facilité et sans être
embarrassé de rien, dans ce nombre de soins que la royauté exige,
me persuadèrent d’ajouter le globe de la terre, et pour âme nec pluribus impar : par où ils entendaient ce qui flattait agréablement l’ambition d’un jeune roi, que, suffisant seul à tant de choses, je suffirais
sans doute encore à gouverner d’autres empires, comme le Soleil
à éclairer d’autres mondes, s’ils étaient également exposés à ses
rayons. Je sais qu’on a trouvé quelque obscurité dans ces paroles,
et je ne doute pas que ce même corps n’en pût fournir de plus heureuses. Il y en a même qui m’ont été présentées depuis ; mais celle-là
étant déjà employée dans mes bâtiments et en une infinité d’autres
choses, je n’ai pas jugé à propos de la changer. »
b) Junon, jalouse des amours de Jupiter et Latone, interdit à la terre
d’accueillir cette dernière, enceinte d’Apollon et Diane, afin de l’empêcher d’accoucher. Traquée par le serpent Python, lancé aussi par
Junon à sa poursuite, Latone cherche désespérément un endroit où
2. carroussel : lieu où se donnaient les revues militaires, les manifestations officielles.
3. devise : figure emblématique accompagnée d’une courte formule qui, généralement, s’y rapporte.[…] La devise
de Louis XIV était un soleil qui éclaire un monde, avec ses mots : Nec pluribus impar (définition donnée par le Trésor
de la Langue Française Informatisé). Cette devise signifie : «Au-dessus de tous les hommes».
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donner le jour à ses enfants et finit par arriver à l’île de Délos qui,
selon la légende, flotte sur la mer. Ainsi, Apollon et Artémis naissent
finalement sur cette île, où se trouvait le plus célèbre temple dédié
à Apollon. Toujours poursuivie par Junon, Latone se rend avec ses
enfants sur les rives du fleuve Xanthe, en Lycie, et là, au moment où,
épuisée, elle espère se désaltérer, les habitants des environs, excités
par Junon, s’y opposent et la chassent brutalement. Latone, excédée,
maudit ces paysans et les transforme en grenouilles. Plus tard, Apollon, muni de son arc et de ses flèches, traque et tue le serpent Python.
À la mort de son père, Louis XIV accède à la couronne mais non pas au
pouvoir, car il n’est âgé que de cinq ans et sa mère, Anne d’Autriche,
assume la régence avec l’aide du cardinal Mazarin. Pendant cette
période, les parlements et l’aristocratie se rebellent contre le pouvoir
royal, provoquant des troubles et guerres intestines qui dureront cinq
ans. On dénomme cette période la Fronde. Le parti du roi finit par
vaincre les rebelles, mettant ainsi fin aux guerres civiles et rebellions
« que les ennemis de la France ont voulu susciter ».
c) Apollon est aussi le dieu de l’art, particulièrement de la poésie et
de la musique. Or Louis XIV a des goûts fastueux qui sont propices
à l’épanouissement des beaux-arts. Il s’est conduit en mécène et
patron des arts en aidant financièrement Molière, le musicien JeanBaptiste Lully, le décorateur Charles Le Brun ainsi que le jardinier
André Le Nôtre. Par ailleurs, il aimait beaucoup la danse : vous avez
peut-être vu le film de Gérard Corbiau, Le roi danse (2000), qui conte
les liaisons tumultueuses et parfois dangereuses entre Louis XIV, le
Roi-Soleil, et les musiciens et artistes de la cour.
Pour approfondir votre connaissance des liens qu’entretient Louis XIV
avec les arts, et en particulier avec le théâtre, vous pouvez consulter les
sites suivants :
Psyché de Lully, Corneille et Molière
Site internet : http://www.opera-montpellier.com
L’opéra et orchestre national de Montpellier propose l’étude de «Psyché» de Lully, Corneille et Molière, créé au XVIIe siècle afin de célébrer
la puissance du Roi Soleil et ainsi éblouir sa cour. Ce dossier présente le
sujet mythologique de la pièce, qui fonctionne comme un miroir.
Molière joué à la Cour
Site internet : http://www.comedie-francaise.fr
La représentation des comédies-ballets de Molière à la Comédie-Française «avec tous leurs ornements»
Site internet : http://www.comedie-francaise.fr
Cet article de Jacqueline Razgonnikoff analyse l’évolution de la forme
de représentation que les héritiers officiels de Molière, les Comédiens
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Séquence 5 – FR20
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Français, ont donné à la comédie-ballet au cours de leur histoire ou lui
donnent encore sur la scène.
Lully - Marche pour la Cérémonie des Turcs
Site internet : http://mediatheque.cite-musique.fr/
Créée en 1670, la «marche pour cérémonie des Turcs» de Jean-Baptiste
Lully est extraite de la comédie-ballet «Le bourgeois gentilhomme» pour
laquelle il collabore avec Molière.
Versailles et les fêtes de cour sous le règne de Louis XIV
Site internet : http://www.chateauversailles.fr
Grâce à ce dossier, particulièrement destiné aux élèves du collège,
découvrez le faste des fêtes organisées à la cour de Louis XIV à Versailles.
Vous allez maintenant commencer l’étude de la pièce. Sachez que vous
pouvez en visionner sur Internet des extraits. Pour cela, tapez le titre
L’École des femmes dans la barre de votre moteur de recherche, puis cliquez sur la rubrique « vidéo ».
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Chapitre
2
A
Le classicisme de L’École des
femmes : vue d’ensemble
Un tournant dans le genre de la
comédie : « la grande comédie »
Comme vous avez pu le lire dans la biographie liminaire, L’École des
femmes marque un tournant dans l’œuvre de Molière puisqu’elle inaugure le « genre » de la comédie classique et déclenche une vive polémique, qui conduit le dramaturge à justifier et, par là-même, à définir sa
démarche et ses conceptions artistiques. En homme de théâtre, il le fait
sur scène, à travers deux comédies présentées en 1663, La Critique de
l’École des femmes et L’Impromptu de Versailles, qui font s’affronter les
points de vue antagonistes sur la pièce. Il serait bon d’ailleurs que vous
lisiez au moins la première de ces deux œuvres.
Pour mesurer le caractère novateur de L’École des femmes, nous étudierons tout d’abord, dans une perspective d’histoire littéraire, le statut et
les formes de la comédie avant celle-ci, puis les critiques adressées à
Molière et, enfin, la riposte de Molière et la définition de la « comédie
classique ».
1. L
a comédie en France avant L’École des
femmes
Au moment où Molière donne L’École des femmes, la scène comique est
dominée par la farce et la commedia dell’arte, déjà évoquées dans la
séquence précédente.
La farce, née dans l’Antiquité avec Aristophane et Plaute, et devenue
très populaire au Moyen-Âge, est une pièce bouffonne visant à provoquer le rire par les moyens les plus simples, voire les plus grossiers,
sans aucun souci de la morale. Son comique repose sur la déformation
de situations ou de personnages tirés de la trivialité quotidienne. Tromperies et ruses sont le lot de couples conventionnels : maris et femmes,
vendeurs et clients, maîtres et serviteurs. Certains types même, tels que
la femme acariâtre, le soldat fanfaron, le vieillard amoureux ou le philosophe pédant, traversent les siècles. L’intrigue, on ne peut plus simple,
repose sur des retournements, sur le schéma de « l’arroseur arrosé » très
souvent. Si ces rebondissements provoquent le rire, les jeux de masque,
de scène et les plaisanteries volontiers grossières l’entretiennent tout au
long de la pièce.
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La commedia dell’arte, représentée en France à l’époque de Molière par
la troupe des Comédiens Italiens, en particulier par le célèbre Scaramouche, est une forme de théâtre semi-improvisé où la gestuelle, parfois même l’acrobatie, et la fantaisie verbale des acteurs sont les principaux moteurs du comique. Les acteurs sont des professionnels (d’où
le nom « dell’arte ») spécialisés dans un type de personnage stéréotypé,
qu’ils interprètent au gré de leur envie, en suivant seulement le canevas
établi au début de la représentation.
Autour des années 1630, certains dramaturges, en particulier Pierre Corneille, veulent éloigner la comédie de la farce et de la commedia dell’arte
et en faire une véritable œuvre littéraire, au rebours de l’improvisation que
supposent les deux formes de comédie dominantes. Cette comédie des
années 1630 est un genre « moyen » qui associe un certain réalisme social
et la stylisation (« beau » langage, « noble » conception de l’amour ...).
À la date de L’École des femmes, Molière s’est illustré dans la farce avec
La Jalousie du Barbouillé (1646) et Le Médecin volant (1647). Il a composé des comédies de structure variable d’un, trois, ou cinq actes, en
prose ou en vers, dans lesquelles il emprunte aux lazzi4 de la commedia
dell’arte. L’Étourdi ou les contretemps et Le Dépit amoureux comportent
cinq actes et sont écrites en vers, comme le genre majeur de la tragédie.
Si L’École des femmes est considérée comme la première des « grandes
comédies » de Molière, ce n’est donc pas parce qu’elle est composée
en alexandrins et se déploie sur cinq actes. Frustré de ne pouvoir briller
dans le grand genre de la tragédie, Molière s’est employé à donner à la
comédie une dignité et une fonction sociale qui l’élèvent à un niveau
proche de cette dernière, et ce souci l’a conduit dans les faits à adopter les principes de l’esthétique et du théâtre classiques. Par la suite,
ses détracteurs – dont maints dramaturges jaloux de son succès – lui
ont reproché de transgresser ces règles, critique que personne n’aurait
songé à adresser au sujet d’une farce, d’une commedia dell’arte ou d’une
comédie privilégiant une intrigue farcesque et la gestuelle comique. La
querelle soulevée par L’École des femmes s’explique donc paradoxalement par la rigueur, l’originalité et la qualité du travail littéraire qui
caractérisent cette œuvre, qui fait rire et édifie tout à la fois.
Pour mieux mesurer la richesse de la pièce, recensons d’abord les critiques qu’elle a suscitées.
2. L
es critiques adressées à L’École des
femmes
Les adversaires de Molière sont nombreux : acteurs et auteurs jaloux,
moralistes dévots, théoriciens de la littérature, mais aussi « précieuses » et
4. lazzi (mot italien) : plaisanteries burlesques en paroles ou en actions, jeux de mots, grimaces, gestes grotesques.
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« petits marquis ». Même Corneille se montre envieux du succès de
Molière, ainsi que les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne qui redoutent
que ses comédies concurrencent, voire détrônent la noble tragédie.
Évoquons rapidement les protestations formulées par les dévots et les
moralistes. Les premiers dénoncent le caractère impie et libertin de la
pièce, voyant dans les Maximes sur le mariage d’Arnolphe une parodie des Dix commandements et, plus généralement, dans l’utilisation
dévoyée que ce personnage fait de la religion un outrage sacrilège à
la dignité de celle-ci. Sont en outre considérées comme des atteintes
à la morale l’ambiguïté sur l’article « le » en suspend dans la réplique
d’Agnès (Acte II, scène 5, v. 572 sq.), et certaines expressions jugées
excessivement triviales, voire outrancières, comme la savoureuse métaphore faisant de « la femme » « le potage de l’homme » (v. 437). Certains
lisent même la comédie comme une satire antiféministe.
Les arguments esthétiques nous retiendront davantage. Il s’agit tout
d’abord d’entorses à la vraisemblance :
E le quiproquo avec le notaire ;
E le grès qu’Agnès est censée avoir soulevé : ce « pavé » est trop lourd
pour une jeune fille ;
E les va-et-vient d’Horace : un amoureux ne saurait aller et venir en si
peu de temps auprès de sa bien-aimée en suscitant à chaque fois des
incidents.
On reproche également à Molière la transgression de la règle du bon
ton, qui interdit le mélange des genres. La présentation d’une pièce
comique sous la forme d’un poème dramatique en cinq actes est ainsi
fustigée, en ce que cette forme est une prérogative de la tragédie. En
outre, certaines répliques, d’Arnolphe surtout, sont jugées tragiques
et donc inadéquates dans une comédie. Ainsi en va-t-il, pour Robinet,
dans Le Panégyrique de l’École des femmes, de la proposition de se tuer
qu’Arnolphe fait à Agnès. Aux yeux de Boursault, la réplique d’Agnès –
« le petit chat est mort » – « ensanglante la scène », comme dans une
tragédie. Enfin, c’est le caractère « dramatique » de l’œuvre qui est tout
simplement contesté, dans la mesure où « il ne se passe point d’actions » et que « tout consiste en des récits que viennent faire ou Agnès
ou Horace » (propos tenus par le poète Lysidas dans La critique de l’École
des femmes, scène 6).
3. L
a riposte de Molière et la définition de la
« comédie classique »
Le débat qui s’établit dans La Critique de L’École des femmes entre d’une
part, Célimène « la précieuse », le marquis et le poète Lysidas, pourfendeurs de la pièce, et, d’autre part, Uranie et Dorante, ses apologues, nous
renseigne à la fois sur les arguments des détracteurs de la pièce et sur les
conceptions théâtrales de Molière. De fait, celui-ci s’exprime à travers la
voix de Dorante, homme sage et raisonnable, conscient des travers des
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uns et des autres, mais toujours respectueux : le modèle de l’honnête
homme. À l’inverse du marquis – parangon du « petit marquis », qui suit
aveuglement les modes et en tire un sentiment infondé de supériorité –
Dorante peut avancer et développer les raisons de son enthousiasme,
lui-même motivé par une réflexion plus générale sur la comédie.
Dans la scène 6, Dorante soutient que la comédie est un genre plus difficile que la tragédie car la seconde met en scène des héros légendaires,
pour lesquels le poète n’a « qu’à suivre les traits de [son] imagination »,
tandis que la première doit « entrer comme il faut dans le ridicule des
hommes » et pour cela les « peindre d’après nature ». « On veut que ces
portraits ressemblent ; et vous n’avez rien fait si vous n’y faites reconnaître les gens de votre siècle. » À cela s’ajoute la nécessité de « plaisanter » à partir de portraits ressemblants, autre difficulté, qui conduit
Dorante à cette conclusion : « c’est une étrange entreprise que celle de
faire rire les honnêtes gens ». Par l’intermédiaire de Dorante, Molière se
montre également sans équivoque sur la question du respect des règles :
« Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles, dont vous embarrassez
les ignorants et nous étourdissez tous les jours. Il semble, à vous ouïr parler, que ces règles de l’art soient les plus grands mystères du monde ; et
cependant ce ne sont que quelques observations aisées, que le bon sens
a faites sur ce qui peut ôter le plaisir que l’on prend à ces sortes de poèmes
[comiques] ; et le même bon sens qui a fait autrefois ces observations les
fait aisément tous les jours sans le secours d’Horace et d’Aristote. »
Il va plus loin, donnant comme « la grande règle de toutes les règles »,
celle de « plaire », et ajoutant : « si les pièces, qui sont selon les règles
ne plaisent pas et que celles qui plaisent ne soient pas selon les règles,
il faudrait de nécessité que les règles eussent été mal faites. » C’est dire
combien la pratique prime sur la théorie pour Molière !
Mais si Dorante condamne l’obsession de certains pour les règles, il n’en
défend pas moins la conformité de la pièce aux préceptes classiques,
déclarant avec aplomb : « et peut-être n’avons-nous point de pièce au
théâtre plus régulière que celle-là. » Voilà ainsi justifiée cette séquence
et les analyses qui vont suivre sur le respect des règles du théâtre et de
l’esthétique classiques dans la pièce !
Sans anticiper sur votre étude, rapportons la réponse de Dorante concernant la prévalence des récits sur l’action : « Premièrement, il n’est pas
vrai de dire que toute la pièce n’est qu’en récits. On y voit beaucoup
d’actions qui se passent sur la scène, et les récits eux-mêmes y sont
des actions », d’autant qu’ils sont faits « innocemment » à la « personne
intéressée ». En assistant à la réaction d’Arnolphe, le spectateur prend
à la fois connaissance des actions qui ont eu lieu hors-scène et voit en
actes la joie ou le désespoir du protagoniste. Dorante justifie également
le comportement inconstant d’Arnolphe au nom du réalisme psychologique. Un homme jaloux peut bien éprouver un « transport amoureux »
tout autant qu’une désillusion tragique. Ceci n’est pas en désaccord
avec son caractère ridicule et la forme de la comédie.
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La façon dont le public doit recevoir la pièce est énoncée par Uranie,
qui sert également – quoique plus épisodiquement – de porte-parole au
dramaturge. Ainsi explique-t-elle admirablement que la comédie vise à
une satire des vices et des mœurs humains, et non à une caricature mordante d’un individu en particulier : « Pour moi, je me garderai de m’en
offenser et de prendre rien sur mon compte de tout ce qui s’y dit. Ces
sortes de satires tombent directement sur les mœurs, et ne frappent les
personnes que par réflexion. N’allons point nous appliquer nous-mêmes
les traits d’une censure générale […] Toutes les peintures ridicules qu’on
expose sur les théâtres doivent être regardées sans chagrin de tout le
monde. Ce sont miroirs publics, où il ne faut jamais témoigner qu’on se
voie ; et c’est se taxer hautement d’un défaut, que se scandaliser qu’on
le reprenne. » Elle perçoit même l’intérêt didactique de cette satire, invitant chacun à « profit[er] de la leçon ». (scène 6)
En résumé, qu’est-ce qui fait de L’École des femmes une illustration de
« la grande comédie » ou de « la comédie classique » ?
l’organisation de l’intrigue centrée sur le personnage d’Arnolphe, qui
garantit l’unité de l’action ;
E la complexité de caractère d’Arnolphe, qui évolue au cours de la pièce,
à l’égal d’Agnès d’ailleurs, tandis que, dans la farce, les personnages
sont immuables ;
E la présence des récits qui créent l’action et assurent le respect de la
bienséance en tenant à distance les gestes et actions qui auraient pu
choquer (scènes galantes entre Agnès et Horace, Horace assommé « à
mort » par Georgette et Alain) ;
E le fait que le comique naisse surtout du ridicule des caractères et plus
rarement d’une gestuelle et de plaisanteries gratuites, « faites pour
rire ». Le comique naît ainsi de la peinture « d’après nature » des caractères ;
E le souci de plaire, mais aussi d’instruire : Molière livre aux spectateurs,
avec le personnage d’Arnolphe, une leçon sur les effets délétères de
la passion amoureuse et de la jalousie, et propose une réflexion sur la
condition féminine.
E De plus, le personnage de Chrysalde, au début et à la fin de la pièce, permet d’instaurer des échanges dominés par la raison, et on peut dire que
L’École des femmes est l’illustration de ce qui deviendra la clef de voûte
du système théâtral de Molière : c’est par le rire que le spectateur est
édifié, c’est le comique qui fait passer la leçon. La célèbre formule Castigat ridendo mores, (« [la comédie] corrige les mœurs par le rire ») d’origine incertaine et reprise par Molière, exprime – si l’on veut – la catharsis
propre à la comédie. Elle résume une idée développée par Horace dans
sa Poétique selon laquelle le rire est vecteur de l’instruction. Boileau,
qui réprouvait le mélange des genres, au nom de la règle du bon ton,
marqua d’ailleurs – tout comme Louis XIV – son soutien à Molière lors
de « la Querelle ». Au témoignage de Monchesnay en 1742, « M. Despréaux [nom de Boileau] ne se lassait point d’admirer Molière, qu’il appelait
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toujours le Contemplateur. Il disait que la nature semblait lui avoir révélé
tous ses secrets, du moins pour ce qui regarde les mœurs et les caractères des hommes. » Dans son Art poétique, en 1674, Boileau se montra
plus sévère, reprochant à son ami de s’être écarté de ce comique subtil
en faisant « en ses doctes peintures » souvent « grimacer ses figures » et
en alliant « sans honte à Térence Tabarin [nom donné à celui qui fait le
farceur sur les places publiques] ».
On pourrait ajouter à cet inventaire la composition en cinq actes et en
alexandrins et le respect de la règle des trois unités, mais ces deux
aspects sont beaucoup plus accessoires : ils ne suffisent pas à créer la
comédie classique.
B
Le respect de la règle des trois
unités ?
O
Avant de faire ces exercices, vous devez avoir lu la
pièce intégralement.
Exercice autocorrectif n° 1
Une des règles que nous n’avons pas évoquée dans l’exposé sur la polémique soulevée par L’École des femmes est celle des trois unités. Répondez aux questions suivantes pour savoir si elle se trouve respectée.
 Seules quelques indications permettent de mesurer le temps drama-
tique écoulé entre le premier et le dernier vers. Elles se trouvent aux vers
2, 1362, 1370, 1634. Lisez-les : l’unité de temps est-elle observée ?
2P
our les unités de temps et d’action, faites les recherches nécessaires
dans le livre pour remplir les cases « lieu » et « personnages » du
tableau ci-dessous. Pour identifier le lieu dramatique, reportez-vous
en particulier aux didascalies en tête de la pièce et au début de
chaque scène et, en leur absence, demandez-vous où est censée se
dérouler l’action compte tenu du sujet de la scène.
3L
e tableau une fois rempli, vous vous demanderez si les unités de lieu
et d’action sont remplies. Vous justifierez votre réponse.
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Acte
Scène
Acte I
Sc. 1
Sc. 2
Sc. 3
Sc. 4
Acte II
Sc. 1
Sc. 2
Sc. 3
Sc. 4
Sc. 5
Acte III
Sc. 1
Sc. 2
Sc. 3
Sc. 4
Sc. 5
Acte IV
Sc. 1
Sc. 2
Sc. 3
Sc. 4
Sc. 5
Sc. 6
Sc. 7
Sc. 8
Sc. 9
Acte V
Sc. 1
Sc. 2
Sc. 3
Sc. 4
Sc. 5
Sc. 6
Sc. 7
Sc. 8
Sc. 9
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Lieu
Personnages
Exercice autocorrectif n° 2
Pour consolider ces conclusions, élaborez les schémas actantiels pour
Arnolphe à la fin des actes I, II, III, IV, et V. Pour ce faire, aidez-vous du
Point méthode ci-dessous.
➠ Reportez-vous aux corrigés des exercices n° 1 et 2 à la fin du chapitre.
Point méthode : Le schéma actantiel
Destinateur : celui qui
commande l’action
Destinataire : celui
pour qui l’actant agit
Sujet : celui
conduit l’action
Adjuvant : allié ou
auxiliaire du sujet
dans sa quête
C
qui
Objet : but poursuivi
par le sujet
Opposant : obstacle
ou adversaire du
sujet dans sa quête
La structure de la pièce
Exercice autocorrectif n° 3
Le tableau des présences
Complétez le tableau suivant puis commentez la fréquence d’apparition
des personnages.
Précisez les scènes où Arnolphe monologue.
➠ Reportez-vous au corrigé de l’exercice n° 3 à la fin du chapitre.
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Oronte
Enrique
Un notaire
Horace
Agnès
Georgette
Alain
Arnolphe
Chrysalde
1
2
3
Acte I
4
1
2
3
Acte II
4
5
1
2
3
Acte III
4
5
1
2
3
4
5
Acte IV
6
7
8
9
1
2
3
4
5
Acte V
6
7
8
9
1
es règles du théâtre
classique
Fiche méthode
L
Chapitre
Fiche méthode
Boileau, le théoricien du classicisme
Inspiré de la Poétique d’Aristote5, l’ouvrage de l’abbé d’Aubignac, Pratique du théâtre (1657), pose les bases du théâtre classique. Les règles
ainsi édictées se répandent dans les salons mondains et sont complétées, dans cette seconde moitié du Grand Siècle, par doctes et dramaturges, en particulier Corneille dans Les Trois discours sur l’art dramatique (1660). Précisons cependant que les dramaturges plaident le plus
souvent pour une adaptation des règles. Les tragédies de Racine constituent l’une des formes les plus achevées de l’esthétique du théâtre classique. Il est important de noter aussi que les règles qui suivent ont été formulées en premier lieu pour la tragédie, car les théoriciens s’intéressent
peu à la comédie, tenue pour un genre mineur et que le texte connu de la
Poétique d’Aristote ne fait qu’évoquer. Mais certains auteurs comiques,
tels Corneille ou Molière, soucieux de l’élever au rang de genre littéraire
ont suivi en partie ces canons artistiques. Les œuvres produites dans cet
esprit se voient attribuer le nom de « grandes comédies ».
En 1674, au chant III de son Art poétique, Nicolas Boileau, dit « le législateur du Parnasse 6 », va reprendre et résumer en des vers mémorables
des règles déjà en vigueur.
Lisez ce passage concernant la tragédie : nous y avons surligné certaines
de ces règles.
Le secret est d’abord de plaire et de toucher ;
Inventez des ressorts7 qui puissent m’attacher,
Que dès les premiers vers l’action préparée
Sans peine du sujet aplanisse l’entrée.
[…]
Le sujet n’est jamais assez tôt expliqué.
Que le lieu de la scène y soit fixe et marqué8.
Un rimeur sans péril, delà les Pyrénées9,
5. Œuvre théorique sur la création littéraire du philosophe grec du IVe siècle av. J-C.
6. Parnasse : dans la mythologie grecque, ce terme désigne le lieu de résidence d’Apollon et des neuf Muses. Par
métonymie, il désigne une assemblée de poètes.
7. ressorts : incidents qui nouent l’action.
8. marqué : déterminé.
9. delà : par-delà. Allusion à un auteur espagnol. Notez le ton méprisant.
Séquence 5 – FR20
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Sur la scène en un jour renferme des années :
Là souvent le héros d’un spectacle grossier,
Enfant au premier acte, est barbon10 au dernier.
Mais nous, que la raison à ses règles engage,
Nous voulons qu’avec art l’action se ménage 11;
Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli12.
Jamais au spectateur n’offrez rien d’incroyable :
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
Une merveille absurde est pour moi sans appas
L’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas.
Ce qu’on ne doit point voir qu’un récit nous l’expose :
Les yeux en le voyant saisiraient mieux la chose ;
Mais il est des objets que l’art judicieux
Doit offrir à l’oreille, et reculer13 des yeux.
Que le trouble14 toujours croissant de scène en scène,
À son comble arrivé se débrouille sans peine :
L’esprit ne se sent pas plus vivement frappé,
Que lorsqu’en un sujet d’intrigue enveloppé,
D’un secret tout à coup la vérité connue,
Change tout, donne à tout une face inconnue.
Boileau, Art poétique, Chant III, v. 1-60
La règle des trois unités
Tirée des commentaires italiens de la
Poétique d’Aristote et formulée à la
Renaissance, puis éclipsée pendant
la période baroque, cette règle s’est
imposée dans le théâtre classique
après la fameuse « querelle du Cid »
en 1636.
« Qu’en un lieu, qu’en un jour,
un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre
rempli »
Édictées au nom de la vraisemblance, les unités de lieu et de temps
visaient à réduire au maximum l’écart entre le lieu et le temps de l’action dramatique et le cadre et la durée de l’action représentée sur scène.
L’unité de temps fut fixée à vingt-quatre heures, ce qui souleva maintes
contestations (certains faisant justement valoir que le déroulement de
10. barbon : vieillard, vieux beau.
11. se ménage : soit ménagée.
12. Au cours d’un acte, la scène ne doit jamais rester vide.
13. reculer : écarter
14. trouble : complexité de l’intrigue.
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Séquence 5 – FR20
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l’intrigue, avec ses multiples péripéties, en une journée unique était
peu crédible). Conçue initialement comme une unité géographique –
une seule ville ou deux villes voisines –, l’unité de lieu s’imposa très
vite comme une unité de décor. On opta alors pour des lieux propices
aux rencontres : une place ou un intérieur bourgeois dans la comédie,
l’antichambre d’un palais dans la tragédie. Les événements survenus
ailleurs devaient alors être relatés. L’unité d’action devait, quant à elle,
permettre au spectateur de concentrer son attention sur le point essentiel de la tragédie ou « nœud » de la pièce. Cette règle n’interdisait pas
les actions secondaires – les théoriciens divergeaient sur ce point – mais
impliquait que celles-ci fussent subordonnées à l’intrigue principale.
Une autre règle existe qui est celle de l’unité de ton : cette règle interdit
qu’on mêle les registres comique et tragique dans une même pièce.
« Ce qu’on ne doit point voir, qu’un
récit nous l’expose :
Les yeux en le voyant saisiraient
mieux la chose ;
Mais il est des objets que l’art judicieux
Doit offrir à l’oreille, et reculer des
yeux. »
La règle des bienséances
Le souci de plaire de l’esthétique classique est à
l’origine de la règle des bienséances. Désireux de
plaire, l’auteur se veut en harmonie avec la morale
et les goûts de son public de manière à rencontrer son adhésion. La personne royale est, bien
entendu, l’arbitre suprême du bon goût. On distingue deux sortes de bienséance :
Selon la bienséance dite « interne » ou « convenance », le comportement des personnages doit être conforme à leur âge, à leur condition
sociale, aux mœurs et aux coutumes de leur pays. C’est à la fois une
question de logique et de vraisemblance. C’est sans doute dans cet
esprit que Racine choisit de ne pas « salir » Phèdre en la rendant directement responsable de la calomnie d’Hippolyte : c’est Œnone qui en est
coupable.
E La bienséance dite « externe » vise, quant à elle, à ne pas choquer la
sensibilité ni les principes moraux du spectateur. Se trouvent ainsi bannis de la scène la représentation d’actes violents (meurtres, suicides...),
les allusions marquées à la sexualité, à la nourriture, à la vie du corps
en général, ainsi que les mots grossiers, qui n’ont leur place que dans
les farces. Les scènes trop violentes font l’objet d’un récit : dans Phèdre,
la mort d’Hippolyte sera racontée. Les récits de ces scènes constituent
de véritables morceaux de bravoure puisqu’ils doivent toucher autant et
même davantage que l’action représentée. Vous imaginez la difficulté
qu’ont rencontrée les dramaturges dans la composition des aveux amoureux de Phèdre, de Bérénice ou tout simplement d’une jeune ingénue.
C’est, d’ailleurs, par souci des bienséances que Pierre Corneille révisa
toutes ses pièces après 1660 à l’occasion d’une réédition complète de
son théâtre.
E Séquence 5 – FR20
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La vraisemblance
Suivant la même doctrine du placere (plaire), du docere (enseigner) et
du movere (toucher), il est nécessaire que le public tienne pour vraies
les actions représentées sur scène. Celles-ci doivent donc être vraisemblables, faute de quoi les spectateurs ne prendront pas goût à la pièce et
ne ressentiront pas les émotions escomptées et, partant, n’en retireront
pas non plus la portée didactique. Il est important de noter que « vraisemblable » ne signifie pas « vrai », comme le précisent l’abbé d’Aubignac, puis Boileau :
« Il n’y a donc que le Vraisemblable qui puisse raisonnablement fonder,
soutenir et terminer un poème dramatique : ce n’est pas que les choses
véritables et possibles soient bannies du Théâtre ; mais elles n’y sont
reçues qu’en tant qu’elles ont de la vraisemblance ; de sorte que pour
les y faire entrer, il faut ôter ou changer toutes les circonstances qui
n’ont point ce caractère, et l’imprimer à tout ce qu’on y veut représenter.» (Abbé d’Aubignac, La Pratique du théâtre, 1657)
La catharsis
Reprenant un terme utilisé par
« Que dans tous vos discours la
Aristote au livre VI de sa Poétique,
passion émue
les théoriciens classiques ont
Aille chercher le cœur, l’échauffe
assigné à la tragédie – et pas à la
et le remue. »
comédie – une fonction morale, la
catharsis ou « purgation des passions ». En montrant les conséquences ultimes et catastrophiques des passions, la tragédie purgerait
l’âme du spectateur de ces mêmes passions et l’inciterait à ne pas imiter
les héros tragiques. Le théâtre rendrait ainsi les hommes meilleurs. À
noter que le passage de la Poétique aristotélicienne est trop imprécis et
mutilé pour affirmer que cette théorie est reprise d’Aristote.
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Séquence 5 – FR20
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C orrigés des exercices
Chapitre
1
Corrigé de l’exercice n° 1
 Le vers 1634 permet à lui seul de mesurer la durée du temps dra-
matique. À la scène 6 de l’acte V, Horace, confiant à Arnolphe son
« malheur », déclare en effet : « Cet Enrique, dont hier je m’informais à
vous ». Il s’est donc écoulé une journée depuis la première rencontre
des deux hommes à l’acte I, scène 4. En outre, la révélation de la scène
6 suit de peu le récit d’Horace à la scène 1 de ce même acte V, où deux
indications situent la rencontre de très bon matin (v. 1362 et 1370).
Même si on ignore exactement le moment de la journée auquel commence la pièce, il appert que l’unité de temps est respectée. Selon
toute vraisemblance, l’action se déroule en vingt-quatre heures, d’un
matin à un autre.
2
Acte Scène
Lieu
Acte I Sc. 1 Sur une place de ville (didascalie initiale), devant la maison d’Arnolphe
Sc. 2 Sur la place et à l’intérieur de la maison ;
changement de décor dépend d’un choix
de mise en scène
Sc. 3 Dans la maison ou sur la place (choix de
mise en scène)
Sc. 4 Sur la place, devant la maison
Acte II Sc. 1 Sur la place, devant la maison
Sc. 2 Dans la maison ou sur la place (choix de
mise en scène)
Sc. 3 Dans la maison ou sur la place (choix de
mise en scène)
Sc. 4 Dans la maison
Sc. 5 Dans la maison
Acte III Sc. 1 Dans la maison
Sc. 2 Dans la maison
Sc. 3 Sur la place, devant la maison
Sc. 4 Sur la place, devant la maison
Sc. 5 Sur la place, devant la maison
Acte IV Sc. 1 Sur la place, devant la maison
Sc. 2
Dans la maison ou sur la place (choix de
mise en scène)
Personnages
Arnolphe, Chrysalde
Arnolphe, Alain, Georgette
Arnolphe, Agnès
Arnolphe, Horace
Arnolphe
Arnolphe, Alain, Georgette
Alain, Georgette
Arnolphe, Agnès, Alain, Georgette
Arnolphe, Agnès
Arnolphe, Agnès, Alain, Georgette
Arnolphe, Agnès
Arnolphe
Arnolphe, Horace
Arnolphe
Arnolphe
Arnolphe, le Notaire
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Acte V
Sc. 3 Dans la maison ou sur la place (choix de
mise en scène)
Sc. 4 Dans la maison ou sur la place (choix de
mise en scène)
Sc. 5 Sur la place, devant la maison
Sc. 6 Sur la place, devant la maison
Sc. 7 Sur la place, devant la maison
Sc. 8 Sur la place, devant la maison
Sc. 9 Sur la place, devant la maison
Sc. 1 Sur la place, devant la maison ou à l’intérieur de la maison
Sc. 2 Sur la place, devant la maison
Sc. 3 Sur la place, devant la maison
Sc. 4 Sur la place, devant la maison
Sc. 5 Sur la place, devant la maison
Sc. 6 Sur la place, devant la maison
Sc. 7 Sur la place, devant la maison
Sc. 8 Sur la place, devant la maison
Sc. 9 Sur la place, devant la maison
Arnolphe, le Notaire, Alain, Georgette
Arnolphe, Alain, Georgette
Arnolphe
Arnolphe, Horace
Arnolphe
Arnolphe, Chrysalde
Arnolphe, Alain, Georgette
Arnolphe, Alain
Arnolphe, Horace
Arnolphe, Agnès, Horace
Arnolphe, Agnès
Arnolphe, Alain
Arnolphe, Horace
Arnolphe, Horace, Chrysalde, Oronte,
Enrique
Arnolphe, Georgette, Horace, Chrysalde,
Oronte, Enrique
Arnolphe, Agnès, Horace, Chrysalde,
Oronte, Enrique, Alain, Georgette
3 La didascalie initiale fournit une indication sur le lieu dramatique : « la
scène est sur une place de ville ». Le relevé des personnages présents
dans chaque scène et des actions qui s’y jouent permet de conclure
que le lieu ne change pas ; seul le décor peut varier selon des choix
de mise en scène. L’action se déroule en effet sur une place de ville,
et plus précisément devant la maison où est séquestrée Agnès. Plus
vraisemblablement, les scènes où celle-ci figure devraient se dérouler
à l’intérieur des murs de la demeure, ainsi que celles avec les domestiques. La scène 2 de l’acte I devrait permettre de voir l’intérieur et
l’extérieur de la maison puisque Alain et Georgette, dedans, ne se
décident pas à ouvrir à Arnolphe qui frappe à la porte. Molière a donc
observé l’unité de lieu, mais dans les choix de mise en scène, l’unité
de décor semble difficile à assurer. Notons, en outre, que le choix
d’une place est à la fois conforme à l’usage et utilisé de façon stratégique par Molière : c’est ce qui explique l’ignorance d’Horace quant à
l’identité entre Arnolphe et M. de la Souche.
L’unité d’action est assurée par l’omniprésence scénique d’Arnolphe,
absent dans une seule et courte scène (Acte II, scène 3). Le projet
du barbon d’épouser Agnès est énoncé au tout début de la scène 1
et trouve sa résolution dans la dernière scène de la pièce. L’intrigue
amoureuse menée par Horace – que l’on peut considérer comme une
action secondaire – est, en outre, parfaitement rattachée à l’action
principale par le jeu des récits d’Horace à Arnolphe et trouve, en
même temps qu’elle, son dénouement.
46
Séquence 5 – FR20
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Corrigé de l’exercice n° 2
Fin de l’acte I
Destinateur : Arnolphe,
honneur, orgueil,
Destinataire :
Arnolphe
Objet : mariage avec
Agnès ; ne pas être
trompé
Sujet : Arnolphe
Adjuvant : personne
Opposant : Horace
Fin de l’acte II
Destinateur : orgueil,
honneur d’Arnolphe
Destinataire :
Arnolphe
Sujet : Arnolphe
Adjuvant : personne
Objet : mariage avec
Agnès ; ne pas être
trompé
Opposants : Horace,
sentiments d’Agnès
Séquence 5 – FR20
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Fin de l’acte III
Destinateur : honneur,
amour
Destinataire :
Arnolphe
Sujet : Arnolphe
Adjuvant : personne
Objet : mariage avec
Agnès ; ne pas être
trompé
Opposant : Horace,
Agnès
Fin de l’acte IV
Destinateur : honneur,
amour
Destinataire :
Arnolphe
Sujet : Arnolphe
Adjuvants : Alain,
Georgette
48
Séquence 5 – FR20
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Objet : mariage avec
Agnès ; ne pas être
trompé
Opposants : Horace,
Agnès
Fin de l’acte V
Destinateur : amour,
orgueil
Destinataire :
Arnolphe
Sujet : Arnolphe
Adjuvants :
Georgette, Alain
Objet : mariage avec
Agnès
Opposants : Horace,
Agnès,
Chrysalde,
Enrique, Oronte
Ces schémas actantiels successifs font nettement apparaître la permanence du projet de noces d’Arnolphe avec sa pupille. Ils mettent également à jour quelques modifications dans les motivations, les adjuvants
et les opposants du personnage moteur de l’action.
Notons tout d’abord que, dès la fin de l’acte I, ce dernier connaît des adversaires, qui ne vont cesser de se multiplier au fil de la pièce. Les auxiliaires
apparaissent seulement durant l’acte III et ne sont que d’un maigre secours
car ils se contentent d’exécuter les ordres qui leur sont donnés sans prendre
d’intérêt personnel au projet du barbon. Surtout, on voit qu’à partir de l’acte
III, la psychologie d’Arnolphe se complexifie : l’amour-propre, l’orgueil ne
sont plus ses seules motivations, s’y joint l’amour pour Agnès, un amour si
puissant qu’il le conduira, durant l’acte V, à renoncer à la finalité première de
tout son projet de mariage : ne pas être cocu. Le respect de l’unité d’action
n’interdit donc pas l’évolution des personnages.
Corrigé de l’exercice n° 3
(voir tableau ci-après)
L’exposition et le dénouement obéissent aux règles de la comédie :
Arnolphe et Chrysalde parlent pour exposer la situation aux spectateurs
et l’ensemble des personnages se retrouvent dans la dernière scène
pour célébrer le mariage des jeunes gens.
Chrysalde et le notaire sont deux personnages secondaires ; ils sont
peu présents. La place centrale du notaire (acte IV, scènes 2 et 3) est
inhabituelle. Il vient pour remplir les contrats de mariage. Sa disparition
indique qu’une péripétie a eu lieu et que le contrat est reporté.
Séquence 5 – FR20
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Arnolphe est omniprésent : il apparaît dans 31 scènes sur 32 ! Il rencontre tous les autres personnages ; il veut être au courant de tout et
est au centre des intrigues. Pourtant, il est extrêmement seul comme en
témoignent ses nombreux monologues (12).
Son interlocuteur privilégié est Horace qu’il rencontre seul dans 5 scènes
sur 9, ce qui prouve leur intimité. Agnès et lui ne sont réunis sur scène
qu’à la fin de l’acte V.
La jeune Agnès, quant à elle, représente la femme surveillée par excellence : elle n’apparaît jamais seule ni en tête à tête avec son amant.
Elle se trouve 8 fois sur scène, et à chaque fois avec Arnolphe, seul ou
accompagné d’Alain et Georgette. C’est dans l’acte V seulement qu’Horace la rejoint sur scène.
Le couple de valets occupe 10 scènes. Dans les actes I à III, ils sont avec
Agnès ; puis dans l’acte V ils se trouvent sur scène avec Arnolphe : les
alliances se défont et l’action s’emballe.
50
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Séquence 5 – FR20
51
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Scènes de dialogues
Scènes de monologue
8
1 2 3
4
(dialogues et monologues)
Scènes mixtes
9
5
6
7
8
9
5
3
7
Oronte
6
3
5
Enrique
4
2
3
Un notaire
4 5 1 2
9
3
Horace
2
8
1
Agnès
5
11
4
Georgette
3
11
2
Nombre
de scènes
Alain
1
Acte V
11
4
Acte IV
Arnolphe
3
Acte III
31
2
Acte II
Chrysalde
1
Acte I
Chapitre
3
A
Le classicisme de L’École des
femmes : à l’épreuve du texte
Étude de l’exposition (acte I, scène 1)
1. Lecture analytique n° 1
Écoutez la lecture de la scène 1 de l’acte I (vers 123 à 174) sur votre CD
audio, puis relisez l’extrait vous-même avant d’aborder son étude.
Questions de lecture analytique
1 Dans le théâtre classique, les premiers vers d’une comédie ou d’une
tragédie doivent servir d’exposition des personnages, de l’action et
du lieu. Les vers que vous venez de lire fournissent au spectateur de
multiples informations de ce point de vue : lesquelles ?
2 Reprenez chacune des informations que vous avez repérées. En quoi
leur énoncé permet-il de rendre la suite de l’intrigue vraisemblable ?
3 Relevez les éléments comiques de l’extrait.
Réponses
1 Cet extrait donne aux spectateurs diverses informations concernant :
l’intrigue :
Arnolphe s’est fait le tuteur d’une petite paysanne, que sa mère,
pressée par la nécessité, lui a abandonnée alors qu’elle avait quatre
ans. L’enfant a été élevée dans un couvent, à l’écart du monde, selon
les principes de son tuteur visant à « la rendre idiote autant qu’il se
pourrait » (v. 138). Cette éducation a donné les résultats escomptés
et Arnolphe s’apprête donc à épouser sa pupille, modelée « au gré
de [son] souhait » (v. 142). C’est dans ce dessein qu’il a « retir[é] »
(v.143) la jeune fille du couvent et la tient dans une « [autre] maison,
où nul ne [le] vient voir » (v. 146).
le lieu :
Arnolphe affirme qu’il tient sa future femme à l’écart « dans cette autre
maison, où nul ne [le vient] voir » (v.146). On comprend donc que
l’échange entre les deux hommes se déroule à l’extérieur, dans la rue –
E E 52
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la didascalie avant le texte précise « sur une place de ville » – devant la
demeure dans laquelle se trouve enfermée la jeune fille.
E les personnages :
les deux personnages principaux sont présentés au cours de ce dialogue, Arnolphe et Agnès. Par sa longue tirade, Arnolphe dévoile une
partie de son caractère : il nous apparaît extravagant de se choisir et
même de se fabriquer une femme si ignare ; bien plus âgé qu’elle,
il évoque la figure traditionnelle du barbon de comédie. La richesse
n’est pas ce qui motive Arnolphe dans le choix d’une alliance : « je me
vois assez riche, dit-il, pour pouvoir […] / Choisir une moitié qui tienne
tout de moi. » (v. 126-127). Par la réplique de Chrysalde, le public
apprend enfin qu’Arnolphe est âgé de quarante-deux ans et qu’il s’est
donné « un nom de seigneurie » (v. 172) : dans le monde, il se fait
appeler Monsieur de la Souche.
Quant au portrait de sa future épouse, il se limite à la description
qu’en fait Arnolphe, unique personnage à la connaître, et pour cause :
elle est cloîtrée depuis l’âge de quatre ans, des années durant dans
un couvent et tout récemment dans une maison en ville, où elle ne
côtoie que des domestiques « tout aussi simples qu’elle » (v. 148).
Arnolphe ne fournit aucune précision sur son physique ; il insiste en
revanche sur son caractère, qui, à l’en croire, se limite à un seul trait :
l’innocence, mot qui signifie aussi bien « absence de méchanceté »
qu’« absence de culture ». C’est le champ lexical le plus développé
qu’il utilise à son propos : « idiote » (v. 138), terme à prendre au sens
de « privée de culture », « innocente » (v. 140), « bonté naturelle »
(v.147), « ignorance » (v. 156), « ses simplicités » (v. 159), « innocence à nulle autre pareille » (v. 163). Derrière ce portrait se profile un
personnage-type, celui de l’ingénue.
Reste enfin le personnage de Chrysalde, dont le spectateur ne sait
rien, sinon qu’il est « ami » d’Arnolphe (v. 151) ; il incarne le personnage du confident. L’écoute et la franchise dont il fait preuve à l’égard
du fantasque « Seigneur de la Souche » le présentent effectivement
comme tel. Mais il n’est pas seulement cela : il apparaît, dès cette
scène inaugurale, comme la voix de la raison face à l’extravagance du
personnage principal.
2 La connaissance qu’Arnolphe a des origines de sa pupille est limitée.
Pour lui, elle est la fille d’une paysanne indigente. Se cherchant une
enfant qu’il pourrait façonner à son gré pour ensuite l’épouser, il n’a
pas enquêté davantage, ne s’est pas inquiété de sa naissance ni de
sa fortune. Bien au contraire, qu’elle n’en eût point, constituait à ses
yeux un gage de tranquillité conjugale : elle n’aurait à lui « reprocher
aucun bien ni naissance » (v. 128). Le coup de théâtre qui dénoue
la pièce n’est alors pas incroyable du point de vue d’Arnolphe. Rien
n’empêche en effet qu’Agnès soit le fruit d’un « hymen secret »
(v.1740) et qu’Arnolphe n’en ait rien su.
Séquence 5 – FR20
53
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Le choix du lieu rend également vraisemblable l’action, et plus particulièrement le quiproquo d’Horace. Si l’action se déroule devant
la maison où est séquestrée Agnès, cette demeure n’est pas celle
où réside Arnolphe. Horace n’a donc aucune raison de soupçonner
qu’elle lui appartient et qu’il est, par conséquent, le geôlier de sa
bien aimée. À cela s’ajoute le récent changement de nom d’Arnolphe,
suffisamment neuf pour que son ami Chrysalde ne parvienne pas à
s’y faire ; il est donc parfaitement normal qu’Horace, qui n’a pas vu
Arnolphe depuis longtemps, ignore la modification de son état civil.
La méprise est d’autant plus fondée que « La Souche » est le nom de
la maison dans laquelle est enfermée Agnès (v. 173).
Le plan préparé par Arnolphe est cohérent avec son obsession du
cocuage. Peu lui importe la naissance, la pauvreté, voire même la laideur de sa femme, Arnolphe ne pense qu’à son honneur ; il ne veut
pas être cocu.
Notons enfin que Molière va jusqu’à justifier ce récit qui expose des
événements passés en faisant dire à Arnolphe : « Vous me direz :
Pourquoi cette narration ? / C’est pour vous rendre instruit de ma précaution. » (v. 149 -150)
3 Pour informative que soit la scène, elle n’en est pas moins comique.
On s’amuse surtout du caractère des personnages. Sans rire aux
éclats, le spectateur s’amuse de la fantaisie d’Arnolphe qui a mis
tous ses soins à « rendre [sa femme] idiote autant qu’il se pourrait »
(v. 138) et qui s’est acheté un nom à particule ridicule pour faire
oublier qu’il est un simple bourgeois. On est distrait également par
son assurance fanfaronne concernant les « précaution[s] » (v.150)
qu’il a prises pour ne pas être trompé par sa femme, alors même
qu’on devine que le nerf de l’action sera lié aux entraves placées à
l’accomplissement de son plan. Son orgueil se ressent à la longueur
de la tirade – trente-et-un vers – uniquement consacrée à l’exposé
de son projet. De plus, le barbon insiste avec un tel contentement
sur l’ingénuité d’Agnès que l’on s’attend à la découvrir autrement
plus rebelle qu’il ne la dépeint. La question d’Agnès que rapporte
Arnolphe (vers 164) prête elle aussi à rire ; le sujet en est plus
grivois, mais finalement c’est bien de la naïveté de la jeune fille
que s’amuse le spectateur. Aussi peut-on classer ces vers dans le
comique de caractère, même si l’évocation de sujets grivois relève
de la farce.
Exercice autocorrectif n° 1
À l’aide des réponses aux questions ci-dessus, composez le plan détaillé
d’une lecture analytique de ce texte. Vous organiserez ce plan en fonction de la question suivante :
En quoi ce passage nous introduit-il dans une comédie classique ?
➠ Reportez-vous au corrigé de l’exercice n° 1 à la fin du chapitre.
54
Séquence 5 – FR20
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2. Chrysalde, le « raisonneur »
Dans L’École des femmes, Chrysalde incarne la morale du juste milieu,
de « l’honnête homme », homme de bonne compagnie qui s’efforce de
faciliter les relations sociales. Il essaie de prévenir et raisonner Arnolphe
en ami pour lui éviter des infortunes et des déconvenues. Sur le plan
dramatique, il représente la norme qui permet de mesurer la folie d’Arnolphe qu’il juge d’ailleurs « malade ». Il a aussi un rôle dramaturgique
important car il apporte la contradiction, la contestation et permet la
relance des arguments développés par le personnage d’Arnolphe. Le
dialogue progresse alors et le spectateur peut pénétrer plus avant dans
les obsessions du barbon.
Relisez trois passages où ce personnage prend la parole, Acte I, scène 1,
v. 46-72 ; Acte IV, scène 8 v. 1240-1267 et Acte V, scène 9, v. 1760-1779,
pour vous en rendre compte par vous-même.
B
Arnolphe : une édifiante satire
du jaloux (acte II, scène 3)
Vous allez étudier la scène 3 de l’acte II.
Relisez les scènes 1, 2 et 3 de l’acte II avant d’aborder l’étude de cette
scène.
Écoutez la lecture de la scène 3 de l’acte II sur votre CD audio, puis relisez l’extrait vous-même.
Questions de lecture analytique
1 a) Où en est-on de l’action au début de la scène 3 ?
b) La scène fait-elle progresser l’intrigue ?
2 Qui sont les personnages sur scène ? À quelle catégorie sociale appar-
tiennent-ils ? À quel type de comique sont traditionnellement liés ces
personnages ? Le spectateur est-il déçu dans ses attentes ?
3 Montrez que le portrait tracé par Alain propose une satire de l’homme
jaloux fine et juste.
Réponses
1 a) À la fin de l’acte I, dans la scène 4, Arnolphe a rencontré Horace,
le fils de son ami Oronte, dont il n’a plus de nouvelles depuis quatre
ans. La conversation qui s’ensuit a lieu – comme, du reste, dans toute
la pièce (unité de lieu) – devant le logis où est enfermée Agnès. Le
Séquence 5 – FR20
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jeune homme, qu’une lettre d’Oronte recommande à Arnolphe, est
venu s’établir dans la ville et confie à l’ami de son père qu’il s’est
épris d’un « jeune objet » (v. 317) retenu par un homme jaloux, un
certain « de la Zousse ou Source » (v. 328), dans la maison qui leur fait
face. Il ajoute que l’argent qu’Arnolphe vient de lui prêter lui servira à
mener à bien sa « juste entreprise » (v. 343) : se « rendre maître [de la
belle] en dépit du jaloux » (v. 342). Le rideau se lève à l’acte II sur un
monologue d’Arnolphe, qui précise ses plans : savoir quels résultats
Horace a déjà obtenus auprès d’Agnès. Pour cela, il s’apprête à interroger ses domestiques, Georgette et Alain qui, le voyant d’humeur
chagrine, feignent des malaises. Arnolphe lui-même se sent mal,
tant il est troublé ; il décide finalement de s’informer de la « propre
bouche » d’Agnès (v. 407).
b) Dans la mesure où elle n’apporte pas de réponse à la question que
se pose Arnolphe et où elle n’introduit pas de nouvelle péripétie par
rapport à l’action principale, cette scène ne présente aucune progression dramatique. Son intérêt est ailleurs.
2 Les deux personnages en scène sont Alain et Georgette, les domes-
tiques d’Arnolphe. Or, traditionnellement, dans la comédie, les valets
et servantes apparaissent dans des scènes comiques. Cupides et
fourbes, ils ridiculisent leur maître en lui soutirant de l’argent, en
déjouant ses plans ou en faisant pleuvoir sur son dos les coups de
bâton qui leur étaient destinés. Ce sont des experts de l’intrigue et des
« combines », sans cesse en train de courir à droite et à gauche pour
mener à bien leur plan, d’où le nom de servus currens, d’« esclave
courant », pour ce rôle, dans la comédie latine. Aussi est-ce en général
à eux qu’il revient de monter et mettre en œuvre le plan pour déjouer
les projets de mariage du père sévère (senex dans la comédie latine)
et permettre l’union du fils (adulescens dans la comédie latine) avec
celle vers laquelle le porte son cœur – que l’on croyait d’ailleurs
orpheline et de vile naissance et se révèle en fait fille d’une riche et
honorable famille.
La présence de ces deux personnages sur scène crée deux horizons
d’attente : dramatique (la fomentation d’un complot pour protéger
leur jeune maîtresse), et esthétique (on attend un comique de farce).
Molière trompe le spectateur dans sa première attente : Georgette et
Alain ne sont pas des intrigants et ne le seront à aucun moment de la
pièce. C’est ainsi qu’ils exécuteront l’ordre d’Arnolphe d’assommer
Horace à l’acte IV.
La scène n’en est pas moins comique, selon les principes de la farce
ou de la commedia dell’arte. Parmi les éléments comiques de farce,
on peut relever la comparaison de la femme à un potage, à laquelle
recourt Alain pour faire comprendre à Georgette ce qu’éprouve le
jaloux : « Dis-moi, n’est-il pas vrai quand tu tiens ton potage/ Que, si
quelque affamé venait pour en manger, / Tu serais en colère, et voudrais le charger ? […] La femme est en effet le potage de l’homme » (v.
432-436). La métaphore est ensuite filée avec une certaine grivoise-
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rie, évoquant en des termes à peine voilés le cocuage : « un homme
voit d’autres hommes parfois / Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts » (v. 437-438). Ce genre d’allusion sexuelle a dû faire
rire le parterre, mais a choqué certains contemporains de Molière.
Est également comique l’ingénuité de Georgette, qui en fait une
enfant et rappelle la simplicité de sa jeune maîtresse. Elle apparaît
tout d’abord timorée, exprimant franchement sa « peur » face à l’attitude d’Arnolphe. En l’espace de seulement trois vers, elle emploie,
en effet, deux fois le substantif « peur » et les adjectifs « terrible » et
« horrible ». Son effroi est en lui-même comique puisqu’il semble dû
à l’aspect de son maître plutôt qu’à ses menaces de coups : « ses
regards m’ont fait peur » ; « jamais je ne vis un plus hideux chrétien »
(v. 415-417). S’ensuit un dialogue avec Alain où Georgette enchaîne
comme une jeune enfant les « d’où vient que […] ? » (v. 421, 424) et
les « pourquoi […] ? » (v. 426, 440).
3 À travers cette scène, Molière livre aux spectateurs une juste satire
du jaloux, mais attention : pas du caricatural jaloux de comédie,
mais de l’homme jaloux. Si les commentaires et le langage de Georgette et d’Alain rendent la scène comique, le portrait qu’ils tracent
de l’homme jaloux est en effet assez exact. La première réplique de
Georgette donne une description physique – presque médicale – de
l’état de démence que cause la jalousie. À ce qu’elle décrit, il faut
imaginer Arnolphe les yeux exorbités ou hagards, le visage grimaçant.
Cette peinture est d’autant plus juste qu’elle complète l’analyse qu’Arnolphe lui-même a fait de son état à la fin de la scène précédente : « je
suis en eau : prenons un peu d’haleine. / Il faut que je m’évente et
que je me promène. » (v. 403-404), « Du chagrin qui me trouble » (v.
413). La seconde réplique de Georgette brosse un portrait en actes
du jaloux : il fait garder et surveiller la belle, la tenant au logis « avec
[…] rudesse » et empêchant quiconque d’en approcher (v. 419-422).
Une fois fixée sur le mal dont souffre son maître – « la jalousie » (v.
423) – Georgette poursuit : « Oui ; mais pourquoi l’est-il ? et pourquoi
ce courroux ? » (v. 426) Alain ne répond qu’à la seconde question au
moyen de la comparaison entre la femme et le potage. Pour cocasse
qu’elle soit, cette analogie a le mérite de présenter très clairement
le sentiment du jaloux : il considère la femme comme son objet, sa
propriété et ne supporte pas qu’on cherche à attenter à son bien ! La
dernière observation de Georgette évoque avec crudité le comportement raillé par Arnolphe dans la scène 1 de l’acte I : la tacite acceptation du cocuage par certains : « Oui ; mais pourquoi chacun n’en
fait-il pas de même, / Et que nous en voyons qui paraissent joyeux /
Lorsque leurs femmes sont avec les biaux monsieux. » (v. 440-442).
C’est ainsi l’occasion pour Molière de railler également ses contemporains qui tirent parti du cocuage. Aussi rustre et maladroit que soit
le langage des deux valets, force est de constater qu’ils donnent une
juste peinture des mœurs contemporaines et des passions humaines.
Alain surtout s’avère doué de qualités d’observation et de finesse
psychologique. Il connaît le trouble et la colère éprouvés par l’homme
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jaloux et sait reconnaître les symptômes de cette maladie de l’âme.
Les deux serviteurs s’entretiennent donc de façon grotesque sur un
sujet sérieux, celui de la jalousie et de ses manifestations. La scène
doit donc être dite burlesque : on y voit des personnages de naissance
et de langage grossiers traiter d’un sujet sérieux. En ce sens, on peut
dire que, pour farcesque qu’elle soit, cette scène n’en a pas moins
une fonction morale. Elle vise à « purifier » les spectateurs de la jalousie en les faisant rire d’une définition certes burlesque, mais juste de
cette passion.
Exercice autocorrectif n° 2
À l’aide des réponses aux questions ci-dessus, composez le plan détaillé
d’une lecture analytique de ce texte. Vous organiserez ce plan en fonction de la problématique suivante :
En quoi cette scène illustre-t-elle les deux préceptes classiques : plaire
et instruire ?
➠ Reportez-vous au corrigé de l’exercice n° 2 à la fin du chapitre.
C
De l’utilité du récit dans la comédie
(acte III, scène 4)
Relisez les scènes 1 à 4 de l’acte III avant d’aborder l’étude des vers
892-926 de la scène 4. Horace y fait un récit à Arnolphe sur la manière
dont Agnès l’a dupé.
Écoutez la lecture de la scène 4 de l’acte III sur votre CD audio, puis relisez-le vous-même avant d’aborder son étude.
Questions de lecture analytique
2 a) Où en est-on de l’action au début du passage ?
b) Quel nouveau rebondissement introduit le récit d’Horace ?
2 Pourquoi, d’après vous, Molière a-t-il choisi de faire rapporter par le
récit d’Horace l’épisode du grès au lieu de la représenter sur scène ?
En quoi ce choix a-t-il un effet comique, celui de ridiculiser Arnolphe ?
3 Dressez la liste des éléments du texte qui suscitent le rire. À quel type
de comique (de situation, de geste, de caractère, de mot) chacun
d’eux appartient-il ?
4 Relevez le champ lexical de la guerre. Par qui est-il employé ? Quel en
est le sens ?
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Séquence 5 – FR20
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5 Quel est le véritable triomphateur, d’après le discours d’Horace ?
6 Quel enseignement le spectateur peut-il retirer de ce passage ?
Réponses
1 a) À la fin de l’acte II, Arnolphe avait ordonné à Agnès de rompre tout
commerce avec Horace et, s’il revenait, de lui jeter un « grès » (v.
635), autrement dit une grosse pierre. Au début de l’acte III, le barbon exulte et félicite Agnès de son « honnêteté » (v. 658) : il l’a vue
jeter une pierre pour détourner Horace. Il décide de hâter les noces,
fait appeler le notaire pour établir le contrat et donne à lire à Agnès
d’austères Maximes du mariage ou les devoirs de la femme mariée. À
la scène suivante, le jaloux célèbre en lui-même son triomphe, se félicitant d’avoir élu pour épouse « un morceau de cire » (v. 810) auquel
il peut « donner la forme qui [lui] plaît » (v. 811).
b) Le récit d’Horace bouscule toutes les certitudes d’Arnolphe et
déjoue ses plans. Le spectateur qui l’a vu savourant sa victoire à la fin
de la scène 3, comprend, comme le personnage lui-même, qu’il est
défait : même s’il épouse Agnès, Arnolphe sera cocu ; toutes ses précautions auront donc été inutiles. En apprenant qu’Agnès a attaché
une lettre à la pierre qu’elle a lancée à Horace, Arnolphe découvre en
effet d’une part, que sa pupille répond à l’amour du galant, d’autre part
que la jeune fille est loin d’être innocente et modelable comme il le
croyait : elle a feint la soumission pour mieux le duper et saurait donc,
autant qu’une autre, tromper son mari. Il prend enfin conscience que
son projet de mariage pourrait être à nouveau contrecarré, si Agnès
parvenait à s’échapper du logis où il la tient séquestrée.
2 Molière aurait pu représenter la scène amoureuse entre les deux
jeunes gens. Les détracteurs de L’École des femmes ont d’ailleurs
critiqué son manque d’action, inhabituel pour une comédie, tout en
jugeant invraisemblable qu’une jeune fille comme Agnès pût soulever un « grès »... Ce dernier argument est fort discutable : nous ne le
retiendrons pas comme un motif justifiant le recours au récit. Il semble
du reste que le respect des règles de bienséance et de vraisemblance
ne soit pas le souci principal de Molière. Ce qui compte, ce n’est pas
tant l’action racontée que les effets du récit sur Arnolphe et le jeu d’interlocution qui s’établit entre le narrateur et le narrataire. On devine
en effet la colère et le désespoir d’Arnolphe rendu spectateur de la
comédie qui le ridiculise. Dans son récit, Horace revient en effet sur
les précautions aussi nombreuses qu’inutiles du jaloux et fait ainsi
apparaître sous les yeux de l’intéressé un portrait satirique de luimême : « Cet homme, gendarmé d’abord contre mon feu,/ Qui chez
lui se retranche, et de grès fait parade ... ; Qui, pour me repousser ...
anime du dedans tous ses gens contre moi,/ Et qu’abuse à ses yeux,
par sa machine même ... » (927-932). La mortification d’Arnolphe ne
s’arrête pas là puisque Horace, sans cesse, sollicite son approbation
au récit des exploits de sa bien-aimée et l’invite à rire du ridicule de
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Monsieur de la Souche, au moyen de questions rhétoriques notamment (v. 922-925). Le tuteur d’Agnès est d’ailleurs explicitement présenté comme un personnage de comédie par le jeune homme : « Ne
trouvez-vous pas plaisant de voir quel personnage / A joué mon jaloux
dans tout ce badinage ? » (v. 924-925) Et pour coller à cet autre personnage qu’il s’est lui-même donné, celui de l’ami confident, Arnolphe se
voit contraint de rire de Monsieur de la Souche, comme l’indiquent
les didascalies : « Arnolphe rit d’un ris forcé », « Arnolphe avec un ris
forcé ». Il se trouve donc pris à son propre rôle, et ce d’autant plus
qu’il a dit à Horace lors de leur premier rencontre trouver du « plaisir »
à se « donner souvent la comédie » en observant les « tours » que
les femmes jouent à leur mari (v. 297-298). Si donc Arnolphe subit un
« revers de satire » comme le lui avait prédit Chrysalde au tout début
de la pièce (v. 56), il ne doit s’en prendre qu’à lui.
3 Voici la liste des sources du comique dans le texte :
le quiproquo qui amène Horace à faire à son adversaire le récit de
son triomphe alors que le premier l’ignore (comique de situation) ;
E le rôle de confident qu’Arnolphe s’est donné avec Horace et qui
l’oblige à rire d’un récit qui le ridiculise et face auquel il ne peut rien
répondre (comique de situation) ;
E la situation d’Arnolphe, défait, alors qu’il célébrait sa victoire :
Arnolphe est « l’arroseur arrosé » (comique de situation) ;
E le portrait burlesque que brosse Horace du jaloux déjoué à l’aide de
procédés d’insistance aux vers 927-932 : accumulation de verbes
d’action (« gendarmé », « se retranche », « fait parade », « repousser », « anime »), superlatif (« tous ses gens ») (comique de mots) ;
E la victoire des jeunes amoureux sur le méchant et injuste vieillard,
triomphe qui n’est pas sans rappeler celui de la femme et de l’amant
sur le mari jaloux dans la farce traditionnelle (comique de situation) ;
E le rire franc d’Horace enfin : sincère et spontané, il suscite la sympathie et s’avère communicatif. (comique de caractère).
E Le comique de situation domine donc la scène : si la scène du grès
n’est pas représentée, la situation d’énonciation qui en rend compte
est source d’une action fondamentalement comique.
4 Dans cet extrait, contrairement aux vers qui précèdent, Horace mono-
polise la parole face à un Arnolphe, accablé, qui ne sait que répondre
et ne peut laisser librement éclater sa fureur. C’est donc dans le discours d’Horace qu’il convient de chercher le champ lexical de la guerre.
On relève ainsi les termes « gendarmé », « mon feu », « se retranche »,
« fait parade », « me repousser », « machine » – mot qui renvoie ici
au pavé lancé par Agnès et peut désigner aussi bien une machination
qu’une machine de guerre. Ce que le jeune homme évoque en ces
termes, c’est la défense mise en place par Arnolphe contre le projet
de séduction d’Horace. L’emploi du champ lexical de la guerre a pour
effet de donner une dimension épique à l’entreprise galante. On serait
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enclin à rire de l’orgueil du jeune homme si celui-ci se présentait
comme un héros. Il n’en est rien. Bien au contraire, le champ lexical
de la défense militaire a donc pour effet de ridiculiser Monsieur de la
Souche qui déploie contre la modeste entreprise d’Horace – être reçu
par Agnès – un dispositif disproportionné.
5 Horace ne se présente pas comme un conquérant ; pourtant il célèbre
la défaite d’Arnolphe assiégé. C’est en Agnès, et plus encore en
l’amour, qu’il reconnaît la cause de la victoire. L’arme qui terrasse le
jaloux est « un trait hardi qu’a fait cette jeune beauté » (v. 898), un trait
inattendu, qui a l’air d’un « miracle » (v. 910). Et de fait, si la jeune
fille apparaît comme le bras de la victoire, le dieu qui l’a guidée est
l’amour, ce « grand maître » qui métamorphose les êtres, et fait en un
instant d’un « avare » un « libéral », « un vaillant d’un poltron » (v. 906907), de l’« innocente » (v. 909) Agnès une femme « d’esprit » (v. 923).
Le champ lexical de la force – « grand maître », « force les obstacles »,
« flammes puissantes » – et celui, extrêmement développé, de l’étonnement et de l’admiration – « m’a surpris », « va vous surprendre »,
« effets soudains », « miracles », « miracle », « étonniez », « j’admire »,
« n’êtes-vous pas surpris ? », « choses étonnantes », « n’admirez-vous
point ? » – font de l’amour l’héroïque triomphateur du ridicule jaloux.
En se fondant sur le titre de la comédie, il n’est pas faux cependant
de dire que la femme est aux yeux de Molière l’autre héroïne de l’histoire. C’est, en effet, à travers Agnès que s’exprime l’amour, comparé
par Horace à un maître d’école au moyen d’une métaphore filée : « un
grand maître », « nous enseigne », « par ses leçons » (v. 900-903).
Corrigé par l’amour, Arnolphe se trouve donc à l’école des femmes.
6 Par le rire, le public prend parti pour Horace et Agnès contre Arnolphe.
Avec eux, c’est l’amour qui triomphe de la jalousie. L’enseignement
moral que le spectateur peut retirer de cet épisode comique est multiple. Tout d’abord, la jalousie est condamnable car elle conduit à des
actes violents tels que la séquestration de la belle et l’agression de
ses prétendants. Ensuite, elle est vaine, et partant ridicule, car elle
s’attaque à plus fort qu’elle, l’amour, qui soumet à son joug même
« la nature » humaine (v. 905). Enfin, Molière plaide ici en faveur de
l’émancipation féminine. En tenant Agnès dans l’ignorance du monde,
Arnolphe obtient le contraire de l’effet escompté : loin d’être soumise,
elle se rebelle. On peut également songer que cette scène condamne
les mariages arrangés entre un mari âgé et une damoiselle et prône
pour guide conjugal l’amour. La défense des jeunes filles contre la
tyrannie paternelle et leur revendication à se marier selon leur cœur
est l’un des grands ressorts dramatiques du théâtre de Molière. Notez
que cette position n’a rien d’original. En 1660, l’émancipation féminine est déjà en marche, surtout dans les milieux aristocrates et intellectuels, notamment à travers le mouvement des précieuses – jugées
par ailleurs excessives par Molière (comme l’indique le titre d’une de
ses pièces, Les Précieuses ridicules).
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Exercice autocorrectif n° 3
À l’aide des réponses aux questions ci-dessous, composez le plan
détaillé d’une lecture analytique de ce texte. Vous organiserez ce plan en
fonction de la problématique suivante :
Quelles sont les fonctions de ce récit ?
➠ Reportez-vous au corrigé de l’exercice n° 3 à la fin du chapitre.
D
Montrer aux hommes leurs
ridicules (acte V, scène 4)
Vous allez étudier un extrait de la scène 4 de l’acte V, scène où Arnolphe
apparaît ridiculement pathétique et où Agnès prend le dessus grâce à sa
conquête de la parole.
Écoutez la lecture des vers 1566 à 1611de la scène 4 de l’acte V sur
votre CD audio, puis relisez-le vous-même avant d’aborder son étude.
Questions de lecture analytique
1 Situez le passage : où en est-on de l’action ? Quel est l’intérêt drama-
tique du passage ?
2 Arnolphe offre tour à tour deux visages dans ce texte : lesquels ?
3 a) Pour attendrir Agnès, Arnolphe recourt aux registres tragique et
pathétique (voir Point méthode ci-dessous). Relevez les procédés qui
appartiennent à ces deux registres : lexique, ponctuation, figures d’insistance.
b) Montrez qu’Arnolphe est fondé à utiliser ces registres puisque la
situation a tout d’une tragédie.
4 a) En dépit de la présence des registres et thèmes de la tragédie, ce
texte reste fondamentalement comique : pourquoi ?
b) Les procédés comiques sont-ils conformes à l’esthétique classique ?
5 Comparez l’image de la femme dans le discours d’Arnolphe et l’atti-
tude d’Agnès. Qu’en concluez-vous ?
6 Quelle leçon, d’après vous, le spectateur retire-t-il de cette confron-
tation ?
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Séquence 5 – FR20
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Point méthode : Le registre pathétique
Le terme « pathétique » vient du grec « pathos » qui signifie « la passion ». Le registre pathétique
vise à susciter l’émotion du lecteur, il essaie de le faire réagir devant une situation inhumaine,
de le bouleverser, d’exciter sa pitié, sa souffrance, son horreur voire sa terreur. Il peut se mêler à
une tonalité dramatique ou tragique. Les moyens mis en œuvre sont les suivants :
E champ
lexical de la douleur ;
syntaxiques chaotiques ;
E exclamations et interjections ;
E antithèses et oxymores ;
E répétitions ;
E métaphores et comparaisons à forte nuance émotive.
E rythmes
Réponses
1 Cette scène de confrontation constitue l’un des sommets dramatiques
de la pièce. Métamorphosée par l’amour, Agnès a maintenant acquis
une assurance et un aplomb qui lui permettent de tenir tête à son
tuteur. Elle ne se contente plus de réagir passivement à ses demandes
(III, 2). Elle a acquis l’indépendance de pensée et a appris à s’exprimer ; aussi affirme-t-elle, hautement et sans peur, ses droits au savoir,
à l’amour, au plaisir. Mais l’intérêt de la pièce vient aussi de l’évolution d’Arnolphe. Après avoir pris conscience de son amour, il laisse
éclater une passion maladroite et furieuse.
2 Dans les trois quarts de l’extrait, Arnolphe se présente sous les traits
de l’amoureux, de l’homme passionnément amoureux, mais tragiquement éconduit. Mais, face à l’insensibilité d’Agnès, qui, non seulement le repousse, mais aussi le provoque en évoquant le succès de
son rival, Arnolphe change de visage. Il redevient le tuteur intransigeant, la figure paternelle inexorable qui gronde et ordonne quand
on lui résiste. Rappelez-vous les mots par lesquels il met un terme
à la discussion avec Agnès au sujet de son mariage à la fin de l’acte
II : « C’est assez / Je suis maître, je parle : allez, obéissez. » (v. 641642) Relisez également les propos venimeux qu’Arnolphe adresse à
sa pupille au début de la scène 4 de l’acte V.
3 a) Après avoir tenu des propos d’amoureux transi (v. 1569-1595),
Arnolphe adopte une autre stratégie. Il prend le masque du héros tragique et en adopte le langage. Il recourt ainsi au lexique usuel dans
les tragédies de Corneille ou de Racine. C’est le cas tout d’abord du
vocabulaire de la passion amoureuse : « tendresse » (v. 1570, 1581),
« cœur » (v. 1570), « soupir amoureux » (v. 1587), « passion » (v. 1598),
« ma flamme » (v. 1604). Puis on trouve le lexique de la fureur et de la
menace : « traîtresse » (v. 1572, 1580), « ingrate » (v. 1600), « cruelle »
(v. 1604), « courroux » (v. 1607), « vengera » (v. 1611). On relève même
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le champ lexical de la mort : « regard mourant » (v. 1588), « me tue »
(v. 1603). Certains vers pourraient même appartenir à une tragédie et
au registre pathétique qui la caractérise. C’est particulièrement vrai du
vers 1607, qui commence par une exclamation de douleur et se compose de plusieurs figures de style : anaphore (« trop me »), une gradation ascendante (« braver » / « pousser mon courroux ») et un rythme
binaire. L’accumulation de questions et l’anaphore « veux-tu » dans les
vers 1600 à 1603 rappelle également le style de la tragédie. Les gestes
que le vieillard se dit « prêt » à exécuter pour « prouver sa flamme »
appartiennent aussi à l’univers tragique. « [P]leurer », « [se] batt[re] »,
« [s’]arracher [...] les cheveux » sont des gestes de suppliants conventionnels dans la tragédie grecque antique. Quant au suicide, il est
envisagé par maints héros tragiques et quelquefois même accompli.
C’est le cas – hors de scène évidemment, pour ne pas contrevenir aux
bienséances – pour la Phèdre de Racine.
b) La situation dans laquelle se trouvent enlisés les personnages
relève de la tragédie. Follement épris d’Agnès, Arnolphe n’est pas
aimé en retour de la jeune fille. Son cœur la porte vers un autre prétendant ; mais les deux amoureux voient leur union contrariée par la
jalousie et l’autorité paternelle d’Arnolphe. On retrouve le schéma
actantiel de la Phèdre de Racine : Phèdre aime Hippolyte, mais n’en
est pas aimée ; Hippolyte et Aricie sont épris l’un de l’autre, mais la
jalousie de Phèdre rendue efficace à travers l’autorité paternelle de
Thésée, empêchera cette union.
Cet extrait développe un autre thème emblématique de la tragédie :
l’idée de fatalité de la passion. Agnès l’affirme clairement : elle n’est
pas maîtresse de ses sentiments. Face à Arnolphe qui la prie et la
supplie de l’aimer, elle répond : « Du meilleur de mon cœur je voudrais vous complaire. / Que me coûterait-il, si je le pouvais faire ? » (v.
1584-1585). Avec cette expression à l’irréel, Agnès souligne bien le
fossé entre vouloir et pouvoir. Arnolphe peut bien ensuite lui demander ce qu’elle « veu[t] » qu’il fasse pour l’aimer – « si tu le veux »,
« tout comme tu voudras », « veux-tu » répété cinq fois et suivi de
« tu le veux » – Agnès le renvoie à l’inéluctabilité de sa passion pour
Horace : « Tenez, tous vos discours ne me touchent point l’âme ; /
Horace avec deux mots en ferait plus que vous. » (v. 1605-1606).
Arnolphe lui-même prend conscience de la fatalité de la passion par
une sorte d’introspection, elle aussi caractéristique de la tragédie :
« Ce mot, et ce regard désarme ma colère, / Et produit un retour de
tendresse et de cœur, […] Chose étrange d’aimer, et que pour ces traîtresses/ Les hommes soient sujets à de telles faiblesses ! » (v. 15691573). Les termes « sujets » « faiblesses » traduisent bien la vulnérabilité de l’homme face à l’amour, l’infériorité de la volonté et de la
raison face à la passion, qui transforme la femme aimée en « maîtresse » absolue, qui « désarme » et soumet. Arnolphe prend en effet
devant Agnès la posture du suppliant. Une autre observation énoncée
en aparté – « Jusqu’où la passion peut-elle faire aller ! » – témoigne de
la prise de conscience par Arnolphe de l’irrésistible force de l’amour.
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Pour expliquer celui que sa pupille éprouve pour Horace, il en vient
même à conclure : « C’est quelque sort qu’il faut qu’il ait jeté sur toi. »
(v. 1590)
Poussons plus loin l’analogie entre ce passage et la tragédie. La
réflexion introspective d’Arnolphe fait ressortir le conflit entre la raison et la passion, moteur essentiel de nombreux dilemmes de la tragédie. Dans les vers 1574 à 1578, l’amant éconduit dresse une liste
des défauts féminins qui sont – à ses yeux – autant d’arguments ou
de raisons pour se détourner de ces « animaux-là ». Mais la logique
se trouve elle aussi contredite puisque « malgré tout cela », conclut
Arnolphe, les hommes « font tout » pour les femmes.
Un dernier thème peut être rattaché à la tragédie, celui de la clémence : alors qu’il a la possibilité de se venger, le héros accorde le
pardon à son ennemi. C’est ce que fait Auguste vis-à-vis de Cinna
dans la tragédie éponyme de Corneille. Il n’est d’ailleurs pas interdit
de penser qu’Arnolphe se prend pour Auguste lorsqu’il lance à Agnès :
« Hé bien ! faisons la paix. Va, petite traîtresse, / Je te pardonne tout
et te rends ma tendresse. » (v. 1580-1581) Arnolphe ne s’est-il pas
précédemment comparé à Auguste dans sa méthode pour juguler la
colère (Acte II, scène 4, v. 447-453) ? ! L’identification est néanmoins
de courte durée puisque quelques vers plus loin, Arnolphe est redevenu un impitoyable tyran.
4 a) Si la scène ne sombre pas dans la tragédie, c’est tout simplement
parce que l’on a affaire à une parodie de tragédie. Arnolphe n’est pas
crédible en héros tragique.
Tout d’abord, il n’en a que partiellement le langage. À la hauteur
tragique se mêlent des mots ou expressions familières (« petite traîtresse », « mon pauvre petit bec ») voire triviales (« te caresserai », « te
bouchonnerai », « te baiserai », « te mangerai »). Ainsi, à un premier
vers qui pourrait appartenir à la tragédie, « Vois ce regard mourant,
contemple ma personne », succède un alexandrin avec un mot vulgaire : « Et quitte ce morveux et l’amour qu’il te donne » (v. 15881589). Ensuite, Arnolphe connaît imparfaitement les gestes du héros
tragique. Le suppliant ne s’arrache pas « un côté de cheveux », cette
précision est ridicule et suggère que le personnage n’est pas disposé
à renoncer à sa chevelure. Ces décalages burlesques provoquent le
rire. Enfin, Arnolphe n’est pas crédible en héros tragique car il n’en
a pas la grandeur. Il lui manque la noblesse d’âme. Ces revirements
sont trop brusques et n’apparaissent pas comme le fruit d’un être en
proie à un conflit intérieur. Bien au contraire, on y voit les réactions
tyranniques d’un enfant capricieux à qui on a refusé ce qu’il demandait. Car Arnolphe s’abaisse trop en suppliant Agnès : il s’avilit. Il
cesse d’être un tuteur ou un père et devient un enfant. L’excès qui
ressort de ses paroles le tourne en ridicule et le discrédite aux yeux
du spectateur, d’autant que son attitude est en parfaite contradiction
avec son autoritarisme ordinaire. Cet excès est sensible dans la sensuelle promesse d’amour des vers 1595-1596, surabondant en procé-
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dés d’insistance : pléonasmes hyperboliques (« sans cesse », « nuit
et jour »), anaphore en « je te » qui matérialise l’union, gradation
ascendante, et même allitération et assonance dans la répétition de
la finale « erai ». Il atteint le comble de la dérision dans la série de
propositions de postures tragiques (v. 1600-1603) énoncées dans
une gradation ascendante et rythmées par l’anaphore « veux-tu ? ».
Cette énumération s’achève d’ailleurs par une proposition injonctive
« Oui, dis si tu le veux » dont la simplicité rompt avec le style soutenu
qui précède, créant à nouveau un décalage burlesque. Enfin, la bassesse morale d’Arnolphe éclate malgré le registre tragique. La gradation « je te caresserai, /Je te bouchonnerai, baiserai, mangerai. » (v.
1594-1595) révèle ainsi la lascivité du personnage qui exprime son
amour par son appétit sexuel. Le spectateur ne découvre pas là une
face cachée du personnage : la concupiscence du vieillard était déjà
apparue autour du « le... » équivoque dans la scène 5 de l’acte II.
Le champ lexical de l’animalité qu’utilise le barbon à propos d’Agnès
trahit enfin la vision dégradante et, sinon misogyne, tout au moins
sexiste, que le barbon a de la femme, et même de celle qu’il aime. Les
femmes sont qualifiées d’ « animaux » (v. 1579) et Agnès est tour à
tour un oiseau au « petit bec » (v. 1586), menacé d’être « dénich[é] »
(v. 1609), et un cheval qu’Arnolphe promet de frotter avec de la paille.
Tel est en effet le sens premier du verbe « bouchonn[er] » (v. 1595).
Devant son refus d’être domestiquée, la jeune fille est finalement traitée de « bête indocile » (v. 1608).
b) Les procédés comiques employés dans cette scène ont valu bien
des critiques à Molière, au nom de la bienséance et du bon ton. Il
n’est pas convenable de mélanger les genres ; il n’est pas vraisemblable de prêter une attitude et une langue tragiques à un simple
bourgeois ; il n’est pas décent d’employer un vocabulaire familier
et des allusions grivoises. Pour donner un exemple concret, Robinet
s’indigne qu’Arnolphe propose à Agnès de se tuer, comportement qui
n’est possible selon lui que dans une tragédie (Le Panégyrique de
l’École des femmes, scène 5). Les objections touchant au mélange des
genres sont réfutées si l’on considère la scène comme une parodie
burlesque à l’intérieur d’une comédie. Quant à l’objection relative à la
vulgarité, voire à « l’obscénité » des propos, Molière l’aurait rejetée en
affirmant que pour édifier « la grande règle est […] de plaire » (Critique
de l’École des femmes, scène 6) et que dans le public, il y a aussi le
parterre, à savoir les gens de condition modeste.
5 La métaphore animalière suffit à rendre compte de l’image rétrograde
et pleine de préjugés qu’Arnolphe entretient sur les femmes. Si l’on
développe les sous-entendus de cette comparaison, la femme apparaît en effet comme un être privé de raison, soumis à ses instincts et
incapable de se modérer. Le personnage de Molière expose un point
de vue misogyne vieux de plusieurs siècles. C’est, par exemple, celui
de Caton le Censeur, si l’on en croit Tite-Live (XXXIV, 3) : « Lâchez la
bride à ces tempéraments effrénés et à ces animaux rétifs [...] ». Cette
représentation avilissante est complétée par la description des vers
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1574-1578. La femme y est encore déshumanisée par l’emploi de
tournures indéfinies : « Ce n’est qu’ », « Il n’est rien de plus ». De plus,
aucune qualité ne lui est reconnue ; au contraire, elle cumule tous
les défauts, au point de n’être qu’ « imperfection ». Elle est « faible »
de corps et d’esprit (« faiblesses », « âme fragile », « faible », « imbécile ») et par conséquent déraisonnable (« extravagance »), indigne
de confiance (« traîtresses », « indiscrétion », « infidèle ») et, pour
couronner le tout, mauvaise (« noirceur », « leur esprit est méchant »).
Ce noir tableau contraste avec l’impression produite par Agnès. Loin
d’être fragile et déraisonnable, la jeune fille apparaît en pleine possession de ses moyens intellectuels et se place en position de force
par rapport à son hargneux tuteur. Elle fait preuve d’intelligence psychologique en déclarant à Arnolphe qu’elle ne peut l’aimer, autrement
dit que l’amour ne se commande pas. Ce discernement la place, de
fait, en position de supériorité face à un Arnolphe aveuglé par la folie.
Elle s’impose ensuite comme une personne sûre d’elle-même, qui
ose s’exprimer en toute franchise lorsqu’elle conclut : « Tenez, tous
vos discours ne me touchent point l’âme » (v. 1605). Avouons que la
méchanceté n’est pas absente de ce constat : elle sait parfaitement
qu’elle blessera Arnolphe. Elle va d’ailleurs plus loin dans cette voie en
rappelant le nom honni d’Horace aux oreilles éprouvées du vieillard.
Est-ce à dire qu’Agnès est, comme le suggère Arnolphe, un être perfide ? Ce n’est pas cette image que le spectateur retire de la jeune
fille. Son sarcasme est justifié par les vexations qu’elle a essuyées
et les propos désobligeants et humiliants qu’Arnolphe tient sur elle
et Horace. On notera d’ailleurs qu’elle n’est pas aussi blessante au
début du passage (v. 1584). Le vieillard l’a poussée à bout ; on comprend parfaitement que son émancipation passe par la révolte.
En conclusion, le titre de la comédie prend une nouvelle fois tout son
sens ici. Arnolphe reçoit en effet une leçon d’Agnès – l’amour ne se
commande pas – tandis qu’elle apprend par la confrontation à réfléchir par elle-même et à s’affranchir de l’aliénation dans laquelle elle a
été trop longtemps tenue.
6 Quelle leçon le spectateur retire-t-il de la pièce ? Comme toujours,
plusieurs. Celle énoncée par Horace dans la scène 4 de l’acte III se
trouve réaffirmée : l’amour est un grand « maître », aux deux sens du
terme ; il domine tout le reste et éduque les hommes. Agnès en est
l’exemple vivant. La passion, en revanche, mène à la folie. Arnolphe,
dans cette scène, est en effet littéralement fou. Excessif dans son programme d’abêtissement d’Agnès, il se montre tout aussi déséquilibré dans sa façon d’exprimer son amour, ou plutôt sa passion amoureuse. Car il ne se maîtrise plus, comme il le fait observer en aparté (v.
1598) et passe par plusieurs phases : la tentative d’attendrissement
par une présentation pathétique (v. 1586-1588), puis les promesses
de libre coquetterie, d’amour, et même de totale liberté une fois qu’ils
seront mariés. Il l’autorise même à avoir des amants. C’est ainsi qu’on
peut comprendre ces deux vers ambigus : « Tout comme tu voudras,
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tu pourras te conduire ; / Je ne m’explique point, et cela, c’est tout
dire. » (v. 1595-1596) Par cette déclaration, on peut juger de l’aliénation d’Arnolphe, et plus exactement de son assujettissement à la
passion amoureuse : pour épouser Agnès et obtenir son amour, il est
prêt à souffrir ce qu’il a pris tant de soin d’éviter, le cocuage ! Il passe
ensuite aux registres pathétique et tragique, avant de retrouver le ton
de la menace face à la fin de non-recevoir de sa pupille. Tant d’instabilité est signe de démence et rappelle la réaction d’Harpagon dans
L’Avare, lorsqu’il découvre qu’on lui a dérobé sa cassette. Dans les
deux cas, le bouleversement des personnages provoque l’hilarité ;
dans le cas présent, il suscite également une forme de compassion.
Car l’amour d’Arnolphe apparaît sincère. On est tenté d’employer l’adjectif « pathétique » dans le sens où l’utilisent les jeunes aujourd’hui :
il est tellement ridicule qu’il suscite la pitié. Contentons-nous de dire
que Molière dresse un portrait tristement comique des effets de la
passion amoureuse et de la jalousie. C’est ainsi que la comédie « corrige les mœurs par le rire ». Notez cependant que les metteurs en scène
modernes, à la suite des romantiques, ont accentué cette dimension
pathétique. Pour certains, la disparition scénique d’Arnolphe à la fin
de la pièce équivaut à une mort symbolique, qu’avait annoncée sa
menace de suicide. Tout est affaire d’interprétation ! Suivant celle-ci,
la pièce cesse d’être une comédie au sens classique.
Exercice autocorrectif n° 4
À l’aide des réponses aux questions ci-dessous, composez le plan
détaillé d’une lecture analytique de ce texte. Vous organiserez ce plan en
fonction de la problématique suivante :
En quoi ce texte non seulement ne déroge pas à la règle du bon ton, mais
répond aux exigences de la comédie classique, plaire et instruire ? ➠ Reportez-vous au corrigé de l’exercice n° 4 à la fin du chapitre.
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C orrigés des exercices
Chapitre
1
Corrigé de l’exercice n° 1
Voici une proposition de plan détaillé d’une lecture analytique de ce
texte portant sur la question : « En quoi ce passage nous introduit-il
dans une comédie classique ? »
I. Une scène d’exposition
1. Présentation des personnages
2. Présentation du lieu
3. Annonce de l’intrigue
II. Un passage qui répond aux exigences de la vraisemblance
1. Des informations qui justifient le quiproquo d’Horace
2. Des indications qui justifient la surprise d’Arnolphe à la fin de la pièce
3. Des informations cohérentes avec le personnage d’Arnolphe
III. Un comique de caractères
1. Agnès : le type comique de l’ingénue
2. Arnolphe : le type comique du barbon jaloux
Corrigé de l’exercice n° 2
Voici une proposition de plan détaillé d’une lecture analytique de ce
texte portant sur la problématique : « En quoi cette scène illustre-t-elle
les deux préceptes classiques, plaire et instruire ? »
I. Un échange burlesque
1. Un comique farcesque : la grossièreté et la trivialité du langage paysan
2. Un comique de caractère : Georgette, une naïveté enfantine qui fait rire
II. Une satire édifiante des mœurs contemporaines
1. Une description réaliste des symptômes de la jalousie
2. Une satire de la jalousie et de l’acceptation du cocuage
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Corrigé de l’exercice n° 3
Voici une proposition de plan détaillé d’une lecture analytique de ce texte
portant sur la problématique « Quelles sont les fonctions de ce récit ? »
I. Un récit qui fait progression l’action
1. Le récit de l’événement passé : l’assurance d’Arnolphe démentie
2. La détermination d’Agnès
3. Un récit qui annonce de nouvelles péripéties et l’échec d’Arnolphe
II. Un récit qui fait rire
1. Une situation farcesque entre l’amant, la femme et le mari
2. Le comique de situation lié au quiproquo
3. Le portrait satirique du jaloux
III. Un récit qui édifie
1. Favoriser l’éducation des femmes : sinon, elles apprendront au détriment de l’autorité parentale
2. Supériorité de l’amour, favoriser les mariages d’amour : sinon, c’est
le cocuage assuré
3. Se détourner de la jalousie : elle mène à la folie
Corrigé de l’exercice n° 4
Voici une proposition de plan détaillé d’une lecture analytique de ce
texte portant sur la problématique « En quoi ce texte non seulement ne
déroge pas à la règle du bon ton, mais répond aux exigences de la comédie classique, plaire et instruire ? »
I. Parodier la tragédie pour faire rire
1. Les registres et les thèmes de la tragédie
2. Détournement burlesque de ces registres
II. Un passage qui détourne les spectateurs des passions
1. Agnès, la force de la parole conquise
2. Arnolphe, l’aliénation provoquée les passions
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B ilan
Questionnaire sur le classicisme et la
comédie dans Les Femmes savantes
La comédie Les Femmes savantes a été jouée pour la première fois au
Théâtre du Palais-Royal le 11 mars 1672. Pour cet exercice, vous aurez
besoin de lire plusieurs passages de la pièce. Pour ce faire, téléchargez
le texte au format PDF en vous rendant à l’adresse suivante
http://www.toutmoliere.net. Vous pourrez y effectuer le téléchargement
du texte.
Questionnaire
I. Observez la division de la pièce en actes.
1 Combien y en a-t-il ? Que pouvez-vous dire de cette structure ?
II. Lisez les scènes 1 et 2 de l’acte I.
2 Observez la disposition du texte sur la page ? Que pouvez-vous en
dire ?
3 Ces scènes 1 et 2 remplissent-elles bien leur fonction d’exposition ?
Pourquoi ? Le spectateur est-il en mesure de deviner le type d’intrigue
qui va se dérouler dans la pièce ?
4 Dans quelle mesure peut-on dire que cette scène traite d’un sujet
sérieux, déjà abordé dans L’École des femmes ?
5 Étudiez les procédés comiques dans la scène 1 ; diriez-vous qu’ils relè-
vent de la farce et /ou de la commedia dell’arte et/ou de la comédie
de caractères et /ou de la comédie de mœurs ? Justifiez votre réponse.
III. Lisez les scènes 1 et 4 (et dernière) de l’acte V.
6 En quoi vous permettent-elles d’affirmer qu’il y a unité d’action dans
la pièce ?
7 Contre quel danger Molière cherche t-il à prévenir le public ?
IV. En conclusion…
8 À partir des réponses aux questions précédentes, montrez, dans un
paragraphe de conclusion, que Les Femmes savantes est une comédie
classique.
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Corrigé du questionnaire
1 La pièce comporte cinq actes, comme dans les tragédies classiques.
Cette composition est considérée comme la meilleure par les théoriciens classiques, avec l’exposition dans l’acte I, le nœud à l’acte III et
le dénouement à l’acte V.
2 La comédie est écrite en vers, en alexandrins, comme la tragédie. La
forme poétique est tenue pour plus noble que la prose et apporte à
son auteur plus de considération en ce qu’elle suppose un plus grand
travail littéraire.
3 À travers les dialogues entre les deux sœurs puis entre les deux sœurs
et Clitandre, les scènes 1 et 2 fournissent au spectateur les informations essentielles pour comprendre l’intrigue. Armande et Henriette
sont sœurs et éprises du même jeune homme, Clitandre. Le cœur de
ce dernier allait initialement à Armande, mais celle-ci ayant repoussé
sa flamme pour se consacrer toute entière aux choses de l’esprit, il
s’est tourné vers Henriette et lui a demandé sa main. Armande prétend trouver honteux que sa sœur dédaigne la philosophie pour se
marier, mais on comprend qu’elle est en fait jalouse d’Henriette. On
devine qu’elle sera un obstacle à cette union et qu’elle ne plaidera
pas le parti d’Henriette auprès de leur mère, qu’on imagine d’après ce
qu’en disent ses filles, vouée, comme Armande, au culte de l’esprit.
Le cœur de l’action sera donc, on le comprend, de savoir si Henriette
et Clitandre pourront se marier comme ils le souhaitent. On prévoit de
multiples péripéties venant entraver cette union.
4 À travers la discussion entre les deux sœurs, Molière aborde les ques-
tions de l’éducation des femmes et de la condition féminine. Les deux
sœurs et leur mère apparaissent émancipées et la figure du père et
du mari non tyrannique. Certes, Armande rappelle à Henriette qu’elle
a besoin du consentement « de ceux qui [lui] ont donné l’être » (v.
164) ; mais, dans le reste de l’échange, il n’est question que de leur
mère. On imagine que c’est d’elle, surtout, que dépend le sort d’Henriette et que le père est plus effacé. La mère est, en outre, présentée comme une femme entièrement dédiée à la culture de l’esprit.
Si le thème abordé est identique à celui de L’École des femmes, la
problématique est donc bien différente : loin de condamner les pères
et maris qui laissent les femmes ignares, Molière critique, par une
présentation ridicule d’Armande, l’aspiration de certaines femmes à
n’être qu’esprit ! Par là, Les femmes savantes se rapprochent davantage des Précieuses ridicules, comédie donnée en 1659, avant L’École
des femmes, où Molière raille le mouvement de la préciosité, ou tout
au moins la recherche excessive d’élégance et de spiritualité de certaines précieuses.
5 Dans ces deux scènes, le comique naît du caractère de Philaminte,
de son extravagance et de ses contradictions : éprise de Clitandre et
aimée en retour, elle a refusé de l’épouser, considérant le mariage
comme une aliénation ; à présent que Clitandre a trouvé une femme
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Séquence 5 – FR20
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qui répond à sa flamme et à ses vœux, elle cherche à empêcher leur
union, par jalousie, tout en refusant de reconnaître qu’elle puisse
céder à pareil sentiment. La démesure, pour ne pas dire la folie, de
ce personnage éclate dans les expressions qu’elle emploie pour qualifier le mariage et ce qui s’y rattache : cela provoque pour elle « un
mal de cœur » (v.6), ce « mot » est « à l’esprit » « dégoûtant » (v.
10), « bless[e] » (v.11), fait « frissonn[er] » (v.13) ! ; elle souligne la
vulgarité et la bassesse de « tels attachements » (v. 27-35), qui « aux
bêtes ravale [l’homme] » (v.48) et engage sa sœur à se rendre sensible
aux « charmantes douceurs / Que l’amour de l’étude épanche dans
les cœurs » ! Son pédantisme, les multiples hyperboles, le recours
au champ lexical du dégoût et de l’horreur à propos du mariage et
de l’amour au sujet de la philosophie ajoute en outre un comique
de mots, qui achève de rendre le personnage parfaitement ridicule.
Comme Chrysalde, dans la scène liminaire de L’École des femmes,
Henriette apparaît comme le parti de la raison, du bon sens face à un
personnage qui se veut l’incarnation de la raison ! Comme dans L’École
des femmes, le contraste entre les deux sœurs fait davantage ressortir
la fantaisie, l’illogisme, et partant, le ridicule d’Armande. Ainsi Henriette a-t-elle toujours un argument convaincant à opposer à sa sœur ;
en particulier, lorsqu’Armande lui donne leur mère pour exemple,
elle a l’esprit de rétorquer qu’elle « ne ser[ait] point ce dont [elle se]
vant[e] » si leur mère n’avait point cédé à certaines « bassesses »... (v.
77) Ces deux personnages ne sont pas de ceux que l’on trouve dans la
farce ou la commedia dell’arte ; en outre le comique est subtil et vise
l’édification des spectateurs : par la présentation d’une femme ridicule, Molière prévient le public, féminin en particulier, contre la folle
passion qu’elle incarne. On peut donc parler de comédie de caractère.
De plus, Armande rappelle certaines précieuses contemporaines de
Molière. On peut donc aussi parler de comédie de mœurs.
6 Dans ces deux scènes de l’acte V, l’intrigue est centrée sur le mariage
d’Henriette, sujet exposé dès l’ouverture de la pièce, dans les premiers vers de la scène 1 de l’acte I. On peut donc affirmer qu’il y a
unité d’action, comme le veulent les règles du théâtre classique.
7 Dans ces deux scènes figure le personnage de Trissotin. Gendre sou-
haité par Philaminte, la mère d’Henriette qui l’estime pour ses vers,
il apparaît antipathique dans son obstination à vouloir épouser Henriette alors que celle-ci lui avoue courageusement qu’elle n’a pour
lui aucune inclination et aime Clitandre. On devine déjà son hypocrisie, qui éclatera dans la scène finale, à l’entendre ainsi répéter sa
passion à la jeune fille sans faire aucun cas de ses sentiments. Au
dénouement de la pièce, la véritable motivation de Trissotin apparaît
au grand jour : c’est la fortune d’Henriette qui l’intéresse ; c’est dans
l’espoir de contracter un bon mariage qu’il s’est gagné la confiance de
Philaminte en flattant son extravagant culte de l’Esprit. À travers ce
personnage, Molière prévient le spectateur à la fois contre les cupides
qui s’introduisent chez les gens dans le dessein de s’emparer de
leur fortune et contre les passions – ici une dévotion unilatérale à la
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science – qui rendent ceux qui en sont atteints vulnérables. Molière
avait déjà mis en scène le personnage du parasite dans son Tartuffe
(1664). Le personnage éponyme profitait d’une autre dévotion, celle,
répandue à l’époque, pour la religion. La pièce fut d’ailleurs censurée
car la mise en scène de ce « faux dévot » déplut aux dévots.
8 La pièce Les Femmes savantes mérite le nom de « comédie classique »
à plus d’un titre. Tout d’abord, elle comprend cinq actes, le premier
destiné à l’exposition de l’intrigue, le troisième au nœud et le dernier
au dénouement. Ensuite, et surtout, cette pièce aborde des sujets
sérieux, l’éducation des femmes, la condition féminine et la préciosité, sur un mode comique ; par le biais du ridicule, Molière entend
détourner le public, féminin en particulier, d’un désir de savoir, à ses
yeux excessive. Il s’agit de « corrig[er] par le rire », d’instruire en plaisant. Cette pièce est donc essentiellement une comédie de mœurs
et aussi une comédie qui expose des caractères extravagants, peints
d’après nature, même si le dramaturge force un peu le trait. On est
loin du comique vulgaire, voire grossier, de la farce, loin de ses personnages stéréotypés, ou des Arlequin, Pantalon, Colombine de la
commedia dell’arte. Le rire est donc subtil et édifiant, selon les préceptes classiques. Les Femmes savantes respectent la règle des unités. Toutes les actions se rattachent à l’action principale, le mariage
d’Henriette avec Clitandre, et trouvent leur dénouement en même
temps qu’elle. En outre, il n’y a qu’un seul lieu, la demeure parisienne
du bourgeois Chrysale, de son épouse Philaminte et de leurs deux
filles, Armande et Henriette. L’étude que nous avons menée ne nous
permet pas d’affirmer que l’unité de temps est observée, mais c’est
bien le cas. On notera enfin le souci de Molière de créer une œuvre
d’une grande qualité littéraire en composant un poème dramatique
en alexandrins.
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