Le côté humain du diabète - International Diabetes Federation

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Diabète et société
Le côté humain
du diabète
`Frank Snoek
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La récente étude DAWN (Diabetes Attitudes, Wishes
and Needs; attitudes, souhaits et besoins en matière
de soins du diabète) a constaté que les personnes
atteintes de diabète privées du soutien de leur
entourage géraient non seulement leur condition de
manière inefficace, mais couraient également le risque
d'être très vite découragées. L'aide fournie par la
famille, les collègues ou les amis se révèlent tout aussi
importante que les médicaments.
A l'instar de nombreuses autres
conditions médicales chroniques, le
diabète requiert à la fois des soins
médicaux prodigués par une équipe
professionnelle et la participation
active des patients dans leur traite-
ment. La personne atteinte de
diabète doit en effet suivre un
régime alimentaire, respecter les
règles relatives à l'automédication,
effectuer des contrôles glycémiques
fréquents, exercer une activité
physique soutenue et se rendre
régulièrement dans des cliniques
spécialisées. Ces personnes ont par
conséquent besoin d'être aidées afin
de remplir toutes ces obligations.
DAWN est la plus importante
étude globale jamais menée sur les
aspects psychologiques liés au
diabète. Elle examine les points
de vue et les attitudes de plus
de 5.000 personnes atteintes
de diabète et de 3.000
professionnels des soins de santé
dans 13 pays (Allemagne, Australie,
Danemark, Espagne, France, Inde,
Japon, Norvège, Pays-Bas, Pologne,
Royaume-Uni, Suède, USA).
DAWN est unique de par l'envergure
de son domaine d'étude. Elle
influencera certainement de façon
sensible notre compréhension du
côté 'humain' du diabète et de la
manière d'appréhender les
problèmes psychosociaux liés au
traitement. Selon le Président de la
Fédération Internationale du Diabète
(FID), George Alberti, "la valeur
première de cette étude est de nous
révéler énormément de choses sur
les réalités telles que ressenties par
les personnes atteintes de diabète
dans différentes régions du monde."
Bien-être et diabète
Au cours de ces dernières décennies,
les cliniciens et les chercheurs se
sont progressivement penchés sur
les aspects psychologiques du
diabète. Le nombre croissant
d'ouvrages et d'articles sur les sujets
émotionnels, cognitifs et comporte-
mentaux liés au diabète le prouve. En
outre, de plus en plus de conférences
et de symposiums internationaux
sont organisés sur les aspects
psychologiques liés au diabète, à ses
complications et à sa prise en
charge. L'étude DAWN illustre
parfaitement l'importance aujourd'hui
accordée à ces sujets.
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Comme le mentionnait le
Programme d'Action de la
Déclaration de St Vincent, le bien-
être est à juste titre un objectif qu'il
ne faut pas négliger dans le cadre des
soins du diabète. Par ailleurs, si le
patient ne se sent pas bien, l'auto-
gestion peut être entravée et les
effets sur le métabolisme pourraient
être néfastes. Le manque de bien-
être doit donc être envisagé comme
un facteur de risque pouvant
déclencher l'apparition précoce des
complications liées au diabète. Le
bien-être doit par conséquent faire
l'objet d'un contrôle dans le cadre de
la prise en charge quotidienne du
diabète, à l'instar des autres
symptômes ordinairement surveillés.
Objectifs de l'enquête
L'étude DAWN a été conçue sous la
forme d'une enquête internationale
dans le but de mieux comprendre
comment les aspects psychologiques
liés au diabète étaient abordés dans
différents pays. Cette étude doit
clarifier les liens complexes entre les
différents dépositaires d'enjeux: les
responsables politiques, les
personnes atteintes de diabète et
leur famille, les médecins, les
infirmiers(ères) et leurs équipes de
soutien. L'objectif de l'étude était de
mieux nous faire comprendre la
réalité du diabète telle que perçue
par le patient ainsi que les obstacles
à l'autogestion dans le monde entier.
De plus, DAWN doit répertorier les
attitudes et les responsabilités des
décideurs politiques et des
prestataires de soins de santé.
Méthodes de l'enquête
Des personnes atteintes de diabète
de type 1 et de type 2 (50% de
chaque type) ont été interrogées
personnellement ou par téléphone,
selon leur pays, la culture et la
présence ou non de lignes
téléphoniques dans leur région. La
population soumise à l'enquête
devait répondre aux critères
suivants: "personne atteinte de
diabète, de plus de 18 ans,
suffisamment apte à répondre aux
questions au moment de l'enquête".
Les échantillons choisis devaient être
représentatifs de la population adulte
atteinte de diabète dans chaque pays.
Cependant, le choix s'est porté sur
les personnes en meilleure santé et
plus éduquées, ce qui a légèrement
'coloré' les données obtenues. Par
exemple, les personnes hospitalisées
n'ont pas été interrogées et certains
patients souffrant de troubles
psychologiques graves (tels que la
dépression) n'ont certainement pas
participé à cette enquête.
Ces questions devaient nous amener à
mieux comprendre comment les
personnes atteintes de diabète vivaient
avec leur condition et à identifier les
obstacles spécifiques qu'elles rencon-
trent quotidiennement dans le cadre
de l'autogestion. Le bien-être émotion-
nel fut évalué au moyen d'un question-
naire concis. En moyenne, les inter-
views duraient entre 30 et 50 minutes.
La valeur première
de cette étude est
de nous révéler
énormément de
choses sur les
réalités telles que
ressenties par les
personnes atteintes
de diabète dans
différentes régions
du monde.
Détresse émotionnelle
Près de 40% des répondants atteints
de diabète ont signalé qu'ils étaient:
stressés en raison de leur diabète;
soucieux de ne pas pouvoir remplir
leurs obligations familiales; et
plus stressés que la plupart des
personnes de leur entourage.
Environ la moitié des personnes
atteintes de diabète interviewées:
sont très angoissées en ce qui
concerne leur poids;
ont peur d'une aggravation possible
de leur condition; et
redoutent les crises d'hypoglycémie
(baisse du taux de glucose dans le
sang).
Il ressort de cette étude que la
responsabilité des soins est un lourd
fardeau pour les individus susceptible
de nuire à leur bien-être. En effet, un
DAWN a interviewé 5.000
personnes atteintes de
diabète dans 13 pays.
L’allemand Klaus Haack est
atteint du diabète de type 2.
(
)
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Figure 1: Réactions psychologiques au diabète
Figure 2: Réponses relatives au bien-être des personnes atteintes de diabète
tiers des personnes interviewées
ont déclaré "ne pas se sentir bien".
Seulement 10% des personnes
interrogées ont avoué "se sentir
bien" (voir Figure 2). Les réponses
n'ont pas fait ressortir des
0 20 40 60 80
0 20 40 60 80
Personnes atteintes de diabète interviewées (%)
Personnes atteintes de diabète
adhérant à l'affirmation (%)
différences significatives entre les
personnes atteintes de diabète de
type 1 et de type 2.
Les constatations de cette étude
correspondent à celles de recherches
menées précédemment qui révèlent
que la détresse émotionnelle est un
sentiment fréquent chez les person-
nes atteintes de diabète et que la
prévalence de la dépression est deux
fois plus élevées chez ces individus,
par rapport à la population en
général, soit environ 15 à 20%,
indépendamment du type de diabète.
Absence de soutien
professionnel
Malheureusement, tout porte à
croire que les problèmes émotion-
nels, en particulier la dépression, ne
sont pas pris en considération par
les professionnels. Ces derniers
sous-estiment d'ailleurs l'importance
de ces problèmes dans le diagnostic
des personnes atteintes de diabète.
En effet, moins de la moitié des pro-
fessionnels des soins de santé inter-
rogés lors de l'étude ont admis être
capables d'identifier et d'évaluer les
besoins 'psychologiques' de leurs
patients. Par ailleurs, selon plus de
30% des infirmiers et infirmières
interviewés, les patients éprouvaient
visiblement des difficultés à
communiquer avec leur médecin.
Ces données suggèrent que ces pro-
fessionnels requièrent d'être mieux
informés et sensibilisés aux prob-
lèmes psychologiques liés au diabète
afin de soutenir leurs patients
comme il se doit.
Le rôle de l'environnement
social
Une autre constatation intéressante
porte sur le rôle de l'environnement
social qui englobe les partenaires, les
membres de la famille et les
collègues. D'après l'étude DAWN,
l'environnement social peut atténuer
la détresse émotionnelle. A l'instar
des études précédemment menées,
DAWN a démontré le rôle
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Affirmation concernant le diabète
“Les crises d'hypoglycémie sont pour moi
source d'inquiétudes”
“Je ressens un stress en raison de mon diabète”
“Mon poids est pour moi source d'angoisses”
“Ces derniers temps, j'éprouve plus de
tension et d'anxiété que la plupart des
personnes de mon entourage”
“L'éventualité de ne plus pouvoir un jour
m'acquitter de mes responsabilités familiales
m'inquiète”
“Je m'inquiète de mes capacités financières
futures en raison de mon diabète”
“Lorsque je suis angoissé(e) et déprimé(e),
je n'ai personne à qui me confier”
Base:Tous les répondants
Type 1
Type 2
Base:Tous les répondants
Type 1
Type 2
Sentiment de bien-être
Bon
Modéré
Insuffisant
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`Frank Snoeck
Le Dr Frank Snoek est Professeur
associé en Psychologie médicale et
Consultant en Psychologie médicale
attaché au groupe de soins de santé
dans le domaine du diabète du Centre
médical de la Vrije Universiteit,
Amsterdam, Pays-Bas.
L'étude DAWN est une initiative de
recherche globale de Novo Nordisk
menée en collaboration avec la FID et
un panel consultatif expert.
Pour en savoir plus
ANDERSON R.J., FREEDLAND K.E.,
CLOUSE R.E., LUSTMAN P.J. The
prevalence of co-morbid depression in
adults with diabetes. Diabetes Care,
24, 2001, pp. 1069-1078.
DAWN study: http://www.dawn-sur-
vey.org
KRANS H.M.J., PORTA M., KEEN H.,
STAEHR JOHANSEN A. Diabetes Care
and Research in Europe: the St.
Vincent Declaration Action
Programme. Implementation docu-
ment. Copenhagen, Danemark:
Organisation mondiale de la Santé,
1995.
POLONSKY W.H. Besieged by the
diabetes police. Diabetes Self-manage-
ment, numéro de juillet-août,
pp. 21-26.
SNOEK F.J., SKINNER T.C. (ed.).
Psychology in Diabetes Care.
Chichester, NY: Wiley & Sons; 2000.
Shanthala Shamarao, originaire
de l'Inde, est atteinte de
diabète de type 2.
déterminant du soutien émotionnel
de l'entourage dans le cadre de la
prise en charge du diabète.
D'autre part, les patients interrogés
ont souligné durant l'interview
qu'une aide non désirée pouvait avoir
des effets négatifs sur leur bien-être
et le bon déroulement de l'autoges-
tion, tout comme la pression
constante des autres. Cette
observation importante fut décrite
de manière éloquente il y a quelques
années par W.H. Polonsky dans son
article, "Besieged by the diabetes
police" (Assiégé par la police du
diabète). Plus l'environnement social
se comportera en "policier", plus le
patient aura tendance à se
comporter en "criminel".
Besoin d'une approche
holistique
Ces premières données recueillies au
cours de l'étude DAWN montrent
de manière convaincante que le
diabète représente partout dans le
monde un lourd fardeau pour les
personnes qui en sont atteintes et
leurs familles. De plus, elles
démontrent l'influence négative de
cette condition sur le bien-être et les
relations sociales. Inversement, si le
sentiment de bien-être n'est pas
assuré et si le soutien social fait
défaut, l'autogestion quotidienne sera
plus difficile, entraînant de mauvais
résultats thérapeutiques. Un groupe
substantiel de personnes atteintes de
diabète pourrait profiter d'une aide
psychosociale supplémentaire
intégrée dans la gestion du diabète.
Plus
l'environnement
social se
comportera en
'policier', plus le
patient aura
tendance à se
comporter en
'criminel'.
Dans les mois et années à venir,
l'étude DAWN améliorera certaine-
ment notre compréhension des
aspects psychosociaux relatifs au
diabète. Nous espérons qu'elle incit-
era aussi les professionnels des soins
de santé et les décideurs politiques à
mesurer l'importance clinique de la
qualité de la vie dans les soins du
diabète et à répondre aux besoins
des personnes atteintes de diabète
de manière optimale. Bref, il convient
d'adopter une approche holistique
dans le cadre des soins du diabète, le
soutien social et le bien-être émo-
Diabète et société
tionnel étant déterminants pour une
prise en charge efficace et une
qualité de vie optimale.
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