aidant essentiel et polyvalent, ou encore les filles
aidant leur parent âgé et pour lesquelles s’ajoute
aux prescriptions du rôle d’enfant la dimension
essentielle du genre. À l’inverse, le choix des
aidants correspondant aux échanges « ouverts »
repose sur l’histoire des échanges interpersonnels,
durant lesquels les acteurs ont créé leurs propres
règles tout en contractant des dettes mutuelles qui
consolident leur confiance pour des échanges
futurs. Par exemple, le cas du choix des amis pour
parler de ses problèmes personnels. Dans la prati-
que, la régulation des échanges, s’effectue au sein
d’un continuum entre ces deux positions extrêmes,
en fonction du poids relatif des normes idéales de
rôles et des acquis de la relation.
Enfin, S. Petite replace l’analyse du choix des
aidants dans le réseau personnel comme ensemble
structuré : les substitutions d’aidants (partant du
principe d’une défaillance du premier aidant
choisi) ne sont pas le fruit du hasard. Ainsi, on
observe des régularités statistiques de « paires »
récurrentes. Sans surprise, dans les situations où
les normes statutaires agissent le moins, les paires
d’aidants sont les plus dispersées, alors qu’elles
sont très homogènes dans les cas de prescriptions
fortes. S. Petite entre ensuite dans les détails du
scénario « prise en charge des parents âgés ». Elle
constate que, s’ils sont relativement variés, les
premiers choix d’aidants sont fortement repro-
duits lors du deuxième choix – tant du côté des
rôles que des préférences « genrées ». Autrement
dit, l’auteure trouve essentiellement des duos
d’aidantes. Les non-reproductions de choix se
doivent surtout, au cas par cas, aux lacunes des
réseaux quant aux relations concernées.
Pour S. Petite, trois ensembles de critères contri-
buent donc à la construction et à la légitimation
des choix d’aidants préférentiels : les normes
sociales, la composition effective du réseau
personnel et les contraintes pratiques qui pèsent
sur ses membres et, enfin les propriétés « quali-
tatives » émergeant de l’histoire des relations
interpersonnelles. « Les acteurs ne définissent pas
l’aide par des contenus qui circulent [ni par] une
forme de lien » : seule la prise en compte des
modes de régulation de la circulation des ressources
(notamment échanges « normés » et « ouverts »)
permet, en articulant ces différents niveaux de
structuration sociale, de rendre compte de la
variété des pratiques des acteurs.
Les conclusions de cette étude éclairent ainsi les
relations d’entraide d’un regard différent, tout en
confirmant les travaux menés par d’autres chercheurs.
Cependant, certains éléments de l’analyse posent
Recherches et Prévisions n° 85 - septembre 2006
101 Comptes rendus de lectures
question. En premier lieu, au sein des calculs sta-
tistiques, il n’est pas simple d’articuler les diffé-
rents statuts des données. Entre représentations
sociales idéales, choix anticipés selon des scéna-
rios, et pratiques réalisées, l’amalgame ne peut
être fait. S. Petite a pris le parti d’écrire ses conclu-
sions au présent (et non au conditionnel) ; on peut
regretter que, dans l’analyse, les enjeux de ce
croisement des données soient de fait si peu pris
en compte et explicités. Par ailleurs, les tableaux
statistiques – qui constituent la majorité des
résultats de terrain présentés – ne semblent pas
pour autant soutenir toute l’analyse : on regrettera
de ne pas savoir, parfois, sur quelles données de
terrain s’appuient les réflexions théoriques déve-
loppées. Si elle se veut d’abord théorique et statis-
tique, l’étude aurait cependant gagné en clarté si
elle avait été illustrée de temps à autre par un cas
concret ou des extraits de discours des enquêtés.
De plus, l’auteure n’explicite pas les seuils qu’elle
choisit pour discriminer les catégories analytiques
qu’elle crée, ce qui perd un peu le lecteur dans
l’évaluation de l’importance des différences
observées et affaiblit au final l’impact de la
réflexion.
On se permettra une dernière remarque quant à
l’usage des catégories d’analyse : si S. Petite
affirme que les « amis », « enfants », « famille
proche » ou « élargie » et autres rôles statutaires
sont socialement normés, elle ne questionne
jamais les labels qu’elle leur donne. Par exemple,
les belles-sœurs seraient les seules de la « famille
élargie » à avoir des rôles similaires à ceux des
filles (« famille proche ») auprès des personnes
âgées : plutôt que de pointer ce fait comme une
curiosité, pourquoi ne pas revoir la définition de
la « famille proche » au regard du terrain ? Il
aurait été intéressant de s’appuyer sur cette
enquête de rôles pour, justement, questionner la
définition de ceux-ci – et non seulement leur
contenu d’obligations.
L’ouvrage de S. Petite présente un projet théorique
et un dispositif d’enquête originaux sur une
question très étudiée, mais on ne peut plus à
l’ordre du jour. Néanmoins, les limites des résul-
tats de terrain et de la réflexion conceptuelle
laissent au lecteur un certain sentiment d’ina-
boutissement.
Solène Billaud
Doctorante à l’EHESS.
Lauréate des bourses doctorales CNAF
et Fondation Médéric Alzheimer 2005
(*) S. Petite a soutenu sa thèse sous la direction de A. Ferrand en 2002 à l’Université de Lille 3. Elle y est actuellement maître
de conférences en sociologie et chercheur au GRACC (Groupe de recherche sur les actions et croyances collectives).