le système de santé face au vieillissement de la population

1
LE SYSTÈME DE SANTÉ FACE AU
VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
Le 23 septembre dernier, le docteur Réjean
Hébert était invité, par la Table de concertation
des aînés et des retraités de la Mauricie, à
prononcer une allocution sur le thème : Le
vieillissement de la population, une occasion de
renforcer le système de santé public. Plusieurs
centaines de personnes étaient présentes. Doyen
de la Faculté de médecine et des sciences de la
santé de l’Université de Sherbrooke, Réjean
Hébert a cosigné le rapport de la consultation
publique sur les conditions de vie des aînés,
rendu public en mars 2008.
Le système public de santé est au cœur de toutes
les préoccupations. Ce système, mis en place dans
les années 1970 et basé sur la gratuité et l’égalité
d’accès, est actuellement décrié et vilipendé. Le
vieillissement de la population est pointé du doigt. Or
l’accroissement du nombre des personnes âgées
est-il responsable de cette crise ? Non ! répond
Réjean Hébert. Au contraire, le vieillissement de la
population pourrait être un stimulant pour mieux
adapter le système de santé public aux nouvelles
réalités.
LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
N’EST PAS PRÉJUDICIABLE AU SYSTÈME DE
SANTÉ
1 – En premier lieu, l’augmentation de la tranche de
population des 65 ans et plus n’est pas un bon
marqueur du vieillissement, puisque l’espérance de
vie ne cesse d’augmenter : 50 ans lors de l’invention
de la retraite en 1872, 80 ans aujourd’hui, et
probablement 85 ans en 2040.
2 – En deuxième lieu, le fardeau économique n’est
pas plus lourd. Certes, selon le rapport Ménard de
2005, on compte actuellement cinq travailleurs pour
chaque retraité, alors qu’en 2030 il n’en restera que
deux. Cependant, il serait plus juste d’examiner le
ratio travailleurs/personnes inactives, plutôt que le
ratio travailleurs/aînés. L’augmentation du nombre
des aînés étant en partie contrebalancée par la
diminution du nombre de jeunes, le nombre de
personnes à charge est sensiblement équivalent à
celui des années 1970.
3 – Soulignons également que les personnes âgées
contribuent au développement économique. Elles
génèrent 5,3 milliards de dollars dans l’économie, de
par leur consommation et leur bénévolat.
4 – Il est faux de dire que l’augmentation des
dépenses du système de santé est due
principalement au vieillissement de la population. Le
vieillissement n’arrive qu’en cinquième position,
après la hausse du coût des médicaments, les
technologies avant-gardistes, l’utilisation
inappropriée des hôpitaux et la privatisation du
système de santé (les États-Unis consacrent 25% de
leur Produit Intérieur Brut à la santé, contre 9% au
Canada). En définitive, selon le rapport Castonguay,
le vieillissement de la population n’est responsable
que de 1,1% de l’augmentation annuelle des coûts
du système de santé !
5 – Le conférencier ajoute : « Bien des gens font une
règle de trois. Puisque le nombre de personnes
âgées augmente, le système de santé coûte plus
cher. Mais ils oublient que le contexte évolue !». Non
seulement l’offre de service change (soins plus
performants), mais également la qualité des services
demandés (exigence de meilleurs services).
LE VIEILLISSEMENT EST UN STIMULANT
POUR CHANGER NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ
Le système de santé pourrait mettre à profit ces
nouvelles donnes sociologiques pour s’améliorer.
1) Former des intervenants
Il est nécessaire de former des intervenants non
seulement à la base, mais aussi au niveau de la
formation continue et des spécialisations en
gériatrie, encore déficitaires.
2
2) Favoriser les soins à domicile
La population vieillissante est sujette à des maladies
chroniques. Or le système de santé, articulé autour
des personnes jeunes et de l’hôpital, est peu adapté
aux maladies évolutives à long terme. Il convient
donc de réorganiser le système de santé autour du
domicile, comme cela se fait au Danemark. À
incapacité égale, un traitement coûte 10 $ à
domicile, 20 $ dans une famille d’accueil, et 100 $ en
centre d’hébergement longue durée.
Plusieurs obstacles restent à surmonter. La Loi
canadienne sur le système de santé stipule que le
régime public couvre le « médicalement
nécessaire », les soins à domicile restant dans une
zone grise. Par ailleurs, les sommes libérées lors du
« virage ambulatoire » n’ont pas été réinvesties. De
plus, les soins à domicile post-hospitaliers et les
soins à domicile des personnes âgées en perte
d’autonomie sont financés à partir de la même
enveloppe budgétaire, créant ainsi un déséquilibre
au détriment des seconds. Finalement, selon une
enquête menée en 2003 en Montérégie, basée sur
un outil d’évaluation de l’autonomie mis au point par
l’Organisation Mondiale de la Santé, le Système de
Mesure de l’Autonomie Fonctionnelle (SMAF), on
estime que seulement 10% des besoins en soins à
domicile des personnes âgées seraient comblés.
3) Un financement approprié
9 Réjean Hébert estime tout d’abord qu’il faudrait
injecter 400 millions de dollars dans l’économie,
de manière à faire passer le pourcentage des
soins à domicile de 10% à 40%. Pour ce faire,
300 millions de dollars pourraient être récupérés
par la diminution de la pression sur les CHSLD et
la libération de lits de courte durée dans les
hôpitaux (20% de ces lits étant occupés par des
patients en attente d’une place en CHSLD). Si le
Québec pouvait recouvrer une partie de la
récente diminution de TPS, un autre 80 millions
de dollars pourrait être ainsi récupéré. Il
conviendrait aussi d’investir environ 100 millions
pour des services de nutrition et de réadaptation.
9 En outre, Réjean Hébert préconise la création
d’une Prestation de Soutien à l’Autonomie,
perçue par les aînés soit en nature (en CHSLD),
soit en argent (à domicile ou dans une résidence
privée). Calculée en fonction des besoins réels,
elle remplacerait les crédits d’impôts, par nature
inéquitables.
4) Des services intégrés
Le conférencier propose de mettre en place un
réseau de services intégrés, basé sur la coordination
et la concertation de tous les partenaires. Grâce à un
guichet unique d’entrée et à l’analyse des besoins
par un gestionnaire de cas, un plan de services
individualisé serait proposé. Ce système, dénommé
PRISMA, a été expérimenté durant ces cinq
dernières années en Estrie. Les résultats ont
démontré que, non seulement il améliorait
l’autonomie fonctionnelle et prévenait la perte
d’autonomie, mais également il diminuait les
hospitalisations et ne coûtait pas plus cher !
5) Améliorer l’accès au système de santé
Le focus doit être mis sur l’accès à un médecin de
famille et à des soins à domicile, tout en palliant aux
pénuries d’infirmières et de médecins. Comme les
Finlandais, il faudrait favoriser la retraite progressive.
Et valoriser le personnel, de manière à attirer les
jeunes dans cette profession. Notre espérance de
vie est la seconde après le Japon, loin devant les
États-Unis. Gardons toujours en mémoire que notre
service public de santé est performant et envié des
autres pays !
En conclusion, le docteur Réjean Hébert réaffirme
que le vieillissement ne fera pas « sauter » le
système de santé, mais qu’il serait souhaitable d’en
comprimer les incapacités, de manière à ce que
nous puissions « mourir les bottes aux pieds ». Il
apostrophe l’assistance : « Les aînés doivent se
mobiliser ! Vous devez vous battre pour le
supplément de revenu garanti et pour le système de
santé public. Pourquoi ne pas mettre en place une
politique de sagesse des aînés, afin que la vision
des aînés soit intégrée dans notre société, et que
vous soyez consultés sur les enjeux qui vous
tiennent à cœur ? Sortez, convainquez le reste de la
société de votre importance !» Une salve
d’applaudissements a conclu ce discours…
Marie-Hélène Allegrini
AQDR section Trois-Rivières
1 / 2 100%