Laurie Bougeois Master 1 PSP Reconstitution de l'évolution Pression- Température-Déformation-Temps de l'unité des Schistes Lustrés du Queyras. Liens avec l'évolution géodynamique des Alpes Stage effectué du 19 au 27 septembre 2008 Encadrants : Gweltaz MAHEO, Véronique GARDIEN, Serge FERRY, Bernard PITTET -1- Sommaire Introduction p.3 p.3 1. ANALYSE MÉTAMORPHIQUE 1.1. Description des lithologies des roches sédimentaires métamorphiques p.3 1.1.1. Les schistes lustrés p.3 1.1.2. Les marbres du Col Agnel p.3 1.1.3. Les sédiments volcano-détritiques p.4 1.2. Description des lithologies des roches basiques métamorphiques p.4 1.2.1. Les serpentinites p.4 1.2.2. Les métagabbros p.4 1.2.3. Les métabasaltes p.5 1.2.4. Le gabbro massif p.6 1.3. Reconstitution du chemin pression-température-temps p.6 p.8 2. ANALYSE TECTONIQUE 2.1. Analyse tectonique des terrains du Col Agnel p.8 2.1.1. Observation des structures sur le terrain p.8 2.1.2. La tectonique au Col Agnel p.9 2.2. Analyse tectonique des terrains au Bric Bouchet p.10 2.2.1. Observations des structures sur le terrain p.10 2.2.2. La tectonique au Bric Bouchet p.11 2.3. Les phases tectoniques majeures p.12 3. RECONSTITUTION DE L'HISTOIRE ET DE L'ÉVOLUTION GÉODYNAMIQUE DES ALPES 3.1. Ouverture d'un océan : l'histoire d'un rift p.12 p.12 3.1.1. Ouverture du rift et blocs basculés observés à l'Alpe d'Huez p.12 3.1.2. Formation de la couverture sédimentaire p.13 3.2. Formation de l'océan liguro-piémontais et subduction p.14 3.2.1. Mise en place d'une dorsale et d'un plancher océanique p.14 3.2.1. Subduction de l'Europe sous l'Afrique p.14 3.3. Collision entre l'Apulie et la plaque Européenne : les principaux chevauchements p.14 3.4. Effondrement post-orogénique et accomodation de la rotation du bloc Corso-Sarde p.14 Conclusion p.15 Annexes p. 16 -2- Introduction Au cours de notre stage de métamorphisme au sein de Alpes internes nous avons pu étudier différents aspects de l'histoire des Alpes. Lors de ce rapport nous allons nous efforcer de centrer notre réflexion sur deux sites géologiques : le Col Agnel et le Bric Bouchet. Tous les deux ayant pour point commun de retracer l'histoire des schistes lustrés, véritable couverture sédimentaire océanique, du Queyras. Le but de cette étude est d'une part de retracer l'évolution géodynamique des roches affleurant mais également d'incorporer cette évolution au sein de l'histoire globale de la formation de la chaine alpine. Ainsi après avoir analyser les faciès métamorphiques et tectoniques des deux sites, nous nous aiderons de l'ensemble des observations faites au cours du stage pour reconstituer l'évolution géodynamique des Alpes. Sur le terrain, j'ai constamment travaillé avec mon binôme, Camille Bouchez. Cela explique que nos données tectoniques, nos cartes et nos coupes soient communes. 1. ANALYSE MÉTAMORPHIQUE 1.1. Description des lithologies des roches sédimentaires métamorphiques 1.1.1. Les schistes lustrés A l'Est du Col Agnel, nous avons pu voir la première unité des schistes lustrés. Il s'agit d'une alternance marno-gréseuse métamorphisée dont la schistosité est très marquée et rapprochée. On observe d'ailleurs un gradient de déformation (la schistosité est plus accentuée à certains endroits) qui est dû à une différence de compétance de la roche. Les bancs de métagrès, épais d'une trentaine de centimètres, sont séparés par des bancs plus tendres et donc plus affectés par la schistosité. Les roches sont constituées principalement de quartz (elles raient le verre) et de nombreux micas blancs, en plus petite quantité on trouve de la séricite et de la glaucophane. La roche est plutôt noire ce qui peut s'expliquer par la présence de matière organique. On peut noter également de nombreux filons de quartz qui recoupent la schistosité. Les bancs gréseux sont massifs et la stratification est plane parallèle. Ceci nous indique d'une part que le dépôt des sédiments s'est fait grâce à un courant rapide et d'autre part qu'on se situe au niveau de la plage dans la zone où la houle balaie les sédiments pour en faire un ensemble bien homogène. Une deuxième unité a été observée à l'Est du col. Il s'agit d'une alternance de calcschistes et de grès se répétant sur plusieurs mètres. Les calcschistes ont un débit important, dû aux nombreuses couches d'argile qui s'intercalent entre les bancs plus durs. Ils ont un léger granoclassement inverse ce qui semble nous indiquer qu'il s'agit de séquences de turbidites renversées. Au Bric Bouchet, les schistes lustrés sont composés essentiellement de métagrès, toutefois nous incluons dans cette unité des grès et des marbres. L'absence de bancs plus tendre nous laisse penser qu'on se situe au niveau d'un milieu plus proximal et de plus haute énergie. 1.1.2. Les marbres du Col Agnel Les marbres observés au Col Agnel se détachent dans le paysage, ils forment une falaise, un bloc incorporé dans les flyschs. On peut voir qu'ils sont peu déformés. En effet une fois le calcaire métamorphisé, le système devient clos chimiquement. Dès lors la masse très rigide de marbre ne plisse plus, ne se déforme plus. Seules les cassures sont possibles. -3- Les marbres présentent de nombreuses figures de courant telles des petites structures en mamelons (des HCS) qui sont des figures de houle. Ceci montre que l'on se situe au niveau de la zone de tempête, en aval de la plage. En étudiant la lame mince correspondant à la roche on peut voir que les minéraux sont globalement orientés dans la même direction. La roche est composée principalement de minéraux de calcite, de temps en temps dolomitisés. Leur forme caractéristique nous montre qu'ils ont été recristallisés. On peut observer également la présence de chlorite pris dans le litage global. Ces caractéristiques nous permettent de distinguer ce marbre d'une simple roche calcaire. 1.1.3. Les sédiments volcano-détritiques Au Col du Bouchet nous avons observés une roche litée qui ressemble aux schistes lustrés mais qui est plus sombre et plus luisante. Elle contient des minéraux verts : de la chlorite et de l'épidote. Une telle association minéralogique (de chimie basique) ne peut pas être présente dans des roches sédimentaires au sens strict. Il s'agit en fait de sédiments volcano-détritiques métamorphisés. Pour plus de simplicité, lorsque nous avons levé la carte et fait la coupe interprétative nous avons incorporés ces sédiments volcano-détritiques au sein des schistes lustrés. 1.2. Description des lithologies des roches basiques métamorphiques 1.2.1. Les serpentinites A l'Ouest du Col Agnel, enclavées dans les schistes on a pu voir une roche sombre, au toucher soyeux, et contenant des minéraux verts bouteille. Il s'agit d'une serpentinite, c'est à dire une péridotite hydratée et altérée. La roche peut également être d'avantage blanche ; ceci est dû à la présence de talc qui est le fruit de l'altération de silicates de magnésium tels l'olivine. 1.2.2. Les métagabbros Au Col Agnel, au sein des serpentinites on peut remarquer la présence d'une roche grenue contenant des feldspaths, des pyroxènes. Cette roche est plus compétente et ressort sous forme de boules dans le paysage : il s'agit d'un gabbro. Certains mineraux nous indiquent que les gabbros ont été métamorphisés. En effet les plagioclases se sont transformés en séricite et on peut observer de belles couronnes d'hornblende autour du pyroxène. Ceci nous indique un métamorphisme de faciès amphibolitique : métamorphisme précoce lors de l'hydratation des gabbros. Etude de la lame du métagabbro du Col Agnel Observations à l'oeil nu : on peut voir de gros minéraux sombres altérés et craquelés noyés dans une sorte de matrice blanchâtre et opaque contenant de nombreux petits minéraux non identifiables à cette échelle. Observations au microscope : les gros minéraux ont un fort relief et on distingue des clivages à 90°. Il s'agit donc de pyroxènes, vraisemblablement des augites. Quelques uns des minéraux présentent une extinction roulante ce qui montre qu'ils ont subit une déformation importante. On peut également observer des microfailles et parfois des crochons à l'intérieur des pyroxènes. Ils se sont donc formés avant la déformation. D'autre part, le clinopyroxène est parfois réservé au coeur d'une couronne de glaucophane le séparant de ce qu'il reste de plagioclase. Ce dernier s'est transformé au cours du métamorphisme en lawsonite et jadéite. Ces différents minéraux nous indiquent que la roche a atteint le faciès des schistes bleus. La roche est également composée d'épidote et de micas blancs. Enfin, des filons de calcite recoupent l'ensemble des structures. Ils résultent donc d'un métasomatisme postérieur au métamorphisme. -4- a) a) b) Figure 1 : Détails de la lame mince observée au microscope, grossissement x40. a) Pyroxène faillé avec des crochons. b) Mâcle caractéristique d'une augite entourée de glaucophane Etude de la lame du métagabbro du Bric Bouchet Observations à l'oeil nu : l'ensemble de la lame est blanche opaque. Toutefois trois minéraux peuvent être distingués à l'oeil nu : un vert, un vert foncé et un brun. Observations au microscope : les minéraux vert foncé ont des clivages à 120° : il s'agit d'amphiboles vertes, des horblendes. La forme automorphe de ces minéraux nous indique qu'ils ont cristallisés à l'équilibre, donc avant le métamorphisme général, au cours de l'hydratation de la croûte océanique. De plus ces minéraux furent déstabilisés lorsque la roche a atteint le faciès schistes bleus. En effet une couronne de glaucophane et chlorite entoure les minéraux d'horblende. Les minéraux verts présentent des mâcles de Carlsbad et des clivages à 90°, ce sont des clinopyroxènes : des augites. Un minéral brun et isotrope entoure les augites. Il s'agit probablement de grenat lui même couronné par des glaucophanes. L'ensemble de la roche qui parraissait blanc à l'oeil nu est composé de petites jadéites, de quartz, de zoésites (épidotes, minéraux en baguette et à fort relief) et de micas blancs probablement issus de la séricitisation des feldspaths. Figure 2 : Couronne de grenat autour de pyroxène (grossissement x40) 1.2.3. Les métabasaltes Les métabasaltes sont présents au Bric Bouchet et au Col Agnel. Toutefois, dans notre groupe, nous n'avons pu les approcher qu'au Sud-Ouest du Col du Bouchet, bien qu'ils constituent tout le sommet du Bric Bouchet. Il s'agit d'une roche massive bleutée qui contient de la glaucophane et de l'épidote. On se situe ainsi dans un faciès métamorphique de type schistes bleus. Ce métabasalte peut être rose : il ne s'agit en fait que de la patine d'altération. Disposant de différentes lames minces nous avons pu étudier de manière plus approfondie la minéralogie. -5- Etude de la lame mince du métabasalte du Bric Bouchet Cette lame nous montre une roche non litée, composée d'un mélange de petits minéraux : glaucophane, cholrite, jadéites (clinopyroxène) et muscovite. Les structures entre les minéraux sont trop petites pour nous permettre de conclure sur une chronologie de cristallisation mais la présence de glaucophane nous indique que la roche a atteint le faciès des schistes bleus. Figure 3 : Minéraux de jadéite et micas blancs(grossissement x40) Etude de la lame mince du métabasalte du col Agnel La lame mince du métabasalte du Col Agnel nous montre une roche litée : tous les minéraux sont orientés dans la même direction hormis des minéraux de chlorite qui recoupent le litage. Ces minéraux sont donc postérieurs au métamorphisme général ayant entrainé la foliation. Les microcristaux sont de la chlorite, quelques jadéites, de la muscovite, de l'épidote et des glaucophanes. Ces derniers se distinguent d'ailleurs en deux groupes. Premièrement des glaucophanes à structure oeillée (le litage englobe les minéraux) et de taille plus importante que le reste des minéraux. Deuxièmement on trouve de plus petites glaucophanes prises dans le litage global. On distingue ainsi deux générations de glaucophane : la première est anté tectonique, l'autre est syntectonique. D'autre part on peut observer des filons de calcite recoupant le litage. Ces filons résultent d'un métasomatisme postérieur au métamorphisme ayant touché la roche. 1.2.4. Le gabbro massif Le gabbro massif fut observé au Sud du Col du Bouchet. Il s'agit d'une roche grenue bien cristallisée peu déformée et dont les minéraux semblent n'avoir subit que peu de métamorphisme. Toutefois cette roche pourrait être incluse dans l'untié des métagabbros. 1.3. Reconstitution du chemin pression-température-temps (P-T-t) La reconstitution de l'histoire métamorphique des schistes lustrés du Queyras se fait principalement grâce à l'étude des roches basiques. Les schistes lustrés étant déposés sur le plancher océanique, ont peut considérer qu'ils ont subi la même histoire que les métabasites. Les roches basiques, gabbros et basaltes, sont issus du refroidissement, plus ou moins rapide, de magmas tholéitiques. Lors de leur émission en surface on peut considérer que P=0 kbar et T=600°C. Puis les roches se sont refroidies de façon isobare (restant toujours à la surface, P=0 kbar). Pendant ce refroidissement, les roches au contact de l'eau de l'océan se sont hydratées permettant ainsi la formation d'hornblendes vertes (amphiboles) par hydrothermalisme. Malheureusement les roches sont très affectées par le métamorphisme et la déformation, ainsi on ne retrouve que très peu de minéraux d'origine (tels les pyroxènes et la plagioclases) typiques des roches basiques qui sont principalement à l'état de relique. Après la formation des roches par la dorsale océanique, celles-ci ont été enfouies. En effet, la formation de glaucophanes, de lawsonite et d'épidotes est caractéristique du faciès schistes bleus. -6- L'assemblage de jadéite, zoésite et quartz dans les métagabros du Bric Bouchet, nous permet de préciser les conditions géothermiques auxquelles furent soumises les roches : la température fut comprise entre 400 et 450°C, et la pression entre 12 et 14 kbar. Nous n'avons pas retrouvé de minéraux appartenant au faciès éclogitique, et les minéraux de zoésite et de grenat nous indiquent qu'on se situe à la limite entre les faciès éclogite et schistes bleus. Ainsi les roches n'ont probablement pas été enfouies au delà de 40 km. La présence de grenat et de zoésites dans les métagabbros du Bric Bouchet semblerait indiquer une métamorphisme plus fort qu'au Col Agnel. On aurait alors un gradient de métamorphisme croissant vers le Nord-Nord-Est. Suite à leur enfouissement lors de la subduction, les roches ont subit une exhumation leur permettant d'être actuellement à la surface. Quelques minéraux sont les témoins de ce chemin rétrograde. Les couronnes de chlorite autour des glaucophanes nous montre que lors de son exhumation la roche est passée par le faciès des schistes verts. L'actinote trouvée dans les sédiments volcanodétritiques confirme cette hypothèse. Cette exhumation se fit de manière très rapide ne permettant pas aux minéraux d'atteindre leur état d'équilibre. Ceci nous permet donc aujourd'hui de voir des roches en surface contenant des minéraux qui ne sont pourtant pas stables dans ces conditions géothermiques. Au final nous pouvons donc voir que les roches ont subit un métamorphisme haute pressionbasse température (HP-BT) caractéristique des zones de subduction. Exh Ch uma em tion in rét rog r ade S ub Che ductio min n pro g ra de Pic de métamorphisme Situation actuelle Refoidissement de la roche Naissance de la roche en surface Figure 4 : Evolution P-T-t des métabasites du Bric Bouchet et du Col Agnel -7- 2. ANALYSE TECTONIQUE 2.1. Analyse tectonique des terrains du Col Agnel 2.1.1. Observations des structures sur le terrain Les schistes lustrés sont bien visibles dans le paysage. Ils forment une grande unité à l'intérieur de laquelle sont enclavées des lentilles de serpentinites et de métagabbros. Ces lentilles sont incorporées dans la foliation des schistes ce qui montre que les métabasites se sont d'abord retrouvées au contact des sédiments puis ont été plissées et déformées au cours de l'évènement compressif qu'a subit la région. Les métasédiments et métabasites sont tellement imbriqués les uns dans les autres que l'on parle de mélange tectonique. Des failles conjuguées sont visibles au niveau des schistes lustrés (plan du miroir d'une des failles : N48 44E). Elles indiquent une direction de contrainte principale qui semble cohérente avec l'orientation de la schistosité (N160 20NW), il s'agirait donc d'un même événement compressif de direction principale NW-SE. Le problème est que la schistosité résulte d'une déformation ductile tandis que les failles sont le fruit d'une déformation cassante. Ainsi on peut comprendre que la direction de compression maximale est restée la même mais que les conditions pression-température sont différentes et ont donc changé au cours du temps. Les failles recoupent la schistosité, l'évènement cassant est donc postérieur à l'évènement plus ductile. Au niveau de l'alternance marno-gréseuse des schistes lustrés on peut voir des boudins de quartz éffilés qui nous indiquent une direction de cisaillement globalement Nord-Sud. S N σ1 Schistes lustrés Boudin de quartz Cisaillement Contrainte maximale Figure 5 : Orientation de la direction de cisaillement D'ailleurs on observe de nombreux plis déjetés à plus grande échelle. Ces types de plis sont en accord avec la présence d'une contrainte cisaillante. Les flancs des plis suivent globalement la direction de la schistosité. La formation de petits plis formés au sein des roches peut être dû au fait que la stratification initiale était quasi perpendiculaire à la contrainte maximale. Les lits plus indurés ont eu du mal à s'orienter parallèlement à la schistosité, ils se retrouvent ainsi plissés. Compression cisaillante Figure 6 : Formations de plis dans les lits plus indurés -8- Dans les schistes lustrés et dans la serpentine on peut observer de nombreux petits plis qui sont des plis d'entrainement. La formation de tels plis nécessite que la roche soit très ductile. Ils sont donc les témoins de conditions de haute température. L'axe du pli est d'orientation N100 10W et la plan axial est quasi-horizontal. Ceci montre qu'il s'agit d'un autre épisode que celui ayant entrainé les grandes structures observées et décrites ci-dessus. A l'Ouest du Col on peut voir un contact direct entre gabbro et schistes lustrés : il s'agit d'une faille normale tardive orientée globalement N-S qui recoupe la schistosité. La faille est quasiment parallèle mais on peut deviner le mouvement extensif grâce aux crochons de faille observés au niveau de la schistosité du gabbro. Cette faille normale est postérieure au métamorphisme et aux déformations ductiles observées jusqu'à présent. 2.1.2. La tectonique au Col Agnel Les structures tectoniques relevées sur le terrain nous aident à comprendre et caractériser d'avantage les déformations. L'ensemble des données est rassemblé dans le tableau ci-dessous. Schistosité Axes de plis d'entrainement Linération minérale Cisaillement Failles tardives Schistes lustrés Gabbros Serpentinites Marbres N160 36W N158 48W N130 38W N152 39W N160 20W N116 38W N160 43W N0 28W N170 20W N140 25W N165 50W N10 28W N130 10E N144 14W N87 11W N102 11W A : N88 P : 35 A : N71 P : 50 NE/SW N158 48E N0 subverticale N18 44E Tableau 1 : Relevés des microstructures tectoniques au Col Agnel. Légende : A=azimut vertical du plan contenant les linéations ; P= pitch des linéations La schistosité principale est orientée selon un azimut moyen de N160 (cf figure 8 ). Elle est en accord avec l'ensemble des unités plissées (métabasites et métasédiments) ce qui correspond à un raccourcissement globalement NNW-SSE. Toutefois la schistosité tourne légèrement. Ce phénomène est probablement dû à une modification de l'orientation des contraintes après l'évènement tectonique majeur. -9- Figure 8 : Plans de schistosité. Rouge : flyschs / Bleu : Gabbros / Vert : Serpentinite / Noir : Marbres Comme nous l'avons remarqué plus haut, les plis d'entrainements observés au niveau des schistes lustrés et des serpentinites ont des plans axiaux quasi-horizontaux. Cette deuxième phase de déformation s'est produite lors d'une déformation plus ductile et donc dans des conditions P-T plus élevées lorsque la déformation fut la plus poussée. Ainsi les plis d'entrainements se sont formés postérieurement aux plis des grandes unités. La troisième phase de déformation est responsable des jeux de failles recoupant l'ensemble des unités. Ces failles se sont formées à froid, postérieurement aux déformations ductiles. Le jeu global des failles est normal, issu d'une phase d'extension plus tardive. 2.2. Analyse tectonique des terrains au Bric Bouchet 2.2.1. Observations des structures sur le terrain Dans le paysage au niveau des métagrès on voit des formes en « boules » : il s'agit de plis en fourreau qui forment des « manchons ». Un pli en fourreau est un pli dont le plan axial est devenu courbe sous l'effet d'un cisaillement important. Le pli prend alors la forme d'un doigt de gant. Sur les flancs de ces plis on peut voir que les minéraux sont allongés. Cette linéation nous indique la direction d'étirement maximal : N90 40W De tels plis sont également observés au niveau des métabasaltes. Dans le paysage on voit que ces plis sont séparés par des failles d'extension issues d'un étirement à froid (cf figure 9). On a donc ici deux phases : une première sous contrainte compressive entrainant la formation des plis ; puis une seconde phase correspondant à un mouvement en extension formant les failles. -10- Failles extensives Pli en fourreau Figure 9 : « Dos de baleine » dans les métabasaltes correspondant à des plis en fourreau Dans le métagrès on peut voir plusieurs fractures. Ce sont des failles normales basculées : elles ne font pas 30° avec la verticale (orientation de la contrainte principale lors de la formation de failles normales) elles sont beaucoup plus horizontales. Ces failles recoupent les structures, elles ont donc joué tardivement à froid puis elles ont été basculées sous l'effet d'une nouvelle contrainte. 2.2.2. La tectonique au Bric Bouchet Les données tectoniques prises sur le terrain sont récapitulées dans le tableau suivant : Schistes lustrés N48 50N Schistosité Axe des plis en fourreau Roches volcano-détritiques N130 53S N56 40W N30 63S NN49 44W N56 40W N102 11W Basaltes N120 40W N100 30W N90 32W Linéation minérale N90 40W Failles conjuguées tardives N15 82W / N20 30E Tableau 2 : Relevés tectoniques au Bric Bouchet On peut voir que la schistosité tourne beaucoup. C'est pourquoi il devient difficile de mettre en évidence une unique phase de déformation (contrairement au Col Agnel). Il est fort probable qu'il y ait eu plusieurs phases de déformation différentes mais il nous ne pouvons pas les distinguer les unes des autres. Les linéations minérales observées sur les flancs des plis en fourreau nous permettent de remonter à la direction du transport de la matière qui est perpendiculaire à la direction du raccourcissement. L'axe des plis en fourreau et les linéations sont globalement EES-WWN ce qui indique une direction de raccourcissement NNW-SSE cohérent avec les observations faites au Col Agnel. Enfin, on retrouve au Bric Bouchet de nombreuses failles normales orientées globalement N10 issues d'une déformation cassante et extensive qui recoupe l'ensemble des unités. Cette phase extensive s'est déroulée à froid et postérieurement au métamorphisme. -11- 2.3. Les phases tectoniques majeures Nous avons donc pu mettre en évidence trois phases tectoniques majeures se succédant. Un premier évènement tectonique majeur est responsable de la schistosité principale. Il correspond à un raccourcissement globalement NNE-SSW cohérent avec l'orientation générale des plis observés au Col Agnel et au Bric Bouchet Une secondee phase s'est déroulées dans des conditions de pression et de température élevées. Il s'agit de la compression et du cisaillement d'un milieu très ductile responsable la formation de plis d'entrainements et de figure de cisaillement. Enfin le dernier événement majeur observé ici correspond à une phase globalement cassante et extensive entrainant la formation de nombreuses failles normales et d'extension orientées N-S. Cette déformation plus tardive semble correspondre avec l'effondrement post-orogénique qu'a pu subir l'ensemble des Alpes. Globalement les observations faites au Col Agnel et au Bric Bouchet sont cohérentes et les unités ont subit les trois phases tectoniques majeures. Toutefois les roches n'ont pas réagi exactement de la même manière suivant leur localisation. En effet tandis qu'au Col Agnel de « simples » plis furent observés, au Bric Bouchet les plis en fourreaux indiquent un fluage de matière et une déformation plus importants. Ainsi il semblerait qu'il y ait eu un gradient de déformation qui s'amplifirait en allant vers le NNE. Ce gradient de déformation est en accord avec le gradient métamorphique observé dans les lames des métagabbros. 3. RECONSTITUTION DE L'HISTOIRE ET DE L'ÉVOLUTION GÉODYNAMIQUE DES ALPES 3.1. Ouverture d'un océan : l'histoire d'un rift 3.1.1. Ouverture du rift et blocs basculés observés à l'Alpe d'Huez Le premier jour de notre stage, nous nous sommes rendu à l'Alpe d'Huez. D'une part nous avons pu observer une succession de faciès qui sera décrite dans la partie suivante, d'autre part nous avons remarqué la présence de grandes failles normales d'axes globalement Nord-Sud formant un ensemble de blocs basculés. Légende Cargneule Brèche dolomitique Alternance marno-calcaire Dolomie Grès Socle Faille normale Figure 10 : Coupe géologique de la région de l'Alpe d'Huez -12- Ces blocs sont le témoin de l'ouverture d'un rift précurseur de l'ouverture de l'Océan Alpin. Les sédiments sont basculés également, ils se sont donc déposés avant le début du rifting. Cela permet de dater l'âge de ce dernier. Le Grès étant triasique on peut affirmer que le rift a commencé après le Trias, probablement au Jurassique inférieur et moyen. 3.1.2. Formation de la couverture sédimentaire (Vallon du Fournel et Alpe d'Huez) La couverture sédimentaire fut observée principalement au Vallon du Fournel. Nous avons pu décrire la succession d'une série Nummulitique (contenant des conglomérats puis des grès et enfin des calcaires à Nummulites) sous une série de métamarnes chevauchée par des flyschs (roches gréseuses turbiditées avec quelques bancs fins d'argile). Un log stratigraphique et structural fut réalisé lors du stage expliquant les différents faciès observés. Echelle Flyschs Nombreux plis dans les flyschs P lancs C-S 3 schistosités observées dans les marnes Métamarnes Schistosité S3 Calcaire à Nummulites Grès Conglomérat Socle Foliation haute température hercyninenne Figure 10 : Log stratigraphique et structural des faciès observés dans le vallon du Fournel Cette succession de faciès nous indique le passage de dépôts continentaux (conglomérats) à des dépôts marins avec une augmentation de l'épaisseur de la tranche d'eau. Les grès se sont déposés en milieu peu profond, au niveau du plateau puis les marnes se sont déposées en milieu plus distal au niveau du bassin. La sédimentation observée témoigne donc d'une transgression marine. Il s'agit de la montée du niveau de l'eau qui peut être interprétée comme la formation de l'océan liguro-piémontais. A l'Alpe d'Huez nous avons observé une succession de grès, puis de dolomie, et enfin d'une série marno-calcaire. Les grès sont des dépots anté-rifts tandis que les dolomites se sont déposées lors de la formation du rift (cf 3.1.1.). Enfin les alternances marno-calcaires furent probablement post-rift mais nous ne pouvons pas l'affirmer car nous n'avons pas vu le contact. Cette succession nous indique également une phénomène de transgression globale qui confirme nos observations faites au Vallon du Fournel -13- 3.2. Formation de l'océan liguro-piémontais et subduction (Col Agnel et Bric Bouchet) 3.2.1. Mise en place d'une dorsale et d'un plancher océanique Au Col Agnel et au Bric Bouchet nous avons pu observer des roches basiques typiquement océaniques : gabbros et basaltes (métamorphisés à cause de la tectonique). On se situe ici au niveau d'un plancher océanique avec sa couverture sédimentaire (les schistes lustrés sont des sédiments typiquemant océaniques de grands fonds). Les deux sites géologiques nous indiquent donc l'ouverture et la mise en place de l'océan alpin. On peut d'autre part emmettre l'hypothèse que la ride océanique était lente car on n'observe pas de grands bancs de gabbros continus. 3.2.1. Subduction de l'Europe sous l'Afrique L'évènement qui pourrait montrer le début de la subduction est la formation des flyschs. En effet, les courants de turbidité entrainant leur formation sont fréquents des marges actives. Les flyschs observés dans le Vallon du Fournel se sont formés à la base de l'Eocène, il y a 60 millions d'années. Ceci nous donne une limite inférieure au début de la subduction de la plaque européenne sous la plaque africaine. D'autre part les marqueurs du métamorphisme observés au Col Agnel et au Bric Bouchet nous indiquent les conditions de pression et de température auxquelles ont été soumises les roches. Nous avons vu en 1.2. que les roches ont été enfouies en profondeur lors de la subduction. Elles ont atteint le faciès des schistes bleus puis, lors de leur exhumation, sont passées par le faciès schiste vert. Le type de gradient géothermique parcouru par les roches étudiées est donc un gradient globalement HP-BT typique d'une zone de subduction d'un plancher océanique et de sa couverture sédimentaire. 3.3. Collision entre l'Apulie et la plaque Européenne : les principaux chevauchements Ayant déjà rédigé un rapport sur nos observations au Vallon du Fournel nous ne nous répeterons pas ici. Toutefois afin de replacer l'histoire des Schistes lustrés du Queyras dans le contexte géodynamique global des Alpes, il est bon de rappeler quelques observations et conclusions concernant le vallon. Nous avons pu mettre en évidence l'existence de deux chevauchements principaux. Premièrement le Front Pennique : chevauchement majeur dans la région des Alpes qui met les terrains du Briançonnais (ici représentés par les calcaires dolomitisés) sur le Dauphinois (ici les flyschs éocènes). Un deuxième cheuvauchement moins important morphologiquement fut observé également. Il s'agit d'un chevauchement (allant de l'Ouest vers l'Est) mettant les flyschs en discordance sur les métamarnes. Le phénomène de collision est également observé au Col Agnel et au Bric Bouchet à travers les nombreuses déformations typiques d'évènements compressifs : les plis simples, les plis en fourreau, les foliations en sont des bons exemples. Tout cet ensemble est désormais sous forme d'écailles enclavées les unes dans les autres. 3.4. Effondrement post-orogénique et accomodation de la rotation du bloc Corso-Sarde Lors de notre étude près de la vallée de la Durance, nous avons pu mettre en évidence l'éffondrement post-orogénique ayant affecter les Alpes. La forme caractéristique en U de la vallée de la Durance nous permet de dire qu'il s'agit d'une vallée glaciaire formée lors des glaciations quaternaires. Toutefois il a fallut un guide préexistant qui facilite la formation d'une telle vallée. Ce guide peut être soit stratigraphique (des bancs plus tendres permettraient le creusement de la vallée), soit tectonique. Un guide stratigraphique ne nous semble pas possible car la vallée est discordante avec les strates sédimentaires observées dans le paysage. Ce serait donc l'existence de failles parallèles à la vallée qui auraient pu anticiper sa formation. Des failles normales orientées globalement N-S ont été observées dans le Vallon du Fournel. -14- Elles pourraient être le résultat d'un évènement tectonique extensif à l'origine de la vallée. Sur les terrains bordant la vallée de la Durance, nous avons pu observer de nombreuses failles, des fractures, des fentes de tension. Elles sont les témoins d'un milieu fortement tectonisé. Les failles étaient soit purement normales soit transtensives (normales avec une composante décrochante dextre) et d'orientation globale N-S. Ainsi il semble que l'orientation de la vallée de la Durance soit controlée par l'existence de failles transtensives orientées globalement N-S. Les documents étudiés en parallèle nous montrant la sismicité dans la région appuient l'existence d'un mouvement normal dextre d'axe N-S. Ce mouvement commenca à l'Oligocène et est encore actif aujourd'hui. Au vu de leur orientation, les failles normales peuvent être le fruit de l'effondrement postorogénique qui s'est effectué après le relachement des contraintes au bord de la chaine. D'autre part, la composante décrochante dextre peut être expliquée par la mise en rotation du bloc corso-sarde d'âge Oligocène. Cette période extensive a été maintes fois retrouvée au niveau du Bric Bouchet et du Col Agnel où de nombreuses failles normales ont pu être observées. Conclusion Ce stage au sein des Alpes internes nous a permis en 4 jours de retracer l'histoire complète des Alpes : depuis la formation du rift jusqu'à l'effondrement post-orogénique en passant par les phases compressives de subduction et de collision. L'étude plus poussée ici des schistes lustrés du Queyras nous a permis de reconstituer l'évolution des terrains au cours de leur enfouissement et de leur exhumation. Globalement les terrains ont été emmené à grande profondeur jusqu'à atteindre le faciès des schistes bleus à la limite du faciès éclogitique puis exhumer en passant par le faciès des schistes verts. Les cartes et coupes relevées au Bric Bouchet et au Col Agnel et mises en annexe ci-après sont le fruit d'un travail fait en binôme avec Camille Bouchez. Outre l'aspect studieux de ce stage, notre séjour dans les Alpes internes nous a permis de découvrir la montagne sous un autre point de vue et d'en apprécier d'autant plus ses magnifiques paysages... Le Col du Bouchet au dessus d'une « mer de nuage » -15- Annexe 1 : Carte et coupe géologique du Col Agnel Extrait de la carte du Col Agnel au 6 500ème NE SW Légende Marbre Schistes lustrés Serpentinites Métagabbro Coupe géologique interprétative du col Agnel -16- Annexe 2 : Carte et coupe géologiques du Bric Bouchet Extrait de la carte du Bric Bouchet au 10 000eme N S Légende Schistes lustrés Métabasaltes Serpentinites Métagabbros Coupe géologique de la région du Bric Bouchet -17-