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dans laquelle on tient les mythes ne vise qu'à assurer leur
efficacité" (p. 27).
Le fonctionnarisme et l'utilitarisme reposent ainsi sur un
ensemble de pratiques et de croyances partagées, situées au delà de
la contestation et ce sont elles qui assurent la cohésion sociale.
Reprennant une idée de Marc GUILLAUME et s'appuyant sur
les analyses de Roland BARTHES, les auteurs opposent la mythologie
moderne, extériorisée dans les pratiques, mais intériorisée
subjectivement en tant qu'ensemble de croyances inconscientes aux
discours mythique traditionnel. Son contenu est "récité" à travers
les choses et les événement en apparence les plus banals de la
quotidienneté" (p. 47). Pour reprendre la définition qu'en donnent
nos auteurs
(p.54),
"la mythologie programmée est un système de
croyances socialement partagées, collectivement construit par
l'imaginaire social, à partir de matériaux fournis par l'histoire, qui
permet de rendre socialement acceptable les pratiques modernes et
de les orienter en fonction d'un avenir présenté comme légitime et
nécessaire".
La deuxième partie, "Figures de la mythologie programmée",
nous fournit des illustrations concrètes de cette analyse. Sous les
titres,
le grand ordonnateur, l'éthique de la vénalité, la noblesse
d'argent, la bioéthique ou la part du feu, la célébration du
programme, exposer et s'exposer, le concubinage des déclarations,
l'amour de l'humanité, sont produites des analyses de ces mythes.
Le
grand
ordinateur s'attaque, par exemple, au mythe de
l'ordinateur dans ou même en dehors de la grande église
informatique". L'éthique de la vénalité s'intéresse aux fondements
de la "culture d'entreprise", la noblesse d'argent aux cartes de
crédits. Le concubinage des déclarations analyse le rôle de la
prolifération de déclarations solennelles de droits et en particulier
celle du droit au développement. L'amour de l'humanité montre la
contruction
d'un mythe vivant :
mère Theresa
qui cumule les signes
traditionnels de la sainteté.
Dans une troisème partie, tous ces mythes se retrouvent et
manifestent la religion moderne dans l'analyse du champ de la
solidarité Nord-Sud. C'est au sein de ce champ que prend sens
l'invention du développement. Rester dans le champ, c'est se
condamner à reproduire l'ordre mondial
inégalitaire
et injuste. En
sortir est proprement hérétique. Le développement
alternatif,
en
tentant de changer le contenu des pratiques, sans sortir du champ,
est voué à 1' impasse et condamné au dilemne de la stérilité ou la
complicité.