votre patient va avoir une anesthesie ambulatoire

SESSION POUR LES GENERALISTES 797
VOTRE PATIENT VA AVOIR
UNE ANESTHESIE AMBULATOIRE
M. Poupard, Service d’Anesthésie, Clinique Générale du Dr. Cléret, 8 rue Burdin, 73000
Chambéry, France.
INTRODUCTION
L’anesthésie ambulatoire se définit comme une anesthésie permettant la sortie du
patient le jour même de son admission, que ce soit pour un acte chirurgical ou pour une
exploration endoscopique voire radiologique. Alors qu’il n’y a encore pas si longtemps
l’hospitalisation des malades subissant une intervention sous anesthésie était naturel-
lement considérée comme la garantie minimale de sécurité, les impératifs budgétaires,
l’amélioration des techniques chirurgicales et le développement de nouvelles drogues
ou techniques anesthésiques ont permis une évolution radicale des mentalités, aboutis-
sant à une réduction générale des durées d’hospitalisation pour la plupart des actes
chirurgicaux, et à un développement considérable de la chirurgie ambulatoire ces dix
dernières années [1].
A côté des bénéfices économiques, de nombreux avantages ont été avancés et
démontrés pour ce type de prise en charge : moindres perturbations familiales et psy-
chologiques, diminution du risque d’infection nosocomiale et de thrombose [2]. Le
raccourcissement du séjour hospitalier ne doit pourtant pas se faire aux dépens de la
qualité des soins. Avec le personnel hospitalier, les médecins généralistes sont juste-
ment un maillon important de la chaîne de qualité : qui en effet est le mieux à même
d’assurer la continuité des soins en dehors de l’enceinte hospitalière ? Cet exposé a
pour but de rappeler les règles de l’anesthésie ambulatoire, en insistant sur les problè-
mes auxquels les médecins généralistes risquent d’être directement confrontés, en sachant
que par vocation ils n’y ont pas forcément été formés [3].
1. SELECTION DES PATIENTS
1.1. SELECTION PAR LE CHIRURGIEN
Habituellement, c’est le chirurgien qui effectue la première sélection des patients en
fonction de l’intervention qu’il prévoit. Un certain nombre de critères guide ce choix [4] :
Une durée d’intervention n’excédant généralement pas 90 à 120 minutes, la moyenne
étant de 26 min [1].
Un acte peu mutilant.
Ses suites opératoires peu douloureuses, ou tout au moins avec une douleur facile-
ment, contrôlable par un traitement antalgique per os.
MAPAR 2000798
Un risque de complications faible, en particulier un risque hémorragique postopé-
ratoire minime.
Des suites habituellement simples, et surtout prévisibles.
La chirurgie ambulatoire s’applique donc à des interventions bien codifiées. L’ex-
périence et l’organisation de l’équipe jouant un rôle primordial dans l’élaboration de la
liste des interventions programmables en ambulatoire au sein de chaque établissement
(Tableau I). Certaines urgences, dès lors qu’elles remplissent ces critères, peuvent aussi
très bien être réalisées en ambulatoire.
1.2. SELECTION PAR L’ANESTHESISTE
Les patients sont ensuite vus par l’anesthésiste. Comme avant toute anesthésie, la
consultation d’anesthésie est obligatoire quelques jours avant l’intervention (décret du
5 décembre 1994). Si le déroulement de la consultation avant une anesthésie ambula-
toire n’est pas fondamentalement différent de celui avant une hospitalisation classique,
en particulier en ce qui concerne la recherche des antécédents médicaux et chirurgicaux
qui habituellement influencent le choix de la technique anesthésique, il existe néan-
moins quelques particularités à noter.
1.2.1. CONTRE-INDICATIONS MEDICALES DE LANESTHESIE AMBULATOIRE
L’anesthésie ambulatoire est classiquement réservée aux patients ASA 1 ou 2
(Tableau II). La présence d’une maladie nécessitant d’être rééquilibrée avant l’anesthé-
sie ou surveillée attentivement en postopératoire, comme une insuffisance cardiaque
décompensée, un angor instable, un diabète déséquilibré ou une insuffisance respiratoi-
re évoluée sont logiquement des contre-indications à l’anesthésie ambulatoire. Ce qui
est finalement assez rare. Il s’agit d’ailleurs de patients qui en dehors de tout contexte
Chirurgie générale ou plastique sur
les extrémités, les glandes mammai-
res, les ganglions, la peau.
Interventions gynécologiques sur le
col utérin ou cœlioscopiques, inter-
ruption de grossesse.
Chirurgie générale et pédiatrique :
herniorraphie, orchidopexie, circonci-
sion, libération d'adhérence
prépuciale.
Oto-rhino-laryngologie pédiatrique:
pose d'aérateurs transtympaniques,
adénoïdectomie, amygdalectomie.
Chirurgie orthopédique : mobilisation
d'articulations, arthroscopies, chirur-
gie du membre supérieur, ablation de
matériel.
Chirurgie vasculaire : stripping de
varices.
Stomatologie : extraction dentaire.
Ophtalmologie : cataracte.
•Endoscopies urologiques, digestives et
des voies aériennes.
•Biopsies multiples ou ponction profonde
•Lithotripsie
•Examens nécessitant l'immobilité parfaite
chez l'enfant: ophtalmologie, otologie,
scanner, IRM.
Interventions chirurgicales Investigations
Tableau I
Principaux actes effectués en ambulatoire
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chirurgical pourraient justifier d’être hospitalisés du seul fait de leur pathologie pré-
existante. Heureusement, le plus souvent les modifications de traitement pour stabiliser
une affection éventuelle et préparer le patient à l’anesthésie peuvent être gérées en
ville, en collaboration avec le médecin généraliste. Ainsi avec l’expérience, des
patients de plus en plus vieux, ou de plus en plus débilités, dès lors qu’ils ne sont pas en
phase de décompensation, sont opérés chaque jour en ambulatoire sans augmentation
significative de la morbidité [5], tout au moins en ce qui concerne la période postopéra-
toire [6]. L’indication ou la contre-indication pour raison médicale de l’anesthésie
ambulatoire résulte en somme d’un dosage subtil entre l’état du patient, l’intervention
programmée et le désir du patient ; un problème lors d’une anesthésie antérieure, telle
une allergie ou une hyperthermie maligne, pouvant aussi être un motif pour préférer
une hospitalisation classique.
1.2.2. CONTRE-INDICATIONS SOCIALES ET LOGISTIQUES
À côté des contre-indications d’ordre médical, il faut s’assurer que les conditions
minimales de sécurité seront présentes à la sortie de l’établissement hospitalier : essen-
tiellement que le patient sera accompagné pour son retour et sa première nuit, qu’il
n’habite pas trop loin d’un établissement de soins et qu’il puisse joindre rapidement des
secours si besoin. À ce titre, l’anesthésie ambulatoire est particulièrement adaptée aux
enfants âgés de plus de 6 mois : généralement ils sont repris en charge par la famille,
l’accompagnement est évident et le bénéfice psychologique fort. En revanche chez
l’adulte, la notion de prise en charge lors du retour à domicile est beaucoup plus aléa-
toire ; malgré l’accord contractuel entre le patient et l’anesthésiste, il arrive assez souvent
que les consignes de sortie soient enfreintes.
En pratique quotidienne, les motifs sociaux ou les réticences du patient sont bien
plus souvent des contre-indications à l’anesthésie ambulatoire que les raisons médica-
les proprement dites. Le médecin généraliste qui connaît mieux les conditions familiales
que l’anesthésiste peut être de bon conseil ; il ne doit pas hésiter à signaler si toutes les
conditions ne lui paraissent pas réunies pour une prise en charge optimum à la sortie.
1.2.3. LES CONSIGNES PREOPERATOIRES
Les consignes pré et postopératoires constituent le point crucial de ce type de
consultation d’anesthésie. En effet, si lors d’une hospitalisation traditionnelle elles
seront en partie sous la surveillance du personnel médical, elles vont être là suivies par
le patient lui-même. Elles doivent donc être claires et intelligibles ; une mauvaise
compréhension risque de compromettre la sécurité, et paraît un motif suffisant pour
renoncer à une anesthésie ambulatoire.
Tableau II
Classification de l’ASA
1 Aucune anomalie systémique
2 Maladie systémique non invalidante
3 Maladie systémique invalidant les fonctions vitales
4 Maladie systémique sévère avec menace vitale permanente
5 Moribond
MAPAR 2000800
La nécessité du jeûne préopératoire, avec les risques liés aux vomissements et à
l’inhalation de particules alimentaires lors d’une anesthésie, doit être expliquée. Il faut
donner des consignes précises : on s’accorde en général pour dire qu’un jeûne de 2à3h
pour les liquides clairs et non gazeux, et de 6 h pour les aliments est suffisant [7] ; tout
en sachant qu’en pratique, les aléas de la programmation rendent difficile les marges
trop étroites. Le tabac et les chewing-gum qui augmentent, entre autre, les sécrétions
gastriques sont également à prohiber le jour de l’intervention.
Les médicaments à arrêter, avec si besoin les traitements de substitution, ainsi que les
médicaments à poursuivre ou débuter, y compris le jour de l’intervention, sont aussi à
énumérer précisément.
2 . DEROULEMENT DE L’ANESTHESIE
Dès lors que la sélection des patients a été correctement effectuée et pour peu que
les problèmes chirurgicaux, médicaux ou logistiques aient pu être anticipés lors de la
consultation d’anesthésie, la réalisation de l’anesthésie ne pose finalement que peu de
problèmes spécifiques. Le choix de la technique doit nécessairement intégrer la straté-
gie postopératoire de la prise en charge de la douleur. La chirurgie ambulatoire peut
être réalisée sous anesthésie locale, locorégionale ou générale. Les anesthésies locales
et locorégionales peuvent être accompagnées d’une sédation intraveineuse. Le choix
conditionne en grande partie les suites postopératoires immédiates et tardives, et donc
les problèmes que rencontreront éventuellement les patients à leur sortie.
2.1. ANESTHESIE GENERALE
L’anesthésie générale est la technique la plus utilisée [1], elle représente environ
60 % des anesthésies ambulatoires. L’arsenal pharmacologique à disposition est vaste
et de mieux en mieux adapté aux besoins. Sans entrer dans le détail, il existe depuis une
dizaine d’années de nouvelles substances anesthésiques intraveineuses ou volatiles,
opiacées et curarisantes dont l’action rapide et prévisible dans le temps, avec un mini-
mum d’accumulation et sans risque de recirculation, procurent un réveil confortable et
favorisent la gestion du retour des malades à domicile. Il faut tout de même savoir que
si la littérature anesthésique abonde de travaux et publications comparant les différen-
tes substances, ou association de substances entre elles en terme de vitesse de récupération
psychomotrice, dans la perspective de «l’aptitude à la rue» ; l’organisation en France
de la chirurgie ambulatoire, avec la possibilité de laisser le malade quelques heures
dans «un lit de jour» après sa sortie de la salle de réveil, permet d’atténuer au bout du
compte grandement les différences entre les produits disponibles. L’anesthésie ambu-
latoire reste possible avec les produits plus anciens, et le réveil d’une anesthésie générale
en tant que tel, dans la mesure où l’anesthésie n’est pas trop tardive, ne doit pas être
considéré comme le facteur limitatif de la chirurgie ambulatoire. Le confort du réveil,
en particulier l’absence, de nausées ou une bonne analgésie, sont sans doute des critè-
res plus discriminants. Quoiqu’il en soit, comme après la prise de n’importe quel
médicament psychotrope, il faut informer le patient de la possibilité de trouble
fluctuant de la vigilance contre-indiquant la conduite automobile, et de la possibilité
d’une amnésie antérograde persistante indépendamment de l’effet sédatif, limitant les
performances intellectuelles [8].
2.2. ANESTHESIE LOCOREGIONALE
Contrairement à ce que pensent souvent les patients lorsqu’ils affirment en consul-
tation : «docteur, je préfère une anesthésie locorégionale ; car avec une anesthésie
générale, je ne pourrai pas sortir le soir !», l’anesthésie locorégionale en chirurgie
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ambulatoire n’apporte pas toujours un avantage décisif par rapport à l’anesthésie géné-
rale réalisée avec des agents de courte durée d’action. Elle pose un certain nombre de
questions non résolues, et demeure un sujet de controverse [9]. L’anesthésie locorégio-
nale ne représente d’ailleurs que 25 % des anesthésies ambulatoires [1] ! Elle ne doit
en aucun cas être banalisée par le patient : s’il existe des avantages indéniables, il s’agit
bien d’une anesthésie à part entière avec son lot de complications potentielles.
2.2.1. ANESTHESIE PERIMEDULLAIRE
L’anesthésie périmédullaire (rachianesthésie, péridurale) peut être indiquée du fait
de la nature du geste, d’une préférence du patient ou d’une contre-indication de l’anes-
thésie générale ; mais elle n’améliore pas la vitesse de sortie des patients [9, 10]. Ceci
essentiellement du fait d’un bloc sympathique persistant avec une hypotension
orthostatique retardant le levé, ou d’un risque de rétention urinaire, surtout si le patient
a bénéficié d’un remplissage per ou postopératoire important pour maintenir la
pression artérielle, associé à une chirurgie anale ou inguinale [11].
Néanmoins le problème le plus important tient au risque d’apparition d’effets
secondaires retardés, une fois le patient retourné à son domicile, et dont le lien avec
l’anesthésie n’est pas toujours évident à faire pour quelqu’un qui n’y est pas sensi-
bilisé. Un diagnostic tardif pouvant retarder une thérapeutique efficace.
Les complications potentielles sont donc à mettre en balance avec le principal
avantage de ce type d’anesthésie, à savoir des douleurs postopératoires moindres [12].
L’injection de dérivés morphiniques en complément des anesthésiques locaux, pour
allonger la période d’analgésie ne semble toutefois pas opportune pour l’anesthésie
ambulatoire à cause de l’augmentation des nausées et vomissements postopératoires,
du risque de rétention urinaire, de prurit ou de dépression respiratoire retardée.
2.2.2. LES BLOCS PERIPHERIQUES
Les blocs périphériques (blocs du membre supérieur et inférieur, blocs de la face)
sont des techniques en plein essor. Un de leur principal avantage est de ne pas entraîner
de modifications hémodynamique ou respiratoire en l’absence de surdosage. Bien évi-
demment, cet avantage persiste de façon majeure en chirurgie ambulatoire. Il faut
toutefois noter que le recours fréquent à une sédation de complément, lors de la réalisa-
tion du bloc souvent désagréable, nécessite les mêmes consignes de sécurité qu’une
anesthésie générale, avec potentiellement les mêmes troubles de la vigilance et de la
mémoire postopératoires.
L’autre principal avantage réside dans la possibilité d’assurer une bonne analgésie
parallèle à la persistance d’un degré d’anesthésie sensitivo-motrice. Ce qui pose en
anesthésie ambulatoire le problème du choix des produits : faut-il utiliser un anesthési-
que local de courte durée d’action (Xylocaïne®, Carbocaïne®) : permettant d’attendre
la levée complète de l’anesthésie avant d’autoriser la sortie, ou peut-on choisir des
produits de longue durée d’action (Marcaïne®, Naropein®) pour offrir au patient un
effet antalgique prolongé et souvent suffisant pour toute la période postopératoire [11] ?
Mais avec le danger dans ce cas de laisser sortir le patient avec une anesthésie résiduelle,
l’exposant au risque d’accident par perte de contrôle du membre (chute pour le membre
inférieur, traumatisme pour le membre supérieur) [13]. De plus, en voulant minimiser
les douleurs, on peut se retrouver dans la situation paradoxale de laisser un patient
gérer seul la levée de son anesthésie, et de voir alors la douleur aggravée par une forte
composante anxiogène [13].
Enfin comme les anesthésies périmédullaires, les blocs périphériques sont pour-
voyeurs d’une certaine morbidité retardée. Si les douleurs au point de ponction sont
1 / 8 100%

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