en vertu de son intentionnalité, ne saurait être réduit au physique
et, par conséquent, une science de l’intentionnalité devrait être
autonome par rapport aux sciences de la nature. La crédibilité des
sciences cognitives dépend donc en partie du traitement qu’elles
proposent du problème de l’intentionnalité. Elles doivent ou bien
montrer de manière convaincante que l’intentionnalité intrinsèque
est un mythe, et donc un faux problème, ou bien montrer qu’une
théorie naturaliste de l’intentionnalité est possible et expliquer
comment un système physique peut être intrinsèquement capable
de représentation. Deuxièmement, la conscience est traditionnel-
lement considérée comme une autre dimension essentielle de
l’esprit. Non seulement nous possédons un accès intro-spectif à une
partie au moins de nos pensées, mais en outre nos perceptions
internes (proprioception•, douleur, etc.) et externes (vision, audi-
tion, toucher, etc.), nos émotions et nos souvenirs s’accompagnent
de certaines expériences qualitatives. Si avoir un esprit, c’est essen-
tiellement éprouver des expériences qualitatives conscientes, à
la première personne, les approches objectivantes à la troisième
personne qui sont celles des sciences de la nature ne sont-elles
pas constitutivement incapables de rendre compte de cette dimen-
sion subjective essentielle de la vie mentale?
Enfin, troisièmement, la division traditionnelle entre sciences
de l’esprit et sciences de la nature repose sur l’idée selon laquelle
le domaine de l’esprit n’est pas un domaine de faits naturels qui
relève de l’explication causale, mais un domaine qui relève de la
compréhension ou de l’interprétation, de la norme et non du fait, de
l’ordre des raisons et non de l’ordre des causes. N’est-ce pas radi-
calement méconnaître la dimension essentiellement normative de
l’esprit que de vouloir l’approcher en termes naturalistes? Y a-t-il
place pour le normatif dans l’ordre naturel? Explications par les
raisons et explications par les causes sont-elles compatibles?
À travers ces trois défis que constituent la naturalisation de l’inten-
tionnalité, la naturalisation de la conscience et la naturalisation des
normes et des raisons, c’est la portée même de l’entreprise cogni-
tive qui est en jeu. Dans ce chapitre, je me concentrerai sur les deux
premiers d’entre eux.
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Naturaliser l’intentionnalité et la conscience