CONTRIBUTION DE L. ROSSO-MIRZICA COLLEGE DE PAPARA (novembre 2011) ENSEIGNER LA REVOLUTION FRANCAISE BIBLIOGRAPHIE TDC n°1013 : La Révolution en images Atlas de la Révolution Française Colloque CNRS 2008 : Historiographie de la Révolution Française INTRODUCTION La Révolution Française est toujours une source d’inspiration : les Révolutions arabes actuelles se réclament des idéaux de 1789. Le profond renouvellement des études sur la Révolution Française l’atteste également. En effet, en France, depuis la décennie 2000, de jeunes chercheurs autour de l’Institut d’Histoire de la Révolution Française, revisitent l’historiographie de la RF avec un objectif clair : rassembler les diverses tendances dans une histoire volontairement ouverte et pluraliste alliant les perspectives politiques, sociales, économiques, religieuses, culturelles et artistiques. D’où des études, des colloques, des biographies, des actes de colloques ou de séminaires publiés chaque année qui viennent nous rappeler l’influence de la RF sur notre société actuelle. PROBLEMATIQUE LA REVOLUTION FRANCAISE, UNE HISTOIRE TOUJOURS VIVANTE ? AVANT - PROPOS « Albert Soboul est mort, François Furet est mort et Michel Vovelle ne se sent pas très bien ». Ce raccourci traduit les différentes tendances qui traversent l’historiographie de la RF et qui en soulignent le caractère de « question socialement vive ». En effet , de nombreuses polémiques au moment du Bicentenaire puis apaisement et actuellement, extrême vitalité des études révolutionnaires mais avec une médiatisation moindre. Or, la RF est le moment fondateur de la vie politique française et de plusieurs de ses traits spécifiques : les concepts de République, de République sociale, de patriotisme républicain, de centralisation, de laïcité. Elle reste une référence (ou parfois un contre-modèle) pour la vie politique actuelle. POINT 1 : PERMANENCES DE L’HISTORIOGRAPHIE DE LA RF Dès le XIX è siècle s’est mise en place une triple lecture de la Révolution française selon l’appartenance politique de chaque historien. A / UNE LECTURE CONTREREVOLUTIONNAIRE Elle condamne la Révolution en bloc, jugeant que les les évènements violents de la Terreur sont déjà contenus dans les principes de 1789. La Restauration de la monarchie en 1815 marque le triomphe de ce courant qui tend à voir dans la Révolution un châtiment du Ciel envoyé aux hommes accusés d’avoir oublié Dieu au cours du XVIII è siècle. Parmi les principaux auteurs défendant ce point de vue : le britannique E. Burke (1790). B/ UNE LECTURE JACOBINE C’est l’historiographie classique de la Révolution appelée aussi « jacobino-marxiste » qui a dominé la scène historiographique de la fin du XIX è siècle jusqu’aux années 1960 et la « révision » de l’historien F. Furet. Ce courant s’est institutionnalisé après l’instauration de la III è République avec la création d’organes de recherche : - le cours d’histoire de la RF à la Sorbonne (actuelle Paris I) - La Société d’Histoire de la RF, fondée en 1888 par l’historien A. Aulard - La Société des Etudes Robespierristes fondée en 1907; - Ce courant historiographique classique a eu pour principaux historiens : A. Aulard = le fondateur de l’historiographie classique de la RF A. Mathiez = spécialiste d’histoire économique G.Lefebvre A. Soboul =spécialiste des sans-culottes parisiens M.Vovelle = lecture sociale de la RF et étude des mentalités Ce courant s’inscrit dans une tradition politique républicaine et sociale de défense de la Révolution française. Il considère la période 1793/94 comme un approfondissement populaire et social de la Révolution de 1789. C / UNE LECTURE LIBERALE Tournant majeur de l’historiographie de la RF avec la publication en 1965 de « La Révolution Française » de F.Furet et D. Richet. Naissance alors du courant appelé ‘révionniste » ou « libéral » ou encore « néolibéral ». Ce courant soutient l’idée que la RF n’est pas le fruit de la lutte des classes entre une bourgeoisie libérale et une noblesse conservatrice. + Héritage de 1789 pris en compte mais condamnation de la Terreur. POINT 2 – TENDANCES ACTUELLES DE L’HISTORIOGRAPHIE DE LA RF A / LA REVOLUTION COMME LABORATOIRE SOCIO-POLITIQUE Histoire du politique renouvelée qui reste encore le fil rouge des recherches sur la RF. Mais orientation vers une histoire socioculturelle du politique initiée par M. Agulhon (notion de sociabilité politique). Ainsi : alliance entre le politique, le social et le culturel dans cette histoire du politique afin de retracer les contours et la genèse de la socialisation démocratique des Français = thème de la naissance d’un espace politique public autonome du pouvoir. Donc émergence du concept de « politisation » des Français. Et là : place de choix de l’imagerie politique au sein de cette thématique = présence de nombreuses caricatures. Cet avènement de l’image politique est vu comme un observatoire privilégié pour comprendre l’ambiance de la France révolutionnaire. Approche également par le langage : langage politique et langage du peuple. Au total, il s’agit, à travers ces recherches, d’éclairer les processus et modalités de l’entrée des Français en politique ainsi que les diverses expériences du « vivre ensemble » autour de la constitution d’un « pacte républicain ». B / UNE HISTOIRE ECONOMIQUE REVISITEE En matière d’histoire économique et sociale : nouvel état de la recherche sur la base de nouveaux questionnements et de nouveaux territoires. Ainsi, dans le domaine social,changement d’échelle : sont privilégiés les acteurs, le temps long et l’impact de la RF sur les grandes catégories sociales. Par exemple, étude des trajectoires nobiliaires lors de la RF ou encore de la paysannerie. Dans le domaine économique : ce sont les chocs et les impacts du moment révolutionnaire qui sont privilégiés. Ainsi, d’après les dernières recherches, la RF n’a pas entamé la marche de la France vers le capitalisme industriel . c / UNE HISTOIRE CULTURELLE ET ARTISTIQUE ENTRE POLITIQUE, SOCIAL ET ANTHROPOLOGIE L’HISTOIRE DU GENRE Etude par exemple de l’histoire des femmes : constitue le symbole d’une histoire qui part du social, de la remise en cause des normes sociales par la Révolution pour aboutir au champ politique à savoir les manières dont les femmes ont fait irruption dans l’espace politique alors exclusivement masculin. LE DOMAINE DES SCIENCES ET DES ARTS Selon idées reçues, la Révolution serait un temps de destruction plus que de création. Or, il n’en est rien : le système métrique le prouve par exemple. Dans le domaine artistique, RF = davantage période de ruptures que de continuités + création d’un art authentiquement révolutionnaire. D’où une véritable explosion d’images, en partie héritières, pour la forme, de la production antérieure, mais aussi génératrices de thèmes originaux et de codes symboliques renouvelés (bonnet rouge, triangle). Il s’agit d’adopter une véritable démarche d’éducation civique et de favoriser la prise de conscience de vivre un évènement inédit, fondateur, à vocation universelle. CONCLUSION L’historiographie renouvelée de la RF montre que les historiens investissent la quasi-totalité des territoires d’investigation. La RF se veut plurielle, polyphonique et transversale. Une nouvelle conception de la RF émerge : celle d’un laboratoire dans lequel ont été expérimentés de nouveaux mécanismes politiques, sociaux et culturels. Toutefois, le champ politique reste le terrain d’investigation fondamental des études révolutionnaires mais son champ est redéfini : le politique se mêle au social et au culturel pour mettre en évidence la genèse de la culture démocratique en France. La RF devient alors le laboratoire inédit de l’expérimentation d’un nouveau « vivre-ensemble » et où se forge le pacte républicain. En ce sens, les recherches sur la RF restent d’une incroyable actualité et totalement pertinentes en tentant de faire émerger une identité contemporaine de la nation France.