A few things you should
know (and see)
about Kathakali
T    S
Il a gravi, comme nous, les niveaux de conscience et d’entendement le
menant à un univers symbolique cohérent, avec ses concepts et ses réfé-
rences, mais plus ou moins diérent du nôtre. Il a, en d’autres termes, ex-
ploré une autre contrée du monde des idées que nous, contrée à laquelle
nous n’aurions jamais eu accès, dont peut-être nous naurions jamais
pris connaissance. Rien ne permet de supposer que l’univers psychique
de l’étranger soit moins performant, moins créatif, moins bouleversant
que celui qui fonde la culture des miens, celle qui, en interaion avec
mes propres particularités, ma fait ce que je suis et ce que je pense.
Axel Kahn, Lhomme, ce roseau pensant…
Essai sur les racines de la nature humaine ()
L’I   et épicée, riche et colorée. Les dieux y sont
nombreux et omniprésents. Un peu partout, on trouve des
temples et des eaces sacrés qui parfois ne eurissent que
pour quelques jours ou quelques mois. Brahma, Vishnu, Shiva
et des millions dautres divinités vivent sur la péninsule. Des
asuras (démons), des devas (des manifeations bienveillantes),
des nagas et des animaux sacrés peuplent l’imaginaire et le
quotidien des hindous. Dans la région du Kerala, au sud, il faut
encore ajouter à cette esquisse du syncrétisme les églises et les
mosquées. On ne dira rien des petites animosités qui persient
entre hindous et musulmans : dans le Kerala, la cohabitation
fonionne plutôt bien.
Du côté de la philosophie, de lart et de la culture, le tableau
e tout aussi chamarré. Depuis la n du e siècle, loccident
s’e employé à en traduire les textes et à en comprendre le gé-
nie. Goethe lui-même se iniré de l’œuvre du poète Kalidasa,
Lanneau de Sakuntala, dans lécriture de Fau.* De son côté,
Schlegel s’initie au sanskrit à Paris. Peu à peu, tous les princi-
paux textes sont traduits : les deux grandes épopées (Mahabha-
rata, Ramayana), des pièces de théâtre (Mrcchakatika « Le petit
chariot de terre cuite »), les textes religieux (Védas, Bhaga-
vad Gita, Puranas…), les traités dehétiques et de philosophie
(Upanishad, Natya Shara…). Aujourd’hui, des inituts d’ « in-
dologie » ont euri un peu partout en Occident et l’inuence de
la pensée indienne sur loccident, bien quinégale selon les do-
maines, ne plus à démontrer (Yoga, tantrisme, théâtre, mu-
sique, danse, cuisine, médecine ayurveda. . .). En , l
inscrivait le Kutiyattam, une forme de théâtre sanskrit dont la
tradition ree vivante depuis près de  ans, sur la lie des
« chef dœuvre du Patrimoine oral et immatériel de lhumani».
Ce qui e déconcertant avec l’Inde, c’e que ses catégories
et ses modes de pensée n’ont rien à voir avec celles de loccident.
La notion de « réali», par exemple, ne revêt pas la même im-
portance quen Europe où lon exige des faits tangibles et des
exiences positives. Lévidence de la « maya », ce voile de l’illu-
sion qui recouvre tout le monde manifeé et dont font partie
les dieux eux-mêmes, entraîne la culture indienne à mélanger
syématiquement la théologie avec la philosophie et lart avec
* Goethe : « Will du, was reizt und entzückt, will du, was sättigt und
hrt, / Will du den Himmel, die Erde mit Einem Namen begreifen, /
Nenn ich Sakuntala, dich, und so i alles gesagt. »
ww w.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=FR&topic=mp&cp=IN
la science. Lhioire se confond ainsi avec le mythe : le poète
devient plus important que l’hiorien et le théâtre plus impor-
tant que larchiteure.
Le mythe de la création du théâtre raconte que cet art, qui in-
tègre dès le début tous les éléments dexpression (poésie, danse,
pantomime, peinture notamment dans les maquillages, mu-
sique), a été créé an de transmettre au peuple lenseignement
des védas. Il montre ainsi la voie vers la vertu et le vice, la ri-
chesse, la gloire, diense de bons conseils, guidera les hommes
dans toutes leurs aions, et passe en revue tous les métiers.
Dès le début, le théâtre e ainsi pensé pour enseigner tout en
divertissant (le but du théâtre e de dienser le « rasa », c’e-
à-dire le suc, la saveur ehétique). Si certaines formes sacrées
comme le Kutiyattam ne sont jouées quà l’inrieur du temple,
de nombreuses autres formes sont ouvertes au public et sont
gratuites. C’e le cas aujourd’hui du Kathakali, qui rassemble
toujours une large audience avec son corge de photographes,
de journalies et de « fans »§ qui, armés de leur téléphone por-
table, se bousculent pour prendre des photos.
Avec l’inuence des anglais, dautres dramaturgies ont bien
sûr éclos. Shakeeare e connu et il exie même des adapta-
tions de ses pièces en Kathakali. Il exie à New Delhi la prei-
gieuse « National School of Drama » qui explore des techniques
et des ehétiques plus modernes. Mais la tradition e reée
profondément ancrée et, autour de lindépendance indienne,
certaines écoles se sont créées pour réanimer des formes tom-
‡ Les védas, au nombre de quatre, sont les textes considérés comme révélés
commun au védisme, au brahmanisme et à l’hindouisme. Ils ont été écris
entre  et  avant J-C. Dès le début, le natya shara e considéré
comme le cinquième véda. Il a la parole rythmée du Rig Véda, la musique
incantatoire du Sama Véda, la geuelle de lAyur Véda et lexpression dra-
matique de lAtharva Veda.
§ « Kathakali bhranta » : « fou de Kathakali ».
bées en déclin. C’e le cas par exemple du kalamandalam (créé
en ) qui e l’école la plus importante pour tous les arts tra-
ditionnels du Kerala ou de la « Sadanam Kathakali Akademy »
(créé en ), deux lieux que j’ai eu loccasion de fréquenter.
Le Kathakali e une forme de théâtre ylisé qui mélange le
sanskrit et la langue malayalam (nous sommes toujours dans
le Kerala). Sa forme auelle remonte au XVIIe siècle. Son ré-
pertoire denviron une centaine de pièces raconte lhioire des
ros mythiques de l’Inde des grandes épopées. Lhioire e
chantée et jouée par des aeurs dont le jeu e le fruit dune di-
zaine dannées de travail pour les rôles principaux. Malgré des
règles ries, limprovisation tient une place très importante
car la nouveauté ne jamais attendue au niveau de la forme,
mais au niveau de linterprétation.
Le jeu des aeurs se ruure ainsi daprès une classica-
tion des états psychiques (bhava) dont naissent les sentiments et
qui permettent de créer diérents « rasas ». Les aeurs suivent
une sorte de partition dont une tonalité e xée, par exemple,
lamour, qui correond à une expression déterminée du visage.
Sur cette tonalité viennent ensuite se greer des sentiments se-
condaires, plus fugitifs. La musique (carnatique) suit cette évo-
lution. Le texte quant à lui e récité par un chanteur et illuré
ou complété par les « mudras » des aeurs, sortes de langages
des signes qui représentent la langue des dieux. Il s’agit d’une
ritable science de la dramatisation.
De la même manière, chaque personnage du drame e iden-
tiable par son maquillage dans lequel le jeu des couleurs a une
signication (le vert pour le bien, rouge pour le mal…). Le décor,
enn, se limite à une lampe à huile à lavant-scène (kali Villaku),
¶ Description du Kathakali : www.lebacausoleil.com/SPIP/article.
php3?id_article=257
Vidéo de kathakali : http : //tinyurl.com/yfs5jxy
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