Les rencontres Inra Alimentation : avancées et défis de la métagénomique Rencontre organisée par l’Institut national de la recherche agronomique en partenariat avec l’Association nationale des industries alimentaires dans le cadre du Salon international de l’agriculture Mercredi 29 février 2012 Stand Inra • Hall 3 • allée C • n°60 Parc des expositions de Paris • Porte de Versailles Photos : © Inra RÉSUMÉS DES INTERVENTIONS P r o g r a m m e 10h Introduction : la métagénomique vue par les industriels de l’agroalimentaire Yves Bayon de Noyer, Président de la Commission Recherche de l’ANIA 10h25 Aliments carnés et bioconservation : les apports de la métagénomique Marie-Christine Champomier-Vergès, UMR Microbiologie de l’alimentation au service de la santé, Inra 10h45 u Discussion animée par Gérard Corthier, Inra 11h Food-Microbiome : la flore des fromages sous l’œil de la métagénomique Pierre Renault, UMR Microbiologie de l’alimentation au service de la santé, Inra 11h20 Aliments, microbiote et santé : quelles perspectives ? Christine Cherbut, directrice scientifique Alimentation,Inra 11h40 u Discussion animée par Emmanuelle Maguin, chef du Département Microbiologie et chaîne alimentaire, Inra 11h55 Conclusion Marion Guillou, Présidente directrice générale de l’Inra La métagénomique vue par les industriels de l’agroalimentaire YVES BAYON DE NOYER • Président de la Commission Recherche de l’ANIA (Association nationale des industries alimentaires) Contact : Françoise Gorga [email protected] Le métagénome est le génome de l’ensemble des bactéries (= microbiote) qui habitent un écosystème microbien. Ce microbiote assure de grandes fonctions : effet barrière contre les bactéries pathogènes, collecte d’énergie et stockage des lipides, production de vitamines, métabolisme des fibres… Connaitre les espèces présentes dans notre tube digestif n’est pas suffisant pour savoir ce qu’elles font. En effet, les bactéries du microbiote du tractus digestif ne sont pas, pour la plupart, cultivables et donc étudiables de façon classique. C’est donc le séquençage génétique de ce métagénome qui est susceptible d’apporter des réponses. L’étude du métagénome du tube digestif, qui représente environ 150 fois le génome humain, est un enjeu scientifique majeur mais représente également un défi stratégique pour les industriels de l’agroalimentaire. Yves Bayon De Noyer, Président de la Commission Recherche de l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA) présentera le point de vue des industriels sur cette nouvelle approche de l’écologie microbienne en illustrant par des cas concrets les perspectives offertes par cet outil qui permettra de mieux déchiffrer le dialogue microbiote/aliment/hôte. ■ L’ANIA, Association Nationale des Industries Alimentaires, créée en juillet 1968, est une association loi 1901 qui rassemble 22 fédérations nationales sectorielles et 18 associations régionales, représentatives des entreprises alimentaires de tous secteurs et de toutes tailles. L’ANIA est le porte-parole de l’industrie alimentaire française, premier secteur industriel français avec, en 2010, un chiffre d’affaires de 143.6 milliards d’euros. Constituée de 10 000 entreprises, pour la plupart des PME, elle est le deuxième employeur industriel avec près de 400 000 salariés. Interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et des institutions, l’ANIA agit en cohérence et en synergie avec ses membres dans le cadre de ses champs de compétences afin de promouvoir l’industrie alimentaire française. RENCONTRES SIA 2012 Aliments carnés et bioconservation : les apports de la métagénomique MARIE-CHRISTINE CHAMPOMIER-VERGÈS • Directrice de recherches à l’UMR Microbiologie de l’alimentation au service de la santé, Inra Contact : [email protected] Les produits carnés sont extrêmement périssables : alors que le muscle est stérile, la viande est inévitablement contaminée lors des étapes de production et de transformation. Assurer la conservation des produits carnés nécessite donc de maîtriser leurs écosystèmes microbiens. Cette conservation est traditionnellement basée sur des méthodes qui limitent le développement microbien : basse température, atmosphère protectrice... Utiliser de bonnes bactéries comme cultures protectrices pour mieux conserver les aliments en limitant le développement de bactéries indésirables, sans altérer leurs qualités, est proposé depuis plusieurs années. Ce concept de bioconservation, ou biopréservation, n’est cependant que très peu utilisé. L’envisager de manière globale en s’intéressant aux écosystèmes, en particulier aux écosystèmes complexes et variés des produits carnés est maintenant possible grâce à la métagénomique qui s’appuie sur les nouvelles technologies de séquençage à haut débit. La métagénomique constitue un outil de choix pour répondre aux questions posées par la bioconservation des produits carnés. Elle permet non seulement d’identifier et de décrire les différentes espèces présentes dans des écosystèmes mais aussi de comprendre leurs interactions, voire de les prédire. La caractérisation des écosystèmes, et en particulier des flores d’altération, ainsi que leur dynamique au long des procédés de stockage est un domaine peu étudié. Les connaissances génériques sur l’altération microbiologique sont relativement faibles. Elles sont pourtant cruciales avec le développement continu et la mise sur le marché de nouveaux produits et au regard des pertes économiques engendrées par ces altérations. Une étude métagénomique, centrée sur la caractérisation des écosystèmes bactériens d’une sélection de produits carnés ou issus de la mer est en cours dans le cadre du projet ANR Ecobiopro. Son but est d’identifier les flores d’altération de ces produits et l’impact global de potentielles cultures protectrices. Par ailleurs, nos travaux sur Lactobacillus sakei, une espèce bactérienne phare des produits carnés, ont montré son potentiel pour la bioconservation de la viande fraîche. Ils montrent que la caractérisation génomique approfondie de cette espèce ouvre la voie pour un pilotage raisonné des écosystèmes carnés, dans le but d’améliorer la conservation de la viande. Dans ce cadre, la métagénomique représente un atout pour rationaliser les pratiques de bioconservation et aller vers l’innovation dans ce domaine. ■ RENCONTRES SIA 2012 Food-Microbiomes : la flore des fromages sous l’œil de la métagénomique PIERRE RENAULT • Directeur de recherches à l’UMR Microbiologie de l’alimentation au service de la santé, Inra Contact : [email protected] Les produits fermentés, comme le fromage, sont le résultat de la transformation par des microorganismes d’une matière première (lait, végétaux, viandes…). Ces produits, élaborés au moins depuis que l’homme exerce une activité pastorale, ont, en plus de leur propriété de conservation et de nutrition, une forte valeur patrimoniale, reliant le produit à la terre et sa culture. De fait, les fromages continuent d’être fabriqués à différents niveaux : artisanat, coopérative, grandes productions industrielles. Alors que la plupart des productions à grande échelle tendent à utiliser des microorganismes ajoutés, de nombreuses productions reposent encore sur l’action de flores naturelles dont la composition reste largement indéfinie. Les propriétés gustatives, aromatiques et globalement hédoniques des fromages reposent sur l’action de microorganismes dont certains restent peu caractérisés en termes de capacités technologiques et métaboliques. Certains d’entre eux, fréquemment présents dans les produits fermentés, ne sont pas présents dans les listes des microorganismes reconnus pour leur innocuité. Le programme Food-Microbiomes, financé par l’ANR, a eu pour objectif de développer (i) un outil d’étude globale de l’écosystème fromager pour en assurer la maitrise par les producteurs, (ii) des connaissances génomiques sur des microorganismes alimentaires, insuffisamment caractérisés pour être inclus dans les listes des microorganismes reconnus pour leur innocuité et (iii) diffuser ces outils et connaissances aux professionnels. La métagénomique est un outil d’étude globale qui utilise les nouvelles technologies de séquençage à très haut débit, produisant des millions de séquences dont l’analyse permet de reconstituer une image fine de l’écosystème, tels les millions de pixels des photos numériques. Une cinquantaine d’échantillons de fromages industriels et traditionnels, cœur ou surface ont été analysés par cet outil métagénomique. Ces échantillons contiennent tous des microorganismes « hors-listes », qui, pour la plupart, sont autant de candidats à un rôle dans l’élaboration de la qualité et de la typicité des fromages. Pour combler ce vide dans nos connaissances, nous avons développé un programme de génomique couvrant 150 espèces de bactéries alimentaires et 15 espèces de champignons et levures, dont les Penicillium roqueforti et camemberti qui donnent respectivement les veines bleues et le duvet blanc dans et sur nos fromages. Ces recherches vont permettre de comprendre un processus de « domestication », c'est-à-dire comment certains microorganismes de l’environnement se sont adaptés au milieu laitier, et parfois, comment ils ont perdu certaines capacités non souhaitables dans la fabrication des aliments. Le projet Food-Microbiomes ouvre de nouvelles perspectives d’exploitation des microorganismes et de maitrise des écosystèmes des aliments pour l’élaboration de produits sains, de qualité et riches de la valeur de nos terroirs. ■ RENCONTRES SIA 2012 Aliments, microbiotes et santé : quelles perspectives ? CHRISTINE CHERBUT • INRA, Directrice Scientifique Alimentation [email protected] La définition de la santé par l’Organisation Mondiale de la Santé va au-delà de l’absence de maladies et inclut la notion de bien-être. L’alimentation est sans aucun doute un facteur important de la santé et du bien-être, à travers les trois dimensions qu’elle porte pour le consommateur, à savoir le plaisir (goût ; convivialité), la santé (sûreté microbiologique et chimique ; prévention des déficiences nutritionnelles et des surcharges énergétiques ; diminution du risque des maladies chroniques), et la quête de sens (contextes culturels, sociaux, économiques, religieux, etc.). Quelles sont les perspectives ouvertes par la connaissance des microbiotes dans ce cadre ? Sur la dimension « plaisir » des aliments, le rôle des écosystèmes microbiens dans la construction des qualités sensorielles des aliments est connu depuis très longtemps. Audelà d’une maitrise accrue des services rendus par les microbiotes alimentaires, les innovations à attendre pourraient être, par exemple, de nouvelles flaveurs. Sur la dimension « santé », le potentiel est vertigineux et sera prochainement démontré grâce à la mise en place d’une infrastructure de métagénomique, unique en Europe, Métagénopolis (Jouy en Josas), soutenue par les Investissements d’Avenir. J’illustrerai ce potentiel à travers deux exemples concernant le microbiote intestinal : de nouveaux marqueurs de diagnostic permettant une approche plus personnalisée de la nutrition, et de nouvelles pistes d’intervention alimentaire dans la prévention de l’obésité et des maladies métaboliques. Enfin, concernant la dimension que j’ai appelée « sens », les microbiotes seront des agents impliqués dans la conception de nouveaux procédés technologiques pour mieux mettre en valeur les qualités intrinsèques des matières premières, pour limiter l’impact environnemental de la production et de la transformation des aliments et pour optimiser l’utilisation des coproduits. C’est pourquoi les microbiotes occuperont une place essentielle dans l’élaboration de systèmes alimentaires durables, promoteurs de santé et de bien-être, et que l’amélioration de la connaissance de leurs compositions, de leurs dynamiques et de leurs fonctions ouvre de larges perspectives de progrès et d’innovations pour l’alimentation et la santé. ■ RENCONTRES SIA 2012