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REPOS DE SÉCURITÉ
Le décret n°2002-1421 du 6 décembre 2002 modifiant
le décret n°84-131 du 24 février 1984 portant statut
des praticiens hospitaliers prévoit à son article 5 que le
praticien « bénéficie d’un repos quotidien d’une durée
minimale de 11 heures consécutives par période de vingt-
quatre heures ».
La seule dérogation au principe précité est prévue par
l’alinéa suivant qui introduit une possibilité de dérogation,
permettant d’instaurer une période de travail de 24 heu-
res au maximum, avec, immédiatement à l’issue de cette
période, un repos d’une durée équivalente.
A aucun moment, les dispositions du Décret du 6 décem-
bre 2002 n’autorisent expressément d’aller au-delà de la
dérogation précitée.
Le Conseil d’Etat, sur la demande du SNPHAR, est venu
préciser la portée du droit au repos de sécurité en rap-
pelant que « le décret du 24 février 1984 doit être inter-
prété comme accordant à tous les praticiens hospitaliers
un repos de sécurité, qui, eu égard à l’objet de ce repos
et en l’absence d’autres dispositions dans ce décret, doi-
vent être interprétés comme prévoyant l’arrêt de tout
travail des praticiens hospitaliers » (4).
Le droit au repos bénéficie donc de dispositions parti-
culièrement protectrices qui ne prévoient pas expressé-
ment de dérogation pour permettre l’application du prin-
cipe de continuité.
Le degré de protection conféré au droit au repos des pra-
ticiens a été rappelé par les services du Ministère à l’oc-
casion de la circulaire DHOS/M2/2003 du 6 mai 2003 qui
précise : « En aucun cas le praticien ne peut travailler plus
de 24 heures consécutives ».
◆Troisièmement,la conciliation du principe de continuité
des soins et du droit au repos des praticiens s’impose du
fait de l’évolution récente du droit hospitalier qui exige
que soient respectés tant le principe de continuité des
soins que le principe de qualité des soins (5).
L’article L.1110-1 du Code de la Santé Publique, intro-
duit par la loi du 4 mars 2002 relative à la qualité du sys-
tème de santé exige expressément des établissements de
santé qu’ils assurent « la continuité des soins et la
meilleure sécurité sanitaire possible ».
L’hôpital ne doit pas se contenter d’être ouvert à toute
heure, mais il doit l’être avec des médecins disponibles
et efficaces.
Or, le droit au repos des praticiens participe à l’impéra-
tif de qualité des soins.
L’introduction du principe d’un repos de sécurité pour
les praticiens, principe sanitaire au bénéfice non du seul
corps médical mais des patients eux-mêmes, répond à la
nécessité de conjuguer « quantité » des soins et « qua-
lité » des soins.
C’est dans cette perspective que les organes de gestion
des hôpitaux ont reçu pour mission de concilier le repos
des praticiens et la permanence des soins.
Ainsi, l’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et
à l’indemnisation de la continuité des soins réaffirme ce
principe et les attributions de la commission assurant la
permanence des soins répond à cette nécessité de conci-
liation.
Ce dispositif a été mis en place pour corriger notamment
les différences d’activité selon les activités et les servi-
ces, pour réduire les difficultés de recrutement des pra-
ticiens hospitaliers, assurer un repos minimum aux per-
sonnels médicaux afin de préserver la sécurité des
patients et mettre en œuvre la réduction du temps de
travail.
En opposant le principe de continuité des soins et le
droit au repos de sécurité des praticiens, sans rechercher
la moindre conciliation ou encadrement juridique, la
CME du CHU de Bordeaux qui a validé la rédaction du
règlement intérieur précité a méconnu ses compétences
et sa mission.
Pour finir, la nécessité de concilier continuité des soins
et droit au repos en limitant les atteintes au droit au
repos de façon circonstanciée a été rappelée par le
Ministre de la Santé dans la circulaire précitée,n°219, du
6 mai 2003, qui indique :« en cas de nécessité de service,
un praticien peut être placé en astreinte pendant son
repos quotidien,notamment lorsque la permanence sur
place est assurée par un praticien ne justifiant pas de la
plénitude d’exercice. La nécessité de service doit être jus-
tifiée et appréciée avec discernement.Elle ne peut avoir
un caractère ni systématique ni répétitif ».
Il doit être noté que cette circulaire, alors même qu’elle
entend rappeler les limites aux atteintes au droit au
repos, introduit une possibilité de déroger à ce droit,
en cas de « nécessité de service », ce qui est déjà éloi-
gné de la jurisprudence administrative qui considère que
les exigences de la continuité des soins peuvent per-
mettre de passer outre les standards de qualité des soins
en cas d’urgence caractérisée.
En l’occurrence, par la généralité de ses termes et l’ab-
sence de conditionnement des atteintes au droit au
repos,le règlement intérieur du CHU de Bordeaux per-
met de donner un caractère systématique et répétitif à
l’atteinte au droit au repos des praticiens.
Il résulte de ce qui précède et plus précisément de la
jurisprudence du Conseil d’Etat précitée que la seule
situation permettant de méconnaître le droit au repos est
celle de l’urgence.