La continuité des soins remet-elle en question le repos

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REPOS DE SÉCURITÉ
Larticle 4 du règlement intérieur est ainsi rédigé : « dans
lhypothèse où le repos de sécurité - repos quotidien,dans
son application, nuit gravement à lapplication du principe
de continuité des soins, une transgression à sa mise en
œuvre peut simposer en référence à lencadrement mini-
mal requis pour les patients pris en charge, le jour consi-
déré, dans lunité médicale concernée ».
Cette assertion choque par la brutalité des expressions et
par lopposition qui est faite entre le principe de continuité
des soins et le droit au repos des praticiens.
Cette modification du règlement intérieur traduit à l’évi-
dence lextrême difficulté du maintien dun service public
de santé dans un contexte de maîtrise comptable des
dépenses de santé et dabsence de formation et de recru-
tement de praticiens en nombre suffisant.
Lapplication dune telle prise de position nest cependant
pas recevable sur le plan juridique.
I- LA CONTINUITÉ DES SOINS DOIT
ÊTRE CONCILIÉE ET NON OPPOSÉE AU
DROIT AU REPOS
A- LECHU DE BORDEAUX A OPPOSÉCES
DEUX PRINCIPES, AU DÉTRIMENT DU DROIT AU
REPOS
Lintroduction du droit au « repos de sécurité repos
quotidien » des praticiens hospitaliers est récente et sa mise
en œuvre devait donner lieu à un recrutement important
de praticiens.
Aujourdhui,les recrutements attendus nont pas été réali-
sés dans des proportions suffisantes et les hôpitaux ren-
contrent des difficultés pour assurer la continuité des soins
et respecter le droit au repos de leurs praticiens.
Cest dans ces conditions que le CHU de Bordeaux a
décidé de modifier son règlement intérieur en y intégrant
larticle 4 précité, validé par la CME le 28 avril 2003, qui
autorise l’établissement à ne pas respecter le droit au
repos des praticiens dès lors que la continuité des soins
lexige.
Dans son principe, cet article 4 est empreint dune logique
implacable et lon comprend bien quen cas de nécessité
impérieuse et en labsence de praticien disponible, un
praticien en repos puisse être appelé au chevet dun
patient.
Pour autant, la rédaction de cet article surprend par son
caractère général et le risque darbitraire quil permet.
En effet,le règlement intérieur ne pose aucune autre limi-
tation à latteinte du droit au repos du praticien que celle
du principe de continuité des soins, de telle sorte que la
continuité des soins prime sur le droit au repos : « dans lhy-
pothèse où le repos de sécurité repos quotidien, dans son
application, nuit gravement à lapplication du principe de
continuité des soins,une transgression à sa mise en œuvre
peut simposer ».
La difficulté réside à l’évidence dans lappréciation de lap-
plication du principe de continuité des soins qui nest pas
défini et dont le caractère subjectif est évident.
Dune part, le principe de continuité des soins peut alors
justifier toutes les atteintes au droit au repos, dans la
mesure où lon peut fixer des exigences liées à la garantie
de la continuité des soins de façon discrétionnaire.
Dautre part, il suffit de caractériser un risque de rupture
de la permanence des soins pour contraindre un praticien
à ne pas bénéficier de son droit au repos.
Or, il ne revient qu’à la direction de l’établissement d’éta-
blir les difficultés dassurer la continuité des soins pour
supprimer le droit au repos des praticiens.
La continuité des soins remet-elle en
question le repos des praticiens
hospitaliers ?
a commission médicale d’établissement du CHU de Bordeaux a validé, le 28 avril 2003, dans le cadre
de lorganisation des tableaux de service, une modification du règlement intérieur de l’établissement,
autorisant à déroger aux dispositions relatives au repos de sécurité repos quotidien des praticiens
hospitaliers pour assurer la continuité des soins.
Sil est bien sûr nécessaire dassurer la continuité des soins, cela ne justifie pas quil soit porté atteinte au droit
au repos sans condition.
L
27
REPOS DE SÉCURITÉ
Le droit au repos des praticiens est donc laissé à la discré-
tion de la direction de l’établissement avec les risques
darbitraire que cela comporte.
La première partie de larticle 4 du règlement intérieur
conditionne latteinte au droit au repos aux hypothèses où
ce repos « nuit gravement » à la continuité des soins.
Le seul critère de la « gravité » ne permet pas de fixer une
limite à latteinte au droit au repos.
La seconde partie de larticle 4 du règlement intérieur
considéré semble poser des critères plus concrets :« une
transgression peut simposer en référence à lencadre-
ment minimal requis pour les praticiens pris en charge, le
jour considéré, dans lunité médicale concernée ».
Cependant, aucun critère objectif ne sen dégage concrè-
tement.
Lanalyse du texte du règlement intérieur fait apparaître une
opposition marquée entre le droit au repos et la continuité
des soins qui ne peut être résolue que par latteinte, sans
limite fixée, au droit au repos.
On est en droit de sinterroger alors sur lefficience de la
législation relative au droit au repos dans la mesure où il
ne bénéficie daucune garantie particulière et est laissé à
la discrétion de la direction de l’établissement.
On retiendra seulement que l’établissement de soins qui
ne dispose pas dun nombre suffisant de praticiens pour
permettre daccorder les repos prévus à ceux exerçant en
son sein,est en mesure dexiger quil soit passé outre ces
repos pour assurer la continuité des soins.
Les dérives potentielles sont évidentes, particulièrement
en période de limitation des budgets et la validation du
règlement intérieur de Bordeaux, en opposant droit au
repos et principe de continuité des soins, remet en cause
lapplication dun droit pourtant prévu par les textes.
Les dispositions adoptées par le CHU de Bordeaux,dans
la mesure où elles ne précisent pas les cas précis pour les-
quels une atteinte au droit au repos de sécurité pourrait
être envisagée, permettent de détourner les dernières
modifications du statut des praticiens hospitalier.
B- LE DROIT IMPOSE LA CONCILIATION DES
PRINCIPES DE CONTINUITÉDES SOINS ET DU
REPOS DES PRATICIENS
En réalité,le droit au repos et le principe de continuité ne
peuvent être opposés simplement.
Le droit impose que ces deux principes soient conciliés au
moyen dun encadrement juridique adéquat.
REPOS DE SÉCURITÉ- REPOS QUOTIDIEN
RÉGLEMENT INTÉRIEUR AU CHU DE BORDEAUX
Article 1
Le repos de sécurité repos quotidien concerne, en appli-
cation des dispositions réglementaires en vigueur, lensem-
ble des personnels médicaux impliqués dans lorganisation
de la permanence et la continuité des soins (internes, assis-
tants généralistes et spécialistes, praticiens hospitaliers et per-
sonnel hospitalo-universitaire temporaire et titulaire).
Article 2
Lapplication du repos de sécurité repos quotidien est effec-
tive à lissue dune présence et dune activité continue au CHU
de 24 heures daffilée. Le tableau de service mentionne pour
chaque praticien ou interne concerné la prise du repos de
sécurité repos quotidien.
Article 3
En application du présent règlement intérieur, le repos de
sécurité repos quotidien peut intégrer, sur la base du volon-
tariat, dans un temps limité à la demi-journée immédiate-
ment postérieure aux 24 heures dactivité continue : une
participation à des actions de transmission de consignes
médicales, des staffs, un suivi de visite dunité dhospitalisa-
tion, une mise à jour de dossiers, à lexclusion de lexercice
de toute activité clinique de prise en charge directe de
patients (gestes techniques, actes diagnostiques et cliniques,
consultations).
Il est admis quune période de garde sur place puisse dans
la continuité être suivie dune période dastreinte (et inver-
sement) ; cette option dorganisation est validée au niveau
du Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux pour préser-
ver la continuité des soins et éviter une mobilisation exces-
sive des praticiens en exercice chaque week-end.
Article 4
Dans lhypothèse où le repos de sécurité repos quotidien,
dans son application, nuit gravement à lapplication du prin-
cipe de continuité des soins, une transgression à sa mise en
œuvre peut simposer en référence à lencadrement minimal
requis pour les patients pris en charge, le jour considéré,
dans lunité médicale concernée
Dans ce cas, le tableau de service mentionne labsence dap-
plication du repos de sécurité repos quotidien en identifiant
le maintien de lactivité médicale du praticien ou de linterne
concerné. La description du temps de travail médical situe,
ainsi, la période de non respect des dispositions réglemen-
taires propres au repos de sécurité repos quotidien au
cours de laquelle le défaut dorganisation relève de la respon-
sabilité du CHU sans quune faute personnelle puisse incom-
ber au praticien ou à linterne concerné.
Dans ce contexte, la nécessité absolue du maintien dune
continuité des soins justifie, au niveau du CHU, lacceptation
de la responsabilité juridique du non respect du repos de sécu-
rité repos quotidien.
Bordeaux, le 28/04/03
28
REPOS DE SÉCURITÉ
Premièrement, le principe de continuité des soins nest
pas un principe à valeur absolue.
Cest un principe de droit interne rappelé par les disposi-
tions du Code de la Santé Publique.
Les dispositions les plus précises concernant les sujétions
imposées au corps médical pour permettre lapplication de ce
principe sont celles du Code français de déontologie médicale.
Son article 47 dispose : « quelles que soient les circonstan-
ces, la continuité des soins aux malades doit être assurée.
Sil se dégage de sa mission le médecin doit en avertir le
patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les
informations utiles à la poursuite des soins ».
Larticle 77 du même Code ajoute : « dans le cadre de la
permanence des soins, cest un devoir pour tout médecin
de participer aux services de garde de jour et de nuit ».
Il en résulte que des systèmes de garde doivent être mis
en place par le corps médical pour permettre dassurer la
continuité des soins, sans exiger de chaque praticien quil
soit opérationnel en permanence.
Au contraire,le principe de continuité des soins exige des
gestionnaires des services de santé quils organisent un
système de garde permettant de concilier la permanence
des soins avec les absences des praticiens.
La jurisprudence nhésite pas à limiter la portée du prin-
cipe de continuité des soins lorsque la qualité des soins nest
plus assurée.
Ainsi, dans le cadre des nombreux litiges relatifs au rever-
sement dhonoraires par les infirmiers exerçant à titre
libéral, la Cour Administrative dAppel de Douai a récem-
ment eu loccasion de préciser que la continuité des soins
ne pouvait justifier quil soit passé outre les seuils dacti-
vité fixés,correspondant à « des seuils defficience compa-
tibles avec la qualité des soins » (1).
De la même manière,toujours dans le cadre des dépasse-
ments de seuil dactivité et des sanctions pécuniaires les
accompagnant,le Conseil dEtat rappelle que la continuité
des soins ne saurait justifier de tels dépassements,dès lors
que la preuve de lurgence de lintervention médicale à
lorigine du dépassement nest pas rapportée (2).
Enfin, lorsque le droit de grève des praticiens hospitaliers
doit être méconnu pour assurer la continuité des soins,le
juge administratif contrôle que leffectif de praticiens sol-
licités à cette fin est proportionné par rapport aux néces-
sités de la continuité des soins.
Le Conseil dEtat a annulé la décision du directeur dun CHR
dimposer le maintien en service dun nombre trop impor-
tant de praticiens (3).
Ce faisant, le Conseil dEtat a limité de façon stricte la
possibilité de déroger, pour des motifs tenant à la continuité
des soins, au droit de grève des praticiens.
Le principe de continuité des soins est donc un principe
dont la mise en œuvre doit être limitée et conditionnée par
la garantie de la qualité des soins et par le caractère urgent
de lacte médical à réaliser, la jurisprudence exigeant dans
ce cas une justification précise.
Dès lors, en labsence durgence caractérisée, le principe
de continuité des soins ne permet pas de déroger aux
impératifs de qualité des soins et donc aux règles relatives
au repos de sécurité.
Deuxièmement,le droit impose de respecter les dispo-
sitions relatives au repos des praticiens.
En effet, le droit au repos de sécurité est à la fois un prin-
cipe de protection sociale en faveur des praticiens et un
principe de sécurité sanitaire pour le bénéfice des patients.
En cela, le droit au repos participe à la garantie de la qua-
lité du système de santé, objectif poursuivi notamment
par la loi du 4 mars 2002 dite Loi Kouchner.
Le droit au repos de sécurité repos quotidien trouve sa
source dans le droit communautaire.
En effet, la directive communautaire 93/104/CEE du 23
novembre 1993 modifiée relative à la réglementation de la
durée du travail,garantit notamment le repos quotidien des
travailleurs.
Larticle 3 de cette directive est ainsi rédigé : « Les Etats
membres prennent les mesures nécessaires pour que tout
travailleur bénéficie, au cours de chaque période de 24
heures, dune période minimale de repos de 11 heures
consécutives ».
Bien que cet impératif soit assorti de possibilités dy déro-
ger, la transposition par les autorités nationales, en droit
interne, a fait lobjet dune interprétation stricte des déro-
gations.
En effet, contrairement au principe de continuité des
soins, le droit au repos de sécurité repos quotidien
bénéficie dune définition précise apportée par différents
textes de transposition qui rappellent son caractère
intangible.
La continuité des soins remet-elle en question le repos des
praticiens hospitaliers ? (suite de la page 27)
29
REPOS DE SÉCURITÉ
Le décret n°2002-1421 du 6 décembre 2002 modifiant
le décret n°84-131 du 24 février 1984 portant statut
des praticiens hospitaliers prévoit à son article 5 que le
praticien « bénéficie dun repos quotidien dune durée
minimale de 11 heures consécutives par période de vingt-
quatre heures ».
La seule dérogation au principe précité est prévue par
lalinéa suivant qui introduit une possibilité de dérogation,
permettant dinstaurer une période de travail de 24 heu-
res au maximum, avec, immédiatement à lissue de cette
période, un repos dune durée équivalente.
A aucun moment, les dispositions du Décret du 6 décem-
bre 2002 nautorisent expressément daller au-delà de la
dérogation précitée.
Le Conseil dEtat, sur la demande du SNPHAR, est venu
préciser la portée du droit au repos de sécurité en rap-
pelant que « le décret du 24 février 1984 doit être inter-
prété comme accordant à tous les praticiens hospitaliers
un repos de sécurité, qui, eu égard à lobjet de ce repos
et en labsence dautres dispositions dans ce décret, doi-
vent être interprétés comme prévoyant larrêt de tout
travail des praticiens hospitaliers » (4).
Le droit au repos bénéficie donc de dispositions parti-
culièrement protectrices qui ne prévoient pas expressé-
ment de dérogation pour permettre lapplication du prin-
cipe de continuité.
Le degré de protection conféré au droit au repos des pra-
ticiens a été rappelé par les services du Ministère à loc-
casion de la circulaire DHOS/M2/2003 du 6 mai 2003 qui
précise : « En aucun cas le praticien ne peut travailler plus
de 24 heures consécutives ».
Troisièmement,la conciliation du principe de continuité
des soins et du droit au repos des praticiens simpose du
fait de l’évolution récente du droit hospitalier qui exige
que soient respectés tant le principe de continuité des
soins que le principe de qualité des soins (5).
Larticle L.1110-1 du Code de la Santé Publique, intro-
duit par la loi du 4 mars 2002 relative à la qualité du sys-
tème de santé exige expressément des établissements de
santé quils assurent « la continuité des soins et la
meilleure sécurité sanitaire possible ».
Lhôpital ne doit pas se contenter d’être ouvert à toute
heure, mais il doit l’être avec des médecins disponibles
et efficaces.
Or, le droit au repos des praticiens participe à limpéra-
tif de qualité des soins.
Lintroduction du principe dun repos de sécurité pour
les praticiens, principe sanitaire au bénéfice non du seul
corps médical mais des patients eux-mêmes, répond à la
nécessité de conjuguer « quantité » des soins et « qua-
lité » des soins.
Cest dans cette perspective que les organes de gestion
des hôpitaux ont reçu pour mission de concilier le repos
des praticiens et la permanence des soins.
Ainsi, larrêté du 30 avril 2003 relatif à lorganisation et
à lindemnisation de la continuité des soins réaffirme ce
principe et les attributions de la commission assurant la
permanence des soins répond à cette nécessité de conci-
liation.
Ce dispositif a été mis en place pour corriger notamment
les différences dactivité selon les activités et les servi-
ces, pour réduire les difficultés de recrutement des pra-
ticiens hospitaliers, assurer un repos minimum aux per-
sonnels médicaux afin de préserver la sécurité des
patients et mettre en œuvre la réduction du temps de
travail.
En opposant le principe de continuité des soins et le
droit au repos de sécurité des praticiens, sans rechercher
la moindre conciliation ou encadrement juridique, la
CME du CHU de Bordeaux qui a validé la rédaction du
règlement intérieur précité a méconnu ses compétences
et sa mission.
Pour finir, la nécessité de concilier continuité des soins
et droit au repos en limitant les atteintes au droit au
repos de façon circonstanciée a été rappelée par le
Ministre de la Santé dans la circulaire précitée,n°219, du
6 mai 2003, qui indique :« en cas de nécessité de service,
un praticien peut être placé en astreinte pendant son
repos quotidien,notamment lorsque la permanence sur
place est assurée par un praticien ne justifiant pas de la
plénitude dexercice. La nécessité de service doit être jus-
tifiée et appréciée avec discernement.Elle ne peut avoir
un caractère ni systématique ni répétitif ».
Il doit être noté que cette circulaire, alors même quelle
entend rappeler les limites aux atteintes au droit au
repos, introduit une possibilité de déroger à ce droit,
en cas de « nécessité de service », ce qui est déjà éloi-
gné de la jurisprudence administrative qui considère que
les exigences de la continuité des soins peuvent per-
mettre de passer outre les standards de qualité des soins
en cas durgence caractérisée.
En loccurrence, par la généralité de ses termes et lab-
sence de conditionnement des atteintes au droit au
repos,le règlement intérieur du CHU de Bordeaux per-
met de donner un caractère systématique et répétitif à
latteinte au droit au repos des praticiens.
Il résulte de ce qui précède et plus précisément de la
jurisprudence du Conseil dEtat précitée que la seule
situation permettant de méconnaître le droit au repos est
celle de lurgence.
30
REPOS DE SÉCURITÉ
II- UNE ATTEINTE EXCESSIVE AU
DROIT AU REPOS DES PRATICIENS
GÉNÈRE DES CONTENTIEUX
Lanalyse des conséquences de la méconnaissance du
repos de sécurité confirme la nécessité de concilier le prin-
cipe de continuité des soins et le droit au repos des pra-
ticiens en limitant de façon précise les hypothèses dat-
teinte au droit au repos.
En effet, à défaut de cantonner les atteintes au droit au
repos à des hypothèses justifiées par lurgence ou par la
nécessité impérieuse, les conséquences en termes de
responsabilité sont importantes pour lhôpital, vis-à-vis des
patients et vis-à-vis des praticiens.
Il convient de relever à cette occasion que la version du
règlement intérieur validée par la CME du CHU de
Bordeaux prend en considération ce point, sans pour
autant rendre compte de lenjeu réel des risques encou-
rus.
Le deuxième alinéa de larticle 4 du règlement intérieur
de Bordeaux précise ainsi quen cas de « transgression »
du repos de sécurité repos quotidien, :« () le défaut
dorganisation relève de la responsabilité du CHU sans
quune faute personnelle puisse incomber au praticien
ou à linterne concerné. Dans ce contexte, la nécessité
absolue de la continuité des soins justifie, au niveau du
CHU, lacceptation de la responsabilité juridique du non
respect du repos de sécurité repos quotidien ».
La responsabilité de lhôpital, en cas de méconnaissance
des temps de repos de sécurité peut être identifiée à
deux niveaux,vis-à-vis des patients et vis-à-vis des prati-
ciens.
A LA RESPONSABILITÉDE LHÔPITAL VIS-À-
VIS DES PATIENTS
Premièrement, en méconnaissant le droit au repos des
praticiens hospitaliers, lhôpital facilite aussi lengage-
ment de sa responsabilité envers les patients victimes
dun dommage.
- Dune part, les juridictions administratives engagent la
responsabilité des hôpitaux pour faute présumée des ser-
vices lorsquun patient est victime de troubles laissant
apparaître quune faute a été commise (6).
Il reste que le patient doit rapporter un début de preuve
quune faute a été commise, généralement en démon-
trant que les troubles subis sont dune telle importance
que seule une faute est susceptible de lexpliquer.
En loccurrence, si la victime peut démontrer, à laide des
tableaux de service, que le praticien qui la prise en charge
navait pas bénéficié de son repos de sécurité,son action
en responsabilité contre lhôpital se trouvera facilitée, la
méconnaissance du repos de sécurité constituant un
indice du défaut dorganisation du service.
- Dautre part, un praticien est soumis à une obligation
dinformation du patient et les manquements à cette
obligation peuvent lui être imputés et constituer une
faute de service.
L’évolution jurisprudentielle actuelle élargit considéra-
blement le contenu de lobligation dinformation du patient
sur tous les risques encourus, même si ces risques ne
constituent que de simples suspicions.
Cette obligation dinformation sur les risques est sans
cesse renforcée par la jurisprudence, judiciaire comme
administrative (7) et comprend une obligation dinfor-
mation du praticien sur tous les éléments susceptibles de
perturber la bonne fin de lintervention médicale (8), y
compris sur les risques derreurs susceptibles dinterve-
nir (9).
A ce stade, il doit être souligné que même si en cas de
faute de service reconnue, seule la responsabilité admi-
nistrative de l’établissement de soins est retenue, le fait
pour un praticien d’être à lorigine de la faute de service
considérée lui porte préjudice, notamment pour sa car-
rière.
Dans ces conditions, la méconnaissance du droit au repos
peut avoir des conséquences sur le praticien lui-même.
Surtout, les praticiens sont responsables devant lOrdre
des médecins et tout manquement à leurs obligations
peut être sanctionné par lOrdre.
En lespèce, la privation du droit au repos de sécurité
des praticiens hospitaliers génère un risque incontesta-
ble et évident pour la sécurité des soins apportés au
patient.
Par conséquent, dans la mesure où le fait d’être soigné
par un praticien nayant pas bénéficié de son repos de
sécurité constitue un risque, linformation complète du
patient nécessite quil lui soit indiqué que le praticien qui
le prendra en charge na pas bénéficié de son repos de
sécurité.
La continuité des soins remet-elle en question le repos des
praticiens hospitaliers ? (suite de la page 29)
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