Naturaliser l`intentionnalité et la conscience

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Naturaliser l’intentionnalité
et la conscience
Élisabeth Pacherie
Sciences cognitives :
un programme de naturalisation de l’esprit
La nature de l’esprit, les représentations mentales, l’intentionnalité, la conscience, le raisonnement, le langage, la catégorisation•,
la perception, l’action, la mémoire, les émotions ou encore les
concepts sont depuis fort longtemps des objets privilégiés de
réflexion philosophique. Les sciences cognitives s’intéressent à
ces mêmes objets, mais en prenant pour hypothèse conductrice
l’idée selon laquelle les phénomènes mentaux constituent une
classe particulière de phénomènes naturels. Elles considèrent
l’esprit comme un objet d’étude susceptible d’être abordé avec les
méthodes des sciences de la nature et leur ambition est de
comprendre et d’expliquer comment des processus physiques
peuvent donner lieu à des phénomènes mentaux. Elles visent ainsi
à se constituer en sciences naturelles de l’esprit et récusent l’idée
d’une dualité irréductible entre le physique et le mental. Le
problème n’est plus d’expliquer comment deux substances
distinctes, l’esprit et la matière, peuvent interagir ou paraître interagir, mais d’expliquer comment des processus physiques peuvent
donner lieu à des phénomènes mentaux.
Leur stratégie explicative repose très largement sur une analyse
fonctionnelle des états mentaux. Il est naturel de supposer que nos
états mentaux sont des causes de nos comportements, qu’ils
dépendent eux-mêmes en partie des stimulations sensorielles auxquelles nous sommes soumis et qu’ils interagissent les uns avec les
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La philosophie cognitive
autres. Les états mentaux sont alors susceptibles d’être définis fonctionnellement, par leurs causes et les effets qu’ils produisent. De
telles analyses sont loin d’être triviales, mais si l’on admet que les
états mentaux peuvent être caractérisés par le rôle causal qu’ils jouent,
les expliquer revient à expliquer comment ce rôle causal peut
s’exercer. En principe, on peut donner cette explication en montrant
comment des mécanismes neurophysiologiques réalisent ces fonctions
causales. Il ne s’agit pas simplement de mettre en évidence de simples
corrélations entre processus mentaux et processus neurobiologiques.
Ces corrélations ont, en outre, une valeur explicative dans la mesure
où l’organisation causale caractéristique des processus mentaux en
question se trouve reflétée au niveau neurobiologique.
L’enjeu est, on le voit, considérable, puisque le projet d’une naturalisation du mental impose de repenser en profondeur les vieilles
divisions ontologiques et les formulations traditionnelles des problèmes touchant à l’esprit. Ce n’est pas dire toutefois que les interrogations que suscitent les sciences cognitives soient radicalement
nouvelles. Comme le montre notamment Engel (1996), un certain
nombre de tensions et conflits, classiques entre courants naturalistes et courants antinaturalistes en philosophie témoignent d’un
enracinement préalable de ces questions. L’actualité que prend
aujourd’hui ce débat tient à ce que les grands progrès que les sciences
cognitives ont permis dans la compréhension de multiples domaines
de la cognition, les méthodologies qu’elles ont développées et les
nouveaux modèles et outils théoriques qu’elles proposent, paraissent témoigner de la fécondité d’une approche naturaliste.
Cela ne signifie pas toutefois que les sciences cognitives puissent
aujourd’hui proposer une théorie naturaliste de l’esprit parfaitement
aboutie. Le programme de naturalisation du mental doit affronter
trois défis majeurs. L’esprit présente en effet trois caractéristiques
centrales, dont il n’est pas de prime abord évident qu’elles puissent recevoir un traitement naturaliste. En premier lieu, selon la
thèse célèbre de Brentano, l’intentionnalité ou capacité de représenter – la propriété de pouvoir renvoyer à quelque chose, d’être
dirigé ou orienté vers un objet – est la marque du mental. Cette
thèse a été interprétée comme une thèse d’irréductibilité: le mental,
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Naturaliser l’intentionnalité et la conscience
en vertu de son intentionnalité, ne saurait être réduit au physique
et, par conséquent, une science de l’intentionnalité devrait être
autonome par rapport aux sciences de la nature. La crédibilité des
sciences cognitives dépend donc en partie du traitement qu’elles
proposent du problème de l’intentionnalité. Elles doivent ou bien
montrer de manière convaincante que l’intentionnalité intrinsèque
est un mythe, et donc un faux problème, ou bien montrer qu’une
théorie naturaliste de l’intentionnalité est possible et expliquer
comment un système physique peut être intrinsèquement capable
de représentation. Deuxièmement, la conscience est traditionnellement considérée comme une autre dimension essentielle de
l’esprit. Non seulement nous possédons un accès intro-spectif à une
partie au moins de nos pensées, mais en outre nos perceptions
internes (proprioception•, douleur, etc.) et externes (vision, audition, toucher, etc.), nos émotions et nos souvenirs s’accompagnent
de certaines expériences qualitatives. Si avoir un esprit, c’est essentiellement éprouver des expériences qualitatives conscientes, à
la première personne, les approches objectivantes à la troisième
personne qui sont celles des sciences de la nature ne sont-elles
pas constitutivement incapables de rendre compte de cette dimension subjective essentielle de la vie mentale ?
Enfin, troisièmement, la division traditionnelle entre sciences
de l’esprit et sciences de la nature repose sur l’idée selon laquelle
le domaine de l’esprit n’est pas un domaine de faits naturels qui
relève de l’explication causale, mais un domaine qui relève de la
compréhension ou de l’interprétation, de la norme et non du fait, de
l’ordre des raisons et non de l’ordre des causes. N’est-ce pas radicalement méconnaître la dimension essentiellement normative de
l’esprit que de vouloir l’approcher en termes naturalistes ? Y a-t-il
place pour le normatif dans l’ordre naturel ? Explications par les
raisons et explications par les causes sont-elles compatibles ?
À travers ces trois défis que constituent la naturalisation de l’intentionnalité, la naturalisation de la conscience et la naturalisation des
normes et des raisons, c’est la portée même de l’entreprise cognitive qui est en jeu. Dans ce chapitre, je me concentrerai sur les deux
premiers d’entre eux.
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La philosophie cognitive
Naturaliser l’intentionnalité
La psychologie ordinaire et ses présupposés
La psychologie ordinaire – la manière dont spontanément nous interprétons, expliquons et prédisons nos comportements et ceux d’autrui
– fait appel aux notions de croyances, désirs, intentions, souvenirs,
émotions, perceptions, sensations et ainsi de suite. On dira par
exemple que le voleur s’est enfui parce qu’il a pris peur quand il a vu
la police devant la maison ; il a cru qu’on venait l’arrêter et n’avait
pas l’intention de se laisser prendre. Une grande partie de ces concepts
psychologiques ordinaires sont des concepts d’états intentionnels.
Nos croyances, désirs, intentions, perceptions et émotions – ce que
les philosophes appellent « attitudes• propositionnelles » – portent
sur quelque chose, ont un contenu représentationnel qui est évaluable.
Une croyance peut être vraie ou fausse, un désir satisfait ou non, une
intention réalisée ou non, une perception véridique ou trompeuse,
une émotion appropriée ou non. Le terme d’intentionnalité, utilisé
en un sens philosophique technique, désigne cette propriété qu’ont
les états mentaux d’avoir un contenu sémantique, de renvoyer à
quelque chose ou d’avoir une portée représentationnelle. En outre,
la psychologie ordinaire attribue à ces états un rôle causal dans la
production des comportements, rôle causal qui dépend à la fois de
l’attitude considérée et de son contenu.
Trois attitudes au moins sont possibles face à la psychologie ordinaire
et aux présupposés ontologiques qu’elle paraît véhiculer. La première
et la plus radicale consiste à n’y voir qu’une théorie périmée, aussi
peu recommandable que l’alchimie ou la théorie du phlogiston, et à
attendre des neurosciences qu’elles substituent à des catégories mentales empiriquement inadéquates des catégories neurobiologiques
scientifiquement fondées. Cette position est connue sous le nom d’éliminativisme et a pour avocate la plus célèbre la « neurophilosophe »
Churchland Smith. On peut, contrairement à l’éliminativisme, reconnaître une utilité prédictive à la psychologie ordinaire, mais se refuser
néanmoins à endosser ses présupposés ontologiques apparents et, en
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Naturaliser l’intentionnalité et la conscience
particulier, l’idée que les croyances, désirs et autres types d’états intentionnels auxquels elle fait appel sont des entités dotées d’une existence objective et d’une efficacité causale. Selon Dennett, qui défend
une forme d’instrumentalisme, les croyances et les désirs doivent plutôt être considérés comme des entités abstraites au même titre que les
centres de gravité. De même que l’on commettrait une erreur de catégorie en cherchant à identifier d’aluminium qui constitue le centre
de gravité d’une sphère creuse en aluminium, de même on se fourvoierait à vouloir identifier une croyance ou un désir à un état physique
particulier. Encore cette comparaison avec la notion de centre de gravité fait-elle trop d’honneur aux catégories intentionnelles. Nos théories physiques nous permettent de définir avec précision la notion de
centre de gravité et de calculer de manière unique le centre de gravité
d’un objet donné. Tel n’est pas le cas de nos interprétations en termes
intentionnels d’un comportement donné, qui peuvent être incompatibles entre elles et néanmoins indépartageables. Enfin, la troisième
attitude possible est celle du réalisme intentionnel• qui non seulement reconnaît à la psychologie ordinaire une utilité prédictive mais
revendique aussi ses engagements ontologiques, quitte à admettre
que la typologie du mental qu’elle propose doit être complétée, raffinée
et parfois révisée. C’est cette troisième position que je considérerai
plus avant, car c’est à elle que le défi de la naturalisation se pose avec
le plus d’acuité.
Si l’on admet que les états intentionnels ont une existence réelle
et que l’intentionnalité est une marque essentielle du mental, le défi
de la naturalisation consiste à montrer qu’il s’agit là d’un phénomène naturel et à expliquer comment les représentations mentales
sont possibles dans une ontologie• matérialiste, autrement dit à
expliquer comment certains états d’un système matériel peuvent
constituer des états intentionnels, et leur évolution traduire des évolutions dans les croyances, désirs, etc. La tâche qui est ici dévolue au
philosophe est double. Dans un premier temps, il lui incombe d’analyser la notion d’état intentionnel et d’en préciser les dimensions, l’objectif étant de dégager les conditions qui doivent être remplies pour
que l’on puisse qualifier un état d’intentionnel. Dans un deuxième
temps, il lui faudra montrer, s’il est naturaliste, comment des états
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La philosophie cognitive
d’un système matériel peuvent satisfaire à ces conditions. S’il n’est
pas naturaliste, son ambition sera au contraire de montrer que
certaines au moins de ces conditions nécessaires ne sauraient être
remplies par un système matériel.
Qu’est-ce que l’intentionnalité ?
Commençons donc par préciser ce que l’on entend par intentionnalité et à quelles conditions on peut dire qu’un état est intentionnel
ou encore, pour utiliser des expressions que nous tiendrons ici pour
équivalentes, qu’il est doté d’un contenu, qu’il a des propriétés sémantiques ou qu’il constitue une représentation mentale. On doit tout
d’abord distinguer deux dimensions de l’intentionnalité. La dimension verticale, ou dimension de la référence, renvoie à la relation de
dénotation entre les représentations et les objets ou états de chose sur
lesquels elles portent. La dimension horizontale, ou dimension intensionnelle, renvoie quant à elle à la manière dont un objet ou état de
chose est représenté, à ce que l’on appelle son mode de présentation. Vous pouvez par exemple vous représenter une personne,
Ludwig Wittgenstein, comme « l’auteur du Tractatus LogicoPhilosophicus » ou comme « le frère cadet du pianiste pour lequel
Ravel a écrit son Concerto pour la main gauche ». La distinction
entre sens et référence, ou intension et extension, est importante
pour au moins deux raisons. D’une part, on peut croire que l’auteur
du Tractatus Logico-Philosophicus a enseigné à Cambridge sans croire
– ou même en croyant qu’il est faux – que le frère cadet du pianiste
pour lequel Ravel a écrit son Concerto pour la main gauche a enseigné
à Cambridge. De surcroît, le fait que quelqu’un croie que Wittgenstein
a écrit le Tractatus Logico-Pataphysicus ne nous autorise pas à inférer que
quelqu’un a effectivement écrit un Tractatus Logico-Pataphysicus. On
appelle «opacité référentielle» la propriété qu’ont les croyances et les
attitudes propositionnelles plus généralement de n’autoriser ni les
généralisations existentielles ni la substitution salva veritate • à des
constituants de leur contenu d’autres constituants ayant la même
dénotation. D’autre part, le potentiel inférentiel• d’une représentation
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Naturaliser l’intentionnalité et la conscience
est fonction du sens de ses constituants et non de leur référence. Si
vous pensez que l’auteur du Tractatus Logico-Philosophicus a enseigné
à Cambridge, vous pouvez en inférer qu’au moins une personne
ayant enseigné à Cambridge a écrit un livre, mais non qu’une
personne ayant enseigné à Cambridge avait un frère pianiste.
Inversement, si vous pensez que le frère cadet du pianiste pour lequel
Ravel a écrit son Concerto pour la main gauche a enseigné à
Cambridge, vous pouvez en inférer qu’au moins une personne ayant
enseigné à Cambridge avait un frère pianiste, mais non qu’une
personne ayant enseigné à Cambridge a écrit un livre.
Dire que les états représentationnels ont une dimension référentielle implique qu’ils ont des conditions de correction. On ne peut dire
d’un état qu’il représente le monde comme étant tel ou tel, que pour
autant qu’il est possible d’énoncer une condition ou un ensemble de
conditions sous lesquelles cette représentation est une représentation
correcte du monde (ce qui évidemment ne signifie pas qu’il s’agisse
de l’unique représentation correcte du monde). Mais pour qu’il y ait
sens à dire qu’une représentation est correcte, il faut aussi qu’il puisse
y avoir sens à dire qu’elle est incorrecte. Autrement dit, pour qu’un
état puisse être considéré comme représentationnel, il faut non seulement qu’il ait des conditions de correction mais encore que ces
conditions puissent être définies de manière à laisser ouverte la possibilité de méprise ou d’erreur. Dire que les états représentationnels ont
une dimension intensionnelle qui détermine leur potentiel inférentiel semble impliquer que les états représentationnels doivent former
un système. Il paraît difficile d’imaginer que quelqu’un puisse avoir
la croyance que le frère cadet du pianiste pour lequel Ravel a écrit son
Concerto pour la main gauche a enseigné à Cambridge sans croire,
ou tout au moins sans être en mesure de former la croyance, que
Ravel a écrit un Concerto pour la main gauche, que le frère d’un
pianiste a enseigné à Cambridge, qu’un pianiste au moins n’était pas
fils unique et ainsi de suite. On appelle « holisme• sémantique » la
thèse selon laquelle les représentations forment nécessairement un
système, le sens de chacune étant fonction de ses relations avec les
autres éléments du système. Se pose toutefois la question de savoir
si ce holisme doit être considéré comme un holisme global, le sens
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La philosophie cognitive
d’une représentation étant fonction de sa place dans le système tout
entier de représentations, ou comme un holisme local, le sens d’une
représentation étant alors fonction de sa relation à certaines autres
représentations et non au système tout entier. Enfin, il ne faut pas
oublier que si la psychologie ordinaire postule l’existence d’états
mentaux intentionnels, c’est pour expliquer et prédire le comportement. Il importe donc aussi d’expliquer comment les états intentionnels peuvent être causes de comportement et comment l’effet
causal qu’ils exercent peut être fonction de leur contenu.
Nous avons ainsi défini le cahier des charges auquel est astreint
un programme de naturalisation de l’intentionnalité. Son objectif
devra être de montrer que des systèmes matériels peuvent avoir des
états intentionnels, autrement dit des états qui ont des conditions
de correction, lesquelles peuvent ou non être satisfaites (possibilité
de méprise représentationnelle), qui manifestent une forme d’intensionnalité, qui ont un potentiel inférentiel et donc des liens sémantiques les uns avec les autres et, enfin, qui ont une efficacité causale
dans la production du comportement. Ce programme a été au centre
des recherches en philosophie de l’esprit dans les années 1980.
Plusieurs types d’approches ont été développés. À défaut de pouvoir
en présenter ici un panorama complet, je prendrai pour exemple
une stratégie combinant sémantique informationnelle et téléosémantique•, dont je vais retracer les grandes lignes 1.
Une approche téléosémantique
La stratégie poursuivie par l’approche téléosémantique consiste à
prendre pour point de départ la notion d’indication naturelle – on
appelle contenu informationnel d’un état ce que cet état indique ou
dont il est le signe naturel – et à essayer de montrer comment en
l’affinant et en la contraignant davantage on peut aboutir à la notion
1. Diverses versions de cette stratégie ont été proposées, notamment par Fodor
(1987), Millikan (1984) et Dretske (1988). La version que je présente ici s’inspire
essentiellement des travaux de Dretske.
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Naturaliser l’intentionnalité et la conscience
plus exigeante de représentation mentale dotée d’un contenu sémantique ou intentionnel. Qu’on pense à la relation entre la fumée et le
feu, des empreintes de pas dans le sable et le passage d’un être humain,
le nombre de cernes d’un arbre et son âge. On peut décrire cette
relation en disant par exemple que le nombre de cernes est porteur
d’information sur l’âge de l’arbre, qu’il l’indique ou en est le signe. La
relation d’indication naturelle est fondée sur l’existence de corrélations systématiques, voire nomologiques•, entre les occurrences du
signe et les choses signifiées. L’indication naturelle est en outre une
relation objective dans la mesure où elle existe indépendamment
d’un interprète. Toutefois, la notion de signe ou d’indication naturelle reste encore trop rudimentaire. Tout d’abord, dans la mesure où
le signe et la chose qu’il indique sont systématiquement corrélés, un
signe naturel ne saurait mentir. Le problème de l’erreur représentationnelle reste entier. De surcroît, un signe naturel peut être l’indicateur de plusieurs choses. La présence de la fumée est non seulement
signe de la présence du feu, mais aussi signe de la présence de
combustible et signe de la présence d’oxygène, sans lesquels il n’y
aurait pas de feu. Les signes naturels ne manifestent donc pas l’intensionnalité qui caractérise les représentations mentales.
Pour combler le fossé qui existe encore entre contenu informationnel et contenu sémantique, on fait donc intervenir dans un
deuxième temps les notions de sélection et de fonction d’indication.
Un état doté de certaines capacités d’indication et qui peut jouer un
rôle causal dans la production de certains comportements, peut être
recruté par un mécanisme de sélection comme cause d’un type particulier de comportement dont le succès dépend, au moins pour partie,
de la présence de l’une des choses qu’il indique. En étant ainsi sélectionné, cet état acquiert à la fois une fonction d’indication et une
fonction de contrôle du comportement. Dans la mesure où ce qu’un
état a pour fonction d’indiquer peut être circonscrit plus étroitement
que ce qu’il est effectivement capable d’indiquer, l’introduction de
la notion de fonction doit permettre de rendre compte de l’intensionnalité manifestée par les représentations. Cette approche permet
aussi d’expliquer comment un état représentationnel peut avoir une
efficacité causale en vertu de son contenu, puisque précisément un
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La philosophie cognitive
état d’un système n’acquiert une fonction d’indication et donc un
contenu sémantique que dans la mesure où il se voit accorder un rôle
dans le contrôle du comportement, du fait de sa capacité à indiquer
la présence dans l’environnement d’une certaine condition. Enfin,
dans le cadre de cette stratégie, on peut rendre compte de la possibilité
de méprise représentationnelle. En fait, plusieurs explications sont
possibles. Premièrement, il se peut qu’entre le moment où un état E
acquiert une fonction d’indication donnée – par exemple, indiquer la
présence de F – et le moment où il exerce cette fonction, les conditions
environnementales se soient modifiées de telle sorte que E ait cessé
d’être un signe naturel de F, tout en ayant conservé la fonction d’indiquer F. Deuxièmement, il se peut que C ait acquis la fonction d’indiquer
F non parce qu’il était un indicateur naturel de F, mais parce qu’il
était un indicateur naturel de G qui, sans être parfaitement corrélé
avec F, l’est suffisamment pour les besoins de l’organisme en question. Enfin, un état d’un système peut avoir pour fonction d’indiquer
F mais ne pas remplir correctement sa fonction du fait d’une détérioration du système auquel il appartient.
Enfin, pour que, dans le cadre de cette stratégie, on puisse véritablement parler de naturalisation de l’intentionnalité, il faut encore
expliquer comment ces fonctions d’indication peuvent se mettre
en place « naturellement ». Deux solutions peuvent être envisagées. L’une fait intervenir un mécanisme de sélection naturelle de
type évolutionniste, l’autre un mécanisme d’apprentissage individuel par conditionnement opérant. Une explication sélectionniste
permettra de dire qu’un état C d’un organisme a pour fonction
d’indiquer la présence de F parce que, chez les ancêtres de cet
organisme, il avait la propriété d’indiquer F et de causer un comportement donné et que ceux-ci ont été sélectionnés parce que la production de ce comportement en présence de F avait une valeur
adaptative. L’apprentissage individuel constitue un second mode
possible d’acquisition d’une fonction d’indication. L’apprentissage
par conditionnement opérant permet de renforcer le couplage
entre un état indicateur de F et un comportement, et ainsi de
configurer les propriétés causales d’une structure en accord avec
ses propriétés d’indication.
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Naturaliser l’intentionnalité et la conscience
On ne saurait dire que la naturalisation de l’intentionnalité est
chose faite. Il existe encore aujourd’hui nombre de désaccords sur
la manière plus ou moins restrictive dont la notion d’indication
naturelle doit être définie, sur ce que serait la meilleure manière
de combler le fossé entre contenu informationnel et contenu sémantique, ou sur ce que l’on peut attendre d’un appel aux théories de
la sélection naturelle et du conditionnement opérant. À tout le
moins, les débats encore en cours témoignent-ils de ce que nous
savons poser le problème de l’intentionnalité en termes naturalistes et avons une idée des directions à explorer à la recherche
d’une solution. Ainsi que nous allons maintenant le voir, nous ne
pouvons pas vraiment en dire autant du problème de la conscience.
Naturaliser la conscience
Descartes soutenait que la conscience est constitutive de la pensée
et que tout ce qui mérite d’être appelé mental est conscient. Ainsi
affirmait-il qu’« il ne peut y avoir en nous aucune pensée, de laquelle,
dans le moment même qu’elle est en nous, nous n’ayons une actuelle
connaissance » 2. L’esprit est ainsi conçu comme transparent à luimême et l’idée d’une pensée inconsciente est pour Descartes incohérente. Cette thèse est aujourd’hui largement contestée. L’énorme
influence qu’ont exercée au XXe siècle les théories de Freud a donné
à l’existence de l’inconscient un statut d’évidence dans la culture
contemporaine. Hors de la sphère psychanalytique, la psychologie
cognitive met aujourd’hui largement l’accent sur le rôle joué par
des processus et contenus de pensée inconscients dans la vie mentale. Un grand nombre de données issues de la psychologie cognitive, de la neuropsychologie, des neurosciences et des techniques
associées de neuro-imagerie mettent en évidence le fait qu’une
grande partie des processus cognitifs impliqués dans la perception,
la préparation motrice, le traitement sémantique de l’information
2. Réponses aux quatrièmes objections, dans Descartes (1979 : 369). On notera
que le texte latin parle de conscience là où la traduction française parle de
connaissance.
27
La philosophie cognitive
ainsi que dans la mémoire ou les émotions ont lieu, ou peuvent
avoir lieu, de manière inconsciente.
Dans une perspective cartésienne, expliquer la pensée et expliquer la conscience constituaient un seul et même projet. Dans la perspective qui est actuellement celle des sciences cognitives, ces projets
sont distincts ou, plutôt, ne se recoupent que partiellement. Expliquer
la conscience revient à expliquer ce qui fait la spécificité des processus et états mentaux conscients par rapport à ceux qui sont inconscients, et la naturaliser revient à expliquer comment des états d’un
système physique peuvent constituer des états conscients. Toutefois,
le terme de conscience comporte de multiples acceptions et, préalablement à toute tentative de naturalisation de la conscience, il importe
de préciser à quels phénomènes nous nous intéressons.
Conscience phénoménale et conscience cognitive
Dans les débats philosophiques contemporains sur la conscience,
une distinction centrale s’est imposée entre une notion de conscience
centrée sur les aspects subjectifs des phénomènes conscients (et que
l’on appelle conscience phénoménale) et une autre série de notions
qui mettent l’accent sur les aspects intentionnels et fonctionnels de
la conscience, et que l’on peut regrouper sous l’appellation générale
de « conscience cognitive ».
Le dénominateur commun aux différentes notions de conscience
cognitive est l’idée que la conscience est toujours conscience de quelque
chose, qu’elle est intentionnelle au sens philosophique du terme, autrement dit qu’un être conscient est un être qui a des représentations
conscientes. On peut donc distinguer des formes plus ou moins élaborées de conscience cognitive en fonction de ce qui fait l’objet d’une
expérience consciente. Un être conscient est tout d’abord un être
conscient du monde qui l’entoure et de ses propres états corporels.
Assise devant mon bureau, je vois les objets autour de moi, j’entends
le bruit de la circulation dans la rue, je sens l’odeur du café montant
de la tasse, je ressens des picotements dans ma jambe gauche repliée,
j’éprouve une légère sensation de faim. Une première forme de
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Naturaliser l’intentionnalité et la conscience
conscience cognitive, la conscience primaire, consiste donc dans le
fait d’avoir des représentations conscientes de son environnement
et de son corps. À cette conscience primaire peut s’ajouter une forme
plus élaborée de conscience cognitive, la conscience introspective
(ou réflexive) qui renvoie à la capacité que nous avons d’inspecter
mentalement le cours de nos pensées et de former des pensées de
second ordre sur nos états mentaux, autrement dit de former des
représentations conscientes de nos représentations. Chez les êtres
humains, la capacité d’introspection s’accompagne de la capacité de
rapporter verbalement le contenu de leurs états mentaux. Mais ces
deux capacités vont-elles nécessairement de pair? Les êtres dotés de
langage sont-ils seuls capables de conscience introspective ?
Enfin, une troisième forme de conscience cognitive, la conscience
de soi, renvoie à la capacité que nous avons de nous appréhender
nous-mêmes comme sujets de nos pensées, de saisir notre existence
en tant qu’individus et de nous différencier d’autrui. L’analyse philosophique de cette notion est chargée de controverses. Quand par
l’introspection nous avons conscience de nos pensées, perceptions et
sentiments, avons-nous aussi conscience d’un moi persistant qui en est
le sujet ou bien, comme l’affirmait Hume, n’appréhendons-nous rien
d’autre qu’un faisceau de perceptions particulières? Si nous n’avons
pas d’accès introspectif à un soi persistant que l’on puisse isoler de
ses perceptions et pensées, en quoi la conscience de soi consiste-telle? S’agit-il de notre accès à un modèle de soi, de la possession d’un
ensemble de représentations liées d’une certaine manière à nousmêmes, de la possession d’un concept de soi et de la capacité à utiliser
ce concept pour conférer une certaine unité à sa vie mentale en représentant explicitement nos pensées et expériences comme nôtres ?
La notion de conscience phénoménale porte en revanche sur les
aspects subjectifs de la conscience. Nos expériences conscientes sont
caractérisées par leurs qualités subjectives particulières. Cela nous fait
un certain effet d’entendre le son de la trompette, de sentir l’odeur de
la rose, d’avoir à la bouche le goût du citron, d’éprouver de la colère
ou de la tristesse, d’avoir mal aux dents, de ressentir une impression
de chatouillement, d’avoir à l’esprit l’image de l’être aimé. Une expérience visuelle a ses qualités subjectives propres qui la distinguent
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La philosophie cognitive
d’une expérience tactile, auditive ou olfactive. Cette différence n’est
pas seulement imputable au fait que les différents sens nous informent
sur des propriétés différentes du monde, comme la couleur pour la
vue et la solidité pour le toucher. La vue et le toucher nous informent
tous deux sur la forme des objets, mais ce n’est pas la même chose
d’éprouver visuellement une forme et de l’éprouver tactilement. Chaque
modalité sensorielle est en outre riche de qualités subjectives variées
qui peuvent former un réseau de relations. L’effet que nous fait le rouge
est différent de l’effet du vert, du jaune ou de l’orangé, mais l’expérience du rouge nous paraît plus proche de celle du jaune ou de l’orangé
que de celle du vert. On notera qu’en parlant du caractère subjectif
de l’expérience ou de l’expérience telle qu’elle est appréhendée du
point de vue du sujet, on ne fait pas nécessairement allusion au caractère supposé privé de l’expérience pour celui qui la possède. Comme
le souligne Thomas Nagel (1983), il ne s’agit pas d’un point de vue qui
serait accessible seulement à un individu unique, mais plutôt d’un type
de point de vue que partagent les êtres qui ont une constitution suffisamment semblable. Les faits phénoménologiques sont donc parfaitement objectifs au sens où une personne peut savoir ou dire ce qu’est
l’expérience de l’autre qualitativement. Ils sont néanmoins subjectifs
au sens où cette attribution objective d’expérience n’est possible que
lorsque le sujet de l’attribution est suffisamment semblable à l’objet
de l’attribution pour être en mesure d’adopter son point de vue. C’est
pourquoi, selon Nagel, nous pouvons comprendre ce qu’est l’expérience subjective d’un autre être humain qui entend des sons, voit des
couleurs ou ressent des douleurs, mais ne pouvons comprendre l’effet
que cela fait d’être une chauve-souris qui appréhende par écholocation la structure spatiale de son environnement.
Un grand nombre d’expériences conscientes ont à la fois une
dimension phénoménale et une dimension cognitive. C’est le cas
de la perception dans ses différentes modalités, ou encore celui
des émotions. La peur que j’éprouve lorsque, me promenant dans
les bois, je vois soudain un serpent au détour du chemin ne se
réduit pas à une impression subjective, elle est peur de ce serpent,
du danger qu’il représente ou pourrait représenter. Toutefois,
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Naturaliser l’intentionnalité et la conscience
conscience phénoménale et conscience cognitive ne sont pas toujours conjuguées. Ma croyance consciente que la bataille de
Marignan a eu lieu en 1515, ou celle qu’il existe une infinité de
nombres premiers, ne semble pas devoir s’accompagner nécessairement d’une expérience subjective particulière.
Dans quelle mesure la stratégie explicative fonctionnaliste peutelle porter ses fruits dans le domaine de la conscience ? La spécificité des états mentaux conscients tient-elle au rôle fonctionnel
particulier qu’ils remplissent ? Ce rôle fonctionnel peut-il être
caractérisé avec suffisamment de précision pour nous laisser entrevoir quels mécanismes neurophysiologiques seraient en mesure de
le réaliser ? C’est ici que la distinction entre conscience phénoménale et conscience cognitive prend tout son poids. Les différentes formes de conscience cognitive paraissent susceptibles
d’une caractérisation fonctionnelle. Dennett (1994) et Baars (1988),
parmi d’autres, ont proposé des modèles théoriques des modes de
traitement de l’information et de la dynamique causale des processus impliqués dans les différentes formes de conscience cognitive. Baars soutient, par exemple, que la conscience repose sur
l’existence d’un espace de travail global dans un système distribué
de modules de traitement de l’information. Une partie de l’information traitée par ces modules peut être diffusée dans l’espace
de travail global et devenir accessible à l’ensemble du système
cognitif. L’espace de travail global est ainsi le dépositaire des contenus de conscience. À supposer que le modèle cognitif théorique
de Baars soit correct, l’étape supplémentaire vers une naturalisation de la conscience consisterait à mettre en évidence un
ensemble de processus biologiques reflétant l’organisation causale
abstraite que ce modèle décrit.
Conscience phénoménale : le fossé explicatif
Aux yeux de beaucoup, tant philosophes que scientifiques, il en va
autrement de la conscience phénoménale. Celle-ci ne semble pas
se laisser définir ou caractériser fonctionnellement. Pourquoi la
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La philosophie cognitive
conscience cognitive s’accompagne-t-elle – sinon toujours, du moins
souvent – d’une expérience subjective particulière ? Pourquoi l’expérience subjective existe-t-elle ? Pourquoi une expérience qualitative particulière est-elle associée à la perception du vert, et
pourquoi celle-là plutôt qu’une autre? Il ne serait sans doute pas difficile à un ingénieur de construire une machine capable de trier
objets verts et rouges ou formes carrées et circulaires, mais nous
ne serions pas tentés d’attribuer à cette machine des expériences
subjectives. Or, si un système peut distinguer le vert du rouge, ou
les formes carrées des formes circulaires, sans que l’exercice de
cette capacité donne lieu à des expériences subjectives, pourquoi
avons-nous de telles expériences et comment cela est-il possible ?
Selon l’hypothèse célèbre de Francis Crick et Christoph Koch (Crick,
1995), l’activation synchronisée de neurones à un niveau de fréquence d’environ 40 Hz pourrait constituer la base cérébrale de la
conscience visuelle. Mais en quoi une oscillation synchronisée à ce
niveau de fréquence explique-t-elle le caractère subjectif de mon
expérience visuelle ? En quoi cela explique-t-il que mon expérience
ait ce caractère subjectif plutôt qu’un autre ? Pourquoi une oscillation à 40 Hz plutôt qu’un autre type d’activité cérébrale ? Quelle
impossibilité logique y aurait-il à concevoir une créature en tout
point identique à nous, jusque dans ses oscillations synchronisées
de neurones à 40 Hz, mais qui n’aurait aucune expérience subjective ? Toutes ces questions sont autant d’illustrations de ce que l’on
appelle le fossé explicatif. Il semble que rien dans notre conception de notre nature physique ou fonctionnelle n’explique pourquoi nous avons une expérience subjective et pourquoi celle-ci est
telle qu’elle est plutôt qu’autrement.
Le problème du fossé explicatif a suscité des réactions multiples et fort variées. Parmi les attitudes extrêmes, on citera l’éliminativisme prôné par Dennett qui consiste à nier tout simplement
l’existence de la conscience phénoménale telle qu’elle a été décrite
ici. Ceci revient du même coup à nier l’existence d’un fossé explicatif, puisqu’il n’y a rien à expliquer. On pourra situer à un autre
extrême la position de Chalmers (1996) qui considère que le fossé
existe et est infranchissable, et qu’il faut donc admettre une forme
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Naturaliser l’intentionnalité et la conscience
de dualisme : la conscience phénoménale n’est pas de l’ordre des
phénomènes physiques. Une troisième réaction extrême consiste
à considérer la conscience phénoménale comme un phénomène
physique trop complexe pour que nous puissions jamais espérer
en comprendre les mécanismes. Une théorie scientifique de la
conscience phénoménale serait hors de notre portée, comme la
mécanique quantique est hors de portée des chimpanzés. Enfin,
parmi les réactions plus modérées, on trouve celles qui admettent que le problème est réel et que, pour l’instant, nous n’avons
pas les moyens de le résoudre, mais qui laissent ouverte la possibilité que soient développés dans le futur de nouveaux concepts
physiques qui permettent de dissiper le mystère.
Même si le problème du fossé explicatif apparaît encore insoluble, il serait faux pourtant de penser que les sciences cognitives
ne puissent aujourd’hui rien nous apprendre d’intéressant sur la
conscience phénoménale. Tout d’abord, la mise en évidence de corrélations entre conscience phénoménale et processus biologiques
n’est pas en soi un résultat négligeable, même si ces corrélations
n’ont pas encore pour nous de force explicative. Deuxièmement,
nos expériences subjectives ont souvent une structure relationnelle.
L’expérience des couleurs en constitue une illustration. On peut se
demander pourquoi, en voyant du rouge, j’ai une expérience subjective et pourquoi cette expérience plutôt qu’une autre, mais on
peut aussi se demander pourquoi l’expérience du rouge me paraît
plus proche de celle du jaune que de celle du vert, pourquoi je peux
avoir l’expérience d’un vert bleuté ou d’un jaune orangé, mais non
d’un rouge verdâtre ou d’un bleu jaunâtre. Ces dernières questions
témoignent du fait que l’expérience des couleurs a une structure
relationnelle. Ici, les corrélations entre expériences subjectives
et processus neurophysiologiques sous-jacents prennent une valeur
explicative lorsque l’on peut montrer qu’aux relations structurelles entre qualités subjectives correspondent des relations structurelles entre processus neurophysiologiques. Dans le cas des
couleurs, on a pu expliquer la structure des similitudes en identifiant les mécanismes neurobiologiques qui en sont responsables
et en montrant comment leur fonctionnement rend compte de
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La philosophie cognitive
cette structure 3. L’expérience des couleurs n’est qu’un exemple ;
bien d’autres formes d’expérience subjective possèdent des traits
structuraux. À défaut de pouvoir raisonnablement attendre aujourd’hui des biologistes qu’ils nous expliquent pourquoi l’expérience
subjective existe et pourquoi elle existe sous la forme que nous
connaissons plutôt qu’une autre, nous pouvons donc au moins
attendre d’eux qu’ils nous expliquent sa structure relationnelle.
Enfin, troisièmement, sous l’étiquette générale de conscience phénoménale, c’est un ensemble très divers d’expériences conscientes
qui sont réunies. Selon l’hypothèse de Crick et Koch, l’activation synchronisée de neurones autour de 40 Hz pourrait être le corrélat
cérébral de la conscience visuelle, mais qu’en est-il de la conscience
auditive, olfactive ou émotionnelle ? Découvrir que la conscience
phénoménale sous toutes ses formes est invariablement corrélée à
une forme spécifique d’activation neuronale ne résoudrait pas le
problème de la conscience, mais constituerait sans aucun doute
une avancée considérable. On saurait alors au moins où, sur la rive
physique, devrait s’ancrer le pont permettant de franchir le fossé
explicatif, à défaut de savoir encore comment construire ce pont.
3. Voir notamment Byrne et Hilbert (1997).
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