Les produits fermentés, comme le fromage, sont le résultat de la transformation par des
microorganismes d’une matière première (lait, végétaux, viandes…). Ces produits, élaborés
au moins depuis que l’homme exerce une activité pastorale, ont, en plus de leur propriété
de conservation et de nutrition, une forte valeur patrimoniale, reliant le produit à la terre
et sa culture. De fait, les fromages continuent d’être fabriqués à différents niveaux :
artisanat, coopérative, grandes productions industrielles. Alors que la plupart des
productions à grande échelle tendent à utiliser des microorganismes ajoutés, de
nombreuses productions reposent encore sur l’action de flores naturelles dont la
composition reste largement indéfinie. Les propriétés gustatives, aromatiques et
globalement hédoniques des fromages reposent sur l’action de microorganismes dont
certains restent peu caractérisés en termes de capacités technologiques et métaboliques.
Certains d’entre eux, fréquemment présents dans les produits fermentés, ne sont pas
présents dans les listes des microorganismes reconnus pour leur innocuité.
Le programme Food-Microbiomes, financé par l’ANR, a eu pour objectif de développer (i) un
outil d’étude globale de l’écosystème fromager pour en assurer la maitrise par les
producteurs, (ii) des connaissances génomiques sur des microorganismes alimentaires,
insuffisamment caractérisés pour être inclus dans les listes des microorganismes reconnus
pour leur innocuité et (iii) diffuser ces outils et connaissances aux professionnels.
La métagénomique est un outil d’étude globale qui utilise les nouvelles technologies de
séquençage à très haut débit, produisant des millions de séquences dont l’analyse permet
de reconstituer une image fine de l’écosystème, tels les millions de pixels des photos
numériques. Une cinquantaine d’échantillons de fromages industriels et traditionnels,
cœur ou surface ont été analysés par cet outil métagénomique. Ces échantillons
contiennent tous des microorganismes « hors-listes », qui, pour la plupart, sont autant de
candidats à un rôle dans l’élaboration de la qualité et de la typicité des fromages. Pour
combler ce vide dans nos connaissances, nous avons développé un programme de
génomique couvrant 150 espèces de bactéries alimentaires et 15 espèces de champignons
et levures, dont les Penicillium roqueforti et camemberti qui donnent respectivement
les veines bleues et le duvet blanc dans et sur nos fromages. Ces recherches vont permettre
de comprendre un processus de « domestication », c'est-à-dire comment certains
microorganismes de l’environnement se sont adaptés au milieu laitier, et parfois, comment
ils ont perdu certaines capacités non souhaitables dans la fabrication des aliments.
Le projet Food-Microbiomes ouvre de nouvelles perspectives d’exploitation des
microorganismes et de maitrise des écosystèmes des aliments pour l’élaboration de
produits sains, de qualité et riches de la valeur de nos terroirs. ■
PIERRE RENAULT
• Directeur de recherches
à l’UMR Microbiologie
de l’alimentation au service
de la santé, Inra
Contact :
Food-Microbiomes : la flore des fromages
sous l’œil de la métagénomique
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