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Je commençai par l’interroger – comme souvent- sur son mode de vie et ses antécédents en
la prévenant que c’était un « détour » nécessaire avant d’aborder plus directement l’histoire
récente qui l’avait amenée à consulter en urgence à l’hôpital dans la nuit.
Elle me raconta qu’elle était la cadette d’une fratrie de 8 enfants. Elle avait deux enfants
âgés de 3 et 2 ans, l’ainé vivait avec sa mère en Algérie et le plus jeune à Saint-Denis avec
elle-même qui avait pris un congé parental.
Elle avait arrêté ses études en classe 3eme et avait travaillé comme vendeuse dans une
boulangerie. Elle avait l’intention de reprendre cette activité professionnelle à la fin de son
congé parental en septembre 2012.
Assez rapidement elle me fit comprendre qu’elle s’était mariée dans un contexte de
« pression familiale » et qu’elle était actuellement en instance de divorce avec un mari qui –
ainsi que sa famille- n’étaient pas d’accord … Pas d’accord du tout … Les propos de la jeune
femme se trouvaient corroborer par l’incessante sonnerie de son téléphone portable
pendant que j’étais dans sa chambre. Son mari semblait la harceler, au moins moralement.
Elle ne décrochait pas (ce qui renforçait ma sympathie à son égard …. Enfin un patient poli
qui ne se lançait pas dans une conversation téléphonique alors qu’un soignant était avec
lui !), mais au bout du peut être quinzième appel elle daigna décrocher. Elle fut brève, disant
qu’elle était avec le médecin, qu’elle ne pouvait pas lui parler alors mais qu’elle le
rappellerait. Pourtant, cet échange ne sembla pas réduire l’impatience extrême du mari qui
continua de la rappeler encore et encore lors de ce premier contact.
Aussi, avant même d’avoir abordé avec elle les symptômes dont elle se plaignait et de l’avoir
examinée, il est vrai que j’avais déjà ma « petite idée » sur cette patiente. La GEU avait déjà
été éliminée aux urgences (ouf !), la BU était stérile, la biologie rassurante (cf. infra) et la
patiente apyrétique avec un état général qui semblait globalement conservé (en dépit de
probables signes d’asthénie … sans doute majorés par le contexte familial…) ; par
conséquent, à moins que l’examen physique ne révélât une contracture ou une défense
abdominale nous avions le temps de réfléchir sur l’étiologie des douleurs abdominales chez
cette patiente envers laquelle j’éprouvais une certaine sympathie. Une cause organique
devait absolument être éliminée (et ce d’autant que j’allais découvrir avec l’historique de la
patiente qu’elle avait déjà consulté à de très nombreuses reprises aux urgences pour ce
même motif), même si le contexte familial suggérait une possible somatisation des conflits.
La patiente n’avait pas - en dehors de ces épisodes récurrents de douleurs abdomino-
pelviennnes (parfois accompagnés d’irradiations lombaires) jusqu’alors jamais « étiquetés » -
d’antécédent particulier en dehors d’une appendicectomie en 2004, d’une cholécystectomie
en 2009, d’infections urinaires récidivantes compliquées à deux reprises de pyélonéphrites
au cours de ses grossesses (2008 et 2009) et de deux épisodes de coliques néphrétiques en
octobre et décembre 2010.
Elle ne présentait pas d’intoxication alcoolotabagique.