La question du traitement dans les psychoses débutantes Martin Debbané, Ph.D. 1,2,3 1 Professeur Associé, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education Université de Genève Co-directeur de l’Unité de recherche et Psychologue Psychothérapeute FSP Office Médico-Pédagogique, Département de l’Instruction Publique, Canton de Genève 2 3 Honorary Reader, Research Department of Clinical, Educational and Health Psychology, University College London Liège, 3 octobre 2014 Plan La question de la prise en charge précoce: où en sommes-nous? ①L’évaluation psychologique ②Ingrédients trans-théoriques dans l’intervention psychologique Où en sommes-nous? L’évaluation psychologique Evaluation clinique des états à Haut-Risque de conversion vers les psychoses Approche « Ultra High-Risk » (UHR) Approche « Basic Symptoms » (BS) Etat de Risque Ultra Elevé (UHR) McGlashan et al., 2010; SIPS, version X (concerne les 15-25 ans) Type « Symptômes positifs atténués » (APS): Présence de ≥ 1 des symptômes suivants: - Contenu inhabituel de la pensée / Idées délirantes (P1) - Méfiance / Idées de persécution (P2) - Idées de grandeur (P3) - Aberrations perceptives / Hallucinations (P4) - Désorganisation de la communication (P5) Première apparition ou dégradation au cours des 12 derniers mois Manifestation hebdomadaire au cours du dernier mois Type « Symptômes psychotiques brefs limités par intermittence » (BLIPS) Au moins 1 des 5 symptômes (P1-P5) avec un score maximal (6) Ce niveau d’intensité psychotique (6) atteint au cours des 3 derniers mois Présent plusieurs minutes par jour, au moins 1 fois par mois Type « Trait – Etat » Critère de risque (au moins 1): Parenté (1er degré) avec Dx trouble psychotique et/ou Trouble de la personnalité schizotypique Réduction de 30% dans l’évaluation du fonctionnement global (GAF) au cours du dernier mois en comparaison à 12 mois auparavant. UHR: Suivi Longitudinal 416 participants avec prodrome (311 au follow-up) âgés de 15-30 ans - 34.9 % évoluent vers un trouble psychotique - La grande majorité sont diagnostiqués au cours des 3 années après la 1ère évaluation % des cas identifiés 57% 69% 83% 90% 95% 100% / / / / / +12% + 14% + 7% + 5% + 5% Symptômes de base Symptômes de base Décrit pour la première fois par Gerd HUBER (1966) « … perturbations discrètes, d’intensité infra clinique, que le patient/sujet éprouve subjectivement et qui affectent l’énergie, la tolérance au stress, l’affectivité, la pensée, la compréhension du langage et la motricité » 2010 Schultze-Lutter et al., Symptômes de base Caractéristiques des symptômes de base: Doivent être vécu subjectivement (parfois pas observable) et rapporté par le patient (non pas sur la base de l’observation clinique). Vécu comme nouveau/dérangeant/perturbant (non pas comme trait de caractère) Le critère principal est la fréquence (fiabilité, aussi plus facile à décrire pour les patients). Est également investigué: - leur sévérité - le fardeau subjectif - l’augmentation des efforts de coping qu’ils exigent - leurs effets sur le comportement, les performances, le niveau de fonctionnement, ou l’environnement - le fait qu’ils amènent où non le patient/sujet à rechercher une aide médicale - les domaines de la vie affectés Interférence de la pensée (C2) Définition de l’item: Pensée insignifiante faisant intrusion et perturbant le train des pensées du sujet/patient - émotionnellement neutres - sans significations particulières pour le patient - indépendante du courant de la pensée actuel et non-déclenchée par des stimuli extérieurs - Souvent si banales que le sujet se demande souvent comment elles peuvent lui venir à l’esprit. Ne sont pas côtés dans cet item: - Une pensée insignifiante incongrue qui interfère et s’impose de façon récurrente sur un mode obsessionnel. Une simple distraction de l’attention provoquée par tout type de stimulus extérieur Exemple: « Si je ne me concentre pas de façon soutenue, d’autres pensées me viennent à l’esprit. Ces pensées apparaissent soudainement, mais n’ont aucun rapport avec ce que je suis en train de faire » Critères du prodrome (COPER) COPER : 28% évoluent vers la schizophrénie, critère performe bien pour exclure une schizophrénie (Schultze-Lutter et al., 2010) Critères du prodrome (COGDIS) COGDIS « Plus performants pour prédire l’installation d’une schizophrénie » 37% évoluent vers la schizophrénie. Après 1 an: 23.9% Après 2 ans: 22.4% Après 3 ans: 14.9% Après plus de 3 ans: 17.9% COGDIS: Risque plus imminent (Schultze-Lutter et al., 2010) 90 En résumé 80 Est-ce le mieux qu’on puisse faire? 70 60 50 % Cumulatif 40 de conversion 30 à la psychose 20 UHR BS 10 0 6 12 18 24 30 36 42 48 ... 90 80 70 UHR + BS 60 50 % Cumulatif 40 de conversion 30 à la psychose 20 UHR BS 10 0 6 12 18 24 30 36 42 48 ... Comment expliquer cette complémentarité, et que nous reste-t-il à explorer? Encore temps de raffiner le diagnostique précoce Triade schizotypique Dimension Positive Perceptions aberrantes Idées de concernement Pensée magique Méfiance Dimension Négative Emoussement affectif Retrait social D Dimension Désorganisation Discours incohérent Comportement excentrique Bascule Episode(s) psychotiques et rémission + Etat Clinique C Chute Initiale & Rechutes Debbané, M. Schizotypy: a developmental model. In Claridge & Mason, Routledge, in press Schizophrénie Chronique _ Etat Clinique Echantillon Le socle schizotypique de l’émergence des états à hautrisque Nombre d’études dimension schizotypique prédictive de la conversion Population générale 6 études ( 7 282 participants; conversion identifiée pour 207 individus; 2,8 %) Positive et Négative (Anhédonie) UHR 5 études (580 participants; conversion identifiée pour 205 individus; 35%) surtout Négative Risque familial 4 études (637 participants; conversion identifiée pour 76 individus; 12%) Négative et désorganisation Risque lié aux troubles de la personnalité 3 études (376 participants; conversion identifiée pour 43 individus; 12%) Composite schizotypique prédictif de la conversion Debbané M, Eliez S, Badoud D, Conus P, Flückiger R, Schultze-Lutter F. (in press)Developing psychosis and its risk states through the lens of schizotypy. Schizophrenia Bulletin. Le socle schizotypique de l’émergence des états à hautrisque Debbané M, Eliez S, Badoud D, Conus P, Flückiger R, Schultze-Lutter F. (in press)Developing psychosis and its risk states through the lens of schizotypy. Schizophrenia Bulletin. Quelles implications pour le traitement précoce? Etat des lieux de la recherche sur l’intervention précoce? - - Les psychothérapies et les interventions psychosociales complexes Effets modérés de la CBT sur la transition vers la psychose à 12 et 18 mois aprés traitement. Les interventions psychosociales complexes peuvent réduire le taux de transition à la psychose, ou retarder son apparition. Les interventions pharmacologiques Peu d’éléments confirment les bénéfices ou les effets néfastes, ou encore montrent une baisse dans la transition vers la psychose. Les suppléments nutritifs En comparaison avec les placebo, peu d’éléments montrent un effet bénéfique à 12 semaines. Stafford et al., 2013. (revue de 11 publications) Quels sont les ingrédients essentiels, trans-théoriques, aux prises en charge précoce 1. Une solution à un problème n’est jamais supérieure à la qualité de l’évaluation qui précède sa mise en place La qualité d’un traitement précoce dépend de l’évaluation préalable (la détection doit être contingente à l’émergence) Poursuivre les recherches avec davantage d’attention portée sur la dimension négative et de désorganisation (et symptômes de base) au cours du développement. 2. Autre ingrédient essentiel: le staging ... 3. L’identification systématique du foyer thérapeutique -Avec le jeune et sa famille, identifier les 3 dimensions les plus problématiques pour chacun. -Ré-évaluer régulièrement et de manière systématique. -Monitoring régulier des effets de la prise en charge 4. Employer les mécanismes de changements susceptibles de favoriser une évolution favorable • À chaque stades, quels mécanismes sont susceptibles de soulager les symptômes? • • • • Biais « sauter aux conclusions » Biais d’attribution externe Biais de certitude au sujet des attributions d’autres... – Peu de données sur les traitements visant les bases interpersonnelles de la motivation sociale. adapter les interventions pour qu’elles puissent être généralisées à la sphère sociale • 5. Inclure les tuteurs de résilience pour favoriser la L’implication des pairs et des familles dans la thérapie EST CENTRALE: généralisation Chez les adultes, lesinterventions familiales améliorent la communication familiale, réduisent le taux de rechute, la durée des hospitalisations et facilitent l’acceptation et l’assiduité au traitement. Elles améliorent également également les détériorations sociales générales ainsi que le niveau d’expression au sein de la famille. (Pharoah, 2006, méta-analyse de 53 études) Chez les jeunes, la FFT (Family-focused-Treatment) atténue les symptômes positifs sur plus de 6 mois par rapport à un EC (Enhanced Care). Les changements dans le fonctionnement psychosocial dépendent de l’âge: les participants de plus de 19 ans montrent plus de prise de rôle active dans la FTF; Ceux entre 16-19 ans dans le EC (Miklowitz, 2014). EN CONCLUSION 1. La qualité d’un traitement précoce dépend de l’évaluation préalable 2. Autre ingrédient essentiel: le staging ... 3. L’identification systématique du foyer thérapeutique 4. Employer les mécanismes de changements susceptibles de favoriser une évolution favorable 5. Inclure les tuteurs de résilience pour favoriser la généralisation Merci de votre attention! [email protected]