INTRODUCTION
Au cours des dernières années, les organisations syndicales en France, mais aussi à
l'échelle internationale, affirment une volonté de renforcer leur intervention pour
répondre à la crise écologique et au réchauffement climatique. Les propositions émises
par l'Organisation internationale du travail (OIT) en matière « d'emplois verts », la directive
européenne REACH sur l'usage des produits chimiques ou encore les obligations environ-
nementales des entreprises présentes dans la loi dite « Grenelle 2 », contribuent à doter
les syndicalistes de nouveaux leviers d'intervention et de nouvelles compétences.
Pourtant, cette accélération pourrait laisser suggérer que les organisations syndicales ne
feraient que réagir à des propositions exogènes.
Quelques recherches récentes éclairent néanmoins les modalités d'appropriation syndi -
cale des dispositifs juridiques et administratifs développés au cours des dernières
années. Le rapport de Michèle Descolonges (1), publié par l'Institut de recherches écono-
miques et sociales en 2011, offre ainsi un précieux éclairage sur l'effet de la réflexion des
organisations syndicales internationales autour de la notion de « transition juste », ainsi
que sur les effets syndicaux de la loi dite « Grenelle 2 » en France. Dans la première partie
de ce rapport, nous reviendrons donc sur l'état des connaissances autour des pratiques
environnementales des organisations syndicales (2). Nous soulignerons toutefois que les
études produites restent essentiellement situées dans des temporalités courtes, qui ne
permettent pas de rendre compte avec précision de l'existence de préoccupations envi-
ronnementales parfois anciennes dans les organisations syndicales.
Les entretiens menés auprès de syndicalistes témoignent ainsi du sentiment que le passé
environnemental de leurs organisations serait très limité (3). De plus, bien que la défini-
tion de la notion « d'environnement » s'impose souvent comme une évidence, les
réponses apportées témoignent que cette notion reste polysémique. Ces réponses témoi-
gnent aussi de l'existence d'une forte diversité de leviers d'interventions et que les pra-
tiques adoptées se distinguent en fonction de l'échelle à laquelle se situent les syndica-
listes concernés. En effet, l'intervention envisagée diffère lorsque le répondant est
délégué du personnel à l'échelle d'une entreprise locale ou lorsqu'il représente sa confé-
dération syndicale dans des concertations menées par les pouvoirs publics. Selon les
réponses, les enjeux environnementaux recouvrent aussi bien la détection de pollutions
sur le lieu de travail, l'instauration d'une plate-forme de covoiturage pour les salariés
d'une entreprise ou la promotion de l'économie circulaire auprès des administrations
publiques et des entreprises. Les leviers d'intervention varient ainsi de l'action dans les
Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHS-CT) à l'interpellation des
élus politiques, en passant par des actions sans ancrages institutionnels.
Partant de ces constats (une mémoire syndicale qui ne conserve pas de traces d'une
action environnementale et une polysémie dans la définition actuelle de « l'environne-
ment »), ce rapport se propose d'interroger la trajectoire des pratiques syndicales en
matière d'environnement – et la définition passée de cette notion au sein de ces organisa-
tions. En nous fondant prioritairement sur les archives produites par ces organisations, ce
rapport doit permettre d'éclairer les enjeux à partir desquels les syndicalistes furent ame-
nés à développer une intervention environnementale. Ce retour sur les archives doit aussi
permettre d'informer sur les critères qui furent mobilisés par les organisations syndicales
pour élaborer leurs répertoires d'actions dans ce domaine, comme sur les difficultés
récurrentes dans ce domaine.
La seconde partie du rapport revient ainsi sur les années d'après-guerre (décennies 1940
et 1950), au cours desquelles les revendications syndicales restent marquées par les
pénuries liées à l'économie de guerre, favorisant la participation syndicale à la dyna-
mique de « reconstruction ». Pourtant, l'adhésion syndicale au « culte de la cheminée qui
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(1) Michèle Descolonges, Les démarches de la CGT en matière d'environnement. Droits nouveaux et enjeux
d'apprentissage, Paris, IRES, 2011.
(2) Ce rapport est rédigé avant la parution de numéros spéciaux des revues Mouvements (à paraître en
décembre 2014) et Écologie & Politique (à paraître au printemps 2015), autour de l'action syndicale en matière
environnementale.
(3) Les données issues des questionnaires et entretiens sont anonymisés dans l'ensemble de ce rapport. Sur ce
point, nous nous fondons sur un entretien réalisé avec des représentants de la CFE-CGC qui furent chargés des
questions environnementales au cours de la décennie 2000, ainsi que sur cinq réponses à des questionnaires
transmis au sein de la CFE-CGC au cours de l'hiver 2013-2014. Nous les remercions de leur contribution.