Retour sur 2012 : Remettons l`économie au coeur des

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Remettons l’économie au cœur des décisions !
Rassemblement des acteurs de l’économie de production
Morlaix – Mardi 5 Décembre 2012
Discours de Thierry MERRET, Président
Cher(e)s ami(e)s,
Je suis heureux de vous voir ici, aujourd’hui, aussi nombreux à Morlaix, symbole de hautes luttes
agricoles, et avec l’objectif que le Finistère et la Bretagne s’en sortent collectivement et par le haut.
Ici, « à la tête du monde », comme nous aimons à le rappeler, nous ne voulons pas courber
l’échine. Ce rassemblement des acteurs de l’économie de production, les besogneux que nous
sommes, nous, les entrepreneurs silencieux, agriculteurs, artisans, commerçants, … ce
rassemblement se veut un cri d’alerte contre l’ensemble des contraintes (officielles et officieuses),
des embûches qui jalonnent le parcours du combattant des entrepreneurs que nous sommes. Nous
voulons remettre l’économie de production au cœur des décisions !
Nous avions décidé de faire quelque chose depuis le début de l’année. Un premier rassemblement
était prévu le 31 mai à Quimper. Cela n’a pas pu se faire car les organisations économiques
agricoles ne nous avaient alors pas suivis. Nous l’avons donc reporté à aujourd’hui car nous ne
pouvons plus attendre : il devient urgent que nous, les besogneux, nous nous exprimions !
L’Europe, tout d’abord, quels espoirs pouvons-nous mettre dans l’Union Européenne ? Alors que
l’agriculture a été l’un des socles de la construction européenne, gage de sécurité alimentaire et
donc de paix, la réforme de la Politique Agricole Commune qui se dessine est alarmante : la baisse
du budget européen et la hausse de la subsidiarité des Etats membres annoncent un délitement de
toute politique commune (voilà au moins de quoi alimenter le jacobinisme français !).
Or, ô combien aurions-nous besoin de plus d’Europe, pas moins ! Nous appelons de nos vœux
depuis des années une politique européenne harmonisée qui gomme les distorsions de
concurrences sociales et fiscales, distorsions insoutenables, notamment le coût du travail, dans une
période de crise aussi violente que celle nous connaissons aujourd’hui. Voilà, un combat ancien qui
ne reçoit aucun écho. Comment nous affranchir de ces boulets que nous inflige la France, dans un
marché ouvert où les règles du jeu sont différentes et où l’agriculture a été sacrifiée sur l’autel de la
mondialisation ?
Que fait la France ? Que fait l’Europe ? Réveillez-vous ! Réveillez-nous ! Arrêtez de regarder mourir
l’économie française ! La France, ce grand pays agricole, jadis… Ce pays dont les dirigeants ont
pendant des années pensé sans doute parce que l’on se gargarise d’être le pays des « lumières »,
qu’il était salutaire de délocaliser le travail manuel et de « conserver » la matière grise dans
l’Hexagone ! Ils en reviennent maintenant, mais difficilement, et la casse est là… L’agriculture,
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comme tous les secteurs dits de production, recrute mais a des difficultés à trouver des personnes
qualifiées! Les métiers dits « manuels » ont été tellement dénigrés, que le système de formation,
organisé pour créer des « soi-disant élites », a délaissé nos secteurs modernes pourvoyeurs
d’emplois qualifiés et porteurs d’avenir au profit des secteurs de la finance.
Il est plus que temps de former massivement les jeunes et les demandeurs d’emploi aux métiers de
production, socles de l’économie sur les territoires. La créativité, la compétence et l’innovation ne
sont pas l’apanage des services ! Des transferts de compétences sont possibles ! Oui, l’artisanat
est sans doute la première entreprise de France, l’agriculture certainement la deuxième, et notre
maillage territorial fait la richesse de nos territoires.
Pourtant, nous ne sommes que des TPE, comme on dit, les Très Petites Entreprises, à qui on
inflige quasi le même traitement qu’aux multinationales ! Alors que pas moins de 100 textes
nouveaux régissant directement l’activité agricole sont sortis depuis le début de l’année, sur les 958
visés par le Ministère de l’agriculture, comment un chef d’exploitation, comment un artisan peut-il
suivre et survivre à cette diarrhée réglementaire, cette avalanche d’arrêtés, décrets et circulaires,
comme d’ailleurs l’a souligné Louis Gallois ! Sans parler de l’absence d’analyse d’impact sur la
compétitivité des entreprises pour les nouvelles dispositions législatives et réglementaires. On
impose bien aux entrepreneurs des analyses d’impact en tout genre dès qu’ils osent bouger le petit
doigt ; pourquoi pas le législateur ? Qu’il prenne la mesure de ses décisions !
Pas moins de 2000 contrôles sont effectués dans les exploitations agricoles du Finistère par les
services de l’agriculture, à cela s’ajoutent l’ensemble des contrôles liés au travail, à la fiscalité ou
que sais-je encore… Une exploitation sur deux subit chaque année un voire deux contrôles ! Très
peu d’anomalies sont d’ailleurs relevées, mais qui peut résister à cette pression administrative ?
Alors que notre métier est de produire, de nourrir nos concitoyens, participer positivement au
rayonnement de la France et à sa balance commerciale, nous passons notre temps dans les
papiers !
STOP au monstre administratif qui nous ronge peu à peu, affaiblit les plus courageux et ainsi
grignote notre économie ! Ensemble, remettons le bon sens paysan, au sens noble du terme, dans
nos ministères : pour un cadre législatif et réglementaire simple, pragmatique et stable ! Nous
avons besoin de règles du jeu qui nous permettent de nous projeter dans l’avenir, de prendre les
bonnes décisions et non de règles qui changent à chaque fois qu’un nouvel Enarque s’assoit sur un
strapontin ! Preuve en est la remise en cause actuellement du dispositif Ecotaxe pour notre région
périphérique, pourtant âprement négocié en 2009 par un monde économique breton uni et solidaire.
La France veut-elle vraiment donner sa chance aux entrepreneurs ? Veut-elle réellement être une
puissance économique qui compte avec une population au travail ? Nous les besogneux, nous les
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TPE, avons besoin de nous regrouper, d’être soudés de nous organiser face aux géants de
l’industrie et de la distribution. Mais, l’Etat veut-il vraiment donner du pouvoir aux producteurs, à
ceux qui produisent ? L’exemple des producteurs du lait montre tout le contraire : au lieu de
renforcer l’organisation des producteurs, la France a favorisé l’approche individuelle par la
contractualisation et traîne encore des pieds pour reconnaitre les organisations de producteurs…
que ce soit ce gouvernement ou le précédent, ce n’est pas mieux : diviser pour mieux régner ! Et
ceci, à tous les niveaux…
Notre force collective les emmerde ! Alors, gardons cette force, décuplons-la ! Soyons fédérés,
tirons tous dans le même sens et là, nous aurons du résultat ! Oui, je le dis ici, je suis plus
qu’inquiet par cette montée en puissance de l’individualisme, qui se généralise dans notre société
mais aussi dans le monde des entrepreneurs. Arrêtons d’être schizophrènes, nous voulons des
territoires dynamiques et vivants, mais chacun regarde son pré carré. L’avenir de nos territoires ne
passera que par une vision partagée et commune de notre économie. Une entreprise ne fonctionne
pas en vase clos : l’économie est un écosystème !
J’entends ceux qui prônent le retour aux produits locaux, aux circuits courts ou de proximité… bien
sûr, il est essentiel que nous consommions ce que nous produisons mais ça n’est pas incompatible
avec la vocation exportatrice de la Bretagne qui permet à nombre d’entre nous, à la quasi-totalité de
nous tous de vivre ! N’opposons par les modes de production ou les parts de marché entre elles.
Valorisons plutôt la diversité des talents bretons ! Arrêtons la pensée unique ! Chacun doit trouver
sa place dans l’économie et dans nos territoires.
Je déplore le manque de courage de nos politiques à quelques niveaux que ce soit, leur manque de
vision collective, le chacun pour soi ! Pourtant, la politique est un métier noble si c’est pour faire le
bien du plus grand nombre. Mais l’individualisme nous guette à chaque coin de rue, par facilité, par
manque de courage tout simplement… pour ne pas avoir à se fâcher, à se battre, à être mal vu…
mal vu de ses collègues, mal vu d’un politique, mal vu de l’administration… la peur d’être demain
sanctionné ?
Je sais que vous êtes ici nombreux, artisans, commerçants… Nous avons reçu de nombreux
messages de soutien et aussi de nombreuses excuses de personnes ayant d’autres engagements :
chefs d’entreprises, chauffeurs de taxi, commerçants, élus. J’en profite pour excuser Monsieur le
Préfet, Jean-Jacques Brot, qui aurait dû nous recevoir en délégation aujourd’hui mais qui est retenu
par un engagement familial de dernière minute hors du département. Merci d’être nombreux à avoir
répondu à notre appel ! Mais malgré les nombreux contacts, je regrette vivement que vos
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représentants ne soient pas là à nos côtés. En effet, aucun décideur économique n’a souhaité
s’exprimer aujourd’hui : individualisme, manque de courage, peur de représailles ?
Quant aux responsables économiques agricoles, oui nos pairs, entrepreneurs également, je suis
effaré qu’ils ne soient pas plus à nos côtés. Il est clair qu’ils préfèrent gérer leur entreprise à la
petite semaine, plus préoccupés par leur image ou leur résultat à court terme, sans se soucier des
conséquences collatérales pour nous, les besogneux. L’appât de la finance et des profits ne fait que
renforcer cet individualisme croissant, qui in fine annonce le déclin. Les producteurs d’aujourd’hui
ont besoin qu’on leur apporte des perspectives d’avenir. Alors pourquoi, parler de maîtrise de la
production ? Si ce n’est pour sonner le glas de l’agriculture bretonne ?
Déclin, renforcé par un manque de prise de conscience de la crise actuelle. Le déclin commence
avec l’immobilisme. Le principe de précaution en est un exemple déplorable. Aujourd’hui, on interdit
toute recherche, on interdit ce qui « nous chante » en agitant ce fameux principe de précaution :
avec l’immobilisme, c’est le début du déclin. Continuons dans cette surenchère de contraintes,
pressurisons les entrepreneurs, et le déclin nous attends au tournant ! On est en crise, en crise
structurelle et tout le monde regarde passer le train ! Réveillons-nous ! Nous avons des atouts,
alors retroussons nos manches, ensemble ! Et tout particulièrement ici, en Finistère où nous
partageons encore, je l’espère, des valeurs humanistes et de solidarité. J’exhorte les acteurs
économiques, au-delà des clivages stériles ou politiques, d’être solidaires pour défendre le territoire
auquel nous sommes tous attachés, le Finistère et la Bretagne ! L’heure n’est plus à la politique de
droite ou de gauche !
Sortons de la stigmatisation la profession agricole ! Cette stigmatisation qui ne fait que salir l’image
de notre belle région et pour le dire franchement, nous épuise. Qu’on se le dise, les agriculteurs
travaillent au quotidien avec Dame Nature. Les bretons sont en pointe en terme d’environnement,
cela fait plus de 20 ans qu’au quotidien nous nous attelons, comme dans tout métier, à travailler
mieux. Aujourd’hui, les résultats obtenus sont impressionnants même si nous avons dû mal à le
faire partager au plus grand nombre : les trains à l’heure n’intéressent personne, on le sait ! Oui,
affirmons haut et fort que l’agriculture bretonne et ses agriculteurs ont relevé le défi de s’adapter
aux exigences du troisième millénaire et sont entrés dans un développement durable. Fiers de la
qualité de notre campagne, fiers de la qualité de nos paysages, fiers de la qualité de l’eau, fiers de
la qualité de nos produits, fiers tout simplement de notre métier !
Cette stigmatisation, les agriculteurs ne sont pas les seuls à la subir. Un courant idéologique et
dogmatique veut casser de la production. Pour l’agriculture, c’est diminuer par tous les moyens la
production (notamment animale et hors-sol ?)… Certains auraient-ils intérêt à brider le dynamisme
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breton par tous les moyens, (bien-être, environnement, ZSCE Zones sacrifiées à la Compétitivité
Economique, TFA…)? Empêcher la Bretagne de produire et d’être compétitive, preuve en est de
l’arrêt subit de la construction de la plate-forme de la SICA. Comme pour d’autres secteurs, c’est
bloquer toute modernisation ou développement. La volonté affichée de certains de faire le bien pour
le plus grand nombre et cela sur la planète entière, ressemble plutôt à la somme d’intérêts
individuels qui souhaitent, car ils peuvent se le permettre, vivre comme bon leur semble et cela
sans assumer les conséquences ! Et là, j’interpelle les politiques, à ceux qui pensent plus à leur
élection ou réélection qu’au bien fondé de leurs décisions : si vous écoutez les sirènes des
détracteurs de l’économie de production, il faudra en assumer les conséquences en termes
d’emplois et en termes d’aménagement de votre territoire !
On nous dit que la biodiversité est menacée et qu’il faut mettre sous cloche nos territoires.
Aujourd’hui, c’est bien l’économie qui est menacée : elle est à protéger ! L’économie de production
est gage de de territoires ruraux dynamiques mais aussi urbains. Aussi, regardez dans les yeux vos
enfants ou petits-enfants, quel avenir pour eux sans un métier pour s’accomplir et vivre ? Ce n’est
pas demain qu’il faudra sortir l’écharpe quand les usines seront fermées ! C’est aujourd’hui, qu’il fait
être combattant pour permettre à nos industries de trouver les moyens d’être plus compétitifs.
Chacun dans son rôle ! C’est pourquoi, je me permets ici, et je le fais droit dans mes bottes… (On
ne se refait pas, je sais, je suis paysan !).
J’attire l’attention de nos collègues industriels de l’agro-alimentaire, après feu ULN, feu Bourgoin,
feu UNICOPA et on nous prédit feu DOUX, feu GAD, feu CECAB… Cela fait des années que tous
les rapports nous parlent de restructuration économique nécessaire dans tel ou tel secteur et rien
ne se passe : personne ne réagit, on s’épuise et surtout on nous épuise ! Je tiens à mettre en garde
les responsables économiques sur les choix qu’ils auront à prendre dans les semaines ou mois à
venir, car que vous le vouliez ou non vous devez régler vos propres problèmes, mais l’enjeu
dépasse les simples emplois de vos usines... Demain, c’est l’avenir de la Bretagne que vous, que
nous, tenons entre nos mains ! Qu’on se le dise l’économie bretonne ne s’en sortira pas avec une
agriculture en décadence et vice-versa ! Si l’avenir passe par le marché chinois, n’est-il pourtant
pas malheureux de devoir attendre l’investissement chinois, plutôt que de construire un
investissement collectif de nos outils coopératifs dans une tour de séchage ! Ne baissons pas
pavillon ! Prenons-nous en main !
Ne gâchons pas nos atouts et nos talents ! Redonnons le goût d’entreprendre en remettant
l’économie au cœur des décisions ! Soyons plus forts ensemble ! Les citoyens, aujourd’hui par le
nombre d’expressions libres sur internet ou lors de consultations publiques ou encore lors
d’enquêtes publiques, doivent soutenir l’entreprise et ne pas avoir une vision partisane de
l’entreprise, car les entrepreneurs sont les moteurs de l’économie. Ne nous laissons pas diriger par
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des dogmes, des idéologies, ou le monstre administratif qui voudraient régenter l’avenir de nos
territoires. Arrêtons la soumission ! Qu’on se le dise, dans la vie, on peut avoir recours une fois à un
avocat, un docteur ou un prêtre, mais on a besoin des agriculteurs pour se nourrir 3 fois par jour !
Qui crée de la richesse, qui fait vivre nos territoires, qui….. ? Nous les acteurs de l’économie de
production, nous paysans, artisans, commerçants sommes les forces vives de nos territoires.
Osons dire NON ! Quand nous ne sommes pas d’accord.
Des échéances arrivent et profitons-en pour remettre l’économie de production au cœur des
décisions :
Demain, 6 décembre, le collectif des acteurs économiques bretons, qui se sont mobilisés sur une
minoration de l’écotaxe pour les routes bretonnes, sera reçu par le Ministre des Transports,
Fréderic Cuvillier.
Le 7 décembre, les acteurs du territoire de l’Horn-Guillec reçoivent Patrick Falcone, conseiller
auprès du Ministre de l’agriculture et Marie Rennes, conseillère auprès du Ministre de l’Ecologie
afin de leur montrer l’engagement collectif des agriculteurs, des élus et associations de tous bords
en faveur de l’environnement.
Le 10 décembre, le Finistère reçoit, le Ministre délégué à l’agroalimentaire, Guillaume Garot qui
vient d’élaborer avec sa collègue, Ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, un plan export où
l’agriculture et l’agro-alimentaire ont toute leur place, (quelle surprise !). La Ministre a d’ailleurs
rappelé lundi dernier que « Un milliard de plus à l'export, c'est 10.000 emplois créés » ! Nous avons
donc ici toute notre place à jouer !
Le Conseil général organise du 10 au 17 des réunions publiques.
Toutes ces occasions sont bonnes et tant d’autres pour nous, pour vous, d’exprimer et de faire
entendre la voix des acteurs de l’économie de production auprès de nos élus ! J’encourage chacun
à faire entendre sa voix à son niveau auprès de ses conseillers municipaux, intercommunaux,
généraux, régionaux (que de lieux de décisions !), à vos députés et sénateurs !
Charge à nous de faire savoir largement que nous avons des atouts et qu’on nous donne la liberté
de prendre les initiatives nécessaires pour les faire fructifier. A nous, de nous organiser
collectivement et de bâtir une stratégie commune et partagée. Je suis certain que nous pouvons
trouver au fond de nous et par le dialogue des forces inespérées pour développer une économie
forte et pourvoyeuse d’emplois et de lien social pour nos enfants, pour le Finistère et la Bretagne !
Je vous remercie
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