MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES de l’AUTO-IMMUNITÉ Une maladie auto-immune est caractérisée par une réponse immunitaire dirigée contre un ou plusieurs constituants de l’organisme. Elle implique : Immunité adaptative (LT et LB) Un ou plusieurs auto-antigènes Les différents acteurs de la RI Prévalence totale (en groupant toutes les MAI) = 5-7% en France, 3e cause de mortalité dans les pays développés Certaines maladies peuvent concerner de 0,5 à 1% de la population alors que d’autres sont très rares (10-6) - Femmes > Hommes (en général) - Adultes, plutôt jeunes (en général) - Inflammation chronique o Très nombreuses pathologies différentes o Evolution infra-clinique o Evolution variable, progression par poussées o Début variable : insidieux, brutal - Santé publique : o Prévalence totale o Chronicité o Morbidité, mortalité o Coût des traitements (biothérapies++) Elles sont classées en 2 grandes catégories : fonction de la distribution des auto-Ag - Les MAI spécifiques d’organes (les auto-Ag sont dérivés de protéines ayant une expression tissulaire restreinte) : o Thyroïdites auto-immunes o Hépatites auto-immunes o Diabète auto-immun o Sclérose en plaques - Les MAI non spécifiques d’organes (les auto-Ag sont dérivés de protéines ubiquitaires, souvent nucléaires) : o Lupus Erythémateux o Polyarthrite Rhumatoïde o Syndrome de Gougerot-Sjögren o Sclérodermies o Vascularites… → Nombreuses associations de MAI ! 1. La Tolérance Immunitaire - Propriété du SI de ne pas attaquer (tolérer) les composants du soi - L’auto-réactivité est une propriété intrinsèque du SI adaptatif, liée aux mécanismes de recombinaison génétique aléatoire des gènes des Ig et du TCR Tolérance centrale : mécanismes de tolérance associés au développement des Lymphocytes dans les organes primaires (LyB→Moelle osseuse et LyT→Thymus) Tolérance périphérique : mécanismes de tolérance intervenant au niveau des lymphocytes matures tous les individus sains possèdent des LB et LT exprimant des récepteurs antigéniques reconnaissant le soi avec une faible affinité Auto-immunité ≠ Auto-réactivité L’auto-immunité résulte d’une rupture de tolérance immunitaire ; l’auto-réactivité existe chez tous les individus sains Dans la majeure partie des cas, les causes sont multifactorielles : Susceptibilité génétique Facteurs environnementaux (iatrogène, infectieux, polluants…) Principaux mécanismes de tolérance Type de tolérance Centrale (thymus, MO) Périphérique Anergie périphérique Lymphocytes régulateurs Ignorance Sites immuno-privilégiés I- Mécanismes Délétion clonale (LyT et LyB), Révision du répertoire / anergie (LyB) Inactivation par absence de co-stimulation Cytokines inhibitrices Induction de DC tolérogènes Lyse des effecteurs… Ségrégation des Ags par barrière anatomique (ex : œil) Lyse des Ly activés (Fas/FasL) Génétique des MAI On parle ici de prédisposition génétique et non de mutations altérant la fonction d’un gène, c’est-àdire de polymorphisme = variation normale du génome entre individus qui font que certains gènes s’expriment différemment selon les individus - - II- Concordance très variable entre jumeaux monozygotes (15 à 75%) Maladies multigéniques et interactions hôte-environnement Susceptibilité génétique : nombreux loci prédisposants identifiés HLA I et II +++ (surtout classe II) Cytokines et récepteurs Régulation de la réponse immunitaire PTPN22 : phosphatase lymphocytaire Modèles animaux surtout CTLA-4 (inhibe LT) Apoptose Les mêmes gènes peuvent prédisposer à différentes MAI Gènes protecteurs Associations HLA-MAI Rôle des LyT Défaut de tolérance centrale ? Le système HLA est impliqué dans l’activation des LyT, l’hypothèse qui est faite (mais rarement démontrée) est que les polymorphismes du HLA impliquent un défaut de tolérance centrale. Le même haplotype HLA prédispose potentiellement à des pathologies différentes. Ex : HLA B27 impliqué dans les spondylarthropathies (spondylarthrite ankylosante) mais aussi dans l’uvéite antérieure Il y a une grande hétérogénéité des risques relatifs. Ex : Myasthénie, l’haplotype DR3 est prédisposant avec un risque relatif de 2,5. Pour HLA B27 , il est de 87,4 (plus forte prédisposition génétique connue à une MAI) Il n’y a pas d’application clinique à ces prédispositions génétiques dans 99% cas (sauf SPA avec HLA B27, faisant parti du diagnostic et dans la maladie coeliaque). III- Maladies Monogéniques Ce sont des cas rares et atypiques, il n’y a plus de polymorphisme d’un gène qui prédispose mais une mutation dans un gène qui invalide l’expression de ce gène et qui cause la maladie - Défaut de tolérance centrale par exemple : Déficit en AIRE (Auti-Imune Regulator) facteur de transcription nécessaire à la sélection négative dans le thymus Défaut de tolérance centrale syndrome APECED « polyendocrinopathie auto-immune de type 1 » o Candidose cutanéomuqeuse chronique, hyperparathyroïdie et insuffisance surrénalienne o Cas d’une maladie auto-immune (rare) monogénique - Défaut de tolérance périphérique par exemple : o Mutation du gène FOXP3 = facteur de transcription nécessaire à la germination des LyT régulateurs fonctionnels (LyT régulateurs absents ou non fonctionnels) o Syndrome IPEX = dérégulation immunitaire, polyendocrinopathie, enthéropathie liée à l’X o Cas d’une maladie auto-immune (rare) monogénique. IV- Facteurs Exogènes Causes iatrogènes induites par les médicaments et spontanément réversibles à l’arrêt du traitement α-methyl-DOPA, D-penicillamine, Hydralazine - Facteurs environnementaux : o Tabac, silice, métaux lourds, rayons UV… o Flore commensale digestive : alimentation ? - Infections : o EBV, CMV, VZV, Coxsackie B, Mycoplasma Pneumoniae… o Rôle des produits microbiens, des cellules dendritiques et de la co-stimulation - V- Déclenchement des MAI Mimétisme moléculaire : un agent pathogène présente parmi ses constituants des analogies de structure très importantes avec des composants de l’organisme humain, déclenchant une RI contre cet agent pathogène. Mais sa structure est proche de celle des auto-Ags, il va y a avoir une RI qui va dériver d’une réponse anti-infectieuse normale à une réponse auto-immune. Rhumatisme articulaire aigu à distance d’une infection à streptocoques Syndrome de Guillain Barré (Campilobacter jejuni, CMV, EBV), Sclérose en plaque, Diabète AI ? Modification des auto-Ags = par exemple certains médicaments dans la circulation vont se lier à des protéines (auto-Ag) circulantes ou exprimées à la surface des cellules modifiant sa structure → modifications posttraductionelles → cette protéine n’est plus considérée comme un auto-Ag mais comme un néo-Ag envers lequel il n’y a pas de tolérance établie → attaque du SI Polyarthrite rhumatoïde Libération d’Ags séquestrés (phénomène d’ignorance de la tolérance immunitaire) les Ag ne sont pas accessibles au SI, il n’y a pas de tolérance mais normalement ils ne se rencontrent jamais Ophtalmie sympathique : uvéite avec atteinte traumatique au niveau d’un œil qui va déclencher une atteinte bilatérale des yeux car les Ag présents dans l’œil traumatisé normalement non accessibles au SI sont libérés et reconnus, il n’y a pas de tolérance, le SI attaque) Activation polyclonale de lymphocytes auto-réactifs : normalement les Ly sont activés de façon spécifique par un Ag donné, mais il existe des situations où ils peuvent être activés par un grand nombre de lymphocytes en même temps → implication des superantigènes bactériens pouvant activer 10 à 20% des LyT Infection des CPA (cellules dendritiques essentiellement) par le biais d’une sécrétion trop importante de cytokines activatrices (interférons) ce qui déclenche une MAI → Ces processus peuvent déclencher une MAI chez un individu prédisposé, susceptible, présentant un : Défaut de tolérance centrale Défaut de tolérance périphérique (cytokine, apoptose, récepteurs…) VI- Physiopathologie des MAI Elles impliquent les acteurs classiques de la RI, en particulier les LyB et LyT Les effecteurs pathogéniques « initiaux » sont les anticorps et/ou les LT Modèles animaux, transfert de la maladie par le sérum ou les lymphocytes. (Schéma) Le LyB est une CPA et joue un rôle dans l’activation des LyT auto-réactifs, mais pour que le LyB soit activé et se différencie en plasmocyte (produisant les Ac), il faut que le LyT activé l’active en retour donc l’activation des LyT auto-réactifs et LyB auto-réactif produit des auto-Ac Qu’est ce qui est pathogénique ? Quels sont les effecteurs sui provoquent les lésions tissulaires ? Toutes les situations sont possibles, LyT pathogéniques, Anticorps pathogéniques, ou les deux. - Les auto-anticorps ne sont pas toujours pathogéniques mais sont utiles pour le diagnostic. Les auto-anticorps IgG pathogéniques peuvent être transmis au fœtus Myasthénie Sjögren Maladie de Basedow… Pathologie Lupus Diabète Myasthénie Lymphocytes T Pathogéniques Aide au LyB Pathogéniques Lymphocytes B Présentation Ag Production Ac Présentation Ag Production Ac Anticorps Pathogéniques Pathogéniques Ex : Diabète, les LyT attaquent le pancréas, mais les LB interviennent en activant les LT La myasthénie est provoquée par les auto-anticorps (mais LyT interviennent) Lupus : tout intervient VII- Mécanismes effecteurs des auto-anticorps a) Anticorps anti-récepteurs membranaires (Hypersensibilité de type II) Anémie hémolytique : - les auto-Ac sont exprimés contre les protéines membranaires des globules rouges - ils se fixent à leur Ag à la surface → Destruction par le complément du GR et opsonisation par les cellules phagocytaires Thyroïdite (Basedow) : - commence comme une hyperthyroïdie et évolue en hypothyroïdie - des auto-Ac sont dirigés contre les récepteurs de la TSH à la surface des cellules thyroïdienne → effet « agoniste » en se fixant ils stimulent la production d’hormones thyroïdiennes par la cellule → production incontrôlée d’hormones thyroïdiennes - qui se termine par un défaut de production Myasthénie : → Effet « antagoniste » des auto-Ac sur les récepteurs à l’Acétylcholine → bloque la transmission neuro-musculaire b) Anticorps anti-antigènes solubles (Hypersensibilité de type III) Les auto-Ac sont dirigés contre des Ag solubles - ex : Lupus o formation de complexes immuns qui vont grossir et ne pas être éliminés par le SI o ils vont s’accumuler dans les tissus et déclencher une activation du SI inné o activation complément et recrutement PNN donnant les lésions. c) Mécanismes effecteurs des lymphocytes T (Hypersensibilité de type IV) - Action « classique » cytotoxique des LyT qui vont reconnaître leur auto-Ag, présenté à la surface cellulaire dans le contexte des molécules HLA Diabète AI, sclérose en plaque VIII- Chronicité de la réponse auto-immune Liée à l’absence d’élimination de l’auto-Ag - Les destructions tissulaires amplifient la réponse inflammatoire : o Recrutement de phagocytes, activation du complément - Les destructions tissulaires diversifient la réponse auto-immunitaire : o Libération de néo-auto-Ags o Création d’auto-Ags cryptiques non tolérés o Diversification antigénique et activation de nombreux lymphocytes auto-réactifs IX- Points à retenir +++ L’auto-immunité résulte d’une rupture de tolérance au soi, elle implique : Auto-antigènes Lymphocytes B et Lymphocytes T auto-réactifs Les mécanismes effecteurs sont similaires à ceux d’une réponse anti-infectieuse Effet pathogène directement lié aux anticorps et/ou au LyT Les MAI apparaissent chez des individus prédisposés (HLA++) en présence d’agents modificateurs et/ou déclencheurs : Infections ++, polluants… Les MAI peuvent être associées, et il existe des facteurs prédisposant communs à différentes MAI La compréhension des mécanismes physiopathologiques est importante pour le diagnostic, le pronostic, le suivi et le traitement des MAI.