
Dossier : Finances Publiques
60 •Sociétal n°62
des cycles économiques, lorsque la croissance est suffisamment solide pour qu’une
politique budgétaire restrictive n’entraîne pas une hausse du chômage. Il faut d’abord
soutenir la croissance ;les déficits et la dette diminueront alors automatiquement.
FE – Depuis 1990, la dette publique a augmenté de 31 points de PIB en France et
de 15 points, en moyenne,dans la zone euro (de 25 points en Allemagne en dépit du
coût de sa réunification)2.La croissance du PIB n’explique pas cette contre-perfor-
mance française :elle a été identique en moyenne annuelle (2 %) en France et dans
l’ensemble de la zone euro sur cette période (et de seulement 1,5 % en Allemagne).
Le calcul d’un déficit structurel permet de neutraliser l’impact des variations conjonc-
turelles du PIB sur le déficit public. En 2007, ce déficit structurel était égal à 2,9 %
du PIB en France,contre 0,2 % du PIB dans la zone euro (hors France) et 0,3 % en
Allemagne3.
Le déficit français ne résulte donc pas d’une croissance inférieure à celle de nos voi-
sins, sur le long terme comme sur les années les plus récentes.
Une croissance plus fortefaciliterait évidemmentl’assainissement des comptes
publics, mais nos gouvernements en font trop souvent, à tort, un préalable à la remise
en ordre des finances publiques, si bien qu’il ne paraît jamais opportun de réduire les
déficits :quand la conjoncture est mauvaise,il ne faut pas l’aggraver ;quand elle est
bonne,il ne faut pas casser une reprise toujours fragile.
Il est vrai que la théorie keynésienne a toujours une certaine validité et qu’une réduc-
tiondudéficitpeut avoirunimpact négatif,temporaire, sur la croissance. Il est
toutefois aussi vrai que d’autres approches théoriques et l’expérience de politiques
ambitieuses d’assainissement des comptes publics menées dans certains pays (Suède,
Canada…) ont montré que ces effets keynésiens doivent être relativisés. Ils sont pro-
bablement très faibles lorsque la dette publique est déjà très importante,les ménages
et chefs d’entreprise étant alors plus nombreux à anticiper une politique de rigueur
et à compenser le déficit public par une épargne privée4.
Dans la situationactuelle de l’économie française,caractérisée par une dette élevée,
un chômageprochedeson niveau structurel et une conjonctureaffaiblie par un choc
2. Engagements financiers bruts des administrations publiques calculés par l’OCDE (Perspectiveséconomiques,
juin 2008).
3. Rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2008.
4. Pour plus de précisions sur les approches keynésiennes et non keynésiennes,voir J. Creel,B. Ducoudré,C. Mathieu
et H. Sterdyniak, «Doit-on oublier la politique budgétaire?»,revue de l’OFCE,2005 ;etF. Ecalle, Maîtriser les
finances publiques ;pourquoi, comment ?,Economica, 2005.