L`économie gabonaise souffre du syndrome

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L’économie gabonaise souffre du syndrome
hollandais, dit-on !
Jacques Janvier Rop’s Okoué Edou
L’économie gabonaise
souffre du syndrome
hollandais, dit-on !
Essai
Editions Persée
Du même auteur
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attendus, Enjeux n° 8, FPAE, juillet-septembre 2001, p. 48.
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Jacques Janvier Rop’s Okoué Edou1
L’économie gabonaise souffre du syndrome
hollandais2, dit-on !
1. J.J.R. Okoué Edou, canadien d’origine gabonaise, est enseignant à l’Université du
Québec à Rimouski (UQAR) et au Cégep de Limoilou depuis 2008. Il a enseigné
pendant deux ans à l’ENAP de Québec. Il est par ailleurs membre de l’association des
économistes du Québec.
2. Cette étude de cas de « syndrome hollandais » sur le Gabon peut être transposée sur
le Canada dont l’économie repose pour partie sur les ressources naturelles (pétrole,
bois…) à l’instar de celle gabonaise. Elle peut être menée au Canada en termes d’effet
d’attraction que l’Alberta (province d’exploitation du pétrole) exercerait (en sa faveur)
sur les ressources productives (travail, capital…) des autres provinces (effet de déplacement des facteurs de production vers l’Alberta). De même, elle peut l’être en termes
d’effet de dépense au sens des rentrées massives de devises issues des exportations
pétrolières qui exerceraient des pressions à la baisse (surévaluation) sur le taux de
change réel du huard et sur la compétitivité-prix internationale des produits d’exports
canadiens hors-boom (produits forestiers et industriels).
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En mémoire de mon grand frère NGUEMA EDOU Alain Cédric
et de ma petite sœur NDZOUGOU EDOU Chéronne.
Avant-propos
Cet ouvrage constitue ma modeste contribution à l’analyse d’impact de la politique (publique) pétrolière gabonaise de la décennie
1970 qui a généré, comme conséquences imprévues et négatives
sur l’économie nationale, le « mal néerlandais » ou « dutch disease »
caractérisé par les effets de déplacement des ressources productives
(resource movement effect) et de dépense (spending effect).
L’extraction du pétrole s’est en effet accompagnée, sur la
décennie 1970-2000, d’un déclin du niveau relatif des exports
traditionnels (café, cacao, bois, manganèse, uranium…) dans le
total des exports et de la valeur ajoutée (PIB).
L’application de cette théorie de la « maladie néerlandaise » au
Gabon fournit d’assez bons résultats aussi bien au niveau macroéconomique et sectoriel qu’économétrique.
Pour mener à bien cette étude, nous avons été amenés à scinder
notre travail en cinq chapitres. Le premier chapitre présente
la situation de l’économie gabonaise avant le boom pétrolier de la
décennie 1970. Le deuxième chapitre expose le modèle de référence du « syndrome hollandais » de W. M. Corden et J.P. Neary.
Le troisième chapitre procède à la vérification macroéconomique
et sectorielle de la théorie du « syndrome hollandais » au Gabon
sur la période 1970-2000. Le quatrième chapitre procède à la vérification économétrique de la théorie du « syndrome hollandais » au
Gabon sur la même période 1970-2000. Le cinquième et dernier
chapitre propose quelques solutions ou thérapies de lutte contre
cette « maladie néerlandaise ».
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Ce travail d’analyse d’impact (effet imprévu en évaluation des
politiques publiques) de la politique (publique) pétrolière gabonaise sur la période 1970-2000 ne va pas forcément répondre aux
espérances ou attentes du lecteur. S’il est vrai, comme le dit N.
Avril, que : « chacun a raison selon son point de vue », il est tout
aussi vrai que toute œuvre humaine ne peut être parfaite. Aussi,
le lecteur doit contribuer à l’amélioration de ce travail en faisant
des critiques constructives. Quoi qu’il en soit, nous assumons les
imperfections qu’il ne manquera certainement pas de déceler.
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Introduction générale
« Like New-York’s psychiatrits, norways economists find themselves specialising in the diseases of the rich »3, voici en quels
termes la revue The Economist choisit de commencer, dans son
numéro du 18 avril 1981, un article consacré aux problèmes posés
à la Norvège par les revenus tirés du pétrole.
Quelques années plutôt, cette même revue avait présenté le cas des
Pays-Bas et décrit les conséquences que les exportations massives de
gaz naturel avaient entraîné sur son économie, proposant même pour
les désigner l’expression, désormais célèbre, de « dutch disease ».
Cette expression de « dutch disease », « syndrome hollandais » ou
encore « mal néerlandais » est apparue vers 19754, au moment où
eurent lieu les débats relatifs aux problèmes que le pétrole de la mer
du Nord risquait de poser à la Grande-Bretagne. Elle fait référence
aux difficultés rencontrées par la Hollande suite à l’exploitation, dans
les années 1970, des réserves de gaz naturel du gisement Slochteren.
Cette référence à une certaine morbidité associée à l’exploitation
d’une ressource naturelle peut surprendre et paraître paradoxale5 au
sens où les expériences de la plupart des pays pétroliers et miniers
révèlent que la possession des richesses naturelles n’a pas toujours
l’effet favorable escompté sur l’évolution économique.
3. Nowak, J-J. (1994), « Le boom du café et du cacao en Côte-d’Ivoire : une étude de cas
de syndrome néerlandais », Revue Économique du Développement, pp. 52-75.
4. Campan, E. et Grimaud, A. (1989), « Le syndrome hollandais », Revue d’Économie
Politique, n° 6, pp. 810-834.
5. L’or noir n’est-il pas synonyme de richesse, de devises abondantes ?
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La possession ou l’exploitation d’une ressource naturelle
déclenche un processus d’ajustement aboutissant généralement au
déclin des branches exposées à la concurrence internationale et à
l’expansion des branches qui en sont abritées. Un boom6 (pétrolier
ou minier) tendrait donc spontanément à compromettre tout projet
d’industrialisation ou de diversification des exports, aggravant ainsi
la vulnérabilité de l’économie.
Toutefois, le « mal néerlandais » n’est pas l’apanage des pays
pétroliers ou miniers. Ses symptômes ont été également identifiés
dans des économies affectées par des chocs aussi différents que le
développement rapide de secteurs à haute technologie et dans les
pays à dominante agricole lorsqu’ils connaissent une brusque valorisation de leurs produits primaires agricoles.
Dès lors, dans une première acception, le terme de « dutch disease »
peut être assimilé à la « pétrolisation » dans le cas où la ressource
naturelle serait le pétrole. Il s’agit alors de démontrer le caractère
excluant des exports du pétrole vis-à-vis des autres exports.
Cependant, comme cette maladie ne résulte pas uniquement
de l’exportation du pétrole7 mais également de l’exportation
d’autres produits de base (cacao, café, cuivre…), elle désigne alors
­l’ensemble des effets préjudiciables créés dans une économie par
l’expansion du secteur qui produit une ressource naturelle.
Selon P. Daniel8 : « il se traduit par de brusques modifications dans l’attribution des ressources, par des changements de la
6. Parallèlement à la notion de « dutch disease » mise en évidence aux Pays-Bas,
naissaient en Australie des modèles dits de booming sector (secteur en boom) qui illustraient les effets adverses des booms de certains secteurs sur d’autres dans une même
économie. R.G. Grégory montra en particulier que le développement du secteur minier
(en Australie) s’était accompagné d’un déclin relatif de l’industrie manufacturière. Ses
conclusions avaient rejoint celle de la revue anglaise The Economist selon laquelle la
découverte d’une ressource naturelle finit paradoxalement par appauvrir le pays qui en
bénéficie.
7. Ce, même si dans la plupart des cas observés, le secteur en boom est de type extractif.
8. Daniel, P. (1985), « Problèmes d’ajustements consécutifs au mal néerlandais », OCDE.
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s­ tructure sectorielle du système productif, les mouvements des prix
relatifs étant au centre de ces distorsions sectorielles ».
Relativement au Gabon, c’est précisément un choc de ce type
qu’il subit depuis la décennie 1970 à la suite de la flambée des
cours internationaux du brut. Après la brusque montée des prix des
produits pétroliers du début des années 1970, ce pays a en effet
connu, à l’instar des autres pays producteurs de pétrole, les effets
bénéfiques du transfert de revenus (rentrées massives de devises)
en provenance des pays acheteurs.
Cependant, cet effet d’enrichissement global du Gabon suite
à la hausse du cours de l’or noir s’est très vite paradoxalement
accompagné d’effets sectoriels pervers se traduisant par un déclin
des branches exposées à la concurrence internationale hors-boom
comme le bois, les mines (manganèse et uranium), l’agriculture.
Face au dépérissement de la filière agricole par exemple, la
demande interne stimulée par l’augmentation du revenu réel s’est
tournée vers les biens étrangers similaires plus compétitifs, provoquant au passage une explosion des importations et une dégradation
du solde extérieur en biens alimentaires.
L’ensemble de ces effets préjudiciables créés au sein de l’économie par le boom pétrolier pousse à dire que le Gabon connaît un
« syndrome néerlandais » d’autant que l’application de cette théorie
y fournit d’assez bons résultats macroéconomiques9, sectoriels et
économétriques.
Dans ce cadre, cet ouvrage présente d’abord la situation de
l’économie gabonaise avant le boom pétrolier de la décennie 1970
(premier chapitre). Puis, il expose le modèle théorique de référence
du « syndrome hollandais » de W. M. Corden et J.P. Neary (deuxième
chapitre). Ensuite, il procède à la vérification empirique (macro­
économique, sectorielle et économétrique) de cette théorie du « mal
9. L’expansion pétrolière s’est accompagnée, dans ce pays, d’un déclin de la part ­relative
des exportations traditionnelles (café, cacao, bois, manganèse…) dans le total des
exports et de la valeur ajoutée (PIB).
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néerlandais » au Gabon (troisième et quatrième chapitres) sur la
période 1970-2000. Et enfin, il propose quelques solutions de lutte
contre cette « maladie néerlandaise » ou « malédiction du pétrole »
aux effets pervers sur l’économie gabonaise (cinquième chapitre).
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Chapitre 1 :
L’économie gabonaise
avant le boom pétrolier
de la décennie 1970
1.1. La structure de l’économie gabonaise avant le boom du
pétrole
Au Gabon, le hors-pétrole regroupe l’ensemble de toutes les
autres activités économiques (bois, mines, agriculture…) en dehors
du pétrole. En 1960, il représentait 79,7 % des exportations gabonaises contre 20,3 % pour le pétrole.
Graphique 1 : Exportations du Hors-Pétrole et Pétrole (en %),
1960
Graphique élaboré à l’aide des données de la DGE, DGSEE et de la BEAC.
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