L`engagement politique aujourd`hui Chapitre I. Une

L’engagement politique aujourd’hui
Chapitre I. Une sociologie des militants et des logiques de leurs
engagements
1. Une sociologie des militants : qui s’engage ?
HAEGEL (2009) “La mobilisation partisane de droite », Revue française de science politique, 59 (1), p. 7 27.
Elle note plusieurs différences entre les militants du PS et de l’UMP :
- Pôle public – Pôle privé : l’UMP organisée autour d’un groupe majoritaire issu du secteur
privé (62 %) s’oppose au PS construit autour d’un groupe majoritaire inscrit dans le secteur public
(59 %). Mais Mais les salariés du secteur public représente 37% de l’UMP en 2004.
- la religion permet de distinguer l’UMP de son concurrent socialiste et la rapproche de
ces homologues européens : les « catholiques pratiquants » (35 % des adhérents UMP, 12 % des
adhérents socialistes et 14 % de l’électorat), de l’autre, les irréligieux (10 % des adhérents UMP, 47 %
des socialistes et 25 % de l’électorat). La fréquentation, à un moment de leur trajectoire scolaire, d’un
établissement privé (essentiellement catholique) par 46 % des membres UMP renforce ce constat
- La part des professions de maintien de l’ordre (4 % de policiers et militaires), soit plus
du double que leur proportion globale, doit être signalée (tableau 6).
- Place prépondérante qu’occupent les professions dites supérieures, cadres et
professions libérales dans les deux organisations (43 % à l’UMP, 38 % au PS en 1998) et, à l’inverse, la
quasi-absence des ouvriers (2 % à l’UMP, 6 % au PS).
- Ces traits renvoient d’abord, et sans surprise, à la place des indépendants et, de manière
significative, des artisans, commerçants et chefs d’entreprises à l’UMP (plus du double qu’au PS). Mais
l’examen des caractéristiques sociales désignent également une autre différence qui arrime l’UMP, plus
que les socialistes, du côté d’une partie de ce que l’on appelle couramment les « catégories
populaires » : 26 % des adhérents UMP sont des employés (13 % chez les socialistes de 1998).
Idée intéressante : l’engagement peut servir d’ascenseur social : « Qu’en est-il de l’hypothèse, déjà formulée
en 1984, de la présence, à droite, de trajectoires sociales descendantes (alors qu’au PS domineraient les
trajectoires sociales ascendantes) ? On constate, en effet, un décalage entre les employés membres de l’UMP et
ce que l’on sait de l’origine sociale de cette catégorie en général : 43 % des employés ont un père ouvrier,
5 %un père cadre supérieur ou profession libérale ; à l’UMP, la proportion s’inverse, seuls 10 % des employés
ont un père ouvrier et 17 % ont un père issu des catégories supérieures. Ce constat est d’autant plus significatif
que des résultats congruents ont été récemment mis au jour dans l’électorat de droite et, en particulier, sur
ces employés « pas comme les autres » engagés à l’UMP. Enfin, on peut considérer que si leur trajectoire
sociale ne leur fournit pas les titres pour incarner le projet de revitalisation de « l’ascenseur social » prôné par
leur président, elle les rend sans doute particulièrement sensibles à ce type d’arguments. »
Agrikoliansky E. (2002), La Ligue française des droits de l’homme et du citoyen depuis 1945. Sociologie d’un
engagement civique.( CF fiche)
II. Les logiques individuelles de l’engagement
A. La carrière militante
1) L’étude de l’entrée dans la carrière militante : « rupture biographique » et
« disponibilité biographique »
Dans la littérature sur l’engagement dans le militantisme, deux concepts permettent d’appréhender les logiques
individuelles de l’engagement :
a. « Rupture biographique »
« FILLEULE, 2001 « post-scriptum : proposition pour une analyse processuelle de l’engagement
individuel ».
Il fait référence à STRAUSS pour cette notion et propose un exemple autour du SIDA :
- « Dans Miroirs et masques (1959,1992) Anselm STRAUSS expose la manière dont, en fonction des
modifications de la structure sociale et des positions successives des acteurs dans cette structure, avec
tout ce que cela produit aux différentes étapes de la bio- graphie en termes d’interprétation subjective
des changements vécus, les identités sont susceptibles de se modifier durablement
1
. Il analyse ainsi ce
qu’il appelle les « changements institutionnalisés » (changements de statut provoqués, par exemple, par
l’entrée dans la vie active, le mariage, etc.) et les « accidents biographiques » (crises, échecs, deuils, etc.)
en mettant particulièrement l’accent sur les processus de « désidentification» et « d’initiation » qui
peuvent produire des changements durables et irréversibles des identités, c’est-à-dire des
représentations, des attitudes et des motifs.
- Cette perspective est particulièrement utile à la compréhension des carrières militantes. Dans
l’enquête en cours sur la lutte contre le sida, les récits de vie aussi bien que les réponses aux
questionnaires mettent en relief dans la construction des trajectoires militantes (décision d’engagement,
variations d’intensité et éventuelle défection) le poids des ruptures biographiques, liées à l’expérience
directe ou affective de la maladie et, pour les homosexuel(l)es, le désajustement, parfois res- senti dès la
prime enfance, entre une socialisation hétéronormée et la découverte de ses préférences, qui amène
bien souvent à se vivre en porte-à-faux. Dans ce contexte, on a pu montrer que l’engagement contre le
sida, à un moment où l’image des associations est fortement homosexuelle, pouvait être aussi redevable
de stra- tégies d’affirmation (et donc de transformations) identitaires visant à la fois l’acceptation de sa
propre homosexualité et sa visibilisation dans le monde social »
SIMEANT Johanna, « Entrer, rester en humanitaire : des fondateurs de MSF aux membres actuels des
ONG médicales françaises », Revue française de science politique, 2001 : « Entrer dans l’humanitaire,
singulièrement en cas d’expatriation, suppose une dis- ponibilité qui laisse déjà mieux entrevoir les effets de
certaines ruptures biogra- phiques. C’est souvent (surtout chez les volontaires de plus de 28 ans) après un
deuil ou une séparation que se manifestent des candidats au départ : pas uniquement, comme on le laisse
souvent entendre, dans l’idée de « fuir leurs problèmes », maisaussi parce que personne ne retient alors les
candidats
1
. Un autre aspect des ces rup- tures biographiques est lui aussi riche d’enseignements : il correspond
au constat de la mauvaise intégration dans des univers relativement fermés et qui avaient supposé des efforts
pour y accéder (concours...), mais au sein desquels certains futurs humani- taires se trouvent en décalage, du
fait de leur âge, de leur origine sociale voire ethnique ou encore de leur résistance face à certaines règles
propres à ces univers. Le corpus d’entretiens comme le matériel documentaire dépouillé contient ainsi de
nombreux cas de jeunes gens n’ayant pas voulu ou réussi à s’adapter à certains de ces univers (médecine,
écoles de commerce, Saint-Cyr...) et les quittant tout en conservant des dispositions et des compétences
acquises en leur sein » Exemple de l’infirmière nutritionniste, cette volontaire est coordinatrice médicale d’ACF
dans un pays d’Afrique
b.« disponibilité biographique »
Doug MCADAM Freedom Summer (1989) : Il s’agit en premier lieu de la question de la disponibilité
biographique, initialement traitée par le sociologue américain Doug McAdam : pour que l’on puisse s’y investir, il
faut que l’activité militante ne soit pas trop en « concurrence » avec d’autres domaines de l’existence, et
notamment avec la vie familiale ou professionnelle, ce qui explique qu’étudiants ou jeunes retraités soient
surreprésentés dans certains mouvements, ou à l’inverse que les femmes, socialement assignées aux tâches
domestiques, soient sous-représentées aux postes de direction des organisations militantes. Dans son ouvrage,
devenu un classique, il montre que la « disponibilité biographique » est un déterminant fort de l’engagement
militant : le fait d’être majeur, non marié, d’avoir franchi le cap difficile du début de cursus universitaire, de ne
pas être inséré professionnellement favorise la participation et les propriétés inverses la freinent.
D’autres variables jouent sur la participation au Freedom Summer :
- Plus un individu compte de militants parmi ses relations relationnelles, plus la probabilité
de participer est forte : lorsqu’un parrain requis pour le dossier de candidature (l’enquête de McAdam
repose sur l’étude de 959 dossiers de candidature et il distingue les candidats qui ont effectivement
participé au mouvement au sein des communautés noires US du Mississippi et les défecteurs qui après
avoir envoleur dossier n’ont pas participé au mvt) s’est mobilisé, la probabilité de défection tombe
de 25% à 12%.
- L’immersion dans un réseau asociatif joue : les volontaires du Freedom Summer étaient
généralement présents dans des associations étudiantes. L’appartenance à des organisations liées aux
droits civiques et à la politique est p^lus prédicitif que l’appartenance à des organisations purement
corporatives (fraternités…)
- L’attitude des proches (parents, amis) est la variable la plus prédictive si ceux-ci ne
manifestent pas fortes oppositions et s’ils expriment un soutien ou une sympathie pour l’engagement
projeté.
SIMEANT Johanna, « Entrer, rester en humanitaire : des fondateurs de MSF aux membres actuels des ONG
médicales françaises », Revue française de science politique, 2001 : Elle propose une analyse en termes de
disponibilité pour comprendre les logiques de l’engagement individuelle dans le militantisme humanitaire. Elle
mesure la disponibilité (SIMEANT fait explicitement référence à la notion de « disponiblité ») des militants à
travers ce qu’elle appelle les « coûts » de l’engagement humanitaire dans les autres domaines de l’existence (vie
prof…) :
- « Les coûts sont plus importants pour les non médicaux qui, très souvent, ne peuvent
pas combiner activité professionnelle extérieure et engagement, ils infléchissent d’ailleurs souvent leur
carrières professionnelles en vue d’être recruter dans l’humanitaire (ex : études de gestion ). Pour les
médecins, c’est différent, les savoirs sont acquis, dès lors la vocation peut être plus tardive et ils
continuent l’exercice classique de la médecin »
- Sa réflexion sur les coûts repose sur une analyse en termes de carrières car elle en fait
une analyse diachronique : les coût sont pour la plupart croissants dans le temps : « Les
investissements divers au fur et à mesure de l’engagement peuvent se comprendre par la variation des
coûts et des rétributions de ce dernier. En effet il semble que les coûts augmentent avec l’âge. Pour les
médecins, la vie de famille, la santé qui s’amenuise, des responsabilités professionnelles extérieures
accrues les amènent à privilégier des missions courtes d’urgence. A l’inverse les non médicaux vont
avoir tendance à s’expatrier longtemps, le coût, en terme de désinsertion du marché du travail français
et de coupure avec les liens familiaux en France, augmente. Dès lors les plus diplômés vont se recycler
dans des organisations internationales comme l’ONU, d’autres vont préférer repartir pour des raisons
matérielles et affectives »
« FILLEULE, 2001 « post-scriptum : proposition pour une analyse processuelle de l’engagement
individuel ». (Article lu, à synthétiser)
Analyse en termes de pluralité chez FILLEULE pour appréhender la notion de disponibilité : « Quant à la notion
de pluralité, elle renvoie à l’idée, présente chez Anselm Strauss et dans la continuation du travail de Mead, que
l’inscription des acteurs sociaux dans de multiples mondes et sous-mondes sociaux qui peuvent, à l’occasion,
entrer en conflit, est une des caractéristiques fondamentales de la vie sociale contemporaine. Cela amène à
l’idée selon laquelle les organisations militantes se composent aussi d’individus insérés dans une multiplicité de
lieux de l’espace social. Ils sont donc en permanence soumis à l’obligation de devoir se plier à diffé- rentes
normes, règles et logiques qui, parfois peuvent entrer en conflit (…)il est alors nécessaire, pour comprendre
comment, concrètement, se déroulent les carrières militantes, de reconstruire, le plus souvent au moyen d’une
analyse rétrodictive, et, idéalement, en temps réel par observation ethnographique, le déroulement et
l’intrication de plusieurs niveaux d’expérience vécus dans plu- sieurs sous-mondes sociaux. Pour mentionner à
nouveau l’exemple des militants de la lutte contre le sida, cela implique que l’on analyse, en relation les unes avec
les autres, la carrière militante à proprement parler (antérieure et présente), la carrière professionnelle
(entrées et sorties de la vie active, mobilité professionnelle), la carrière sexuelle et affective (entrée dans la
sexualité, vie amoureuse, ruptures biogra- phiques, deuils, etc), la carrière dans la maladie (entrée dans la
maladie, développe- ment du mal, etc.). »
OLIVIER FILLIEULE, CHRISTOPHE BROQUA « la défection dans deux associations de lutte contre
le SIDA : Act Up et AIDES », in Le sengagement militant (2002) : dans cet article, on trouve une analyse en
termes de pluralité. Méthodologie : envoie de questionnaires aux militants et désengagés d’Act Up et d’AIDES
+ récits de vie. A partir d’une analyse du champ lexical des questionnaires, les auteurs distinguent 4 « classes »
de désengagés ou « mondes lexicaux », ie 4 « grands » motifs pour expliquer le désengagement militant. L’un
d’eux, la classe 4, renvoie à problème de la disponibilité biographique : « La classe 4 regroupe principalement
les raisons liées à la modification de la situation personnelle rendant plus difficile, voire impossible, la
participation aux activités d’AIDES. On trouve d’abord les aléas de la vie estudiantine (examen, concours) et
professionnelle (reprise d’emploi, passage à plein temps…), les changements de lieu de résidence, les
modifications de la vie affective (nouveau partenaire, évolution de la maladie des volontaires eux-mêmes) »
2) les conséquences biographiques de l’engagement
FILLIEULE, « les conséquences biographiques de l’engagement », in dictionnaire des mouvements sociaux
(2009) : « il est frappant de noter que les recherches sur les conséquences biographiques de l’engagement
tombent généralement d’accord sur au moins trois éléments. Les effets à long terme de l’activisme, les facteurs
déterminants du processus de désengagement et enfin une typologie similaire des modes de sortie et des
formes de reconversion »
a) Les effets à long terme de l’engagement militant
Julie PAGIS « Incidences biographiques du militantisme en Mai 68 » in Sociétés contemporaines, 2011. Il
s’agit de quatre types de réponses à la disjonction entre aspirations politiques et moyens professionnels de les
satisfaire après Mai 68, soit des « formes distinctes de reconversion du capital militant dans la sphère
professionnelle » qui passent bien souvent par l’importation « de dispositions contestataires dans la sphère
professionnelle » :
- Subversion des pratiques professionnelles. L’ouverture effective des possibles que représente Mai 68
pour les participants issus des classes populaires, se traduit par des trajectoires exceptionnelles de
mobilité sociale ascendante, marquées par le maintien de l’engagement.
- Reconversion de compétences militantes dans la sphère professionnelle. Conversion d’intérêts
militants pour la politique en intérêts professionnels pour le politique, cela se traduit en particulier par
l’entrée dans des professions intellectuelles supérieures (journalisme, recherche en sciences sociales,
littérature) ou intermédiaires (animation socio-culturelle).
- Désengagement politique précoce : fissure progressive du système de croyances antérieures
entretenues dans le monde militant.
- Retrait dans la marginalité et développement de stratégies parallèles prennant la forme d’exit
individuels (dépression, évasions dans la drogue, les voyages lointains, etc.), d’humeur anti-
institutionnelle (refus du travail, rejet de l’institution familiale et scolaire) et/ou d’utopies
communautaires.
L’intérêt de ce travail est de montrer la diversité des trajectoires selon les formes de politisation
antérieures à l’événement politique marquant, le sexe, l’origine sociale, l’âge et les formes de
participation à l’événement. Les conséquences biographiques de l’engagement sont donc
socialement et politiquement différentiées, de telle sorte qu’il n’y aurait pas une « génération 68 »
mais des « micro-unités de générations marquées par (…) des formes de déstabilisation,
politiques, professionnelles et privées, comparables.
b. Mobilité sociale et militantisme
LECLERCQ Catherine et PAGIS Julie, « Les incidences biographiques de l'engagement » Socialisations
militantes et mobilité sociale. Introduction in Sociétés contemporaines, 2011 : les deux auteurs posent la
question des effets à long terme de l’engagement militant sur la mobilité sociale :
- Il peut y avoir une élévation sociale (trajectoire ascendante) grâce à une logique de reconversion :
Une mobilité sociale ascendante : Reconversion de compétences militantes dans la sphère
professionnelle. Conversion d’intérêts militants pour la politique en intérêts professionnels pour
le politique, cela se traduit en particulier par l’entrée dans des professions intellectuelles
supérieures (journalisme, recherche en sciences sociales, littérature) ou intermédiaires (animation
socio-culturelle). Julie PAGIS « Incidences biographiques du militantisme en Mai 68 » in Sociétés
contemporaines, 2011
Une valorisation sociale et culturelle : Les écoles du PCF qui fournissent des rétributions sociales
à leurs militants Pour ce faire, même si ETHUIN n’utilise qu’une fois ce terme dans son article, on
peut dire que les écoles du PCF ont fourni plusieurs formes de rétributions aux
militants (Nathalie ETHUIN, « de l’idéologisation de l’engagement communiste. Fragments
d’une enquête sur les écoles du PCD (1970-1990) », in Politix -2003) :
- elles ont permis aux militants qui souvent avait fait peu d’études d’avoir accès à des cours
généralistes et variés (économie, histoire, littérature, philosophie) qui leur permettent de
poser un discours intelligible sur leurs conditions d’exploitation.
- Elles créent un sentiment de « champion de classe » : il y a une distinction, une hiérarchie
symbolique dans les entreprises ceux qui ont les compétences techniques certifiée par le
passage dans les écoles et ceux qui n’y sont pas passé et qui ont moins de connaissances.
L'engagement communiste peut alors devenir une « autosymbolisation, la seule symbolisation
qui leur soit vraiment ouverte et par laquelle ils s'exaltent, se magnifient, se grandissent »
- Il peut y avoir un déclassement (trajectoire descendante) : cf. Solène JOUANNEAU, « Ne pas perdre la
foi dans l’imamat », in Sociétés contemporaines (2011) : les cas d’imams bénévoles étudiés par Solenne
Jouan- neau : malgré un travail de justification de l’engagement auprès des collègues, le soupçon
d’intégrisme pèse sur les insertions « profanes » et notamment sur les carrières professionnelles, jusqu’à
motiver des licenciements ou des démissions contraintes.
- Attention à ne pas trop surestimer le lien entre engagement et trajectoire ascendante :
« D’abord parce que les formes d’accumulation du capital culturel au sein des organisa- tions ne
jouissent pas toujours et partout de la même valorisation, notamment par rapport aux titres
scolaires « légitimes » et à la maî- trise héritée de la culture dominante »
Etude de Julian MISCHI « Gérer la distance à la « base ». Les permanents CGT d'un atelier
SNCF », Sociétés contemporaines 2011 : « l’enracinement local peut atténuer les effets d’une
promotion socio-culturelle effective : pour certains militants syndicaux, la découverte de
nouveaux horizons culturels et l’exercice de tâches « intellectuelles » ne signent pas la sortie des
classes populaires car leurs activités se réalisent dans des contraintes économiques inchangées
voire aggravées par la stagnation du salaire notamment et surtout ne s’accompagnent ni de la
sortie de l’espace local ni d’une évolution équivalente de la part des membres de l’entourage
familial. Le maintien dans l’univers socio-local d’origine fonctionne ici comme un arrimage à la
condition ouvrière, même si l’engage- ment transforme les modes d’appropriation de cette
condition »
c) désengagement
OLIVIER FILLEULE « Temps biographique, temps social et variabilité des rétributions », in Le
désengagement militant (2002). Article de synthèse qui passe en revue plusieurs séries de travaux sur le
désengagement :
* « cycles sociaux et trends de longue durée »
Perspective macrosociale qui explique le désengagement ou la défection par des trends de longue durée. On
peut retenir trois types de travaux :
- le modèle de HIRSCHMAN dans Bonheur privé, action publique (1983) : il souligne l’existence
d’alternance d’investissement des agents sociaux dans une quête de bonheur et du sens qui oscille
entre les plaisirs du foyer, de la consommation, de l’intimité d’une part et l’engagement au service
d’une cause. La déception privée peut donc être un moteur de l’engagement pour une action publique.
Il identifie plusieurs effets générateurs de la déception privée : décalage entre attente et réalité,
sentiment de banalisation de la consommation, baisse de la qualité des biens, impacts d’idéologies qui
stigmatisent la conso comme aliénation… Si elle rencontre un détonateur (rupture privée comme le
divorce, grand conflit…), la déception privée peut pousser les individus à s’engager dans une action
publique. Mais la logique inverse est aussi possible : la déception de l’action publique peut inciter les
individus à retourner vers la sphère privée : par ex, les effets négatifs du surengagement sur la vie
personnelle ; la rencontre dans une organisation du cynisme, de l’arrivisme qui dévoient les idéaux de
l’engagement. Ainsi, l’individu peut avoir des cycles d’engagement et de repli qui alternent.
- L’analyse de Jacques ION dans la La fin des militants ? (1997) : les formes d’encadrement politique,
principalement partisane et syndicales, connaitraient un affaiblissement manifeste en raison du rejet
« des formes d’engagement anonyme au sein de collectifs conçus comme prédominants ». Il oppose
alors deux idéaux types d’engagement : « l’ancien » engagement, illutré par le PCF et marqué par la
prédominance du « nous », les pesanteurs communtaires et la remise de soi ; « le nouveau » qu’il
appelle « engagement distancié », caractérisé par des engagements à durée limitée, sur des buts
restreints. Ainsi « à l’engagement symbolisé par le timbre renouvelable et collé sur la carte succéderait
l’engagement symbolisé par le post-it, détachable et mobile : mise à disposition de soi et résiliable à tout
moment ».
Il explique ce changement par : (i) une dissociation croissante entre les activités de loisirs et les
activités militantes ; les cercles de sociabilité se diversifient et se confondent de moins en moins avec
le cercle de groupement. (ii) la féminisation du militantisme et le développement de la mixité : « aller
chercher les enfants à la sortie de la crèche, ou de l’école, préserver du temps pour la famille et les
loisirs deviennent progressivement des pratiques légitimes », ce qui entraine une réorganisation du
temps de la militance. (iii) l’affaiblissement des procédures de formation internes aux groupements
1 / 25 100%

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