J.C. : Ce cadrage était pourtant bien réel…
P.S. : Oui. Le premier week-end, nous avons choisi un certain nombre d’experts pour poser le cadre : pour
présenter l’approche de Territoire à Energie Positive (TEPOS) adoptée par la Province de Luxembourg, qui propose
d’atteindre à l’horizon 2050 un bilan carbone nul en matière énergétique, en mettant notamment l’accent sur le
développement local, l’indépendance énergétique et la participation des citoyens. En dehors de cela, nous avions
établi une liste d’experts consultables en fonction de choix thématiques à opérer par les citoyens eux-mêmes. Ils
en ont assez clairement distingué quatre : l’agriculture et l’alimentation, l’habitat, la mobilité et les politiques
publiques locales. Ce qui nous a permis de convoquer les experts concernés pour le second week-end. Cette
première sélection par consensus a probablement écarté du débat, j’en suis conscient, certaines thématiques
minoritaires que certains participants auraient souhaités explorer.
J.C. : Comme par exemple… ?
P.S. : Notamment celle qui avait été évoquée dès le premier week-end et qui touchait à tout ce qui tournait autour
de l’adaptation aux changements climatiques (NDLR : L’adaptation et l’atténuation sont les deux champs d’actions
climatiques définis par le GIEC). Le choix de départ de rester dans le cadre de TEPOS faisait de ce débat important
une des limites de l’exercice.
J.C. : Et non des moindres, puisque la part d’efforts consacrés à l’adaptation aux changements
climatiques a été l’un des grands sujets de discorde lors de la récente COP21 !
P.S. : C’est vrai. Mais vous conviendrez avec moi que la question de l’adaptation concerne de plus près les zones
côtières et les pays du sud (NDRL : plus exposés à la montée des eaux notamment), et moins les régions comme la
Province de Luxembourg.
J.C. : L’objectif de l’expérience vise à « alimenter l’action politique en propositions citoyennes neuves
et originales afin de soutenir les ambitions environnementales de la Province ». Pouvait-on réellement
imaginer qu’une poignée de citoyens « ordinaires » puissent, en trois week-ends, faire émerger des
pistes nouvelles auxquelles des experts qui s’y consacrent depuis près de 30 ans n’auraient pas
pensé ?
P.S. : La littérature sur les expériences participatives montre que lorsque vous amenez des citoyens ‘ordinaires’ à
se prononcer sur une question, ils ouvrent en général le débat sur des dimensions que, souvent, les experts
négligent. Ils vont par exemple faire des liens entre des problématiques que l’expert spécialisé, du fait
précisément de sa spécialisation, n’est pas amener à établir. Comme de lier des questions d’alimentation avec des
questions de mobilité. Ils vont aussi souvent mettre en avant des solutions pour lesquelles les valeurs d’équité et
d’inclusivité sont prédominantes (NDLR : recherche de solutions équitables et qui évitent l’exclusion sociale), alors
que ces valeurs ne sont souvent qu’accessoires pour l’expert, pris dans la complexité de la réflexion qu’il mène.
Or, on se rend compte aujourd’hui que, la question qui se pose à tous en matière de changement climatique, n’est
pas tant liée à la quantité de science, mais à la manière de connecter une dynamique sociale qui est la nôtre à
celle, techno-scientifique, que propose le GIEC. Les trois week-ends consacrés à la question du climat par le
Parlement citoyen, ont permis aux participants de s’engager - tout en développant des compétences - sur des
actions à mener concrètement dans le cadre de situations qu’ils peuvent maîtriser eux-mêmes. Ils savent par
exemple qu’ils ont très peu de prise sur l’organisation des transports publics dans le cadre d’une Province dont la
situation en termes de mobilité est très particulière. Par contre, l’approche via une centrale de mobilité pour leurs
besoins individuels leur semble un levier nettement plus approprié. Parce que là, il y a une potentialité sur laquelle
ils peuvent agir.