et, même si elle le pouvait, l’égalité d’accès au soin préviendrait toute modulation des
cotisations. Il est donc possible que les dispositifs de prévention et de soin offerts sur le
marché de la santé aient un impact sur les comportements alimentaires des individus. Ceci
constitue, pour les économistes néo-classiques, une des principales justification normative à
l’intervention publique (Strnad, 2005).3 Le coût social des comportements alimentaires n’est
en revanche pas démontré, car il faudrait parvenir à chiffrer les bénéfices qu’ils génèrent pour
le secteur agro-alimentaire (y compris la restauration). Les asymétries d’information
fournissent une deuxième justification normative à l’intervention publique. Elles sont dues au
manque de connaissances génériques des consommateurs quant à la relation alimentation-
santé, ainsi qu’au manque d’information sur le contenu nutritionnel des aliments. Enfin,
l’existence de biais systématiques, dans la prise de décision, non corrigibles par l’éducation
ou l’expérience, constitue un troisième motif d’intervention. La littérature montre que ces
biais sont nombreux (Chandon et Etilé, 2010). Les consommateurs ont des préférences
instables, manipulables, impulsives, sensibles aux stimuli externes. Nous citerons ici d’autres
travaux qui montrent que, de surcroît, la forme et le volume des contenants peuvent
augmenter significativement les quantités consommées, comme si la perception du contenant
court-circuitait les signaux internes, physiologiques, du rassasiement et de la satiété.
Ces trois justifications normatives structurent le débat théorique et les recherches empiriques,
en économie, sur l’opportunité, les modalités, le coût et l’efficacité des politiques
nutritionnelles (Blaylock et al., 1999, Lakdawalla et Philipson, 2006, Cawley, 2006,
Loewenstein et al., 2007). Ce cadre d’analyse est également présent, aux Etats-Unis, dans des
articles de santé publique (voir entre autres Finkelstein et al., 2004, Finkelstein et al., 2005,
Kim et Kawachi, 2006). Cependant, les promoteurs de la santé publique restent le plus
souvent attachés aux fondements d’une rationalité politique plus traditionnelle, qui ne fait pas
du comportement de l’homo oeconomicus un idéal à réaliser, mais se concentre sur la
réduction des risques encourus par les individus. Cette approche situe la source du risque non
dans la décision individuelle de consommateurs souverains, mais dans l’environnement
d’achat et de consommation (cf. pour une illustration Nestle et Jacobson, 2000).
3 Peu de résultats soutiennent cette hypothèse. On trouve ainsi, sur données américaines, que le fait d’être assuré
augmente le risque d’obésité, mais l’association entre générosité de l’assurance et IMC n’est pas significative
(Bhattacharya et al., 2009). Par ailleurs, les progrès techniques dans la médication du diabète ne se sont pas
traduit par un relâchement des efforts de prévention fourni par les personnes diabétiques en matière de régime
alimentaire (Kahn, 1999). L’offre de soin, en particulier de médecins généralistes, par ses effets préventif, peut
même contribuer à la prévention de l’obésité (Loureiro et Nayga, 2006, Morris et Gravelle, 2008).