LE SYSTÈME DE SANTÉ FACE AU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION des aînés étant en partie contrebalancée par la diminution du nombre de jeunes, le nombre de personnes à charge est sensiblement équivalent à celui des années 1970. Le 23 septembre dernier, le docteur Réjean Hébert était invité, par la Table de concertation des aînés et des retraités de la Mauricie, à prononcer une allocution sur le thème : Le vieillissement de la population, une occasion de renforcer le système de santé public. Plusieurs centaines de personnes étaient présentes. Doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, Réjean Hébert a cosigné le rapport de la consultation publique sur les conditions de vie des aînés, rendu public en mars 2008. 3 – Soulignons également que les personnes âgées contribuent au développement économique. Elles génèrent 5,3 milliards de dollars dans l’économie, de par leur consommation et leur bénévolat. 4 – Il est faux de dire que l’augmentation des dépenses du système de santé est due principalement au vieillissement de la population. Le vieillissement n’arrive qu’en cinquième position, après la hausse du coût des médicaments, les technologies avant-gardistes, l’utilisation inappropriée des hôpitaux et la privatisation du système de santé (les États-Unis consacrent 25% de leur Produit Intérieur Brut à la santé, contre 9% au Canada). En définitive, selon le rapport Castonguay, le vieillissement de la population n’est responsable que de 1,1% de l’augmentation annuelle des coûts du système de santé ! Le système public de santé est au cœur de toutes les préoccupations. Ce système, mis en place dans les années 1970 et basé sur la gratuité et l’égalité d’accès, est actuellement décrié et vilipendé. Le vieillissement de la population est pointé du doigt. Or l’accroissement du nombre des personnes âgées est-il responsable de cette crise ? Non ! répond Réjean Hébert. Au contraire, le vieillissement de la population pourrait être un stimulant pour mieux adapter le système de santé public aux nouvelles réalités. 5 – Le conférencier ajoute : « Bien des gens font une règle de trois. Puisque le nombre de personnes âgées augmente, le système de santé coûte plus cher. Mais ils oublient que le contexte évolue !». Non seulement l’offre de service change (soins plus performants), mais également la qualité des services demandés (exigence de meilleurs services). LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION N’EST PAS PRÉJUDICIABLE AU SYSTÈME DE SANTÉ 1 – En premier lieu, l’augmentation de la tranche de population des 65 ans et plus n’est pas un bon marqueur du vieillissement, puisque l’espérance de vie ne cesse d’augmenter : 50 ans lors de l’invention de la retraite en 1872, 80 ans aujourd’hui, et probablement 85 ans en 2040. LE VIEILLISSEMENT EST UN STIMULANT POUR CHANGER NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ Le système de santé pourrait mettre à profit ces nouvelles donnes sociologiques pour s’améliorer. 2 – En deuxième lieu, le fardeau économique n’est pas plus lourd. Certes, selon le rapport Ménard de 2005, on compte actuellement cinq travailleurs pour chaque retraité, alors qu’en 2030 il n’en restera que deux. Cependant, il serait plus juste d’examiner le ratio travailleurs/personnes inactives, plutôt que le ratio travailleurs/aînés. L’augmentation du nombre 1) Former des intervenants Il est nécessaire de former des intervenants non seulement à la base, mais aussi au niveau de la formation continue et des spécialisations en gériatrie, encore déficitaires. 1 privée). Calculée en fonction des besoins réels, elle remplacerait les crédits d’impôts, par nature inéquitables. 2) Favoriser les soins à domicile La population vieillissante est sujette à des maladies chroniques. Or le système de santé, articulé autour des personnes jeunes et de l’hôpital, est peu adapté aux maladies évolutives à long terme. Il convient donc de réorganiser le système de santé autour du domicile, comme cela se fait au Danemark. À incapacité égale, un traitement coûte 10 $ à domicile, 20 $ dans une famille d’accueil, et 100 $ en centre d’hébergement longue durée. 4) Des services intégrés Le conférencier propose de mettre en place un réseau de services intégrés, basé sur la coordination et la concertation de tous les partenaires. Grâce à un guichet unique d’entrée et à l’analyse des besoins par un gestionnaire de cas, un plan de services individualisé serait proposé. Ce système, dénommé PRISMA, a été expérimenté durant ces cinq dernières années en Estrie. Les résultats ont démontré que, non seulement il améliorait l’autonomie fonctionnelle et prévenait la perte d’autonomie, mais également il diminuait les hospitalisations et ne coûtait pas plus cher ! Plusieurs obstacles restent à surmonter. La Loi canadienne sur le système de santé stipule que le régime public couvre le « médicalement nécessaire », les soins à domicile restant dans une zone grise. Par ailleurs, les sommes libérées lors du « virage ambulatoire » n’ont pas été réinvesties. De plus, les soins à domicile post-hospitaliers et les soins à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie sont financés à partir de la même enveloppe budgétaire, créant ainsi un déséquilibre au détriment des seconds. Finalement, selon une enquête menée en 2003 en Montérégie, basée sur un outil d’évaluation de l’autonomie mis au point par l’Organisation Mondiale de la Santé, le Système de Mesure de l’Autonomie Fonctionnelle (SMAF), on estime que seulement 10% des besoins en soins à domicile des personnes âgées seraient comblés. 5) Améliorer l’accès au système de santé Le focus doit être mis sur l’accès à un médecin de famille et à des soins à domicile, tout en palliant aux pénuries d’infirmières et de médecins. Comme les Finlandais, il faudrait favoriser la retraite progressive. Et valoriser le personnel, de manière à attirer les jeunes dans cette profession. Notre espérance de vie est la seconde après le Japon, loin devant les États-Unis. Gardons toujours en mémoire que notre service public de santé est performant et envié des autres pays ! 3) Un financement approprié 9 Réjean Hébert estime tout d’abord qu’il faudrait injecter 400 millions de dollars dans l’économie, de manière à faire passer le pourcentage des soins à domicile de 10% à 40%. Pour ce faire, 300 millions de dollars pourraient être récupérés par la diminution de la pression sur les CHSLD et la libération de lits de courte durée dans les hôpitaux (20% de ces lits étant occupés par des patients en attente d’une place en CHSLD). Si le Québec pouvait recouvrer une partie de la récente diminution de TPS, un autre 80 millions de dollars pourrait être ainsi récupéré. Il conviendrait aussi d’investir environ 100 millions pour des services de nutrition et de réadaptation. 9 En outre, Réjean Hébert préconise la création d’une Prestation de Soutien à l’Autonomie, perçue par les aînés soit en nature (en CHSLD), soit en argent (à domicile ou dans une résidence En conclusion, le docteur Réjean Hébert réaffirme que le vieillissement ne fera pas « sauter » le système de santé, mais qu’il serait souhaitable d’en comprimer les incapacités, de manière à ce que nous puissions « mourir les bottes aux pieds ». Il apostrophe l’assistance : « Les aînés doivent se mobiliser ! Vous devez vous battre pour le supplément de revenu garanti et pour le système de santé public. Pourquoi ne pas mettre en place une politique de sagesse des aînés, afin que la vision des aînés soit intégrée dans notre société, et que vous soyez consultés sur les enjeux qui vous tiennent à cœur ? Sortez, convainquez le reste de la société de votre importance !» Une salve d’applaudissements a conclu ce discours… Marie-Hélène Allegrini AQDR section Trois-Rivières 2