conception utilitariste aux termes de laquelle la propriétéintel-
lectuelle tire sa légitimitéde son efficacitééconomique.
Les débats sur le bien-fondéet l’application du droit d’auteur
se prolongent tout au long du XIXesiècle. L’économiste libéral
Frédéric Bastiat préconise un droit de propriétéperpétuel inspiré
de la conception lockéenne : parce que l’auteur est le propriétaire
naturel de son œuvre, le droit d’auteur est un droit de propriété
total qui doit pouvoir se vendre ou s’hériter sans obstacle, comme
c’est le cas pour d’autres titres de propriété.Cetteidée, popularisée
dès 1844 par Jean-Baptiste Jobard sous l’appellation «monauto-
pole »(monopole perpétuel de l’auteur), donne lieu en 1859 àun
ouvrage collectif de disciples de Bastiat [Sagot-Duvauroux, 2002].
Aucun pays n’ajamaisrepriscetteidéeenmatière de droits patri-
moniaux ; en revanche, le système français s’en inspire en partie
en consacrant un droit moral perpétuel.
Défendue par Jules Dupuit ou Léon Walras contre la plupart
des économistes libéraux de l’époque, la conception utilitariste,
quant àelle, imprègne en grande partie la législation américaine.
Selon Dupuit, la propriétéest une construction dont l’origine
doit être recherchée dans son utilitésociale. Pour ce précurseur
de l’économie du bien-être, l’important est d’évaluer en termes
d’efficience les avantages et les inconvénients d’un système de
propriétéintellectuelle. L’octroi d’un monopole peut être un
moyen de stimuler la création, mais il ne peut s’agir que d’une
protection limitée dans le temps.
Les prémisses du débat sur le domaine public
Séverine Dusollier [2005] voit une autre justification du droit
d’auteur dans un courant particulier, issu notamment de la
penséed’Emmanuel Kant, celui de la publicitédu discours. Dans
l’Europe des Lumières du XVIIIesiècle, émerge un espace public de
discussion, élément décisif de la démocratie naissante. Constitué
du rassemblement de personnes privées, qui usent du principe
de publicitétel que Kant le définit (usage public de la raison),
il est un moyen d’opposition au pouvoir. L’émergence de cette
sphère publique renvoie au développement de la production
culturelle et littéraire de l’époque. Au lendemain de la Révolu-
tion et de l’abolition des privilèges, l’œuvre change de statut : de
sacrée, elle devient un bien suscitant la discussion, et l’artiste,
certes libérédu bon vouloir des souverains, est désormais soumis
DROIT D’AUTEUR ET COPYRIGHT6