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Exposition aux dosettes hydrosolubles de lessive liquide : étude descriptive des cas
enregistrés par les Centres antipoison et de toxicovigilance entre 2005 et 2012.
Ces dernières années, la multiplication des cas d’exposition aux dosettes hydrosolubles de lessive
liquide (DHL) a été à l’origine d’intoxications graves, notamment pédiatriques, en France et à
l’étranger. Ce constat a conduit les centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) à s’autosaisir sur
le sujet.
Les objectifs étaient de dénombrer et caractériser les cas d’exposition aux DHL, de les comparer aux
expositions aux lessives liquides classiques (LLC), et de proposer des pistes de réflexion pour la
réduction des risques de l’exposition.
Une étude rétrospective a été conduite à partir des données du système d’information des CAPTV
(Sicap) sur une période de 8 ans, de 2005 à 2012. Les agents d’intérêt (DHL) et les agents de
comparaison (LLC) ont été sélectionnés à partir de la Base nationale des Produits et Compositions
(BNPC). Les cas d’exposition, avec ou sans symptôme, à l’un des agents d’intérêt ou de
comparaison, étaient issus de la Base nationale des cas d’intoxication (BNCI) du Sicap. Un cas grave
était défini à partir des signes cliniques et paracliniques selon les voies d’exposition et la prise en
charge médicale. Les cas graves dont aucun symptôme n’était lié à l’exposition à la DHL ou à la LLC
ont été exclus.
De 2005 à 2012, 7 562 expositions aux DHL ont été rapportées, en nette augmentation depuis 2010. Il
s’agissait majoritairement d’enfants de moins de 5 ans (92% des cas), dont 7% étaient âgés de moins
de un an. Le sexe ratio était de 1,1. L’exposition était accidentelle dans 99,6% des cas. Les voies
d’exposition, multiples dans 8% des cas, étaient orale (86%), oculaire (13%), cutanée (8%) et
respiratoire (0,4%). Au total, 67% des cas étaient symptomatiques. Sur la même période, 6 871
expositions aux LLC ont été rapportées, dont 45% symptomatiques. Parmi les cas symptomatiques,
les cas graves associés aux DHL étaient plus fréquents que ceux associés aux LLC (2,0% vs 0,8%,
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). Ceux-ci correspondaient majoritairement à des atteintes oculaires (83 kératites sur 104 cas
graves), plus fréquentes chez les exposés aux DHL que chez les exposés aux LLC (13 kératites sur
26 cas graves).
L’étude montre une plus grande fréquence de cas symptomatiques et de cas graves lors d’exposition
à des DHL comparativement à des LLC. Cette tendance est parallèle aux ventes de DHL, fortement
croissantes depuis 2010. L’hydrophile de l’enveloppe facilite le délitement des dosettes, et la pression
interne semble favoriser les atteintes multiples lors de la rupture du film hydrosoluble. La viscosité du
produit, rendant plus difficile la décontamination des muqueuses, est possiblement responsable du
nombre important de kératites.
Une information du public sur les risques liés à l’exposition aux DHL, et leur accessibilité aux jeunes
enfants, semble nécessaire. La révision de la composition de ces produits, notamment très
concentrés en agents tensio-actifs, et la recherche de présentations de lessive moins dangereuses,
permettrait de réduire ces risques. Une étude ciblée des circonstances d’exposition des jeunes
enfants, ainsi qu’une actualisation du bilan des cas d’exposition aux DHL, sont à envisager.
Mots-clés : dosettes hydrosolubles, gravité, kératite, toxicovigilance, épidémiologie.