06/05/2016 MM L’insuffisance rénale en 10 questions M Essig CHU Limoges 1. 2. 3. 4. Quels sont les signes cliniques de l’insuffisance rénale Quel bilan permet d’évaluer l’IR Existe-t-il un terrain héréditaire ? Quelle est la différence entre IR chronique et aigue : signes cliniques et bilan biologique 5. Existe-t-il des traitements de l’IR ? 6. Quels sont les médicaments contre indiqués ou à éviter ? 7. Quels sont les risques de l’IR par rapport à l’anesthésie et la surveillance post op ? 8. IR et alimentation : quels conseils ? 9. IR et exercice physique : quels conseils 10. Peut-on prévenir l’IR et n’est-elle qu’une maladie de personne âgée ? 1: Quels sont les signes cliniques de l’insuffisance rénale Insuffisance rénale: quand y penser Diminution des fonctions du rein: •Accumulation des « toxines urémiques » Urée, Créatinine pl •Déséquilibre du sodium et de la volémie OAP, HTA •Accumulation du potassium hyperkaliémie •Diminution de l’EPO Anémie normochrome, normocytaire •Déséquilibre de l’eau Hyponatrémie •Déséquilibre phospho-calcique hypocalcémie, hyperphosphatémie •Accumulation d’acide Acidose métabolique AEG Perte d’appétit Fatigabilité Oedèmes HTA Pollakiurie nocturne « ça ne fait pas mal » « on fait toujours pipi » Insuffisance rénale: quand y penser • Devant tout patient à risque: hypertendu diabétique coronarien Obèse • recevant des traitements potentiellement nephrotoxiques au long cours • atteint d’un cancer • atteint d’uropathie • ayant des antécédents personnels ou familiaux de néphropathies ou une maladie avec risque d’atteinte rénale. 2: Quel bilan permet d’évaluer l’IR ? Principes de fonctionnement du néphron Glomérule: filtration sélective Vaisseaux: Maintien d’une pression artérielle optimale pour la filtration rénale Tubulo-interstitium: Réabsorption sélective glomérule Vaisseaux tubule Boite à outil: analyse de la filtration • Qualité du filtre: – Recherche de protéinurie • Mesure du rapport Protéinurie/Créatininurie sur échantillon • Pu/Cu en g/g Pu en g/J 30 Normal 300 Marqueur d’un Risque CV 1000 Pathologique atteinte glomérulaire +++ • Débit de filtration glomérulaire (DFG) – Mesuré: méthodes d’explorations fonctionnelles • Clairance de l’Inuline, du Cr EDTA – Estimé: à partir du dosage de la créatinine plasmatique • Formules: MDRD >>> Cockcroft (qui doit être abandonné) • Il ne faut plus utiliser la créatinine plasmatique seule ou la clairance de la créatinine Clairance de la Créatinine et DFG 20% Sécrétion tubulaire 100% mesure de la clairance de la créatinine impactée par la sécrétion tubulaire Boite à outil: analyse de la fonction de réabsorption/sécrétion 160 140 Plasma/filtrat glomérulaire 120 100 80 60 40 20 0 Na • HCO3 K Urée • Réabsorption Sécrétion/concentration 350 300 250 Urines finales 200 150 100 50 0 Na HCO3 K Urée Boite à outil: sédiment urinaire / imagerie / histologie • Sédiment urinaire: – Hématurie avec cylindres: en faveur atteinte glomérulaire – Leucocyturie: en faveur infiltrat interstitiel inflammatoire • Imagerie: – Echographie rénale: indispensable devant toute IR • Aspect et taille rein: contours bosselés en faveur atteinte interstitielle • Aspect des cavités: recherche obstacle • Histologie: Biopsie rénale – Indications: • Insuffisance rénale aigue – ++ si protéinurie ou hématurie – ++ si pas de cause identifiée à l’IRA • Protéinurie: – ++ si de débit glomérulaire (>1g/J) • Hématurie sans causes urologiques • Insuffisance rénale chronique sans cause expliquée avec reins de taille acceptable • NB: PBR contre-indiquée si reins de petites tailles ou rein unique 2: Quel bilan permet d’évaluer l’IR Clinique: Poids, PA, OMI Sang Créatinine, Ionogramme Urines, sur échantillon protéinurie, créatininurie, Sodium, hématurie, leucocyturie Echographie rénale et voies urinaires Pu>1g/J, OMI Néphropathie Glomérulaire HTA Terrain vasculaire Néphropathie Vasculaire Reins de contours bosselés Lu aseptique Néphropathie tubulointerstitielle 3: Existe-t-il un terrain héréditaire ? 3: Existe-t-il un terrain héréditaire ? • USA: – Analyse 12 030 sujets (McClellan, JASN 2007) – Histoire familiale d’insuffisance rénale terminale: 9.5% – Risque: • • • • Race noire: odds ratio [OR] 2.14; 95% [CI] 1.82 to 2.53) Sexe féminin: OR 1.28; 95% CI 1.08 to 1.51) Antécédents familiaux diabète: OR 1.22; 95% CI 1.02 to 1.47); IMC: – surpoids: OR 2.64; 95% CI 0.82 to 8.42) – obese: OR 3.48; 95% CI 1.09 to 11.1 – 669 patients avec IRCT (O Dea, AJKD, 1998) • Histoire familiale dans 8,4% • Implication de polymoprhismes ? – MYH9, ApoL1, locus HLA ? Les pathologies génétiques La polykystose hépato rénale prévalence: 1/1 000, ~60 000 patients Polykystose Hépato Rénale Polykystose rénale • • • • • • • • Manifestations rénales Hypertension artérielle: 60% - 100% Hématurie macroscopique: 50% Protéinurie : 50% Infection : 30 - 50% Douleurs Lithiase : 10% à 35% Insuffisance rénale : 50% à 60 ans • • • • • • • Manifestations extra-rénales Kystes hépatiques Diverticulose colique Kystes ovariens Valvulopathies cardiaques Anévrysme intracranien Hernie inguinale/ombilicale Physiopathologie Zhou, Annu Rev Physiol, 2009 Syndrome d’Alport • Lié à l’X, 1/ 50 000 • Mutation chaîne Alpha5 collagène 4 • Hématurie, Surdité, Oeil, insuffisance rénale (IRCT ~15–35 ans) 4: Quelle est la différence entre IR chronique et aigue : signes cliniques et bilan biologique Insuffisance rénale aigue Diminution rapide (48h) des fonctions du rein ( créat > 26,4µM, oligurie < 0,5mL/kg/h sur + de 6h) • Accumulation des « toxines urémiques » • Urée, Créatinine pl • Déséquilibre du sodium et de la volémie • OAP, HTA • • Déséquilibre de l’eau hyponatrémie • Accumulation d’acide • Acidose métabolique • Accumulation du potassium • hyperkaliémie Insuffisance rénale aigue Classification AKIN (2007) Stade 1 : Élévation de la créatinine • • Stade 2 : Élévation de la créatinine • > 26.2 µM 1,5 x créat de base Diurèse <0,5 mL/kg/h sur 12H 2x créat de base Stade 3 : Élévation de la créatinine • • • Diurèse <0,5 mL/kg/h sur 6H Diurèse <0,3 mL/kg/h sur 24H 3x créat de base > 354 µM avec de plus de 44µM épuration extra-rénale ou anurie sur 12h Évaluer le besoin de dialyse en urgence Hyperkaliémie menaçante, OAP, Urée > 30mM Transfert en Néphrologie ou Réanimation médicale Insuffisance rénale chronique Définition • Atteinte rénale de plus de 3 mois (documentée ou supposée) • Définie soit – Par une anomalie urinaire ou radiologique • Albuminurie: A/C>30mg/g • Hu, Lu, cylindres, • Anomalies des fonctions tubulaires – Par un DFG <<60ml/min/1,73m2 • correspond à une réduction néphronique d’~50% Insuffisance rénale chronique • Paradoxe: plus l’IR est ancienne, moins elle a besoin d’être dialysée en urgence • Nécessité de dialyse en urgence – – – • Hyperkaliémie menaçante (très rare) OAP ne répondant pas aux diurétique forte dose (1g/24h IVSE) Péricardite urémique Record personnel: urée: ~90mM, Créatinine: ~3000µM Si la tolérance clinique est correcte, il n’est pas nécessaire de se précipiter Classification de la maladie rénale chronique Arbre diagnostique IRA / IRC Pression de perfusion Néphron glomérule Vaisseaux tubule Système urinaire Arbre diagnostiques 1: éliminer un obstacle Pression de perfusion Néphron glomérule Vaisseaux tubule X Système urinaire Pathologie prostatique Tumeur petit bassin Tumeur digestive Arbre diagnostiques 2: éliminer une hypoperfusion (IRF) Pression de perfusion Insuffisance cardiaque Néphron glomérule Vaisseaux tubule Système urinaire Arbre diagnostiques 3: Rechercher la nature de l’atteinte organique Pression de perfusion glomérule Tubule Interstitium Vaisseaux Système urinaire 5: Existe-t-il des traitements de l’IR ? Que faire devant une IRC: le concept de néphroprotection 100 mL/min DFG Maladie rénale chronique ≥ 60 Insuffisance rénale modérée à sévère Insuffisance rénale terminale Néphroprotection < 15 < 10 mL/min dialyse Effets néphroprotecteurs des Inhibiteurs du SRA Amlodipine Placebo Irbesartan NEJM, 2001, 851 Principes de la prise en charge d’une IRC (quelle qu’en soit l’étiologie) • Contrôle de la volémie et de la pression artérielle – Valeur cible de PA: 130/80 mmHg – Régime désodé +/- diurétiques si augmentation de la volémie • Contrôle de la protéinurie – Inhibiteurs du système rénine-angiotensine (IEC, Sartans) à visée anti-protéinurique (Pu<0,5g/J) • Contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires – Tabac, Surpoids, Cholestérol (valeur cible LDL: 1g/L) • Limitation des médicaments néphrotoxiques (AINS) • Prise en charge des complications de l’insuffisance rénale – Anémie Erythropoiétine (+/- fer) – Phosphocalcique: 25 (OH) vitamine D, chélation du phosphore alimentaire, apport de calcium 6: Quels sont les médicaments contre indiqués ou à éviter ? Iatrogénie et rein Iatrogénie et Rein Anticancéreux antiangiogéniques Iode, Aminosides Cisplatine Nécrose tubulaire aigue PGI2 IEC / Sartans AINS Antibiotiques Allopurinol Fluindione IRA,fonctionnelle N Immuno-allergique LGM NIA,NIC Antalgiques Phénacétine Glafénine N interstitielle chronique AINS et néphrotoxicité: mythe ou réalité Am J Epidemiol 2006;164:881–889 AINS et néphrotoxicité: mythe ou réalité AINS et néphrotoxicité: mythe ou réalité • « Our results are based on a large number of nonselected subjects and show a surprising high number of cases of acute renal failure, highlighting the clinical importance of the renal safety of NSAIDs in the elderly. • Indeed, the incidence of acute renal failure was 50 percent higher than that of acute myocardial infarction in the same cohort. » Facteurs de risque Arch Intern Med. 1996 Nov 25;156(21):2433- Néphrotoxiques proximaux et IRC • Aminosides: – une dose unitaire unique: oui – Ne pas réinjecter sans mesurer la concentration résiduelle • Sel de platines – Hydratation préventive +++ – Arrêt si insuffisance rénale • Iode: Toujours possible si l’examen est indispensable – « le rein passe après le cœur » – Hydratation par NaCl 0,9% ou NaHCO1,4% – Arrêt des diurétique et IEC/Sartan au moment du geste • « Attention aux associations médicamenteuses » • « Une cellule « bien salée » est plus résistante » IEC / Sartans Néphrotoxiques ou non ? Amlodipine Placebo Irbesartan NEJM, 2001, 851 IEC / Sartans Néphrotoxiques ou non ? Hou, NEJM 2006 7: Quels sont les risques de l’IR par rapport à l’anesthésie et la surveillance post op ? Rein et milieu intérieur Homéostasie de l’eau Homéostasie du sodium et de la volémie (PA) Homéostasie du potassium Homéostasie phosphocalcique Élimination « toxines urémiques » Équilibre acido-basique IR, anesthésie, surveillance péri-opératoire • Attention aux apports liquidiens – Adapter les apports en NaCl, KCl, H2O aux capacités d’éliminations du rein – Attention aux solutés à composition ionique multiple • Ringer lactate – – – – – Sodium (Na +): 131 mmol/l Potassium (K +) : 5 mmol/l Calcium (Ca 2+) : 2 mmol/l Chlorure (Cl -) : 111 mmol/l Bicarbonate (sous forme de lactate) : 29 mmol/l – Evaluation quotidienne de l’état d’hydratation • Poids, PA, Œdèmes, Diurèse • Surv biologie quotidienne (sang + U): Urée, Créatinine, ionogramme – Si patients dialysés: Apports liquidiens: 500 mL + diurèse/J IR, anesthésie, surveillance péri-opératoire • Attention aux surdosages médicamenteux – Antibiotiques: • Aminosides: une dose unitaire puis adaptation au résiduel – (site PK Just service de Pharmacologie CHU) • • Pénicillines: surdosage = confusion + myoclonies + thrombopathie – Morphiniques: • Morphiniques classiques: risque surdosage ++ • préférer Oxycodone ou Fentanyl 8: IR et alimentation : quels conseils ? Apports hydriques • Alimentation normale Apports hydriques 1L5 – 2L/J • « Boire beaucoup » ne fait pas mieux marcher le rein – Filtration glomérulaire de 180L de liquide par jour rôle minime d’une variation d’apport de 1L! Il faut boire à sa soif Situations spécifiques: Lithiase: apports hydriques importants (~2L5 - 3L jour ET nuit) Hémodialyse sans diurèse résiduelle: 500 mL/J Transplanté: ~2 – 2,5L au début de la transplantation Élimination d’eau Le rôle obligatoire des osmoles Elimination d ’eau (L) 16 14 12 10 8 6 4 60 300 2 0 300 1200 600 900 Apports sodés • Situation « Euvolémique » – Apport NaCL à rapprocher de 6-9 g/J NaU ~100 – 150mmol/J • Sel dans la cuisson, pas de sel surajouté • Attention aux aliments industriels, à la charcuterie, aux excès de fromage, aux bouillons « kub » • Alimentation diversifiée Apports potassiques • L’insuffisance rénale chronique diminue la capacité d’élimination de la charge potassique – Kaliémie habituelle de l’IR: ~5 - 5,5mM • Tant que la diurèse est maintenue, l’élimination rénale est ralentie mais présente Pas de régime hypopotassique mais attention aux « charges » potassiques brutales Pas de prescription de kayexalate intempestive Attention aux associations médicamenteuses hyperkaliémiantes: IEC (ARAII) + antialdostérone Le régime hypopotassique ne s’impose qu’en hémodialyse Apports protéiques • La progression de l’insuffisance rénale est ralentie par la restriction protidique – Diminue l’hyperfiltration glomérulaire – Rôle délétère de la protéinurie Restriction protidiques ~0,8 – 1g/kg/J L’insuffisance rénale augmente le catabolisme protidique et est associé fréquemment à un état inflammatoire Risque important de malnutrition Restriction protidique à moduler selon l’état nutritionnel global du patient Problématique du calcium et du phosphore • Prise en charge de l’hyperphosphatémie – Diminution du phosphore alimentaire: • Apport protidique:0,6 g/kg/j (IRC)- 1,2 g/kg/j (HD) • 800mg/J ~ • Risque de dénutrition – Chélation du Phosphore alimentaire • Carbonate de calcium: au moment des repas • Résines échangeuses d’ions non calciques • Traitement des carences en vitamine D native: – Cholecalciferol • Traitement de l’hypocalcémie: – Carbonate de calcium en dehors du repas En conclusion: le Régime de l’insuffisance rénale • « Il faut tenir sur la durée » pas trop restrictif • Apport Sel: ~6g/J • Apport potassium: – non limité tant qu’il persiste une diurèse – Pas d’apport potassique important d’un coup – Pas de prescription excessive de Kayexalate • Apport hydrique: A sa soif tant qu’il persiste une diurèse – 500cc/J si perte de la fonction rénale résiduelle • Alimentation diversifiée – Apport protidique: 1g/kg/j (IRC)- 1,2 g/kg/j (HD) – Attention au risque de dénutrition 9: IR et exercice physique : quels conseils IR et activité sportive IR et activité sportive IR et activité sportive • L’activité sportive est recommandée chez les patients insuffisants rénaux • Les « règles de base » de toute réhabilitation sportive d’un patient atteint de maladie chronique – Un bilan médical initial – Une démarche progressive – Une pratique régulière – Natation, endurance (marche, bicyclette (d’appartement), escaliers) – Attention aux sports avec des chocs: • Risque fracture (fragilité osseuse), risque pour la fistule arterioveineuse 10: Peut-on prévenir l’IR et n’est-elle qu’une maladie de personne âgée ? Age de la population en IRCT Nombre de patients qui ont démarré la dialyse en 2008 Rapport REIN, 2008 Age de la population en IRCT Nombre de patients qui sont en dialyse en 2008 31/12/2088 ~ 37 000 patients en dialyse Rapport REIN, 2008 Progression de l’insuffisance rénale Principaux facteurs et mécanismes • Néphropathie initiale • Hypertension intraglomérulaire • SRAA • Protéinurie • Hyperparathyroïdie et rétention phosphatée • Anémie et hypoxie tissulaire • Acidose métabolique • Athérosclérose ? • Produits de glycation avancés • Hypertension artérielle • Tabac • Facteurs génétiques • Dyslipidémie • Toxiques environnementaux (Pb) •… « Plan d’action » contre la maladie rénale chronique Traitement de la pathologie rénale, des co-morbidités. PA: 130/80 Pu min Réduction du risque Cardiovasculaire Éviction des traitements néphrotoxiques + Traitement des complications anémie, os + Préparation de l’épuration extrarénale + Début de l’EER