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La dynamique contestataire du mouvement du 20 février à l’épreuve
des révoltes arabes.
Genèse du mouvement du 20 février :
Le Maroc comme tous les pays qui se trouvent dans « la géographie arabe » a vécu des contestations
durant l’année 2011. Certes, l’événement mené par le Mouvement du 20 février (en référence à la
date du début des contestations en 2011) a joui d’une spécificité qui n’est pas assimilée à d’autres
pays révoltés. L’espace de protestation, créé à cette occasion, a regroupé des contestataires aux
appartenances politiques différentes. Le groupe en mobilisation a investi dans l’action stratégique de
ses « entrepreneurs de cause »1 pour nourrir à bien le répertoire de cette action, indiquant une
nouvelle forme contestataire qui n’est pas issue d’une structure particulière mais plutôt le fruit de
plusieurs interactions.
Le contexte révolutionnaire dans lequel le M20F s’est constitué- un monde arabe en effervescence- a
généré chez les jeunes activistes une véritable opportunité de contestation. Dans l’année 2010, les
acteurs des réseaux sociaux ont organisé un SIT-IN devant l’ambassade de la Tunisie brandissant des
slogans qui soutiennent le peuple tunisien2 . Les cyber-activistes marocains3, bénéficiant de la culture
blogosphère, cherchaient à créer des groupes via les réseaux sociaux. Nous assistons ici à une
légitimation de cette révolte en marche. Par la suite, ces jeunes activistes vont travailler à adopter les
principes de ces soulèvements montrant « la conscience collective » qui fait que les individus
appartenant au monde arabe interagissent entre eux.
Ainsi sera créé le premier groupe sur Facebook intitulé «des marocains s’entretiennent avec le roi »
par quelques cyber-activistes originaires de la ville de Meknès. Les administrateurs du groupe ont
mentionné leur volonté d’organiser des manifestations comme l’a indiqué l’un de ses éléments « on
conteste la manière par laquelle on est gouverné » il a ajouté « au début de son règne, le
roi a vraiment exprimé sa volonté réformiste. Mais, par la suite, il ya eu une
discontinue4 ». Le 27 janvier les activistes ont renommé leur groupe « liberté et démocratie
maintenant ». Ils ont lancé un appel à manifester le 27 février dans les espaces publics. Au lendemain
un ex- militant de la jeunesse du parti de l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) a publié sur
son mur (Facebook) « le 27 février jour de la colère marocaine ». Mais ces décisions de manifestation
seront rapidement changées pour ne pas coïncider avec les cérémonies d’anniversaire du
Polisario.une autre date sera retenue comme date de protestation. Le 20 février 2011. Cette nouvelle
opportunité produite dans le monde virtuel a incité beaucoup de militants « aguerris » à partager
leurs expériences avec de nouveaux participants « cyber-activistes » pour réanimer le débat sur le
réel politique Marocain. Ces acteurs ont profité du moment révolutionnaire pour tisser des liens de
réciprocité contre les dépassements et les violations.
1
: Une expression utilisée par Lillian Mathieu.
: Les premières sorties des activistes étaient considérés dans le but de dénoncer le régime tunisien et
encourager le peuple révolté.
3
: Rahma Bourqia : workin paper sur le mouvement du 20 février. Le cercle d’analyse politique, fondation
Abderahim Bouabid.
4
: Des propos recueillis de l’un des modérateurs « marocains se dialoguent avec le roi ».
2
Grace à cette dynamique virtuelle qui s’échappe au contrôle exercé par les autorités publiques, ce
groupe d’activistes a pu substituer les supports médiatiques officiaux et traditionnels par des
nouveaux supports empruntés au monde virtuel. Le 12 février 2011, les activistes des réseaux
sociaux ont diffusé une vidéo sur YOUTUBE tournée à l’AMDH en réponse à ceux qui les qualifient de
traitres. Par cette vidéo, les activistes veulent dépasser la question de l’identité et de la marocanité
puisqu’ils commencent par la formule « je suis marocain, je suis marocaine 5». La diffusion de cette
vidéo a pour objectif de dénoncer la compagne de dénigrement qui les accuse de menacer les
principes fondamentaux de la nation à savoir « Dieu, la Patrie, le Roi ». Ces vidéos, considérées
comme un moyen de communiquer avec le public, exposant, à la fois, les motivations à manifester et
démontrant pourquoi les jeunes ont choisi de descendre dans la rue. Plusieurs gens ont commencé à
faire apparaitre le logos du 20 février sur leurs pages Facebook.
Le 14 janvier 2011, un communiqué mentionne les revendications du mouvement du 20 février. Il se
résume dans les points suivants :
-Une constitution démocratique votée par une assemblée constituante élue démocratiquement.
_ La dissolution du parlement, la destitution de l’actuel gouvernement et l’établissement d’un
gouvernement de transition.
_ Une séparation effective des pouvoirs, et l’appel à une justice indépendante.
_ La reconnaissances des éléments spécifiques à l’identité marocaine : linguistique, culturelle et
historiques. Par conséquent, la reconnaissance de la langue amazighe comme langue officielle à
l’instar de la langue arabe.
_ Une demande de liberté pour tous les prisonniers politiques, victimes des arrestations arbitraires,
des tortures et répressions.
_ Le jugement de tous les responsables impliqués dans des cas de corruption et de dilapidation de
richesse du pays.
_ assurer une vie digne à tous les marocains ; lutter contre la cherté de la vie ; l’augmentation des
salaires.
_ Intégration des diplômés chômeurs dans la fonction publique en organisant des concours
transparents.
5
: Cette vidéo est publiée pour affirmer la présence réelle du groupe.
À Casablanca, ce 20 février 2011, la manifestation a rassemblé une agrégation de militants,
relativement, importante. La participation tourne autour de 5000 contestataires selon les
organisateurs. Les manifestations ont commencé à 10h du matin au centre ville. D’ailleurs, ce choix
de l’usage des « centres villes » comme lieux de départ est raisonné sous la base de plusieurs
facteurs. À ce titre, le « centre ville » peut apporter des repères significatifs lesquels : le message de
manifester est adressé à tous les habitants de la ville. La programmation de SAHT LHMAM (place des
pigeons) comme lieu célèbre pour les Casablancais fait partie de cette stratégie mobilisatrice. Elle
signifie que les messages protestataires seront focalisés sur la mobilisation de tous les habitants de la
ville. Le choix de centre ville est conçu, aussi, dans le cadre d’éviter les dérapages imprévus qui
peuvent porter atteinte à l’image du mouvement qui cherche une meilleure performance pour
continuer à militer. (Un entretien avec un militant du PADS)
D’abord, l’apparition du M20F s’est présentée comme un nouveau cadre contestataire qui n’a pas
surgi d’un fait imprévu. Cette nouvelle organisation est venue pour renforcer le cadre récent de la
mobilisation déclenchée dans cette dernière décennie au Maroc. Il s’avère qu’elle vise à inventer de
nouveau une dynamique de la rue pour dénoncer la perpétuation de l’iniquité sociale responsable du
sentiment d’injustice reproduit dans le milieu des jeunes du Maroc. Plusieurs interrogés au sein du
M20F se sont contentés de considérer le Mouvement comme un prolongement historique de l’action
contestataire propagée sur le territoire marocain. De la sorte, le Mouvement du 20 février est
enraciné tel un processus confirmatif qui vise à poursuivre le cycle contestataire6. Les premières
manifestations de l’ère Mohamed VI sont remarquées depuis 2003. À leur tête la question sociale et
le chômage qui ont suscité des mobilisations dépassant le cadre des organisations des diplômés
chômeurs. À ce titre, on fait allusion aux manifestations de Sidi IFNI qui ont mis en cause le gel des
accords conclus entre les autorités locales et nationales pour l’ouverture des unités industrielles. Il
est observé, aussi, des manifestations remontant à septembre 2006 contre l’augmentation des tarifs
de l’eau et de l’électricité pratiquée par l’entreprise privée chargée de la gestion déléguée du réseau.
L’air contestataire n’a fait que se radicaliser en 2007 quand un SIT-IN programmé à SEFROU encadré
par l’AMDH aboutit à une confrontation avec les autorités. Toutes ces manifestations ont été
violemment réprimées par les forces de l’ordre.
En d’autres termes, le M20F s’est caractérisé par un champ multi organisationnel renfermant un bon
nombre d’acteurs politiques influencés par le contexte révolutionnaire de la région et qui envisagent
de nouvelles formes contestataires. Le caractère hétéroclite du M20F a produit un nouveau
répertoire d’action par rapport aux autres contestations précédentes. Le champ d’action du M20F
n’était pas figé, il est évolutif en raison de la nature des demandes politiques appuyées par la
présence énorme des entrepreneurs politiques. La politisation du M20F est remarquée dans les
revendications et les slogans brandis durant les manifestations organisées, De profondes réformes
ont été revendiquées demandant plus de liberté, plus de justice et plus de dignité. Le M20F a
regroupé des acteurs diversifiés issus de différentes couleurs politiques capables de mobiliser
plusieurs coordinations sur le même jour dans des dizaines de villes. Ces coordinations ont porté le
nom des communes où elles se trouvent, à titre d’exemple la coordination de Casablanca a réuni
plusieurs sections qui opèrent dans les quartiers casablancais (Sidi Momen,Sebata,Bernoussi,
Oulfa…). Sur le volet numérique, le M20F a pu rassembler un nombre considérable de contestataires
6
: Lamia Zaki : Maroc dépendance alimentaire radicalisation contestataire et répression autoritaire. Revue du
sud. Actualité des mouvements du sud.
(sur le niveau national) avec lesquels il était possible d’organiser des manifestations synchronisées à
la troisième semaine de chaque mois à l’inverse des dynamiques protestataires mobilisées
antérieurement (avant la date du 20 février)qui ont demeuré très retreintes dans le sens où leur
action contestataire n’a intériorisé que des revendications concertées de réformes de systèmes
économique et social. En plus, ces manifestations, restées sédentaires et limitées en temps et en
espace, étaient incapables de se propager sur tout le territoire.
Le Mouvement du 20 février a bénéficié, aussi, de l’aide gratifiée de ses entrepreneurs offrant de
nouvelles tendances. « Un noyau dur » (le cadre où les décisions du Mouvement sont élaborées) est
constitué. Il est représenté par ces entrepreneurs politiques issus du collectif associatif et partisan et
qui se tenaient prêts à aider le Mouvement. Ils ont créé des commissions diversifiées pour orienter
l’action stratégique du Mouvement (commissions des slogans, des médias, du suivi).
La détermination de la nature d’action contestataire menée par le M20F n’a pas cessé de se
reconfigurer suite aux événements politiques institués (La révision constitutionnelle du 1er juillet et
les élections législatives du 25 novembre 2011). Ceci nous a poussés d’aller en profondeur. Ainsi
notre réflexion sera concentrée sur la forme contestataire incarnée par le M20F :
Il s’agit, en une part, de saisir la manière par laquelle le M20F procède pour nouer des relations
d’alliances capables d’unifier les configurations politiques hétéroclites tout au long de la dynamique
protestataire.
En d’autre part, on va vérifier à quel point le M20F a pu constituer une véritable action contestataire,
bénéficiant du nouvel répertoire, sans pour autant perdre sa spécificité et se confondre avec l’action
politique normative.
Le mouvement du 20 février : quelle relation entre le champ
partisan et l’espace contestataire ?
_
Il serait réducteur de limiter l’apparition du M20F à une émanation propre du contexte
révolutionnaire, ou bien de l’appréhender sous une vision résumant, d’une manière ou d’une autre,
la dynamique faite par des jeunes blogueurs dans les réseaux sociaux, qui viennent indiquer leur
volonté et désirs de se mobiliser à l’instar d’autres jeunes révoltés dans la zone arabe. L’histoire du
Maroc a, plus ou moins, connu des événements politiques générateurs de véritables opportunités de
protestation7. Ce qui nous a poussés d’avancer un questionnement lequel : dans quelle perspective
et enjeu s’inscrit le nouveau mouvement de contestation ? S’inscrit-il dans la continuité des
protestations précédentes ? Ou bien serait- il caractérisé par une rupture toute faite d’un genre
nouveau de contestation que le Maroc n’a jamais connu depuis son indépendance ?
Le domaine de la lutte politique a été dynamisé par de profondes mobilisations justes après
l’indépendance. En effet, dés le début des années 1960, l’opposition composée de militants du
mouvement national qui voulaient construire un potentiel d’opposition face à un régime politique,
qui mène une stratégie de scission partant du principe « diviser pour régner ». Ainsi, les forces
nationales sont entrées en conflit avec le monarque. Dés lors, les deux protagonistes de la scène
politique en place commençaient à s’identifier comme des ennemis, nourrissant le clivage instauré.
7
: Rémy Levau : le Fellah marocain défenseur du trône.
Le système politique institué au Maroc par Hassan 2 en 1962 a, en globalité, tendu à reproduire la
politique du MAKHZEN8 qui fait que la nature du pouvoir soit centralisée autour de la personne du
roi. Par cette mesure Hassan 2 a favorisé la sacralisation du choix gouvernemental qui vise à
désamorcer le champ politique en faveur du champ religieux9.
Bien que, la contestation sociale représentée par la gauche en 1965, à la manière d’une révolte
dirigée vers le régime politique, celui-ci a anticipé par la déclaration d’un état d’exception entre
(1965- 1970). En suite, les années 80 étaient marquées par des politiques d’ajustement structurel et
des révoltes urbaines (1981, 1984, 1990). Elles avaient pour cause la contestation des choix
économiques et sociaux. Le soulèvement des mouvements islamistes (cas du voisin algérien, le FIS) et
la chute du mur de Berlin avait des répercussions sur la gauche marocaine qui a accepté des
promesses de démocratisation soulignées par Hassan 2, qui avait commencé à créer des institutions
à vocation démocratiques. Le projet d’ouverture politique s’est traduit par la mise en avant d’un
conseil consultatif des droits de l’homme en 1990, qui a connu la participation de plusieurs
personnalités de l’opposition. Aboutissant, ainsi, en 1996 à l’établissement d’un gouvernement
d’« alternance consensuelle » présidé par une figure connue de l’opposition traditionnelle : M.
Abderrahmane al Youssofi de l’USFP.
L’intronisation du roi Mohamed VI (1999) a constitué une « nouvelle étape » dans l’histoire politique
contemporaine au Maroc. Le nouveau souverain a montré une « volonté » réformiste (discours du
trône, 1999) pour continuer la politique « d’ouverture » entamée par son père. D’ailleurs, le Maroc a
connu pour la première fois une organisation des élections législatives(2002,2009) et
municipales(2003,2009) jugées, plus ou moins, transparentes10. Aussi, la présentation d’un projet qui
vise à rendre les villes sans bidonvilles en 2004 et la promotion de l’initiative nationale pour le
développement humain en 2005 dont l’objet est de donner des fonds pour permettre aux
associations d’élaborer leurs propres projets. L’Etat a mené aussi un projet de construction et
d’équipement (des autoroutes, aménagement des ports, tramway).
En dépit des chantiers de réformes présentées, une gamme d’action contestataire est déclenchée à
travers tout le royaume avant même les contestations incitées par le mouvement du 20 février. Le
sentiment de frustration et d’abandon est exprimé, à maintes reprises, vis-à-vis du pouvoir politique.
Les débats ne cesseront pas de s’approvisionner par quelques acteurs politiques autour des règles
qui déterminent le jeu politique au Maroc. Les forces partisanes qui se réclament comme des
héritiers « lucides » du mouvement national (quelques partis de la gauche « radicales » à savoir : le
parti socialiste unifié (PSU), le parti d’avant-garde démocratique et socialiste (PADS), le conseil
national ittihadi (CNI) et le parti de la voie démocratique (VD). Ils n’ont pas cessé de socialiser leurs
militants à la lutte contre la forme politique actuelle en appelant par le biais des Sit-in et des Marches
à la réécriture de « l’histoire » politique demandant la création d’une assemblée constituante élue,
qui s’engage à préparer une constitution démocratique. Sauf que, ces phénomènes contestataires
sont restés isolés et dispersés en temps et en espace. Tant que les autres configurations politiques
8
: Makhzen : locution qui signifie un mode de fonctionnement du pouvoir politique au Maroc qui fait que des
attributions larges soient déléguées à un cercle politique réduit.
9
: Mohamed Tozy : représentation/ intercession : les enjeux du pouvoir dans « les champs politiques
désamorcés » au Maroc.
10
: Karine Bennafla et Haoues Singer, le Maroc à l’épreuve du printemps Arabe, outre terre 2011/3, N°29
pages 143à 158.
majoritaires sont entrées en conciliation avec la monarchie, favorisant le pacte signé préservant la
structure politique établie. Ces configurations vont éloigner toute tentative qui vise la substitution de
l’ordre établi. Toutes les initiatives contestataires avancées dans ces dernières années, par quelques
activistes, ont été vouées à l’échec. Mais à travers la situation de révolte qui a envahie le monde
arabe et qui a fait que les principes sus cités (la constitution démocratique, une monarchie
parlementaire) soient réexaminés de nouveau. Un militant du mouvement alternatif des libertés
individuelles (MALI) a déclaré : « avec la chute des deux régimes arabes (tunisien et
égyptien), je commence à sentir que nous sommes aussi concernés11».
Les forces partisanes citées en premier ont présenté leurs soutiens aux activistes des réseaux sociaux
déclarant leur volonté manifeste de participer à la mouvance contestataire, tout en remettant en
cause le jeu politique qualifié par ces activistes comme un domaine ambigu et désamorcé.
Le mouvement a pu sortir après un long débat sur les réseaux sociaux rejetant les propos sur
l’exception de l’Etat marocain. Un principe par lequel les autorités publiques voulaient démontrer
que le Maroc reste une exception dans la région et que toute sorte de comparaison entre le Maroc et
les autres pays de « printemps arabe » serait fausse. Ainsi à l’occasion du M20F la rue est mobilisée
et les activistes ont contesté la corruption politique, sociale et économique. Sans avoir insisté sur la
chute du régime ou bien le départ du roi (sauf des cas rares). D’ailleurs le M20F a entretenu des
rapports avec d’autres secteurs (les partis politiques, les structures syndicales et les associations).
Cette situation lui a attribué un caractère inédit. Par conséquent, il est devenu très difficile de
décortiquer la nature formelle du M20F. Certains ont qualifié le Mouvement comme un sous champ
politique regroupant des acteurs politiques de la gauche et de l’islam politique mettant en question
l’autonomie du Mouvement et son propre organisation. On aura l’occasion, plus tard, de développer
cet axe de recherche lorsqu’on veut exposer la position du Mouvement vis-à-vis des événements
politiques institués. Le recours au boycott de ces échéances nous a apporté quelques signes sur la
stratégie politique suivie, et la manière par laquelle ce boycott est abordé a poussé à s’interroger à
quel point le M20F a pu préserver sa spécificité en tant qu’une action contestataire alternative sans
se confondre avec l’action politique normative.
Le 20 février la date d’entamer une première manifestation organisée par ce nouveau groupe des
contestataires. Dès lors, le groupe a fourni beaucoup d’effort afin de protéger, cette première sortie,
face aux imprévus qui pourraient endommager le Mouvement. En principe, les entrepreneurs
d’action au sein du M20F se sont focalisés sur la manière par laquelle les mobilisations peuvent être
réussies. Ils ont établi un canal communicationnel entre eux pour rendre leur appartenance
réciproque. Ces entrepreneurs ont incarné, en premier rang, une nouvelle identité qui est celle du
groupe. En cas du problème interne, ils ont répété le slogan qui incite à l’union et à la solidarité : (bel
wahda wa attadamon lli bghinah ikoun ikoun) « unis et solidaires, nous obtiendrons tout ce qu’on
veut »12.
Il est devenu remarquable au sein du M20F que la logique individuelle est supplantée, à un moment
donné par la logique du groupe. Sans pour autant dire que les caractéristiques qui distinguent les
formations politiques existantes soient dissimulées. Une tolérance est accordée aux composantes
pour envisager leurs modes contestataires préférés sans porter atteinte à l’unité du groupe. Ainsi,
11
12
: Un entretien réalisé avec un activiste du mouvement alternatif des libertés individuelle MALI.
: Ce slogan est toujours répété pour unir toues les composantes du Mouvement.
l’ampleur du Mouvement commence à s’enraciner. Durant les trois semaines, le pouvoir politique ne
s’est pas exprimé au sujet des manifestations. Mais le 09 mars 2011, le roi a annoncé un discours qui
vient indiquer, implicitement, qu’il est au courant des messages apportés par les jeunes activistes du
M20F. Il a voulu mettre une réforme constitutionnelle globale sous la direction d’une commission
nommée et présidée par l’universitaire ABDELLATIF MENNOUNI13. En effet, le roi a exprimé son
intention d’accélérer les réformes pour maintenir une paix sociale et éviter tout débordement qui
pourrait survenir.
Le débat sur la réforme constitutionnelle n’a pas cessé de s’intensifier entre les parties en conflit. Le
M20F, après le discours s’est trouvé en dilemme à cause des défections effectuées en son sein
(mouvement baraka, quelques jeunes de chabiba ittihadia). Ainsi, le groupe est divisé entre ceux qui
réclamaient l’ambigüité du discours appelant à le boycotter et ceux qui se sont montrés optimistes
s’engageant à aller présenter leurs mémorandums à la commission nommée. Pour les premiers, qui
ont mis en cause la logique de la nomination suivie par le palais à chaque événement politique, ils
venaient indiquer leur volonté de se repositionner comme un front préparant une réponse mesurée
au discours du 09 mars par de nouvelles perspectives qui leur permettront de pérenniser leur action
contestataire. Ils ont organisé un Sit-in le 13 mars devant le siège du parti socialiste unifié (PSU), qui
est violement réprimé par les forces de l’ordre. Cette répression a poussé le collectif du 20 février à
réaffirmer son refus total de tous les agissements politiques qui se limitent aux règles du jeu établies
par le pouvoir en place. Les acteurs du M20F se sont décidés à s’engager dans un bras de fer contre
les forces « conservatrices » qui s’interagissaient entre elles pour maintenir la forme politique
actuelle. Ils ont annoncé une prochaine manifestation le 20 mars, D’où La présence innombrable des
manifestants a motivé les organisateurs pour échanger les coups avec ces forces.
Certes, la réussite de la manifestation du 20 mars a produit de nouvelles ressources au M20F, mais
elle n’a pas réussi à renforcer les liens de rapprochement avec d’autres opportunités politiques. La
mobilisation faite par les activistes du M20F pour recruter de nouveaux éléments s’est affaiblie. Ils
n’ont pas pu convaincre les gens pour adhérer en vue d’apporter un soutien symbolique ou matériel.
Tant de militants ont expliqué cette dégradation par le faible agissement de l’organisation sur les
individus que le groupe souhaite intégrer dans le processus protestataire. Ainsi, le groupe commence
à perdre son ampleur sur le terrain. Par conséquent, le champ contestataire a été désamorcé au
profit des réformes présentées par le roi. On assiste, petit à petit, à un rétrécissement du groupe
comme forme capable de s’imposer à prendre partie au conflit et qui peut obliger le pouvoir
politique à élargir, beaucoup plus, ses réformes. À une étape donnée, la défection des adhérents est
venue éclaircir, en quelques sortes, l’état faible du Mouvement.
En retour au discours du 09 mars, Les activistes du mouvement du 20 février l‘ont accueilli avec
beaucoup de réserve dénonçant l’offre des réformes proposées. D’abord, les activistes ont exigé une
explication du discours loin de tout amalgame. Une déception est remarquée chez ces jeunes qui
contestent les pouvoirs absolus du roi demeurés indiscutables. Selon eux, Les annonces déclarées au
début du discours sont fortement significatives. Elles expliquent le caractère transcendant du
monarque « la sacralité de nos constantes qui font l’objet d’une unanimité nationale. À
savoir l’islam en tant que religion de l’Etat garant de la liberté du culte, ainsi que la
13
: Abdellatif Mennouni : professeur du droit constitutionnel à l’université de Rabat Agdal, et président de la
commission consultative de révision constitutionnelle.
commanderie des croyants, le régime monarchique, l’unité nationale, l’intégrité
territoriale et le choix démocratique. Nous apporte un gage et un socle solide pour bâtir
un compromis historique ayant la force d’un nouveau pacte entre le trône et le peuple».
Le M20F a mis en cause les modalités par lesquelles le palais procède à la création de la commission
consultative de révision constitutionnelle (CCRC), dont les membres sont désignés par le roi, sans
consultation préalable du parlement et du gouvernement. Cela a consacré, selon certains activistes,
un principe d’autorité en matière de prise de décisions. Les composantes politiques du M20F se sont
mises d’accord sur le boycott de la réforme constitutionnelle. Ils ont publié à l’occasion des
communiqués qui justifient leurs positions. L’alliance de la gauche démocratique (AGD) est restée la
formation politique unique qui a appelé au boycott, dénonçant le conservatisme de la constitution
comme l’explique le secrétaire général du Parti Socialiste Unifié (PSU). Pour ce parti, la constitution
n’a rien à apporter pour la transition démocratique, elle ne fait que consolider les pratiques
ritualisées de domination du souverain. « Si nous décidons de nous y opposer c’est parce que
cette constitution n’apporte pas de transition pour notre pays. Tout au contraire, elle
conserve l’ancienne en gardant la majorité des pouvoirs aux mains du souverain. La
séparation des pouvoirs n’est pas toujours acquise comme nous l’avions souhaitée14 ».
Quant au Parti Avant-garde Démocratique et Socialiste (PADS), il a annoncé le boycott de la réforme
constitutionnelle sur les lèvres de son secrétaire adjoint ABDERRAHMANE BENAMEUR qui a qualifié
la méthode adoptée en matière d’élaboration du projet constitutionnel de fausse : « nous n’étions
pas d’accord sur la méthode qui a été adoptée dans l’élaboration du projet de la
constitution. Nous avons demandé la mise en place d’un conseil composé des différentes
forces du pays. La commission MENNOUNI puis celle du mécanisme politique ont
finalement servi pour la forme sans plus(…). Le Draft a été élaboré sans qu’il y ait de
consensus autour du contenu. Nous avions alors refusé de participer au début d’autant
que la copie nous a été soumise pour une lecture et non pas pour des amendements
comme il était prévu dés le départ par la commission de MENNOUNI 15».
Le Conseil National Ittihadi (CNI) a refusé le texte constitutionnel qui n’a apporté que des avancées
restrictives. Citons dans ce sens la déclaration de son secrétaire général ABDESLAME LAAZIZ: « dans
sa partie politique, le texte de la constitution garde une monarchie exécutive. Certes,
nous ne nions pas les avancées contenues dans ce texte. Mais le fonctionnement des
différents pouvoirs n’a pas subi le réel changement attendu16 ».
Par ailleurs, la décision du boycott est prise, aussi, par Les associations qui se trouvent dans le
Mouvement :
À leur tête L’association islamiste el adl wa al ahssane (justice et bienfaisance) a refusé le projet
constitutionnel. Elle a justifié ses propos dénonçant l’exclusion du peuple en tant que facteur de tout
processus démocratique. À cette occasion, Nadia Yassine (fille du Cheikh Yassine) a déclaré : « la
14
: Mohamed Moujahid : ancien secrétaire du parti socialiste unifié.
: Abderhamane Benameur : le secrétaire adjoint du parti avant-garde démocratique et socialiste.
16
: Abdsalam Laaziz : le secrétaire général du conseil national Ittihadi.
15
constitution présentée n’est pas démocratique et ne convient pas au Maroc. La
constitution doit émaner du peuple » elle ajoute « les promesses apportées par le discours
royal du 09 mars ne sont pas suffisantes tant qu’elles ne touchent pas les pouvoirs
absolus du monarque ».
L’association ATTAC MAROC est invitée, aussi, par la commission consultative de révision
constitutionnelle. À son tour, ATTAC Maroc a décliné cette invitation. Elle a saisi l’occasion pour
rappeler au boycott du projet constitutionnel. Elle a nié toute forme de participation aux réflexions
engagées autour du chantier constitutionnel. ATTAC a affirmé, dans son communiqué, que les
conditions démocratiques ne sont pas réunies autour de la (CCRC).
En ce qui concerne les syndicats, seul le conseil national de la confédération démocratique du travail
(CDT) a appelé au boycott, dénonçant la manière avec laquelle le projet constitutionnel a été
élaboré. Tandis que les autres structures syndicales « l’UNTM » « l’UGTM » « l’UMT » ont approuvé
la réforme constitutionnelle. La majorité des conseils nationaux de ces syndicats se sont prononcés
pour le « oui ».
Le M20F a dénoncé aussi la compagne référendaire véhiculée par l’Etat. Il a contesté
l’instrumentalisation totale de la religion. Aussi bien, ce facteur religieux est apparu omniprésent
dans cette compagne. Il est constaté aussi dans les mosquées où les imams ont interprété un texte
transmis par le ministère des Habous et affaires islamiques, incitant les gens à voter « oui ». Un autre
constat marqué pendant la compagne référendaire. Il concerne l’usage d’un groupe de gens connus
par leur servilité au régime : les « baltajis » (appellation empruntée au registre de la révolution
égyptienne). D’après ces jeunes du 20 février, les « baltaji » sont des hommes payés à saboter
toutes les manifestations organisées par le mouvement contestataire.
Après avoir refusé le projet constitutionnel prononcé par le roi dans le 09 mars, le mouvement a
repris la même stratégie politique face aux élections législatives du 25 novembre 2011. L’appel au
boycott de cette élection était considéré comme la cause sous laquelle s’inscriront tous les
agissements des activistes du M20F. À cette occasion, le collectif contestataire a constitué un front
du boycott. Plusieurs formations politiques ont déclaré, à travers leurs adhérents, que ce boycott est
entendu comme « actif ». Chaque composante a présenté devant l’opinion publique les justifications
incitatives qui font que ces acteurs s’abstiennent d’aller aux urnes. Elles affirment leur choix par des
communiqués adressés aux citoyens. On commence par exposer les positions des deux
configurations du mouvement du 20 février qualifiées comme des « extrémistes ». Le mouvement
d’al adl wa al ihssan d’une part, et le parti de la voie démocratique en d’autre part. Ces deux
formations ont toujours boycotté les élections législatives donnant l’impression qu’elles sont non
concernées. Elles ont pratiquement refusé de jouer dans les règles imposées par le régime politique.
Quant aux élections de 2011, la décision du boycott est prise pour al adl wa al ihssan lors d’une
session extraordinaire du cercle politique. Cette déclaration a été prévue pour le 09 octobre 2011,
pendant laquelle l’association du cheikh Yassine a publié un communiqué appelant au boycott des
élections législatives, et compris l’invitation des élites marocaines d’adhérer au mouvement
contestataire.
Concernant le parti de la Voie Démocratique qui a, à son tour, appelé au boycott des élections, par
un communiqué issu d’un conseil national organisé le 11 septembre 2011, sur lequel le parti nahj
addimocrti a procédé à l’appel d’intensifier le militantisme afin de faire face à toute tentative qui vise
le renversement de l’indépendance et l’unité du mouvement du 20 février. En outre, il incite sur
l’enracinement du Mouvement dans les quartiers populaires pour impliquer la classe ouvrière et le
secteur estudiantin. À cet égard, le boycott des élections est justifié, selon les militants de nahj, par
une aggravation des mauvaises circonstances politiques, économiques et sociales. Il dénonce, aussi,
l’augmentation du taux de chômage parmi les jeunes marocains et la cherté de la vie. Aussi sur le
plan politique, le communiqué a mis en question toute concentration des pouvoirs fondamentaux
aux mains du roi.
Le moment électoral a fourni une occasion pour bien mesurer les rapports entre l’espace
protestataire et le champ partisan, obligeant le cadre du mouvement du 20 février à se redéfinir au
fur et à mesure avec les changements politiques. Ce cadre contestataire a permis de garder une
certaine maniabilité, pourtant une « douceur » était remarquée parmi les configurations politiques.
Ceci leur a laissé une certaine marge de manœuvre afin d’envisager leurs propres tactiques allant de
pair avec leurs visions et leurs objectifs. À l’intérieur du mouvement, certaines forces politiques
optent pour la participation politique aux élections, renversant le choix décidé par le collectif du 20
février. Pour elles l’intérêt de l’organisation partisane prime sur l’action contestataire menée par le
mouvement du 20 février. Le conseil national ittihadi (CNI) s’est inscrit dans cette logique focalisée
sur la participation politique et non sur le boycott, se déclarant que le parti maintient un projet de
société qui s’élargit en temps et en espace.
Autrement, le boycott politique a suscité, dans des cas, des dissensions internes. C’est le cas du PSU.
Ce dernier a vécu cette expérience de décision du boycott après un débat acharné au sein du conseil
national du parti le 17 septembre 2011. Nous assistons à un débat entre les membres de ce parti
autour de la décision du boycott, Parmi les personnalités qui soutiennent la participation BENSAID
AIT IDER : « nous n’avons pas réussi jusqu’à maintenant à mobiliser la rue. C’est de
participer, et de se battre à l’intérieur des institutions ». Il a ajouté : « la déclaration du
boycott est une solution de facilité ». Par contre, Mohamed SASSI qui a qualifié la participation
aux élections durant la période de contestation de « suicide politique ». Il était avec le choix du
boycott.
Le PADS a aussi appelé au boycott des élections se référant à des fondements constitutionnels et
juridiques dégagés par son secrétaire adjoint lequel a exploité son potentiel juridique afin de donner
une justification au boycott des élections législatives. BENAMEUR a lié la souveraineté de la loi à deux
conditions fondamentales inséparables. Une première condition vise à préserver les garanties
juridiques inscrites dans des textes, Alors que la deuxième condition touche l’application de ces
garanties dans la réalité.
Selon BENAMEUR l’Etat marocain à travers ses appareils législatifs et exécutifs n’a pas veillé sur la
crédibilité des élections précédentes. Il a reproché à l’Etat de ne pas vouloir réviser les listes
électorales et le non recours à la poursuite des personnes corrompues et les tricheurs des élections.
Le secrétaire adjoint du « PADS » a expliqué les causes véritables derrière le boycott de son parti. À
priori, la volonté manifeste du parti d’élargir la participation aux élections, tout en se référant à la
carte d’identité nationale pour le vote, sans avoir besoin de s’inscrire dans des listes électorales.
Outre le souhait d’attribuer l’observation des élections législatives à un comité national
indépendant. Avant de terminer son exposé dans lequel il a affirmé que les élections ne sont pas
légitimes et qu’ils sont plutôt contre l’esprit de la nouvelle constitution. Celle-ci prévoit d’une
manière claire que le délai du parlement est de 5 ans, et que le parlement actuel est constitué le 7
septembre 2007. Donc, son mandat va expirer le 7 septembre 2012. Selon BENAMEUR c’est au roi de
dissoudre le parlement par un dahir après un recours à la consultation du président de la chambre
des représentants et d’adresser un discours à la nation.
L’événement électoral a constitué un moment de suivi des marches du boycott décidées par
l’assemblée générale du M20F le 16 novembre 2011. En effet, le moment des élections est considéré
comme un poste d’observation où l’espace protestataire avait, en quelque sorte, influencé le champ
partisan permettant de remodeler les modes de participation politique. De leur part, les partis
politiques soutenant le groupe du 20 février sont considérés comme des organisations aptes à
dynamiser l’affaire du boycott substituant par là même le M20F.
Généralement, on peut retenir quelques remarques issues de cette opération de boycott :
_ l’appel au boycott a généré un repositionnement au sein du mouvement du 20 février. Une
concurrence est réinventée entre les partis politiques qui ont procédé à envisager une tactique
propre. La volonté de ne pas laisser le champ libre à d’autres configurations rivales est sentie.
_ la question du boycott a produit une opportunité pertinente permettant aux deux « secteurs »
(espace protestataire et champ politique) tellement différents d’entretenir des rapports de
réciprocité. Autrement dit, l’espace protestataire a permis au champ partisan une possibilité de
réinvestir les « nouveaux » modes de participation politique et de renforcer le statut des partis
politiques qui s’entendent comme des relais du boycott exercé par le mouvement du 20 février.
Conclusion :
De temps à autre et après chaque événement politique institué, le mouvement s’est confronté à un
défi pour sauvegarder son unité. D’ailleurs, pendant le moment référendaire les entrepreneurs du
M20F, dont un bon nombre revendique l’ambigüité et l’insuffisance de la révision constitutionnelle
proclamée par le pouvoir en place, ont indiqué une manifeste intention de s’opposer par voie du
boycott incitant tous les groupes à procéder de la sorte. Après la bataille de la constitution (réussie
par le pouvoir politique), viennent les élections du 25 novembre. Cette fois-ci, le M20F a délégué aux
partis politiques présents en son sein à boycotter ces élections en se référant à leurs propres
tactiques avec une tolérance aux partis qui ont montré leur participation aux élections (cas
d’illustration le CNI).
Malgré l’accord établi entre les composantes du M20F à mettre à l’écart l’identité partisane. La
manière d’aborder le boycott par les partis a fait ressurgir les rivalités idéologiques au sein du
Mouvement. Certains partis prenaient en compte leur nature politique et se donnaient l’impression
sur leur prédominance.
Ainsi, les dissensions internes ont été produites, à titre d’exemple, entre le parti socialiste unifié et
l’association d’al adl wa el ihssan. Il semblerait que le troisième congrès national du PSU a montré, à
quel point, la nature conflictuelle sur laquelle ces deux composantes s’affrontaient. Le PSU, par le
biais de son congrès, a voulu mettre l’accent sur sa vision envisagée au sein du M20F affirmant le
soutien accordé à la plate forme du Mouvement, en faisant référence à l’adoption d’une monarchie
parlementaire. D’ailleurs, le congrès a pris son appellation « la monarchie parlementaire
maintenant». Le soutien de la plate forme préparée par le Mouvement était apprécié dans le cadre
de restreindre le champ d’intervention d’un autre partenaire participant au Mouvement pour qu’il ne
soit pas dévié du principe évoqué en premier moment (assemblée constituante, monarchie
parlementaire). Selon des propos recueillis d’un activiste d’al adl wa el ihssan : « le choix de la
monarchie parlementaire a été désigné pour contrecarrer les ambitions d’al jamaà » de sa
part, l’association a mis en cause toutes les décisions prises d’une manière unilatérale sans recours
au groupe du 20 février. Ainsi, le congrès national du PSU a constitué un point de discorde qui a
poussé el jamaa à déclarer son retrait dénonçant, selon elle, l’idéologisation menée au sein du
M20F. L’un des membres du cercle politique de l’association adl wa el ihssane a déclaré : « l’arrêt
de notre soutien est expliqué par le monopole d’un certain courant politique qui impose
une couleur idéologique sur le M20F » il a ajouté « ce courant a voulu mettre le Mouvement
sous sa direction, tout en le réduisant dans un cadre étroit. Ainsi, toute continuation au
sein du Mouvement pourrait être un grand cadeau pour le despotisme ».
La référence aux partis politiques pour réussir les compagnes du boycott, selon leurs perspectives
stratégiques, a contribué à l’idéologisation du Mouvement (chaque parti politique formule les raisons
de son boycott selon ses propres convictions) et, aussi, acheminé le groupe vers une scène politique
instituée (maitrisée par le pouvoir en place)17. En conséquence, plusieurs défections se sont
effectuées au sein du groupe rendant le mouvement du 20 février plus faible qu’auparavant. Dans ce
contexte le Mouvement est devenu un lieu de débats idéologiques s’éloignant, petit à petit, de sa
raison d’être : un mouvement social organisé et structuré, à caractère collectif, qui conteste l’ordre
social établi pour prendre la direction sociale.
17
: Mounia Bennani Chraïbi et Mohamed Jeghllaly : la dynamique protestataire du mouvement du 20 février à
Casablanca. Presses de sciences politique/ revue française de science politique/ 2012/5_vol 62/ pages 867 à
894
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