Les changements climatiques en République Démocratique du
Congo : état de lieux et perspectives dans le cadre de l’ANCR
INTRODUCTION GENERALE
Depuis sa mise en place en 1988 en tant qu’organe spécialisé par le Programme des
Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et l’Organisation Météorologique
Mondiale (OMM), le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat
(GIEC) est entrain de convaincre de plus en plus, même les plus sceptiques parmi les
humains, de ce que les changements climatiques sont bel et bien là.
La République Démocratique du Congo (RDC) figure, depuis juin 1992, parmi les plus
de 185 pays qui font parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les
Changements Climatiques (CCNUCC). C’est à ce titre qu’elle a entrepris depuis lors,
une série d’activités scientifiques conformes aux engagements auxquels elle a souscrit, à
savoir l’Inventaire de ses émissions des Gaz à Effet de Serre (GES) pour l’année 1994,
lequel a abouti à la Communication Initiale Nationale sur les changements climatiques
présentée en 2002 à New Delhi, lors de la 8ème Conférence des Parties (CoP8).
Dans le même ordre d’idée, le pays a entrepris d’élaborer son premier Programme
d’Action National d’Adaptation aux changements climatiques (PANA), tandis que les
travaux pour la seconde communication viennent de démarrer.
L’état des lieux actuel du pays en matière des changements climatiques que reprend le
présent Rapport se base fondamentalement sur l’ensemble des résultats de ces travaux
auxquels nous avons pris une part très active à la fois auprès de la population en général
sur le terrain, et qualité d’érudit en cette matière au cours de plusieurs rencontres
scientifiques spécialisées.
Aussi, sommes-nous persuadé que l’autoévaluation nationale des capacités à renforcer
dans ce domaine n’en sera que davantage significativement crédible.
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Chapitre 1
ETAT DES LIEUX EN MATIERE DES CHANGEMENTS
CLIMATIQUES DE LA RDC
1.1 METHODOLOGIE D’ANALYSE DE PRINCIPAUX VOLETS
1.1.1. INVENTAIRE DES GAZ A EFFET DE SERRE
La communauté internationale avait fixé l’année 1994 comme l’année de référence pour
le début des inventaires systématiques des émissions des gaz à effet de serre pour
l’ensemble des pays parties de la CCNUCC.
En RDC, nous avions réalisé cet inventaire conformément aux directives et
méthodologies du GIEC, et plus spécialement au moyen de son logiciel
Intergouvernmental Panel on Climatic Change (IPCC/CDE, 1996 version révisée,
volume 3).
Ce logiciel permet de calculer par source d’émissions – Energie, Procédés industriels,
Agriculture, Forêts et occupations de terres, et Déchets -, et par type de gaz, la quantité
des GES émis au cours d’une année donnée. Ces émissions sectorielles sont ensuite
standardisées en Equivalent carbone et on aboutit alors à une comparaison entre les
émissions réelles notées « positivement » et la capacité de séquestration des GES notée
« négativement ».
1.1.2. PROJECTIONS DE L’EVOLUTION DES PRECIPITATIONS ET DE CELLE
DES TEMPERATURES JUSQU’EN 2100
Un autre logiciel du GIEC appelé “Model for Assessment of Greenhouse-gaz Induced
Climate Change Scenario Generator”, (MAGICC-SCenGen), a permis non seulement de
réaliser la meilleure simulation de l’évolution climatique – en particulier la pluie et la
température – sur l’ensemble du pays, mais aussi, cet exercice a conduit au découpage de
la RDC en quatre zones climatiques d’ici à 2100.
Le MAGICC-SCenGen se fonde particulièrement sur les modèles de circulation générale
( GCM ) lesquels intègrent des lois physiques fondamentales, à savoir la Conservation
d’énergie, la Conservation de la quantité de mouvement, la Conservation de masse, et
l’Equation d’état des gaz parfaits.
Malgré les difficultés de paramétérisation des phénomènes atmosphériques – et ce surtout
à faible échelle spatiale -, les GCM sont à ce jour la seule alternative viable à la
projection du climat sur quelques décennies. En effet, tous les facteurs intervenant dans le
système climatique sont pris ensemble, ce qui permet de garder une certaine cohérence
interne.
Les projections du changement d’une variable climatologique d’une contrée donnée est
fonction du choix judicieux à la fois du modèle GCM et du scénario. Le logiciel propose
plusieurs modèles GCM, tels Had CM2, UKTR, ECHAM3TR, UKILO, CCCEQ. Il y a
également plusieurs scénarii, notamment I92a, IS92b, IS92c, IS92d, etc.
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Le meilleur modèle GCM et le meilleur scénario pour une contrée donnée sont ceux
qui ont restitué le plus significativement possible les valeurs réellement observées pour
chaque variable climatologique dont on veut simuler l’évolution.
Le logiciel permet de simuler trois variables : les précipitations, les températures et la
couverture nuageuse. Dans le cas de la RDC, cette dernière variable n’est pas disponible
pour une période d’au moins trente ans, ce qui a exclu son traitement. Seules les
précipitations et la température maximale ont été analysées.
Sur ce dernier point, comme la RDC s’étend à cheval sur l’équateur entre les latitudes ±
5º N et 13º S ; et est limitée entre 12º et 31º de longitudes Est, pratiquement plus de 2/3
de la superficie du pays se situe dans la configuration socio-politique de la SADC ; les
simulations du MAGICC-Scengen que nous avons utilisées, par défaut, sont donc celles
que le GES donne pour cette partie du monde.
Le modèle général de circulation Had.C M2 et le scénario IS 92a dont les restitutions
pour les précipitations et les températures se sont révélées le plus significativement
proches des données actuelles au seuil de 0,05 sur une période d’étalonnage de 75 ans
(1926-2000), ont été validées et utilisées pour opérer les projections de deux variables
climatologiques prises en compte jusqu’en 2100.
1.1.3 LA PERCEPTION DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES PAR LA
POPULATION
La perception des problèmes des changements climatiques par la population en RDC a
fait l’objet de deux séries d’enquêtes. Dans un premier temps, seule la ville province de
Kinshasa a été ciblée en 2004 en interrogeant 1600 personnes en prenant en considération
la période 1980 – 2004.
Ensuite, l’investigation a couvert le reste du territoire national en impliquant au total
1200 personnes.
Le questionnaire des enquêtes a porté sur les cinq thèmes principaux suivants :
- Identification de la personne enquêtée en termes d’age et de sexe ;
- Problèmes relatifs aux deux variables climatologiques de référence (pluies et
température) ;
- Problèmes relatifs aux ressources en eau ;
- Problèmes relatifs aux activités agricoles et pastorales ;
- Problèmes relatifs à l’équilibre environnemental naturel face aux catastrophes dus
au climat (inondations, éboulements, coupures des routes, érosions, et maladies).
Le dépouillement des fiches a été facilité grâce à l’utilisation du logiciel « SAS »
1.1.4 ETUDES DE LA VULNERABILITE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES
Ces études ont été entreprises conformément aux directives du LEG – Groupe d’Experts
pour les analyses des programmes d’action nationaux d’adaptation aux changements
climatiques dans les pays les moins avancés - .
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1.2 RESULTATS
1.2.1 Résultats de l’inventaire des émissions des GES/ 1994
Il s’agit d’abord des résultats concernant les 3 principaux gaz à effet de serre, à savoir le
CO2, le CH4 et le N2O. Les valeurs sont exprimées en giga grammes ou 109 grammes.
Tableau 1. Emissions de trois principaux GES
Type de Gaz Emissions brutes
des GES (en Gg)
Absorption
des GES
Emissions
nettes des GES
Emissions
nettes (en Gg –
Equivalent
CO2)
CO2 415 585,54 597 578,99 - 181 992,45 - 181 992,45
CH4 2 215,70 2 215,70 46 529,70
N2O 10,18 10,18 3 155,18
Total - 132 307,57
Il ressort du tableau 1 que les émissions brutes des GES, exprimées en Equivalent CO2
(Eq.CO2) sont les plus abondantes en CO2, suivies de celles du CH4 et du N2O.
De façon globale, le bilan entre les émissions réelles et l’absorption des GES, aboutit à un
imposant puits de séquestration par les forêts de la RDC.
La deuxième ventilation des GES concerne les émissions brutes agrégées par source.
Tableau 2 Emissions brutes agrégées des GES par source (en Gg Eq.CO2)
Source d’émission Emissions brutes % Emissions nettes
Energie et procédés
industriels
3 621,37 0,7 3 621,37
Agriculture 34 854,50 7,4 34 854,50
Forêts et
changements
d’affectation des
sols
420 738, 91 90,4 - 176 840,08
Déchets 6 056,64 1,5 6 056,08
Total 465 271,42 100 - 132 307,57
Il découle du tableau 2 que le secteur Forêts et changements d’affectations des sols
constitue le plus grand « émetteur » des GES avec plus de 90 % du total. Les secteurs
Agriculture, et Energie et procédés industriels sont faiblement émetteurs de GES en
RDC.
Cependant, la réalité est que les émissions nettes des GES du secteur Forêts et
changements d’affectation des sols présente au total une valeur négative, ce qui signifie
que , la capacité d’absorption des GES par ce secteur l’emporte de loin par rapport à sa
force d’émission.
1.2.2 Evolutions des pluies et de la température jusqu’en 2100
L’application des projections du MAGICC-Secengen validées à partir des précipitations
et des températures depuis 1926 jusqu’en 2000, a abouti à la s i t u a t i o n reprise au
tableau 3.
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Tableau 3. Les 4 zones latitudinales et longitudinales des pluies et températures jusqu’à
2100 en RDC.
Nº de la Zone Longitudes Est Latitudes S Ville repère
1 12,5º 2,5º-5º Kinshasa
2 17,5º 2,5º-7,5º Kindu
3 22,5º 2,5º-7,5º Bandundu
4 27,5º
12-15º
7,5º-12,5º
5º-7º
Lubunbashi
Bas-Congo/Matadi
Tableau 4 Evolution des pluies (mm) annuelles et de la température (ºC) annuelles
moyennes les 4 zones climatiques.
Zone Ville/repère années Pluies (mm) Température (ºC)
1
1990
Kinshasa 2050
2100
1530
1652
1753
25,0
27,5
28,2
2
1990
Bandundu 2050
2100
1440
1531
1622
24,9
24,7
28,4
3
1990
Kindu 2050
2100
1165
1213
1252
25,2
28,2
29,1
4
1990
Matadi 2050
2100
1990
Lubumbashi 2050
2100
1031
1017
1002
1262
1232
1147
25,2
28,4
29,1
20,4
23,7
24,7
1 / 19 100%