Le devoir
• Même si je repère en moi une loi authentique et si je perçois l’obligation morale, rien ne me
détermine absolument à lui obéir. Si l’obéissance à la loi était automatique, la morale
n’existerait pas davantage que le choix volontaire.
• A l’inverse de la volonté bonne, on doit donc affirmer l’existence d’une volonté mauvaise,
qui choisit librement de désobéir au devoir qu’elle connaît. Ce choix est évidemment grave,
puisqu’il est celui du mal. Kant se situe sur ce point à l’opposé d’une tradition philosophique
qui, commencée avec Socrate (“Nul n’est méchant volontairement”), considère le mal comme
résultant d’un défaut de connaissance ou d’attention. Il est plutôt dans la descendance de saint
Paul, considérant que “le malin, nous ne serions pas tentés par lui si nous n’étions pas
secrètement de connivence avec lui” : le mal peut être dans le sujet lui-même.
• Comment rendre compte de cette volonté mauvaise ? Puisque la volonté elle-même, par les
choix qu’elle est amenée à faire, témoigne de la présence, en l’homme, d’un principe de
liberté, c’est bien cette dernière qui privilégie le bien ou le mal. Dans ce dernier cas, la
volonté, en choisissant de transgresser la loi, exclut le sujet de l’universel – ce qui revient à
considérer que l’homme serait hostile à l’affirmation d’une humanité unifiée. Choix
incompréhensible ou “irrationnel”, qui renvoie à une liberté que Kant qualifie de “détraquée”.
6. Les conflits de devoirs
• La rigueur de l’analyse kantienne, qui articule de la sorte devoir, volonté et liberté, paraît à
certains auteurs trop pure, et on lui a reproché de trop souligner la seule importance de
l’intention intime du sujet, au point de négliger les conditions concrètes de l’action morale.
S’il est en apparence facile de savoir en quoi consiste le devoir en se demandant simplement
si le comportement que l’on envisage pourrait être ou non universalisé, les conditions de la
vie quotidienne rendent l’application de ce critère souvent malaisée.
• Les devoirs que m’impose ma société peuvent ne pas être compatibles avec la moralité
pure : il existe de véritables conflits de devoirs, entre lesquels le choix est loin d’être facile.
La loi morale m’interdit de tuer mon prochain. Cela signifie-t-il qu’elle m’interdit aussi de
prendre les armes pour défendre ma patrie agressée ? Le statut moderne d’objecteur de
conscience prétend répondre à ce problème, mais il n’est pas sûr qu’en cas de guerre, un tel
statut puisse satisfaire la conscience du sujet.
• De même, le devoir m’oblige à refuser la violence. Est-ce à dire que je dois supporter sans broncher des
discours ou attitudes racistes ? Car la violence semble, au moins dans certains cas (légitime défense), pouvoir se
justifier – même si l’on admet qu’elle n’est jamais totalement rationnelle.
7. Volonté et entendement
• La volonté n’est pas uniquement à considérer dans son acception morale. Antérieurement à
Kant, elle a plutôt été analysée comme une faculté de l’âme nous portant vers
l’accomplissement d’un acte, mais distincte du simple désir parce que capable de concevoir
aussi bien son but que les moyens d’y parvenir.
• Les Stoïciens soulignent la différence existant, parmi les choses et événements, entre ce qui
dépend de notre volonté et ce qui n’en dépend pas. Ils en déduisent que le bonheur du sage se
constitue par la maîtrise volontaire du jugement : à quoi bon prétendre exercer notre jugement
Ce document a été fabriqué par PDFmail (Copyright RTE Multimedia)
http://www.pdfmail.com