Les débuts de la Révolution industrielle
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Dès le Moyen Âge, les paysans et les artisans ont développé de nouvelles techniques pour
produire davantage de richesses avec moins de peine : moulin à eau et à vent, jachère agricole, etc.
Mais dès la fin du XVIIe siècle, les innovations techniques se multiplient, les changements deviennent
rapides, une invention en appelant une autre, et avec la mise au point par l’anglais James Watt de la
machine à vapeur en 1769, on peut parler de révolution industrielle. Mécanisation, concentration
des usines et des ouvriers, essor de la machine à vapeur et de la métallurgie, rôle nouveau de la
banque, accélération des transports et triomphe du chemin de fer, tout cela caractérise assez
sommairement les débuts de la Révolution industrielle.
I Le développement de la technique permet la Révolution industrielle
La machine à vapeur permet d’actionner automatiquement de puissantes machines dans les
mines comme dans les ateliers de tissage. Au début, elle fonctionne avec du charbon de bois. Mais
bientôt, le bois ne suffit plus, et l’on utilise le charbon du sous-sol pour satisfaire aux besoins
d’énergie de l’industrie. Riches en gisements houillers, l’Angleterre, la Belgique et l’Allemagne (la
vallée de la Ruhr) prennent une certaine avance dans l’industrialisation.
La locomotive ayant été inventée en 1813 par Stephenson, la première ligne commerciale de
chemin de fer est ouverte en 1830 entre Manchester et Liverpool, pour le transport des
marchandises et des passagers. Les chemins de fer prennent alors un immense essor dans toute
l’Europe et aux Etats-Unis.
En 1856, l’invention d’un four innovant par l’Allemand Bessemer permet la production
d’acier en grande quantité et à bas prix. Cette nouvelle invention stimule la sidérurgie, c'est-à-dire la
production d’acier, et l’industrie mécanique : fabrication de machines-outils, de rails, de locomotives,
d’armements, etc.
Le commerce maritime trouve un nouveau souffle avec la multiplication des bateaux à
vapeur et l’ouverture des canaux transocéaniques : le canal de Suez permet à partir de 1869 de
passer directement de la Méditerranée à l’océan Indien ; à partir de 1914, le canal de Panama évite
aux navires de contourner le continent américain pour passer du Pacifique à l’Atlantique.
Au tournant du siècle, entre 1890 et 1910 apparaissent l’automobile, le cinéma, l’aviation.
Albert Einstein découvre la théorie de la relativité, Pierre et Marie Curie les propriétés de l’uranium.
Un nouveau monde émerge.
Avec la mécanisation, les ateliers artisanaux traditionnels sont peu à peu remplacés par de
grandes usines travaillent des dizaines, des centaines, voire des milliers d’ouvriers soumis à une
discipline de fer. Car pour développer leur activité et affronter avec succès leurs concurrents, les
chefs d’entreprise s’efforcent de fabriquer leurs produits à un coût aussi bas que possible. Pour cela,
ils compriment les salaires de leurs ouvriers et s’efforcent d’améliorer la productivité, c'est-à-dire le
nombre de produits fabriqués en un temps donné. Du fait des inventions techniques comme
l’électricité et d’une organisation rigoureuse du travail, la productivité de l’industrie progresse très
vite au cours du XIXe siècle en Europe et aux Etats-Unis.
A la veille de la guerre de 1914-1918, un constructeur américain d’automobiles, John Ford, a
l’idée de diviser chaque tâche en une succession d’opérations très simples, chaque opération étant
confiée à un ouvrier. Ainsi aucun ouvrier ne perd de temps à passer d’une opération à une autre.
Cette organisation du travail appelée « taylorisation », du nom de l’ingénieur Taylor qui en a eu
l’idée, facilite aussi l’emploi de personnes sans qualification venues du monde rural ou des
faubourgs. Quelques minutes suffisent parfois pour former un ouvrier à son travail.
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II La place de la France dans les débuts de la Révolution industrielle
Avant 1789, dans toute l’Europe, la langue française était la langue des élites, jusqu’en
Turquie et en Russie. Le royaume de France était le pays le plus riche, la première puissance
économique (loin devant l’Angleterre) et militaire du monde. La Royale et le corps expéditionnaire de
Rochambeau ont battu les Anglais. Dans une somme consacrée à la gloire de la Royal Navy, To Rule
the Waves, Hodder, Londres, 2004, p.554, l’historien anglais Arthur Herman constate, que l’art de la
construction navale était en France, à cette époque, considéré comme le meilleur du monde. Des
canons légers et maniables mis au point en 1776 allaient dominer les champs de batailles jusqu’en
1815. On sait aussi grâce à des historiens britanniques : Peter Mathias, Patrick O’Brien et Calgar
Keyder notamment, que la France était aussi la première puissance industrielle, que notre industrie
progressait presque deux fois plus vite que l’anglaise. En 1786, est le traité Eden de libre-échange,
signé avec Londres, amorçait la première mondialisation des temps modernes. La pression fiscale n’a
cessé de diminuer depuis Louis XIII et la dépense publique est l’une des plus basses d’Europe. Peut-
être 3 ou 4% du PIB contre 55% en 2007. La liberté économique est peu entravée par les
corporations, abolies par Turgot, puis mollement rétablies, mais bien moins contraignantes qu’à
l’époque de Colbert. La France est aussi le pays le plus instruit et de loin le premier pays pour la
science et la technique. Buffon et Lamarck s’imposent dans les sciences de la nature. En moins de
quinze ans, la France invente à la fois l’automobile (dont on peut voir un exemplaire construit par
Cugnot, datant de 1771, au musée des Arts et Métiers à Paris), le bateau à vapeur (en 1780, Jouffroy
d’Abbans remonte la Saône à Lyon avec le premier bateau à vapeur) et le transport aérien. Entre
1777 et 1781, Lavoisier, financier et savant, analyse l’air et l’eau pour la première fois. En 1783,
devant Louis XVI à Versailles, s’élève pour la première fois un ballon emportant des êtres vivants. Le
premier décembre, des hommes s’envolent du parc des Tuileries dans un ballon à hydrogène. Deux
ans plus tard, le français Jean-Pierre Blanchard traverse le premier la Manche en ballon, de Douvres à
Calais. Mais ce capital va être détruit en quelques années. Après Aboukir et Trafalgar, la marine qui a
gagné la guerre d’Amérique est anéantie. Jamais plus la Royale ne dominera les mers comme elle
l’avait fait de l’Amérique à l’Inde. Après Waterloo, la France s’est mutilée et perd pour toujours son
statut de superpuissance. Alors qu’il n’y avait pas eu d’invasion de la France entre 1712 et 1792, il
faudra de nouveau entourer Paris de murs à partir de 1840. Après le ruineux blocus continental, elle
ne sera plus jamais la première puissance économique.
Cette rupture historique s’explique par le fait que la Révolution ne s’est pas faite au profit
des entrepreneurs, commerçants, financiers et industriels, dont beaucoup furent guillotinés, mais
surtout au bénéfice des propriétaires fonciers, petits et grands. Cette idée fut reprise dans les années
soixante par François Furet et Denis Richet.
Des statistiques illustrent le fait que la France n’est plus la première puissance européenne.
La première statistique concerne la longueur des chemins de fer dans le monde, qui a centuplé de
1840 à 1900. Les Etats-Unis en ont toujours détenu la moitié. L’Angleterre, qui possédait en 1840 un
réseau sextuple du français, a tenu le premier rang européen, puis le second quand l’Allemagne (plus
vaste) l’a dépassé vers 1870-1880 ; la France venait loin derrière, et la Russie la dépassa même en
1900 (mais les distances y sont toutes autres!). Car, comme l’ensemble de son démarrage industriel,
le démarrage ferroviaire de la France a été tardif : en gros, le Second Empire. Une seconde série de
statistiques est tirée d’une publication de la S.D.N., qui en 1945, fournissait une estimation de la
répartition (en valeur) de la production industrielle mondiale. L’Angleterre figura longtemps au
premier rang ; en 1870, elle produisait encore 31 à 32% de l’industrie mondiale. La France, trois fois
moins, en tenant alors le quatrième rang. Dès 1885, les Etats-Unis figurent en tête, et l’Allemagne
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dépasse l’Angleterre à partir de 1905. En 1913, l’industrie française n’assure plus que 6,4% de cette
production. La Russie la talonne. Angleterre et Allemagne produisent chacune plus du double, et déjà
les Etats-Unis écrasent le reste du monde, égalant à eux-seuls les trois grands pays européens
additionnés.
Si la production de charbon a presque triplé en France, elle demeure en 1870 huit fois plus
faible que l’anglaise, trois fois moins que l’allemande ou l’américaine. Le même progrès retardé
affecte la production de la fonte et de l’acier, qui a pourtant triplé, si bien que le pays n’importe plus
ses rails d’outre-Manche. De toute manière, le secteur métallurgique ne concentre alors que 250 000
ouvriers alors que le textile, confection comprise, en rassemble plus de deux millions. Les Français
sont restés très majoritairement des paysans (69% au recensement de 1866) qui produisent près de
la moitié du revenu national, contre 30% seulement à l’industrie, le textile domine toujours,
comme sous l’Ancien régime, mais avec le coton au premier plan. Il ne s’agit donc encore que de
l’amorce de la Révolution industrielle.
Ces chiffres mettent en relief le glissement de la France de performances excellentes vers des
performances honorables. Cependant, dans le présent du XIXe siècle, cette évolution était peu
visible, le pays restait fier de lui, de sa gloire passée, des exemples qu’il pensait avoir donnés au
monde. Sa solide armature paysanne, sa richesse en or, la fermeté de sa monnaie, son poids
diplomatique et croyait-on militaire, un Empire colonial renaissant, et le rôle toujours brillant joué
depuis Louis XIV par sa littérature, ses arts, sa langue dans les élites de partout, le rayonnement
encore mondial de Paris lui conféraient une solide réputation, entamée cependant pour un moment
par la déroute finale de Napoléon III.
Ce n’est donc que durant la vingtaine d’années du Second Empire que la France a connu sa
première Révolution industrielle car Napoléon III comprit l’importance du changement et le favorisa
autant qu’il le put. Il poussa l’organisation des six grandes compagnies de chemin de fer (Nord, Est,
P.L.M., etc.), sut offrir une vitrine aux nouveautés dans les deux grandes expositions de 1855 et 1867,
et eut l’audace de préparer secrètement le passage de la France protectionniste au premier traité de
libre-échange, négocié entre l’anglais Cobden et l’économiste Michel Chevalier, qui obligea les
industriels à réaliser des réformes, en éclatant comme un coup de tonnerre en janvier 1860, dans un
milieu d’industriels français endormis dans leur routine, réalisant des profits démesurés si l’on
compare les prix de vente fort élevés et les salaires très bas.
III L’évolution de la protection sociale en France au cours des débuts de la révolution industrielle.
Une des conséquences de la révolution industrielle fut que les paysans commencèrent à aller
vers la ville, supposée plus active, plus moderne et plus agréable. C’était en particulier un lieu éclairé,
au gaz d’abord, puis à la fin du XIXe siècle à l’électricité. On oubliait qu’il était parfois difficile d’y
trouver un métier, que les dangers y étaient innombrables, que la pauvreté y était très fréquente et
que des familles entières s’entassaient dans des pièces sombres et sales. Dans les usines du XIXe
siècle, on trouvait aussi des femmes et des enfants. Les enfants travaillaient aussi dans les mines car
leur taille et leur souplesse leur permettaient de se faufiler les adultes ne le pouvaient pas. Ils
subissaient la dure condition des ouvriers; le travail était pénible dans la fumée, la chaleur, la
poussière et le bruit. Il était dangereux aussi car la machine pouvait tuer ou rendre infirme pour une
minute d’inattention. Une nouvelle classe sociale était née.
Quelle protection avait-elle ? A la veille du XIXe siècle, la Révolution avait voulu empêcher les
forces populaires de se grouper et avait supprimé, par le décret d’Allarde du 17 mars 1791 et la loi Le
Chapelier du 14 juin 1791, toutes les entraves au libre exercice de l’initiative économique. Elle avait
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donc supprimé les corporations, maîtrises et jurandes, interdit la grève ainsi que la reconstitution de
toute coalition professionnelle tant de patrons que de salariés. L’article second de la loi Le Chapelier
énonce : « Les citoyens d’un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique
ouverte ne pourront, lorsqu’ils se trouveront ensemble, se nommer ni présidents, ni secrétaires, ni
syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibération, former des règlements sur leurs
prétendus intérêts communs ». Au nom du libéralisme, les travailleurs sont isolés face à leur patron,
perçoivent un salaire fixé par le jeu de l’offre et de la demande et sont privés de tout moyen de
défense collectif. La libre fixation des salaires aboutit à une très forte baisse de ceux-ci et explique,
ajoutée à la suppression des systèmes d’entraide, l’effroyable misère ouvrière des débuts du XIXe
siècle et les révolutions violentes qui suivent. Car la Révolution a aussi supprimée la dîme, cet impôt
qui permettait à l’Eglise d’assurer sa mission sociale dans les écoles et les hôpitaux et la promesse
d’organiser une Assistance publique et un enseignement gratuit ne se réalise pas, faute de crédit.
Le XIXème siècle est l’histoire de l’antinomie opposant les adeptes des principes de 1789,
c'est-à-dire du libéralisme absolu et les tenants d’une réglementation économique, sociale et
professionnelle. Les libéraux récusent toute communauté. Bourgeois des affaires et de la fabrique,
grands fermiers, métayers aisés, grands propriétaires, ils ont gagné la Révolution en achetant des
biens nationaux très au-dessous de leur valeur réelle, ils sont heureux de la liberté de culture et de
commerce, et n’ont nul besoin de protection.
Au XIXème siècle, on ne peut pas encore parler de combat du prolétariat contre le
capitalisme. Aucune des lois sociales du XIXe siècle, ayant porté atteinte aux principes de 1789 en se
battant pour le respect de la dignité humaine et des plus faibles, n’émane du mouvement qui
commence à naître à gauche des libéraux, les socialistes. Toutes sont l’œuvre conjuguée de la
hiérarchie catholique et des vieilles élites légitimistes. On peut citer :
L’institutionnalisation du repos dominical en 1814 à la demande de catholiques, aboli en
1880 par des parlementaires anticléricaux et rétabli en 1906.
La création d’associations de secours comme la société du devoir mutuel, par Pierre Charnier
(royaliste, catholique et légitimiste), qui permettent aux canuts (ouvriers tisserands) de s’entraider
pour faire face en 1825 à la baisse de la production qu’amène la conjoncture internationale. Mais
quand le tarif minimal est adopté en octobre 1831 grâce à la médiation du préfet, le refus de certains
fabricants de l’appliquer, au nom du libéralisme, provoque le soulèvement des quartiers ouvriers qui
ne défendent que des revendications purement professionnelles. Il y a des victimes dans ces
manifestations, mais elles sont dues uniquement à l’opposition révolutionnaire qui a utilisé comme
tremplin le mécontentement des tisserands. Cette initiative n’aboutira pas : le tarif restera annulé et
le préfet révoqué, car le premier ministre, Casimir Périer, est un libéral aux yeux de qui les lois du
marché sont souveraines.
En 1829, Alban de Villeneuve Bargemont (préfet du nord légitimiste), dans un mémoire
adressé au ministre de l’Intérieur, note que son département recense 150 000 indigents pour un
million d’administrés et esquisse une doctrine d’intervention de l’Etat visant à garantir les conditions
de vie des ouvriers : salaire minimum, instauration d’une épargne obligatoire, lutte contre les taudis
et contre l’alcoolisme, instruction gratuite, etc.
En 1840, le Docteur Louis-René Villermé, membre de l’Académie des Sciences morales,
publie un Tableau de l’état physique et moral des ouvriers dans les fabriques de coton, de laine et de
soie, et met l’accent sur la détérioration de la condition matérielle et sanitaire des travailleurs, en
raison des maladies infectieuses qui les frappent (essentiellement tuberculose ou choléra), et qui
provoquent un taux considérable de mortalité infantile. Il dénonce aussi la dégradation des liens
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sociaux et moraux, manifestés par l’alcoolisme, le concubinage, les naissances illégitimes, l’irréligion :
à l’époque, ces indices sont considérés comme des fléaux.
Cette enquête sera suivie dès 1841 d’une loi présentée par trois députés catholiques dont
Villeneuve-Bargemont, interdisant le travail des enfants de moins de huit ans, plafond porté ensuite
à dix ans. Dans cette croisade, le clergé tient sa place et les évêques protestent souvent contre la
misère paysanne. En 1872, Ambroise Joubert, député du Maine et Loire demande l’interdiction du
travail des enfants de moins de douze ans, ainsi que la suppression du travail nocturne pour les
femmes. La proposition est rejetée par la gauche et les libéraux et ne sera adoptée que 10 ans plus
tard, en 1882.
Au cours des années 1830 et 1840, des multiples associations de charité sont constituées
sous les auspices de saint Vincent de Paul.
Ce n’est que sous le règne de Napoléon III, en 1864, que le droit de grève est reconnu. Le
second Empire, caractérisé par l’essor industriel des années 1850-1860, remporte une large adhésion
des circonscriptions ouvrières. Napoléon III œuvre de manière positive en poussant les patrons à
accepter des augmentations de salaires et en invitant ses préfets à jouer les conciliateurs dans les
conflits du travail. 1864 est aussi l’année Frédéric Le Play, encouragé par l’Empereur, publie La
Réforme sociale en France. Il s’en prend aux « faux dogmes » de la perfection originelle de l’homme
et de la liberté absolue et affirme que l’équilibre social doit reposer sur la famille, la propriété et la
religion. L’influence de Le Play sera considérable sur la génération qui sous la IIIe République fera
inscrire dans la loi des droits sociaux.
En Allemagne, dans La Question ouvrière et le christianisme, livre paru en 1864 trois ans
avant Le Capital de Karl Marx, Mgr Ketteler, Evêque de Mayence et député au Parlement de
Francfort, critique les méfaits d’un système économique reposant sur la libre concurrence absolue, et
prône l’association du capital et du travail : « Ce n’est pas le combat entre l’employeur et l’employé
qui doit être le but, mais une paix équitable entre les deux ».
La Loi Le Chapelier qui entrava durant tout le XIXe siècle la création de syndicats, n’est abolie
que le 21 mars 1884, sous la IIIe République, grâce à l’effort poursuivi tout au long du siècle pour
arracher l’autorisation de se réunir en groupements professionnels. A cette période, le mouvement
socialiste commence à s’organiser, et devient une force d’appoint politique pour le radicalisme.
Grâce à l’accord entre libéraux et socialistes sur l’anticléricalisme, il joua une part non négligeable
dans l’élaboration de cette loi. Mais pour les légitimistes sociaux, cette loi est une loi inachevée, car
ils souhaitaient la pleine liberté d’association, c'est-à-dire non seulement le droit pour les ouvriers de
s’associer ensemble, mais également le droit de s’associer par métier, ouvriers et employeurs
ensemble. Or, la « liberté » syndicale accordée s’accompagne d’une interdiction formelle de ce type
d’association, interdiction qui a perduré jusqu’à nos jours. Ce n’est donc qu’à partir de cette époque
que les chambres syndicales commencèrent à apparaître comme l’objet d’une lutte de pouvoir
opposant des réformistes qui visent à obtenir des avantages sociaux, et les marxistes qui cherchent à
faire avancer leur projet de révolution.
En 1891, Léon XIII essaye également d’influer sur la législation sociale en publiant
l’encyclique Rerum Novarum qui définit la doctrine sociale de l’Eglise. Il condamne le socialisme et la
lutte des classes, défend l’inviolabilité de la propriété privée, mais dénonce aussi les excès du
capitalisme et du libéralisme sans frein. Avec audace pour l’époque, le pape se fait l’avocat des
ouvriers : « Le dernier siècle a détruit, sans rien leur substituer, les corporations anciennes qui étaient
pour eux une protection et ainsi, peu à peu, les travailleurs isolés et sans défense se sont vu livrés à la
merci de maîtres inhumains et à la cupidité d’une concurrence effrénée. » Rappelant le droit des
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