► L’HISTOIRE David entretient une relation par mail avec une jeune Française, Sandrine. Ils se sont rencontrés pendant un congrès d’entreprises à Londres. Ils ont passé une nuit ensemble. Pour eux deux, cela a compté. Mais une révélation soudaine va mettre fin à cette histoire naissante. Peu à peu, David se livre. Il n’a pas toujours travaillé dans la vente. A une époque, il était prof, de lettres. Et marié, à Jess, dont il était fou amoureux. Mais sa femme avait des dettes. De très, très grosses dettes. Alors, entre l’amour et l’argent, il a fallu choisir. Véritable mosaïque, Love & Money retrace à rebours l’histoire de David et Jess, de la brutale explosion de leur couple à la demande en mariage. Dennis Kelly y interroge notre rapport à l’argent, la place que nous lui accordons, la hiérarchisation de nos valeurs, dans un monde où, paraît-il, le bonheur s’achète. Une œuvre fascinante, complexe, terriblement drôle et sombre à la fois. 2 ► L’AUTEUR Né en 1970, dans une famille Irlandaise de cinq enfants, Dennis Kelly grandit à Barnet, dans la banlieue nord de Londres. Son père était chauffeur de bus, et Kelly quitte l’école à 16 ans pour travailler dans un supermarché. C’est à cette époque qu’il découvre le théâtre, en intégrant le Barnet Drama Center, une jeune compagnie locale. Il se lance quelques années plus tard dans des études théâtrales universitaires, au Goldsmiths College de Londres. Il affirme n’y avoir rien appris en matière d’écriture dramatique, et affiche très rapidement une volonté de rompre avec le théâtre social réaliste anglais qu’il a étudié, pour expérimenter de nouvelles formes d’écriture, tout en traitant de sujets brûlants d’actualité. Adepte d’une écriture volontiers provocatrice, avec ces dialogues extrêmement rythmés, ces mots crus, ces situations souvent violentes et ce regard sans complaisance porté sur nos sociétés, il s’inscrit dans le courant dramaturgique britannique du théâtre dit « in-yerface », qui s’emploie à montrer l’inhumanité de l’être humain et les dérives de notre monde. Sa première pièce, Débris, est créée à Londres en 2003. Suivront Oussama, ce héros en 2004, Love & Money en 2006, ou encore Occupe-toi du bébé, joué au Théâtre de la Colline en février 2011. Son œuvre est désormais traduite et jouée dans le monde entier. Dennis Kelly a par ailleurs été élu meilleur auteur dramatique de l’année 2009 par la revue allemande Theater Heute. 3 ► NOTE D’INTENTION ► « Vous voulez sentir que chaque journée de travail peut être autre chose que patauger dans le sang ». Il y a quelques années, quand j’étais étudiant, j’ai travaillé au service contentieux d’une société de crédit – une grosse boite, une de celles que tout le monde connait. J’étais chargé de recouvrement : toute la journée, un automate composait pour moi des numéros de téléphone et me mettait en relation avec des gens qui, pour une raison ou pour une autre, avaient cessé de rembourser leurs dettes. En un minimum de temps, je devais m’informer de leur situation financière, comprendre la raison pour laquelle ils ne payaient plus, et passer avec eux un nouvel accord de remboursement, à hauteur d’au moins 3% de leur dette chaque mois. Si cela s’avérait impossible, ou s’ils n’étaient pas assez coopératifs, je transférais leur dossier à un huissier chargé, à leurs frais, de saisir leurs biens. Je traitais des dizaines de dossiers chaque jour : des étudiants sans revenus, des mères célibataires en pleurs, des chômeurs en fin de droits, des gens tombés malades et qui avaient perdu leur emploi, des gens qui ne parlaient pas un mot de Français et dont on se demandait comment ils avaient pu comprendre le contrat qu’ils avaient signé, des veuves qui découvraient à la mort de leur mari que celui-ci avait des dettes, quelques escrocs aussi, et puis beaucoup, beaucoup de gens qui travaillaient et qui, simplement, ne s’en sortaient pas. J’avais appris à ne plus parler de personnes, mais de « db », pour débiteurs. Aux menaces de suicide, je devais répondre que cela n’est jamais une solution et faire en sorte que la discussion tourne court. C’est à cette période de ma vie que la lecture de Love & Money m’a renvoyé, et c’est pour cela, je crois, que j’ai d’abord eu envie de prendre en charge ce texte. J’ai découvert la pièce par hasard à la fin du mois de juin 2012. Depuis des mois, je cherchais une pièce à monter, une bonne pièce, une de celles dont j’aurais l’impression qu’elle avait réellement quelque chose à dire sur le monde tel qu’il est aujourd’hui. Je l’ai lue, et j’ai su que j’avais entre les mains un matériel exceptionnel. Ce jour-là, les infos ont parlé d’un Grec qui s’était suicidé, écrasé par la crise. Au centre de Love & Money, il y a un couple, Jess et David. Ils sont jeunes, fraichement mariés, fous amoureux. Ils sont citadins, modernes, un peu bobos. Lui est prof, elle on ne sait pas ; ils font partie de la fameuse middle class. Seulement, Jess a des dettes. De grosses dettes. 70 000 livres. Elle doit prendre un deuxième boulot, lui doit quitter l’enseignement pour entrer dans la vente. Cela ne suffit pas. Alors, pour David, il apparait qu’entre l’amour et l’argent, il faudra faire un choix. Le couple explose. Et de quelle manière. Si nous choisissons de nous attaquer à ce texte, c’est parce que nous sentons qu’il soulève des questions fondamentales et passionnantes sur le fonctionnement de nos sociétés occidentales contemporaines. La place que nous accordons à l’argent. Notre besoin maladif de posséder. Notre peur perpétuelle du déclassement, dans une période de crise. Notre capacité à nous adapter ou non à un système économique de plus en plus complexe, dont le fonctionnement nous échappe inévitablement, à moins d’avoir « l’instinct du tueur ». La question de cette capacité d’adaptation se pose d’ailleurs pour 4 tous les personnages de la pièce. Tous essaient juste de s’en sortir, dans cette société britannique extraordinairement violente qui ne leur laisse pas le choix. Certains y arrivent, à la condition d’abandonner tout idéal (la religion, les idéaux politiques, l’amour) au profit d’une croyance unique : le fric. Certains deviennent des monstres à force d’essayer de s’en sortir. D’autres, enfin, échouent, tout simplement. Et puis il y a Jess. Cette jeune femme perdue, qui n’a jamais trouvé sa place dans le monde. Cette fille que la puissance de son amour transperce, qui dit qu’elle pourrait « dégueuler d’amour ». Cette fille qui s’émerveille de l’existence de l’univers, des étoiles et de la gravité, de l’improbabilité de la vie, de la sienne et de celle des autres, et qui ne comprend pas, face à tant de mystères et de hasards, que l’on accorde tant d’importance à cette chose morte, irréelle, à cette convention qu’est, au fond, l’argent. A l’heure où j’écris ces lignes, nous répétons depuis plusieurs mois, et je commence à voir à quoi le spectacle ressemblera. Nous avons fait le choix de la plus grande simplicité possible. Parce que ce texte est fort, parce que ces personnages sont complexes, nous essayons d’éviter les effets de manche, les numéros d’acteurs. Parce que nous souhaitons avant tout être porteurs de cette histoire et des problématiques qu’elle soulève, nous nous adresserons la plupart du temps directement au public. Il ne s’agira pas tant de dénoncer que de poser des questions. Je ne crois pas que le théâtre puisse changer quoique ce soit au monde, mais du moins peut-il permettre de prendre conscience de certaines choses. Nous essaierons de ne pas être moralisateurs. Aucun des personnages de Kelly n’entre en révolte contre ce que, pour simplifier, nous appelons le « système ». Jess le dit : « je déteste quand les gens sont juste à critiquer et tout parce qu’on porte tous des chaussures, bon Dieu, alors vous voyez mais parfois je me pose des questions ». Il y a là une clef. Nous nous poserons des questions. Alexandre Lhomme Collectif Les Âmes Visibles 5 ► L’ÉQUIPE Alexandre Lhomme | Mise en scène | Le Père, le Docteur Né en 1984, Alexandre découvre le théâtre à l’âge de 10 ans. Après de études d’Histoire, il se forme au Cours Florent, de 2008 à 2011. Au théâtre, il joue dans Viol de Botho Strauss, Baal de Bertolt Brecht, Ivanov d’Anton Tchekhov, Une soirée entre amis d’Harold Pinter, On Purge (Bébé) ! de Georges Feydeau, Mein Kampf (Farce) de George Tabori, Une scène jouée dans la mémoire de Charlotte Delbo, Love & Money de Dennis Kelly et Médée, la femme qui tua ses enfants de Laura Bélorgey. Au cinéma, il joue dans Deuil sous influence de Xavier Hervo, Que ferait Woody ?, Discours sur la servitude volontaire et Exercice de style de Mathieu Aglossi, et Débutants Acceptés de Rémy Delattre. En 2013, il met en scène Love & Money de Dennis Kelly (spectacle créé en mai 2013 au Théâtre Confluences à Paris, reprise au Théâtre Le Hublot en avril 2015). En 2015, il mettra en scène Ce qui évolue, ce qui demeure, d’Howard Barker. Teddy Atlani | Paul, Duncan Originaire de la Drôme, Teddy entre au Cours Florent en 2008, où il suit la formation de Franck Victor, Suzanne Marrot, Cyril Anrep, Grétel Delattre et Georges Bécot. Dans cette école, il rencontre les futures « Âmes Visibles ». Ensemble, ils s'attèlent à monter plusieurs projets, dont Mein Kampf (Farce), de George Tabori, Viol de Botho Strauss, On purge (Bébé) !, de Georges Feydeau, ou encore un moyen-métrage, Deuil Sous Influence, réalisé par Xavier Hervo. Durant la saison 2011-2012 il apparait dans T, court-métrage de Xavier Tesson & Dorian Hays, et endosse successivement les rôles de Toto et Bastien Follavoine dans On purge (Bébé) ! de Georges Feydeau, mis en scène par Pauline Raineri à l'Aktéon et au Funambule entre septembre 2011 et juin 2012. En 2013, il participe à Love & Money de Dennis Kelly, et est à l'affiche du prochain court-métrage de Xavier Hervo, Tripaliare. Laura Bélorgey | La Mère, Val Laura pratique le théâtre et le chant depuis l’enfance. A quatorze ans, elle décide de prendre des cours de théâtre privés et c’est à dix-huit ans qu’elle intègre la formation professionnelle du Cours Florent. Elle participe à divers projets de fin d’étude tels qu’une adaptation de Procès Ivre de Koltès et trois créations : Mort(s) de et par Pauline Rambeau de Baralon, Michel sans chez lui de et par Nicolas Avinée et Un crime de et par Milena Malenic. Parallèlement, elle monte Ivanov de Tchekhov. Certaines de ces créations sont jouées dans plusieurs festivals dont le festival Cumulus monté par la Compagnie de la pluie à Paris en 2012. La même année, elle interprète le rôle principal dans La sœur d’Olga, de Margot Simonney. En 2014, elle met en scène une adaptation collective du mythe de Médée intitulée Médée : la femme qui tua ses enfants. 6 Maxime Lafay | David Maxime Lafay est comédien, diplômé des Cours Florent en 2011 où il a suivi les enseignements d’Estelle Bonnier, Maxime Pecheteau, Suzanne Marrot, Véronique Vella et Jean-Pierre Garnier. Il a joué dans plus de sept Travaux de Fin d'Etudes aux Cours Florent, notamment Je ne sais pas encore de Jessica Lajoux et Baal de Bertolt Brecht, dans le rôle de Jean. Entre 1999 et 2008, il prend des cours de théâtre à l'atelier de la ville de Moulins. De 2008 à 2011, il est membre de la compagnie Ça tourne pas rond, avec laquelle il joue La vie de Galilée de Bertolt Brecht. En 2012, il joue Je ne sais pas encore de Jessica Lajoux durant deux mois au Kibele, ainsi qu'une adaptation du cabaret d'Hanoch Levin, Douce vengeance et autres sketchs, toujours au Kibele. Pauline Raineri | Sandrine, Debbie Après l'obtention de son baccalauréat, Pauline décide de continuer la formation qu'elle avait commencée dès l'adolescence au Cours Florent (« Ateliers Jeunesse »). Elle intègre donc la formation professionnelle grâce à laquelle elle étudie avec Bertrand Degrémont, Suzanne Marrot, Cédric Prévost ou encore Véronique Vella. Dans le cadre de sa dernière année à l'école, elle met en scène On Purge (Bébé) ! de Georges Feydeau, pièce dans laquelle elle joue également le rôle de Julie Follavoine. La pièce sort rapidement du cadre scolaire pour être jouée à l’Aktéon puis au Funambule, de septembre 2011 à juin 2012. Depuis septembre 2012, on a pu retrouver Pauline dans Mein Kampf (Farce) de George Tabori mis en scène par Makita Samba, et Love and Money de Dennis Kelly mis en scène par Alexandre Lhomme. Elle s’attèle aussi à la création d’un festival, Le Festival International des Rires du Monde de Saint-Denis, et répète un spectacle, Avant la nuit, avec la compagnie Loin Devant. Louve Reiniche-Larroche | Jess Louve Reiniche-Larroche se passionne dès l'âge de 6 ans pour la comédie aux ateliers du Théâtre de l'Épouvantail. Dans les cours d’Esther Kouyaté, elle développe le plaisir du jeu. Elle entre au Cours Florent en 2005 aux Ateliers Jeunesse. Elle poursuit son cursus théâtral, intègre la formation professionnelle dans les cours de Bertrand Degrémont, Suzanne Marrot, Cédric Prévost, Véronique Vella et Cyril Anrep. En 2010-2011, elle est actrice dans plusieurs courts-métrages, dont The Ash Of My Lips, et costumière dans un long métrage Dies Festum, deux réalisations de Juan Pittalluga. Au théâtre, elle joue dans les Mein Kampf (Farce) de George Tabori, On Purge (Bébé) ! de Georges Feydeau, et Love And Money de Dennis Kelly. Elle est également en préparation de la pièce de Charlotte Delbo, Une scène jouée dans la mémoire, dans laquelle elle interprète le rôle de Françoise. 7 ► LA PRESSE Que reste-t-il de l’amour dans un monde qui ne pense qu’au fric ? À travers la descente aux enfers d’un couple endetté, « Love and Money » propose une radiographie du monde néolibéral servie par de jeunes comédiens étonnamment justes. L’Angleterre n’en finit pas de produire des auteurs de théâtre passionnants. Dennis Kelly est l’un des derniers en date, et sûrement pas le moins intéressant. Ses premières œuvres ont eu un certain retentissement : il a ainsi été élu Meilleur Auteur dramatique de l’année 2009 par la revue allemande Theater Heute. En France, Occupe-toi du bébé a été à l’affiche au Théâtre de la Colline en 2011. Si Dennis Kelly, par son langage cru et son théâtre en prise directe sur le monde d’aujourd’hui, s’inscrit dans la lignée des auteurs du courant in-yer-face qui domine la scène anglaise depuis les années 1990, chacune de ses pièces est aussi une construction savante et complexe, loin pourtant de tout intellectualisme. C’est le cas de Love and Money qui retrace à rebours (selon un procédé qui rappelle un peu Trahisons de Pinter) l’histoire d’un couple au destin malheureux, depuis la demande en mariage jusqu’à la tragédie finale. Quel secret cache David qui vient de rencontrer, pendant un congrès d’entreprise, Sandrine, une jeune Française avec qui il communique par mail ? Ce secret, c’est l’histoire de l’échec et de la descente aux enfers de son couple. Et d’abord, son triste destin de prof de lettres conduit à prendre un emploi plus lucratif pour rembourser les dettes de sa femme, Jess. Lui qui ignorait tout du monde de l’entreprise va découvrir la jungle du monde du travail, un univers où l’obsession de l’argent fait vaciller toutes les valeurs morales. Un théâtre ultracontemporain On comprend que la jeune compagnie Les Âmes visibles ait eu envie de relever le défi que représente ce texte : plaisir d’interpréter un théâtre ultracontemporain mettant en scène des personnages d’aujourd’hui, avec leur fragilité, leur immoralité ou leur impudence. Comme il est fréquent sur les scènes actuelles, les six comédiens ne quittent pas le plateau et se partagent les dix rôles, belle galerie de portraits qui, mis bout à bout, brosse aussi celui de notre monde libéral où chacun souffre pour et par l’argent. S’agissant d’un collectif aussi soudé, difficile de distribuer des satisfecit – mais plus difficile encore de ne pas souligner la performance remarquable de Marine Reiland en businesswoman cynique, ou celle de Maxime Lafay en jeune prof égaré dans un monde dont il ignore les règles. 8 Sous nos yeux, l’engrenage tragique, la machine à broyer les destins se met en marche. Le spectateur mesure chaque minute davantage l’enlisement de ce couple en crise, forcé de cumuler des jobs pour s’en sortir. L’humour british de Dennis Kelly se fait très souvent noir pour dépeindre les excès d’une société individualiste obsédée par les signes extérieurs de richesse. Surtout, la mise en scène d’Alexandre Lhomme parvient avec une grande intelligence à exprimer ce qui fait l’intérêt et la force de la pièce : montrer le désarroi des êtres dans un monde qui perd la boule et tend à faire de nous des monstres (ainsi Pauline Raineri dans le rôle de Debbie, forcée de repousser les propositions douteuses de Duncan). Saisir le moment où l’humanité des personnages vacille pour sombrer dans la pornographie, la violence gratuite, la profanation de sépulture ou… le meurtre. Sans filet Du théâtre aussi intelligent et aussi bien joué, ça donnerait presque les larmes aux yeux. Le plus étonnant peut-être : l’économie de moyens et le dépouillement de la mise en scène. À cet égard, la scène initiale de l’échange de mails montrant deux personnages piégés par la communication à distance, véritable gageure, se trouve abordée le plus simplement du monde, preuve qu’au théâtre il suffit parfois d’oser. Encore faut-il avoir des comédiens à la hauteur, capables de jouer très près du public, c’est-à-dire sans filet. Petit miracle : aucune fausse note, l’équilibre n’est jamais rompu. Dans ce dispositif émouvant de sincérité et impressionnant d’efficacité, Louve Reiniche-Larroche se montre assez bluffante lors du monologue final de Jess, l’acheteuse compulsive idéaliste. Il ne reste qu’à souhaiter longue vie à ce spectacle et espérer qu’il rencontrera l’audience qu’il mérite. Fabrice Chêne Les Trois Coups.com 9 ► EXTRAIT VAL : Je ne crois plus en Dieu. DAVID : Non ? VAL : Non. N’est-ce pas Paul ? PAUL : C’est sûr que non. VAL : Et à quoi je crois désormais, Paul ? PAUL : Au fric. VAL : A l’argent. Je crois à l’argent. David. C’est mon truc maintenant. David. Et de la même façon qu’une plante prend de l’oxygène et des nutriments et se sert de la photosynthèse pour transformer la lumière du soleil en énergie, je prends des clients et des employés et je me sers du travail acharné pour produire du fric, putain. Je suis une photosynthétiseuse de fric. Un temps. Paul ? Paul lui passe un formulaire de candidature. Elle le passe à David. Il faut que tu remplisses ça maintenant, David. DAVID : Ok. VAL : Je sais déjà ce que tu sais faire et quelle formation tu as mais il faut quand même que tu le remplisses parce que – DAVID : Parce qu’il faut que je le remplisse. VAL : Parce qu’il faut que tu le remplisses, bien sûr. Donc, on peut te faire débuter au dépôt et – DAVID : Au dépôt ? VAL : Oui. Pause. Tu pensais être tout de suite à la vente ? DAVID : Eh bien. Je… je pensais que… VAL : Mais tu n’as aucune expérience dans la vente. DAVID : C’est pour ça que je suis venu te voir. Écoute, je ne m’attends pas à ce que tu me fasses de faveur. VAL : Je te fais une faveur. DAVID : Oui, pardon. Mais je pensais… Pause. Je veux dire je pensais pouvoir décrocher quelque chose… 10 VAL : Tu ne pensais pas à ici ? PAUL : Ici ? VAL : Dans l’encadrement ? DAVID : Je ne sais pas ce que je pensais, je pensais (il remarque quelque chose sur le formulaire) mon Dieu, je ne peux pas vivre avec ça. VAL : C’est peu. DAVID : Val, je ne peux pas – VAL : C’est un salaire de départ. PAUL : Une fois passé commercial. Je conduis une Audi. DAVID : C’est moins que ce que je gagne. VAL : C’est un salaire de départ, mais une fois passé commercial – DAVID : J’ai besoin d’argent tout de suite. VAL : Il y a un système d’échelon, on est obligé de te faire débuter au deuxième échelon. DAVID : Tu as débuté à quel échelon ? VAL : Au cinquième. Mais j’ai une licence d’études commerciales. DAVID : J’ai une licence. VAL : De lettres. Tu as une licence de lettres, David. C’est la seule façon, n’est-ce pas Paul ? PAUL : La seule façon. DAVID : Tu as débuté où ? PAUL : Au cinquième échelon. VAL : Mais c’est différent. Dennis Kelly, Love & Money, Scène 3 11 ► LE COLLECTIF Les Âmes Visibles se rencontrent pour la plupart en 2009 au Cours Florent, dans la classe de Suzanne Marrot. Ils jouent Pinter, Bond, Barker, montent un spectacle sur le théâtre anglais sous Margaret Thatcher, et apprennent ce que travailler ensemble veut dire. L’année suivante, dans le cadre de leurs travaux de fin d’études, ils montent leurs propres spectacles : Viol, de Botho Strauss, mis en scène par Marine Reiland ; On Purge (Bébé) !, de Georges Feydeau, mis en scène par Pauline Raineri ; Mein Kampf (Farce), enfin, de George Tabori, mis en scène par Makita Samba. Ils sortent de l’école en juin 2011, avec l’envie de faire vivre et grandir ces spectacles, d’en créer d’autres, de poursuivre cette aventure commune, mais aussi de rencontrer d’autres comédiennes et comédiens. Alors ils fondent Les Âmes Visibles en octobre 2011. Un collectif, et non une compagnie, avec la volonté de permettre à chacun d’exprimer sa propre sensibilité, mais toujours pour se mettre au service du groupe. On Purge (Bébé) ! est le premier spectacle à sortir de l’école. Il est joué une centaine de fois à Paris entre septembre 2011 et juin 2012, et est en tournée depuis. En novembre 2012, le collectif reprend Mein Kampf (Farce). Le spectacle est ensuite programmé au Théâtre Douze, en janvier et février 2014. Love & Money, créé au Théâtre Confluences en mai 2013, est le troisième spectacle du collectif. Il sera repris en avril 2015 au Théâtre Le Hublot à Colombes. Pour la saison 2015/2016, le collectif prépare Ce qui évolue, ce qui demeure, d’Howard Barker. 12 ► NOS AUTRES SPECTACLES ON PURGE (BÉBÉ) / GEORGES FEYDEAU Mise en scène Pauline Raineri C'est l'histoire d'un couple qui ne fonctionne plus. Ou encore, d'un enfant roi, qui ne veut pas se purger et rend sa mère hystérique. Ou d'un mari déchu. D'un invité perdu. Non, c'est l'histoire de Rose, la bonne, qui décide de partir, de voir le monde qu'elle a côtoyé, mais de l'autre côté. « Une bénédiction qui force sourire et bonne humeur. » Théâtres.com « Ce tourbillon d’absurde procure, grâce au talent à l’inventivité de ce jeune collectif, un réel plaisir. » Les Trois Coups « Il fallait oser dépoussiérer une œuvre de Feydeau sans que cela tombe dans du déjà vu. Pari réussi ! » Polemic MEIN KAMPF (FARCE) / GEORGE TABORI Mise en scène Makita Samba La Rue du Sang, à Vienne, dans les années 1900 et quelques. Shlomo Herzl, un vieux Juif vendeur de Bibles et de Kama Sutra, bavarde avec Dieu et se rêve en nouveau prophète. Dans son asile de nuit pour clochards et mendiants, il s’attèle à la rédaction de son chef-d’œuvre, dont il n’a pour l’instant que le titre : « Mein Kampf ». Ce livre sera son combat, sa bible pour un monde meilleur. Surgit alors un jeune homme tout droit venu de Braunau-sur-Inn, un peintre sans talent qui s'apprête à tenter le concours d'entrée aux Beaux-Arts. Un dénommé Hitler, personnage bavard et grossier, paranoïaque et vaniteux, pas encore nazi, mais de plus en plus antisémite. Peut-on aimer son ennemi comme soi-même ? Shlomo pourrait voir le danger venir. Mais persuadé qu'il y a du bon en chacun, il ne verra dans le jeune Hitler qu'un homme comme lui, persuadé d’avoir une grande destinée, mais terrifié à l'idée d'échouer. Il le nourrira, le soignera, le consolera, l'arrachera à la Mort et l'aidera à accomplir son destin. « Mise en scène et interprétation sont à la hauteur de ce chef-d’œuvre d’humanisme et d’humour noir. Drôle et terrifiant à la fois. » Les Trois Coups « Les comédiens sont parfaits de bout en bout. Pas une fausse note, des tirades impressionnantes sans l’ombre d’une hésitation, et un public que l’Histoire prend dans ses bras. » Cultures-J 13 ► GÉNÉRIQUE LOVE AND MONEY texte Dennis Kelly traduction Philippe Le Moine et Francis Aïqui l’Arche est agent et éditeur du texte représenté création Confluences | 21, 22 & 23 Mai 2013 mise en scène Alexandre Lhomme un spectacle du collectif Les Âmes Visibles avec Jess | Louve Reiniche-Larroche David | Maxime Lafay Sandrine, Debbie | Pauline Raineri La Mère, Val | Laura Bélorgey Paul, Duncan | Teddy Atlani Le Père, le Docteur | Alexandre Lhomme photo de couverture du dossier Éric Mariette contact production Alexandre Lhomme | 06.37.67.52.80 | [email protected] Retrouvez-nous sur : www.lesamesvisibles.com www.facebook.com/lesamesvisibles www.twitter.com/LesAmesVisibles 14