Dossier pédagogique et thématique réalisé par

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Dossier pédagogique et thématique
réalisé par Cécile Michel (collaboratrice
artistique au Théâtre National) autour de
« L’Insurrection qui vient », un atelier
dirigé par Coline Struyf et « Notre
Terreur » par le collectif d’Ores et déjà.
TABLE DES MATIERES
Prologue ....................................................................................................................... 3
Notre terreur................................................................................................................ 5
Repères historiques ........................................................................................... 6
La révolution française............................................................................. 6
La période de la terreur ............................................................................ 7
La figure de Robespierre.......................................................................... 8
Repères chronologiques ........................................................................... 10
Le spectacle........................................................................................................ 12
Les révolutions................................................................................................... 15
Paradise now ? Vers une révolution aujourd’hui............................................. 18
La Révolution française au théâtre................................................................... 19
L’Insurrection qui vient ............................................................................................ 27
Le texte de l’Insurrection .................................................................................. 27
L’affaire dite de Tarnac .................................................................................... 28
Le spectacle........................................................................................................ 29
Presse ................................................................................................................. 30
Prologue…
Qu’est-ce qu’une révolution, une insurrection ? Quelles sont les caractéristiques communes à
mai 68, la révolution française ou la révolution russe par exemple ? Aujourd’hui que le
concept de lutte des classes semble appartenir au passé, que les clivages sociaux apparents
semblent gommés, où se situent les enjeux d’un engagement politique ? Quel regard poser sur
l’Histoire et sur des actes de violence parfois extrêmes qui se justifiaient par l’avènement du
bien commun et la survie de la Nation? Et enfin et surtout : quel est le rôle du théâtre dans ce
questionnement ? Peut-il encore produire une parole politique et comment dès lors envisager
la forme nouvelle de ce théâtre politique… Autant de questions qui agitent et secouent tous
les recoins du Théâtre national en ce début de saison 2010 sous la bannière de ce nouveau
théma : Paradise Now ! regroupant de multiples activités et évènements autour de deux
spectacles : Notre Terreur et l’Insurrection qui vient…
Ce titre fait explicitement référence au spectacle Paradise Now que le Living theater vint
présenter à Avignon durant l’été 1968 1.
1
Fondé à New York, en 1947, par Julian Beck et Judith Malina, le Living Theatre est considéré comme parmi les plus
influents sur la scène alternative américaine et européenne. Théâtre d’opposition au système politique, économique et
culturel, le Living a participé à l’ouverture de nouvelles dimensions théâtrales, suscitant les engouements les plus passionnés
et les hostilités les plus féroces. Le message, répété au cours des générations, est celui de la solidarité active aux mouvements
de contestation politico-sociale, dans tous les pays et sous tous les régimes.
Théâtre d’agitation qui inquiétait beaucoup les instances publiques et organisatrices du festival, le living proposait cet été là
un nouveau spectacle : Paradise Now.
« Je n’ai pas le droit de
voyager sans passeport !
Je ne peux pas vivre
sans argent !
Je ne sais pas comment
arrêter la guerre !
Je n’ai pas le droit
de fumer du haschich !
Je n’ai pas le droit
d’ôter mes vêtements ! »
Par ces propos où chaque phrase se module en crescendo et se termine par un cri déchirant, le Living commence « Paradise
now ».
Victime de son succès, la troupe devra jouer à guichets fermés, mais s’y refuse. Ils veulent offrir à tous une représentation
gratuite, dans la rue. Les organisateurs du festival refusent ainsi que le maire. Julian Beck décide alors de quitter le festival, et
de casser son contrat en signe de protestation… Ils joueront un peu plus loin, à Châteauvallon, gratuitement, mais ne
reviendront plus au festival…
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Ce titre nous replonge donc dans une forme de théâtre engagé et contestataire, un certain
engagement teinté d’idéalisme tel celui qui animait beaucoup d’intellectuels et d’artistes des
années 70, il évoque aussi plus spécifiquement l’acte théâtral comme acte proprement
politique.
Ainsi autour du spectacle notre Terreur, nous aborderons aussi la question du théâtre comme
arme, levier politique, à travers la représentation de la Révolution française, et la question de
la forme choisie pour exprimer ce moment particulier de l’histoire…
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Notre terreur
« Notre terreur, ce n’est pas la Terreur, ce sont nos voix discordantes et
violentes si belles qu’on ne peut les voir sans rougir, étouffées qui appellent
et qui meurent sans qu’on les ait écoutées.
Notre terreur n’est pas de soigner un ulcère, c’est de l’ouvrir. »
Sylvain Creuzevault
Le jeune collectif français d’Ores et déjà nous présente en ouverture de saison Notre terreur,
spectacle coup de point qui fait œuvre de véritable théâtre politique en interrogeant les
sources mêmes de la démocratie et de la République française, la Révolution, et à travers cette
période, ses années les plus noires, les plus difficiles à interpréter en matière de choix et de
nécessité politique, la Terreur.
Qu’est-ce que la Terreur ? Quel sillon laisse dans notre présent l’idéal de démocratie et
de pureté des hommes de quatre-vingt-treize ? Comment regardons-nous cette “scène
primitive” de la légende révolutionnaire ?
Cette courte période qui va de la mort de Danton à la veille de celle de Robespierre est ici
décortiquée, réinterrogée, réappropriée, différemment chaque soir puisqu’une partie est
improvisée. Elle met en scène les conflits, d’intérêt et d’opinion qui agitèrent les douze
hommes aux prises avec le destin de toute une nation. Il s’agit ici de prendre un contre-pied,
de s’éloigner de la vision dominante de la Révolution aujourd’hui, comme chariant un fleuve
de sang et baignant dans une violence et une cruauté sauvages. La véritable question est
plutôt ici celle de la nécessité de la violence et de la terreur.
Sujet grave, s’il en est, mais qui trouve ici son déploiement et sa force de frappe critique par
un développement ludique, contemporain, et désacralisé, très loin de tout théâtre historique et
de tout discours pontifiant.
Dix hommes ici sont attablés, affairés, exténués. Tour à tour déterminés, en colère ou
réticents : Notre terreur nous plonge directement au cœur de l’effondrement de la
Terreur et de la chute de Robespierre, entourés des membres du comité de salut public.
La Terreur ici en écho avec le temps présent et ce qui nous terrifie…ou nous
terrorise…Comme un chœur de militants d’aujourd’hui, agitant avec ferveur et violence la
question des rapports entre le terrorisme et l’Etat, dans ces heures sombres qui fondèrent nos
démocraties. La proximité avec les spectateurs, constante et loin des morceaux de bravoures
des pièces historiques nous rend tous complices et témoins de l’Histoire qui se fait et de ce
que l’on peut lui faire dire. Rendre son humanité fondamentale à la Terreur, donc
puisque faite par des hommes.
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Repères historiques :
La Révolution française
La Révolution française est la période de l'histoire de France comprise entre la convocation
des Etats généraux en 1789 et le coup d’Etat du 18 brumaire (9 et 10 novembre 1799) de
Napoléon Bonaparte. C'est un moment fondamental de l’histoire de France, marquant la fin
de L’Ancien Régime, et le passage à une monarchie constitutionnelle puis à la Première
République. Elle a mis fin à la royauté, à la société d’ordres et aux privilèges. On doit à la
Révolution française la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui proclamait
l'égalité théorique des citoyens devant la loi, les libertés fondamentales et la souveraineté de
la Nation, apte à se gouverner au travers des représentants élus. Cette période causa aussi la
mort de plusieurs milliers de personnes, surtout durant ce qu’on a appelé la période de la
Terreur.
Dès son commencement, la portée universelle des idées de la Révolution française a été
proclamée par ses partisans, et l'ampleur de ses conséquences perçue par ses détracteurs.
Celles-ci ont été considérablement diffusées par les guerres de la révolution française et de
l’Empire, lesquelles ont touché une large partie de l’Europe continentale, avec la création de
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«républiques sœurs » et la transformation des frontières et des États d'Europe. La Révolution
est restée un objet de débats et une référence positive ou négative tout au long des deux
siècles qui l'ont suivie, en France comme dans le monde.
La Révolution française a créé des divisions immédiates et durables entre les partisans des
idées révolutionnaires et les défenseurs de l'ordre ancien, et aussi entre les anticléricaux et
l'Eglise catholique.
La période dite de « la Terreur »
Après la mort du roi le 21 janvier 1793, la jeune République française a dû faire face à de
multiples offensives royalistes et contre-révolutionnaires, à l’intérieur comme à l’extérieur des
frontières. Pour établir l’unité politique nationale indispensable à la préservation des
acquis de la Révolution et à sa victoire contre les coalisés, la Convention a instauré une
politique de contrôle du territoire, assortie de mesures d’exception, répressives et
punitives. Durant les seize mois que dura la Terreur – de la création du tribunal
révolutionnaire (10 mars 1793) à la chute de Robespierre (27 juillet 1794) – la peur est
devenue un moyen de gouvernement ; l’oppression des libertés individuelles et la violence
ont constitué le régime ordinaire des Français. La chute de Robespierre et de ses fidèles, le
9 thermidor an II, leur rend la parole. Les procès des « chevaliers de la guillotine » qui se
succèdent en série sont le théâtre expiatoire où se représente le spectacle des exactions
commises par les terroristes et leurs agents. Mais la Terreur sécrète aussi un imaginaire
fantasmatique que les contemporains peinent à dissocier de la réalité. La mémoire
collective, parasitée par les rumeurs et les histoires terrifiantes, accroît l’horreur du
règne de Robespierre au point de créer « un immense poème dantesque qui, de cercle en
cercle, fit redescendre la France dans ces enfers encore mal connus de ceux-là même qui les
avaient traversés. On revit, on parcourut ces lugubres régions, ce grand désert de terreur, un
monde de ruines, de spectres » (Michelet). Cette catharsis a généré une littérature et une
imagerie infernales hantées par des acteurs politiques devenus bourreaux, tigres et vampires.
« Anarchie au-dedans, invasion au-dehors.
(…) Sous la Terreur, c’est le Comité de salut public qui gouverne la France, une France
complètement désorganisée par un an de République, douze hommes, toujours les mêmes
furent à sa tête de septembre 1793 jusqu’au 27 juillet suivant, le 9 thermidor de l’an II,
selon le langage révolutionnaire. Mais jamais ils ne furent assis tous ensemble autour de la
table au tapis vert. L’un d’entre eux, condamné à mort par les autres laissera sa place vacante.
(…)Un pays qui se lézarde sous les pressions externes, qui se désintègre sous les tensions
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internes. La Révolution bat son plein. Guerre. Inflation. Faim. Peur. Haine. Sabotage.
Fabuleux espoirs. Idéalisme sans borne.
Et, pour ceux qui sont au pouvoir, l’horrible certitude, s’ils échouent, de mourir en
criminels, en assassins de leur roi. Leur terrible crainte de voir alors annihilés tous les
acquis de
la Révolution. Leur conviction, s’ils l’emportent, d’instaurer la liberté, l’égalité, la
fraternité. [...]
Robert R. Palmer Extrait de Le Gouvernement de la Terreur, traduction Marie-Hélène Dumas,
revue par Guy Desgranges, Éditions Armand Colin, Paris, mai 1989, p. 18-19.
La figure de Robespierre
Robespierre guillotinant le bourreau après avoir guillotiné tous les Français (gravure de Petit Le
Jeune, musée Carnavalet, Paris)
Maximilien François Marie Isidore de Robespierre, né le 6 mai 1758 à Arras (Pas-deCalais), mort le 28 juillet 1794 à Paris place de la Concorde était un avocat et un homme
politique français, chef des Montagnards, il incarna la « tendance démocratique »
jusqu’au-boutiste de la Révolution française. Il reste également l’un des personnages les
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plus controversés de cette période, surnommé « l’Incorruptible » par ses partisans, « la
chandelle d’Arras » par ses opposants royalistes puis « dictateur sanguinaire » pendant la
Terreur.
Imprégné des idées idéalistes des philosophes du XVIIIe siècle, surtout de Rousseau, il
participa à la vie politique dans sa province. IL est élu comme député du Tiers état pour
l’Artois aux États généraux de Versailles en 1789, ensuite à l’Assemblée constituante où il fut
l’un des rares défenseurs du suffrage universel et de l'égalité des droits. Il y prononça un
discours pour l’abolition de la peine de mort, resté célèbre.
Membre du club des Jacobins, il en était le principal animateur, partisan d’une démocratie
intégrale, tout en restant favorable à une monarchie absolue de droit divin.
Il participa à l’élaboration de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ainsi
qu’à la première constitution française en 1791. On lui donne le surnom d’Incorruptible,
tant ses convictions et son mode de vie austère incitaient au respect.
Il dénonça l’entrée en guerre de la France contre l'Autriche (en 1792), décision qu’il jugeait
imprudente, faisant ainsi le jeu de Louis XVI. Pour lui, le développement militaire des
Girondins deviendrait une force contre-révolutionnaire. Pour défendre sa position, il
commença l'édition du journal Le Défenseur de la Constitution. Il ne devint républicain qu’en
1792, année où il participe à la Commune insurrectionnelle de Paris, peu après la prise des
Tuileries lors de la journée du 10 août.
Devenu en effet membre de la Commune de Paris, il commença à jouer un rôle politique de
premier plan. Il est à l’origine de la Convention nationale, élue au suffrage universel, où il
siège sur les bancs des Montagnards. Il combattit violemment les Girondins, favorables à la
guerre. Par la suite il contribua à leur éviction.
Souvent malade (il était dépressif) et absent des réunions du Comité de salut public,
Robespierre inquiéta ses collègues de la Convention, aussi bien les plus radicaux comme
Fouché et Barras que ceux du Marais, après l’instauration de la Grande Terreur (loi de prairial
an II - 10 juin 1794) jugée inutile après l’éclatante victoire de Fleurus, le 26 juin 1794.
Le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794), Robespierre est empêché de s’exprimer à la
Convention et est invectivé de toutes parts quand un certain Louchet demande le décret
d’accusation contre lui. La proposition est votée à main levée et Robespierre arrêté en
compagnie de Saint-Just et de Couthon. Toutefois aucune prison n'accepte d'enfermer les
prisonniers qui se retrouvent libres à l'Hôtel de Ville de Paris. La Commune de Paris fait
sonner le tocsin et s'apprête à l'insurrection mais Robespierre tergiverse à donner l'ordre du
soulèvement. Affolés, les députés votent la mise hors-la-loi de celui-ci, ce qui équivaut à
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une mort sans procès. La nuit avançant et l'ordre d'insurrection ne venant pas, les rangs de la
Commune finissent par se clairsemer et, vers deux heures du matin, une troupe dirigée par
Barras fait irruption dans l'Hôtel de Ville sans rencontrer beaucoup de résistance.
Lors de cette arrestation mouvementée, Robespierre est gravement blessé à la mâchoire sans
que l'on sache précisément si c'est le gendarme Merda qui lui a tiré dessus ou s'il s'agit d'une
tentative de suicide.
Le lendemain après-midi, les prisonniers sont conduits au Tribunal révolutionnaire où
Fouquier-Tinville fait constater l’identité des accusés qui, mis hors-la-loi, ne bénéficient pas
de défense.
Ainsi Robespierre est condamné sans procès et guillotiné l'après-midi même du 10 thermidor,
sous les acclamations de la foule, en compagnie de vingt et un de ses amis politiques dont
Saint-Just et Couthon. Les vingt-deux têtes sont placées dans un coffre en bois, et les troncs
rassemblés sur une charrette. On jettera le tout dans une fosse commune du cimetière des
Errancis et l’on répandra de la chaux afin que le corps du « tyran » Robespierre ne laisse
aucune trace. Le lendemain, 80 partisans de Robespierre furent également guillotinés. Sa
chute mit fin à la Terreur et brisa l’élan démocratique de la République : ceux qui avaient
organisé la Terreur et en avaient largement profité en mettant la main sur les biens des nobles
et des banquiers exécutés chargèrent Robespierre de tous leurs méfaits, n'hésitant pas à
falsifier les documents historiques.
Repères chronologiques
LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
• 10 août 1792 : Chute de la monarchie constitutionnelle et Commune insurrectionnelle de
Paris.
• 17 août 1792 : Tribunal criminel extraordinaire institué par l’Assemblée législative.
• 22 septembre 1792 (1er vendémiaire an I) : Proclamation de la République. Le 14
vendémiaire an II (5 octobre 1793), la Convention décrètera que le début de l’ère républicaine
(an I) est fixé à la date de la proclamation de la République.
• 21 septembre 1792-31 mai 1793 (12 prairial an I) : Convention girondine. Première période
de la Convention nationale. L’Assemblée est sous l’influence des “brissotins” ou Girondins,
révolutionnaires modérés opposés à la centralisation parisienne du pouvoir.
• 21 janvier 1793 (2 pluviôse an I) : Exécution de Louis XVI.
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• 10 mars 1793 (20 ventôse an I) : Création du Tribunal révolutionnaire. Efficace à partir
du 29 mars, le Tribunal révolutionnaire a pour mission de procéder à la reconnaissance de
tous les “attentats contre la République”.
• 6 avril 1793 (17 germinal an I) : Formation du Comité de salut public. Corps exécutif mis
en place par la Convention nationale pour faire face à la situation d’urgence créée par la
guerre et la contre-révolution.
• 31 mai-2 juin 1793 (12-14 prairial an I) : Journées insurrectionnelles; mise en accusation
et proscription des Girondins.
• 2 juin 1793-27 juillet 1794 (14 prairial an I-9 thermidor an II) : Convention montagnarde.
Deuxième période de la Convention nationale. La Montagne, faction radicale des clubs
révolutionnaires (essentiellement du Club des Jacobins), émerge comme entité politique au
cours de l’année 1792. Ses représentants, soutenus par les sans-culottes et tous les députés
parisiens, Marat, Danton, Robespierre, etc., exigent de la Révolution qu’elle soit poussée à
son terme.
• 24 juin 1793 (6 messidor an I) : Adoption de la Constitution de l’An I (Constitution
montagnarde). Provisoirement reportée jusqu’à la paix, cette constitution n’a jamais été
appliquée.
• 27 juillet 1793 (9 thermidor an I) : Robespierre entre au Comité de salut public.
• 4-5 septembre 1793 (18-19 fructidor an I) : Mouvement populaire à Paris ; la Convention
met la Terreur à l’ordre du jour ; formation d’une armée révolutionnaire.
• 17 septembre 1793 (1er complémentaire (fête de la vertu) an I) : Loi des suspects. L’année
1793 est marquée par une inflation de décrets contre les suspects. La Convention nationale
veut codifier ces décrets et la loi du 17 septembre énumère toutes les catégories de coupables,
soit tous les “ennemis de la Révolution”.
• 29 septembre 1793 (8 vendémiaire an II) : Institution du Maximum Général. Taxe les
produits de première nécessité et bloque les salaires.
• 10 octobre 1793 (19 vendémiaire an II) : Le Comité de salut public décrète que le
“gouvernement de la France sera révolutionnaire jusqu’à la paix.”
• 24 mars 1794 (4 germinal an II) : Arrestation, procès et exécution des hébertistes. Partisans
de Jacques Hébert, favorables à une radicalisation du régime de Terreur. Les hébertistes
prônent des mesures économiques et sociales radicales proches de celles des “enragés”.
• 5 avril 1794 (16 germinal an II) : Arrestation, procès et exécution des dantonistes. L’épithète
d’“indulgent” désigne, à partir de l’été 1793, de façon péjorative, les nouveaux modérés des
révolutionnaires, également appelés “dantonistes”.
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• 8 juin 1794 (20 prairial an II) : Fête de l’Être Suprême.
• 10 juin 1794 (22 prairial an II) : Refonte du Tribunal révolutionnaire ; décret organisant
la Grande Terreur.
• 26 juillet 1794 (8 thermidor an II) : Robespierre prend la parole à la tribune de la
Convention ; il y dénonce une “horde de fripons” distillés dans les rangs de l’Assemblée.
Accusation non nominative de corruption et de manipulation parmi les députés et les membres
du Comité de sûreté générale. Ses adversaires se réunissent dans la soirée afin de préparer une
offensive concertée.
• 27 juillet 1794 (9 thermidor an II) : Mise en accusation et arrestation de Robespierre et ses
partisans ; tentative d’insurrection populaire. Insurrection de la Commune et du Club des
Jacobins : les députés sont libérés et se rassemblent, après diverses péripéties, à la Maison
commune.
Le spectacle
Au-delà de la simple évocation historique, le spectacle fait coexister plusieurs strates de
signification, comme autant de cercles qui se superposent. Dans le dossier qui accompagnait
la création du spectacle au Théâtre de la Colline à Paris, Sylvain Creuzevault, le metteur en
scène, définit ces cercles comme suit :
« Premier cercle: le récit
9 et 10 thermidor an II de la République (27 et 28 juillet 1794)
Robespierre prononce son dernier discours à la tribune de la Convention nationale le 8
thermidor an II. Le lendemain, Saint-Just tente de prononcer le sien à midi mais en est
empêché; il tentait notamment de défendre Robespierre des accusations de tyrannie qui
pesaient sur lui. Robespierre est arrêté vers 16h, conduit aux Comités qu’il a accusés la veille
dans son discours afin d’y être interrogé, puis il est conduit au Luxembourg (administration de
la police municipale). Il en est “délivré” vers
21h, mené à l’Hôtel de Ville au sein de la Commune. Autour de 22h, Robespierre est mis hors
la loi par la Convention nationale.
Que faire ? L’alternative est claire : l’insurrection ou la mort.
Dans la nuit, vers 2h30, un gendarme pénètre dans l’Hôtel de Ville, trouve le chemin de
Robespierre et lui tire une balle de pistolet dans la mâchoire, à moins que Robespierre n’ait
12
tenté de se suicider, l’histoire ne le dit pas. Il est traîné à la Convention nationale, au Comité
de salut public, puis à l’Hôtel-Dieu par les rues, puis à la Conciergerie, puis enfin à la place de
la Révolution.
La fin est la mort de l’homme historique connu du nom de Maximilien Marie Isidore de
Robespierre.
Deuxième cercle : la problématique
Le Comité de salut public est le gouvernement de la France entre septembre 1793 et
juillet 1794. Il constitue ce qu’il convient d’appeler la première dictature dont le but avoué est
de régénérer la société, et l’homme. Il échoua. Il ne parvint pas à instaurer cette république
démocratique, cette république de la Vertu, dont Robespierre fut l’un des principaux
défenseurs. Le Comité et les Montagnards finirent par représenter une minorité en France
dont la majorité des français n’était pas prête à accueillir les idées. La Terreur est peut-être
une conséquence nécessaire quand une minorité gouverne sur une majorité, même et
surtout (est-ce si paradoxal ?) si elle le fait au nom d’une philosophie politique
humaniste.
Voici un extrait d’un discours de Robespierre, prononcé le 17 pluviôse an II (5 février 1794) à
la Convention nationale, intitulé Sur les principes de morale politique, qui donne une
définition et une application de la Terreur :
“Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement
populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur
est funeste ; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n’est autre chose que
la justice prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins
13
un principe particulier qu’une conséquence du principe général de la démocratie appliqué
aux plus pressants besoins de la patrie.
(…)domptez par la terreur les ennemis de la liberté, et vous aurez raison, comme fondateurs
de la République. Le gouvernement de la révolution est le despotisme de la liberté contre la
tyrannie. [...] Que la tyrannie règne un seul jour, le lendemain il ne restera plus un patriote.
Jusqu’à quand la fureur des despotes sera-t-elle appelée justice, et la justice du peuple
barbarie ou rébellion ? Comme on est tendre pour les oppresseurs et inexorable pour les
opprimés ! Rien de plus naturel : quiconque ne hait point le crime ne peut aimer la vertu. II
faut cependant que l’un ou l’autre succombe. Indulgence pour les royalistes, s’écrient
certaines gens. Grâce pour les scélérats ! Non : grâce pour l’innocence, grâce pour les
faibles, grâce pour les malheureux, grâce pour l’humanité !”
Dans le rêve démocrate des hommes du Comité de salut public doit se dresser pour qu’il se
réalise, un homme nouveau. C’est un des traits communs du gouvernement révolutionnaire de
93-94 avec les grandes révolutions du XXe siècle. Le rêve de l’égalité. Oui il y a les cortèges
de morts, oui les échecs sont avérés par l’odeur du sang qui traîne. Oui nous savons que cet
homme nouveau ne résiste pas à sa troisième génération et qu’alors au nom de la liberté une
danse est plus dangereuse qu’un bataillon en marche. Mais cela laisse à penser l’une des
dialectiques les plus problématiques que créa la société moderne née en 1789, et dont les
origines mêmes sont l’objet: la liberté et l’égalité. »
Sylvain Creuzevault, extrait du dossier accompagnant la création au Théâtre de la Colline,
octobre 2009.
14
Les révolutions
Qu’est-ce qu’une révolution ?
La Révolution russe est l’ensemble des événements de 1917 ayant conduit en février au
renversement spontané du régime tsariste de Russie, puis en octobre à l’installation préparée
d’un régime « léniniste ». Largement induite par la Grande guerre, la Révolution russe est un
événement fondateur et décisif de l’histoire du XX e siècle, ouvert par l’éclatement du
conflit européen en 1914 et clos en 1991 par la disparition de l’URSS. Objet de
sympathies et d’immenses espoirs pour les uns, objet de sévères critiques, voire de peurs et de
haines viscérales pour les autres, elle reste un des faits les plus étudiés et les plus
passionnément discutés de l’histoire contemporaine.
Son déroulement et ses conséquences posent toujours de nombreuses questions. Les historiens
sont encore partagés quant à savoir si Février impliquait nécessairement Octobre. La nature
d’Octobre (révolution, coup d'État ou combinaison des deux ?), les raisons des violences de la
guerre civile de 1918-1921, celles de la genèse de la dictature soviétique sont également très
15
discutées. Le débat très ancien sur l’évolution conduisant au stalinisme des années 1930 n’a
jamais été non plus définitivement tranché : filiation logique, ou bien déviation (voire
trahison), par rapport aux idéaux et aux pratiques des bolcheviks de la Révolution.
Mai 68 est un ensemble de mouvements de révolte survenus en France en mai-juin 1968. Ces
événements constituent une période et une césure marquantes de l'histoire contemporaine
française, caractérisées par une vaste révolte spontanée, de nature à la fois culturelle,
sociale et politique, dirigée contre la société traditionnelle, le capitalisme, l'impérialisme,
et, plus immédiatement, contre le pouvoir gaulliste en place. Enclenchée par une révolte de la
jeunesse étudiante parisienne, puis gagnant le monde ouvrier et pratiquement toutes les
catégories de population sur l'ensemble du territoire, elle reste le plus important mouvement
social de l'Histoire de France du XXe siècle
Explosion souvent confuse et complexe, parfois violente, plus souvent encore ludique et
festive, Mai 68 apparaît rétrospectivement comme un moment d'illusion révolutionnaire
lyrique, de foi ardente et utopique en la possibilité d'une transformation radicale de la vie et
du monde. Ce que refléta notamment une prolifération de graffiti et de slogans imaginatifs :
« Sous les pavés, la plage », « Il est interdit d'interdire », « Jouissez sans entraves », « Cours
camarade, le vieux monde est derrière toi », « La vie est ailleurs », « Marx est mort, Dieu
aussi, et moi-même je ne me sens pas très bien », etc.
Parfois qualifiée de « révolution manquée », et malgré le large recours à la rhétorique et aux
symboles des révolutions françaises précédentes — barricades, drapeaux rouge et noir —,
Mai 68 ne vit en réalité aucune volonté de conquête massive populaire illégale du
pouvoir ni de dérapage vers la guerre civile, bien que plusieurs organisations et
mouvances révolutionnaires, communistes et anarchistes, luttèrent activement dans le
mouvement et participèrent à son organisation.
Ces évènements historiques ont en commun avec la révolution française de substituer ou de
tenter de substituer (mai 68) à un ordre ancien un monde nouveau, survenant par le biais
d’une insurrection populaire, de la révolte du plus grand nombre. Une révolution est, donc,
au sens politique ou social, un mouvement politique amenant, ou tentant d'amener, un
changement brusque et en profondeur dans la structure politique et sociale d'un État, et
qui se produit quand un groupe se révolte contre les autorités en place et prend ou tente de
prendre le pouvoir. Le terme de révolution peut être utilisé par un gouvernement se présentant
16
comme révolutionnaire pour qualifier l'ensemble de ses politiques, alors même que sa prise du
pouvoir est effective et achevée.
Qu’est-ce que la terreur ?
Le mot « terreur », dans le sens de « peur collective qu'on fait régner dans une population
pour briser sa résistance ; régime politique fondé sur cette peur, sur l'emploi des mesures
d'exception » apparaît en 1789. Le mot « terrorisme » (apparu en 1794) est fixé pour la
première fois dans le supplément de 1798 au Dictionnaire de l'Académie française pour
désigner une réalité nouvelle créée par la Révolution, de même que ses dérivés « terroriser »
(apparu en 1796 dans le sens premier de « frapper de mesures d'exception ») ; « terroristes »
(apparu en 1794). Le sens du mot « terrorisme » évolue ensuite, dès le début du 19e siècle,
pour désigner désormais une stratégie de contestation violente de l'Etat. De méthode de
conservation et de protection de l'Etat, il devient alors l'outil de sa remise en cause.
Qu’est-ce qu’une insurrection ?
Une insurrection est un soulèvement armé ou une révolte contre le pouvoir en place. Les
personnes agissant durant une insurrection sont des insurgés.
17
Dans les exemples d'insurrection, on note celle à l'origine de la Libération de Paris en août
1944, celle de Budapest en 1956.
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce en son article 2 le droit de
résistance à l'oppression parmi les quatre « droits naturels et imprescriptibles de l'homme ».
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 énonce en son article 35 :
« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et
pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des
devoirs ».
Paradise now ? Vers une révolution aujourd’hui ?
Aujourd’hui, les troubles se multiplient un peu partout dans le monde. Personne ne se réclame
plus de l’optimisme parfois béat et naïf de 68, les perspectives de chacun et de tous
s’assombrissent. Dans nos pays, ça gronde dans les banlieues, la crise fait trembler les beaux
quartiers, ailleurs fleurissent les émeutes de la faim… La France propose des réformes et des
sanctions qui sentent la dérive totalitaire, on veut brûler des livres, lapider des femmes,
exclure, trancher…
« Spectre tant de fois conjuré, perspective murée par ses propres dévoiements, la
révolution semblait reposer au cimetière de l’histoire. Pourtant, en dépit des exorcismes,
l’immense espoir qu’un jour tout pourrait changer, filtre de la conscience collective et
naît de l’enchaînement des événements. Ce fil rouge qui serpente à travers les siècles et
les continents n’a d’ailleurs jamais été rompu. Mouvement ouvrier, émancipation des
femmes et de tous les opprimés, libérations nationales : un nouveau chapitre attendil en ce moment même d’être écrit ? Les colères soulevées par la crise économique
inquiètent les commentateurs conservateurs. Conscients que leur modèle idéologique
s’effrite, ils scrutent avec inquiétude les signes du surgissement, auscultant ouvriers
français, chômeurs chinois, manifestants lettons... Un autre monde ? La course folle du
capitalisme vient en tout cas de fissurer celui que nous connaissons. » (Le monde
diplomatique, Comment naissent les révolutions ?)
Le monde diplomatique propose notamment un dossier de réflexion sur le thème Comment
naissent les révolutions ?
à consulter sur le lien suivant : http://www.monde-
diplomatique.fr/2009/05/A/17118
18
La Révolution française au théâtre
On ne peut plus concevoir le rôle du théâtre que dans une perspective
politique et révolutionnaire. Dans une nation réveillée, qui enfin se politise,
et où la parole est libérée, le théâtre doit sortir de ses salles closes, qui
tiennent du temple, du club, et du bordel. Il doit descendre sur les places,
dans les cortèges, dans les meetings ; il doit descendre dans la rue ; ou
plutôt il doit en naître : lié à l'événement, à l'histoire qui se fait,
commentaire lyrique ou critique de l'actualité, il doit être capable de
constituer des fables et des images, des récits et des caricatures, qui
puissent éclairer, donner à voir et à comprendre, dénoncer, exciter,
célébrer : théâtre de cirque, de parade, de guignol, et de création collective.
Gilles Sandier Tract distribué le soir où l'Odéon était occupé, mai 1968
Mettre en scène la Révolution française n’est pas un acte anodin, et beaucoup d’auteur et
de metteur en scène s’y sont essayés jusqu’au récent spectacle de d’Ores et Déjà. Cette façon
de regarder l’histoire, de se la représenter ou de proposer un regard critique sur sa
représentation
est
par
elle-même
déjà
un
acte
politique
et
participe
d’un
engagement particulier, ainsi que d’une conception singulière du théâtre et de son impact.
Retenons-en quelques regards singuliers :
Georg Büchner (1813-1837)
Il écrit La Mort de Danton, vers 1834-1835 alors qu’il est en exil à Darmstadt chez ses
parents pour activisme et qu’il milite contre l’exploitation paysanne par l’aristocratie (cf. le
Messager hessois pamphlet révolutionnaire). Drame historique, la pièce raconte comment,
au cœur de la Terreur, les dantonistes souhaitent mettre fin à la Révolution et proposent
un projet de république en forme d’utopie sans plus vraiment croire en leurs actions ni en
leurs propos. Les discours de Danton et Robespierre son marqués de fatalisme et de la mise en
doute d’une certaine pensée caractéristique des Lumières. L’ensemble, constitué de 32 scènes
fragmentaires oscille perpétuellement entre la sphère de l’Histoire, telle qu’elle est déjà
racontée de façon officielle (Thiers) et une pensée plus subjective, qui met en scène la
perception personnelle des évènements par les différents protagonistes. Ces micro-récits
19
donnent une image assez noire de l’histoire laissant voir cette période de la Terreur comme
processus qui ne se nourrit plus que de lui-même et ne peut aboutir qu’à sa propre destruction
et à la mort.
Monter cette pièce de Büchner, un auteur allemand qui a des sympathies révolutionnaires est
aussi significatif : Voici ce qu’en disait le metteur en scène allemand Thomas Ostermaier
lorsqu’il la mit en scène en 2001 (Création à la Schaubühne de Berlin puis présentation a
Avignon l’été suivant) :
« (…) C'est pourtant aussi une pièce sur la Révolution française.
Sur les trois mois pendant lesquels nous avons travaillé, nous avons planché un mois sur les idées de
la Révolution française. Nous connaissons le sujet. Mais c'est quand même une pièce écrite en 1835 en
Allemagne. Elle raconte quelque chose en relation avec une situation allemande. C'est-à-dire Büchner
qui n'a pas réussi à faire partie d'une révolution, c'est-à-dire l'Allemagne qui n'a pas été capable de
faire une révolution. C'est la pièce d'un révolutionnaire désespéré, qui n'a pu changer la société.
D'ailleurs, le puritanisme de Robespierre et l'hédonisme de Danton, tels qu'ils apparaissent dans la
pièce, sont les deux côtés de l'âme de Büchner. (…)
En Allemagne, la pièce de Büchner est un monument. Avez-vous voulu rompre avec la mise en scène
traditionnelle ?
C'est l'une des pièces préférées des Allemands. Presque l'équivalent de Faust. C'est un mythe. Pour la
génération de 1968, elle alimentait les débats des gauchistes. J'ai vu beaucoup de mises en scène de la
pièce mais ceux qui attendent un travail iconoclaste, qui ont vu Shopping and Fucking risquent d'être
déçus. Je n'ai pas voulu détruire la pièce, ni même la pétrir à ma façon. Je l'admire tellement, j'y tiens
tellement !
Il était déjà difficile de faire passer, de faire comprendre ce que dit La Mort de Danton : c'est une
réflexion sur les jeunes générations qui essaient de reconstruire et de réinventer le monde. C'est très
proche de notre vie. Je ne cherche pas à répondre aux anciennes mises en scène. J'ai cherché mon
propre chemin.
Jouer La Mort de Danton à Avignon, cela a-t-il un sens particulier ?
Jouer devant le public français cette pièce dans une perspective allemande, c'est très important pour
nous. C'est notre volonté. Nous avons préféré donner cette pièce-là, et pas l'une des autres que nous
avons montées récemment. Venir dans cet esprit, à Avignon, nous donne encore plus de joie à jouer.
20
Romain Rolland (1866-1944)
Prix Nobel de littérature en 1915, cet homme de lettre aujourd’hui un peu méconnu, est
l’auteur de nombreux romans, écrits politiques, pièces de théâtre et écrits dramaturgiques. Il
figure parmi les intellectuels de gauche les plus importants de l’entre-deux-guerres.
Convaincu par l’Europe, il est anti-nationaliste, communiste et profondément pacifiste. Contre
l’élitisme intellectuel et culturel, il est partisan d’un art populaire et social. Il écrit de
nombreuses pièces dont une série de huit, rassemblées sous le titre de Théâtre de la
Révolution. Cet ensemble commencé en 1898 est achevé en 1938. Pâques fleuries, le
Quatorze juillet, les Loups, le Triomphe de la raison, le Jeu de l’amour et de la mort, Danton,
Robespierre, les Léonides. Rolland y interroge le cours de l’histoire et invite stimuler le
questionnement politique de son époque à partir du concept de révolution. Il veut reconstruire
une mémoire de l’action populaire et ainsi réveiller une pensée révolutionnaire. Ce
questionnement politique et historique va de pair avec une réflexion sur le théâtre avec la
publication de Le Théâtre du peuple. Il y propose une réflexion sur le théâtre populaire, une
invite à retrouver l’idéal antique en renouvelant le répertoire et la dramaturgie de son
époque.Les pièces sur la Révolution sont destinées ici à se muer en véritable fête
révolutionnaire et en manifestation populaire.
Ariane Mnouchkine (1939-)
En 1970, la troupe du Théâtre du Soleil s’installe dans des bâtiments désaffectés de la
Cartoucherie de Vincennes. C’est là désormais que le Théâtre du Soleil déploiera toute la
force de ses spectacles. D’entrée de jeu, comme un acte fondateur, La troupe, formée au jeu
choral présente deux spectacles inspirés de la Révolution française, 1789, la Révolution doit
s'arrêter à la perfection du bonheur (1971) et 1793, la Cité révolutionnaire est de ce monde
(1972). Le sujet, la Révolution, et la nature du travail théâtral, une création collective, vont se
combiner pour un maximum de cohérence : Mnouchkine écarte toute contradiction entre le
discours du spectacle et sa mise en œuvre : un même esprit doit les animer. Le public est luimême impliqué : soit, il regarde le spectacle du haut de gradins qui surplombent et sont
extérieurs à l’action, soit, il s’immerge littéralement dans le spectacle. Avec ce spectacle,
Mnouchkine convoque aussi le théâtre de foire, aussi initiateur du théâtre révolutionnaire
russe (le Balagan), où des bateleurs racontent l’histoire sur la place publique.
21
Le second volet, 1793, qui intègre aussi le public dans l’action, invite à réfléchir à la
Révolution et ses dernières années, et implique d’avantage une pensée politique.
Bernard Dort dans l’Avant Scène rend très bien compte de cette nouvelle dramaturgie de la
révolution :
« On sait que le théâtre français a peur de l’histoire — de l’histoire de France notamment. Depuis
Romain Rolland, on n’avait plus essayé de recréer, théâtralement, cette période capitale et, oh
combien, théâtrale de la vie de notre nation. Ou, quand on l’abordait, c’était par le gros bout de la
lorgnette (Anouilh dans Pauvre Bitos, par exemple). Le Théâtre du Soleil n’a pas reculé devant
l’ampleur de la tâche c’est bien la Révolution Française, non la destinée de tel ou tel héros
révolutionnaire, qui est l’objet de ses spectacles. Et d’emblée, le point de vue adopté est clair : cette
Révolution est vue, revécue et jouée par le peuple. 1789-1793 apparaît ainsi comme la contrepartie
de La Mort de Danton de Büchner (1835) que Vilar avait présenté, pour la première fois en France,
au T.N.P. Du même coup, c’est un nouveau théâtre historique que nous propose 1789-1793 : certes
pas celui des grandes individualités jouant leur destin sur fond de peuple, mais pas non plus ce théâtre
de masse où le peuple passe au premier plan, faisant à lui seul figure de personnage tentaculaire et
spectaculaire, de règle pendant les années 20. Ici, l’événement historique est vécu, au niveau du
quotidien, par des gens du peuple, et les spectateurs sont immergés dans ce quotidien historique. Ceci,
qui n’était encore qu’esquissé dans 1789, fonde 1793 : tout part de " l’Assemblée du quartier des
Halles, la section de Mauconseil ", tout y ramène ; c’est à travers cette section que nous voyons et
vivons la Révolution ou, du moins, trois années de cette Révolution (de 1792 où est demandée la
déchéance du Roi jusqu’en 1793 où est promulguée la " loi du maximum " pour les prix, " dernière
grande victoire populaire "). Et, après avoir, dans 1789, été appelés à participer à la fête où le peuple
revit ce qu’il a vécu, ce qu’il a fait et n’a pas fait, les spectateurs sont conviés à devenir sinon des
22
sectionnaires du moins le public de l’époque qui, dans une église désaffectée devenue le lieu de
réunion de la section, écoute, voit et juge l’histoire vécue au jour par le jour par les sectionnaires.
C’est là où le Théâtre du Soleil aurait pu achopper. A l’illusion de l’histoire officielle (critiquée,
dans les " tableaux vivants" de 1789 ou dans la " Parade" qui ouvre 1793), il aurait pu substituer
une autre illusion : celle d’une histoire plus vraie, au niveau même du vécu populaire ; à la
Révolution Française des manuels celle de contre-manuels rédigés " au nom du peuple ". Sans
doute, une telle tentation est-elle présente dans 1789-1793 et, parfois, une communion spectateursacteurs s’établit-elle sur la base de l’événement recréé et ressenti comme si on y était. Mais le
Théâtre du Soleil a garde d’y céder tout à fait. Il écarte ce leurre par le moyen même qui a failli
l’instituer par le théâtre. Les acteurs ne se donnent jamais totalement pour tel ou tel personnage
populaire, fut-il anonyme. Ils restent des comédiens d’aujourd’hui qui jouent des hommes
d’autrefois dans 1789 " des bateleurs qui racontent la Révolution ", dans 1793 des « sectionnaires,
des sans-culottes qui se racontent la Révolution ". Sans cesse, une distance née du décalage entre le
comédien et sa fonction vient rectifier l’illusion. Il s’agit bien d’un groupe actuel, le Théatre du Soleil,
qui représente pour des spectateurs d’aujourd’hui l’histoire d’hier - une histoire qu’ils racontent en la
jouant plus qu’ils ne la recréent et l’incarnent. Ainsi, le spectacle, en apparence simple et direct, n’est
plus seulement l’objet d’une jouissance ou d’une émotion commune : il devient occasion de réflexion,
et le théâtre, de moyen d’illusion, instrument de connaissance. Une connaissance en acte, progressive,
vécue dans le spectacle mais qui est loin de s’apaiser avec lui. C’est peut-être cela qui fait
l’exemplarité du Théâtre du Soleil, comme son succès et son rayonnement il nous enseigne,
concrètement, comment parler du passé au présent. Dans 1789-1793, l’histoire est non seulement
j’objet mals encore le moteur même de la représentation. Elle apparait, en fin de compte, comme une
tâche à accomplir par le peuple il faudra bien qu’un jour, comédiens et spectateurs puissent dire pour
de bon, au théâtre et ailleurs, que " la cité révolutionnaire est de ce monde ".
DORT Bernard, " L’histoire jouée ", L’Avant-Scène Théâtre, n°526-527, octobre 1973.
Le collectif d’Ores et déjà
Les jeunes trentenaires du collectif d’Ores et déjà sont nés dans les années 80, c'est-à-dire à la
fin de la guerre froide. Enfants lors de la chute du mur de Berlin et des grandes célébrations
du bicentenaire de la Révolution, ils sont aussi les héritiers de 200 ans de regards
changeants sur cette période fondatrice. Avec Notre terreur, ils posent un regard sans
concession sur la révolution et la Terreur mais surtout sur tout ce que l’historiographie
en a fait. En mettant Robespierre au centre du propos, ils interrogent aussi cette figure dont
la tradition historique fit un monstre sanguinaire, et cherchent dans les interstices l’origine du
mythe et le nœud du conflit et surtout, le rôle du théâtre dans ce questionnement.
23
« Dès que l’on pose, en Histoire, la question d’un renversement de l'ordre social existant dont
le mouvement est une révolution, on est confronté à un moment à la question de la
violence, qui peut parfois atteindre la terreur; comme en 1793-1794. D’autre part, en 1989,
deux cents ans après la Révolution, c’est la chute du mur de Berlin, et cette célébration un peu
décaféinée du bicentenaire de la Révolution, dont je garde un souvenir flou vu que j’étais
enfant. Il y a eu, depuis, une réappropriation terrible des vocables révolutionnaires. J’avais
également en tête le courant historiographique représenté par l’académicien François Furet
qui condamne la Terreur, avec une sorte de dégoût, né de la peur... Ce qui me fascine, surtout,
c’est ce paradoxe fondateur de la société moderne entre Égalité et Liberté. Ces deux
concepts ont généré des conflits terribles en deux cents ans, allant de la liberté jusqu’au
libéralisme, et de l’égalité à l’égalitarisme. Ce matériau de travail permet des éclairages
intimes puissants puisqu’il me semble que chacun vit en permanence avec cette contradiction
entre les deux concepts. »
(…) Nous sommes nés des années quatre-vingt dont le spectre hante l’oubli du déjà-vu;
quelque chose depuis n’a cessé d’être détourné; quelque chose a été contourné si vous voulez.
Le théâtre peut-être n’a pas fait là, nous entendons, dans sa pleine mesure, ce qu’il avait à
faire, ou un regard: Penser la Terreur.
Nous nous devons de regarder cette enfant d’alors dans les yeux, parfois démocrate qui se
laisse aller vers le couteau, parfois tyran. Regarder aujourd’hui sa tronche de môme vieillie et
24
regarder le général dégoût qu’elle nous inspire ; mais aussi nous regarder dans nos parfois
envies de guerre civile, regarder notre en nous chacun petit Robespierre. Regarder le petit
spectre revenant de 1793. Il y a cette phrase de Brecht dans Fatzer : “De même que les esprits
d’autrefois venaient du passé/de même ils nous viennent maintenant de l’avenir.”
La Terreur a-t-elle un avenir ? Est-ce raisonnable ? Pour regarder tout cela à la bonne
distance, il fut évident qu’il fallait remonter le fleuve à sa source, la R.F. la fille dans les
sangs. Il fut évident qu’il fallait regarder un homme de 1793-1794 dans le moment du
despotisme de la Liberté. Il fallait que cet homme ne soit pas naturellement un chef, il nous
fallait un homme sans génie dramatique, un homme de manque, le contraire du héros des
industries du rêve, mais un homme dont l’idéal démocratique ne soit vexé par aucune réalité,
malgré la naïveté et le génie, la possibilité d’être face à un esprit et un corps, et le conflit
que cela offre. Robespierre est notre homme. »
Interview de Sylvain Creuzevault in : Cahier-Programme du Théâtre de la Colline, saison
2010-2011 Propos recueillis par Eve Beauvallet pour le Festival d'Automne.
Sylvain Creuzevault porte-parole et metteur en scène du collectif, explique aussi longuement
dans nombres d’interviews comment l’acte de faire du théâtre à travers un travail collectif
est en lui-même un processus politique.
En effet, depuis le spectacle Le père Trallalère, qui proposait une réflexion sur la
déconstruction de la structure sociale de base, le noyau familial, le collectif s’est lancé dans
un vrai travail démocratique sur le plateau, basé sur l’improvisation.
« Notre Terreur » était partie d’une crise au sein du groupe, sur la question de l’engagement
et de l’identité politique du collectif.
Après nombre de lectures et de phases documentaires sur la Terreur et ses protagonistes, les
comédiens ont fait des propositions d’improvisations reliées entre elles par la suite.
« -La réflexion politique au cœur de Notre terreur alimente sûrement celle sur le
fonctionnement de la compagnie d’ores et déjà. Vous revendiquez des créations collectives,
sans hiérarchie entre metteur en scène et acteurs…
S.C : Cela alimente en effet la question suivante : la répétition est-elle ou non un espace
social ? Savoir ce que doit être la troupe, nos modes de fonctionnement, nos moyens de
production, savoir ce que doit être le théâtre public, s’il faut passer dans une structure
égalitariste, égalitaire, s’il est possible de fonctionner en véritable démocratie, sont
autant de débats permanents dans d’ores et déjà.
(…) Notre travail collectif consiste à trouver le processus qui ne rende pas le metteur en scène
plus important que l’acteur. L’acte de mise en scène ne m’appartient pas uniquement puisque
25
l’acteur en est le principal ouvreur. Il me semble cependant primordial d’avoir le regard
extérieur du metteur en scène pour savoir si les propositions sont ou non saisissables.
Le théâtre est toujours pour moi une histoire d’espace, une façon de trouver la bonne
distance avec laquelle observer les choses. »
Interview de Sylvain Creuzevault. Propos recueillis par Eve Beauvallet pour le Festival
d'Automne.
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L’insurrection qui vient
La vie s'écoule, la vie s'enfuit
Les jours défilent au pas de l'ennui
Parti des rouges, parti des gris
Nos révolutions sont trahies
Le travail tue, le travail paie
Le temps s'achète au supermarché
Le temps payé ne revient plus
La jeunesse meurt de temps perdu
Les yeux faits pour l'amour d'aimer
Sont le reflet d'un monde d'objets.
Sans rêve et sans réalité
Aux images nous sommes condamnés
Les fusillés, les affamés
Viennent vers nous du fond du passé
Rien n'a changé mais tout commence
Et va mourir dans la violence
Brûlez, repaires de curés,
Nids de marchands, de policiers
Au vent qui sème la tempête
Se récoltent les jours de fête
Les fusils sur nous dirigés
Contre les chefs vont se retourner
Plus de dirigeants, plus d'Etat
Pour profiter de nos combats
Raoul Vaneigem
L’Insurrection qui vient est de ces écrits incendiaires, brûlants et cinglants que l’on imagine
imprimés la nuit dans une cave clandestine, un long jeu de massacre social qui décille, glace
et désespère, mais ouvre aussi la porte au doute, face à des perspectives pour le moins
radicales… Coline Struyf, jeune metteure en scène récemment associée au Théâtre national a
choisi de se colleter avec ce brûlot et d’en proposer une déclinaison théâtrale, une proposition
qui sera visible sous forme d’atelier dès le 21 septembre au studio.
Le texte de l’Insurrection qui vient
Ce petit opuscule de 125 pages, publié à La fabrique en mars 2007, est signé par le « Comité
invisible », auteur ou groupe d’auteurs anonyme donc.
La première partie de l'essai est constituée de sept sections, nommées « cercles »,
probablement en référence aux neuf cercles de l'Enfer décrits par Dante dans sa célèbre
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Divine Comédie. Chacun de ces cercles vise à explorer un thème, un aspect du désastre en
cours. Ces 7 cercles dressent un état des lieux des disfonctionnements de notre civilisation
occidentale. Tout y passe à la moulinette : le travail, la famille, l’éducation, la police,
l’économie (croissance et décroissance), la Nation, les convictions…Chaque problème est mis
à plat, chaque solution pesée et rejetée. Que reste-t-il alors ? L’insurrection, peut-être…
« À force, on a compris ceci : ce n’est pas l’économie qui est en crise, c’est l’économie qui est la crise; ce
n’est pas le travail qui manque, c’est le travail qui est en trop ; tout bien pesé, ce n’est pas la crise, mais la
croissance qui nous déprime. » » Insurrection p.49
« Il n’y a pas de «catastrophe environnementale». Il y a cette catastrophe qu’est l’environnement » »
Insurrection p.59
« Il n’y a pas de « choc des civilisations ». Ce qu’il y a, c’est une civilisation en état de mort clinique, sur
laquelle on déploie tout un appareillage de survie artificielle, et qui répand dans l’atmosphère planétaire une
pestilence caractéristique. A ce point, il n’y a pas une seule de ses « valeurs » à quoi elle arrive encore à croire en
quelque façon, et toute affirmation lui fait effet d’un acte d’impudence, d’une provocation qu’il convient de
dépecer, de déconstruire, et de ramener à l’état de doute. (…)Voilà. Nous avons un cadavre sur le dos, mais on
ne s’en débarrasse pas comme ça. Il n’y a rien à attendre de la fin de la civilisation, de sa mort clinique. Telle
quelle, elle ne peut intéresser que les historiens ? C’est un fait, il faut en faire une décision. Les faits sont
escamotables, la décision est politique. Décider la mort de la civilisation, prendre en main comment cela arrive :
seule la décision nous délestera du cadavre. » Insurrection, p.77
« Un autre réflexe est, au moindre mouvement, de faire une assemblée générale et de voter. C’est une erreur. Le
simple enjeu du vote, de la décision à remporter, suffit à changer l’assemblée en cauchemar, à en faire le théâtre
où s’affrontent toutes les prétentions au pouvoir. Nous subissons là le mauvais exemple des parlements
bourgeois. L’assemblée n’est pas faite pour la décision mais pour la palabre, pour la parole libre s’exerçant sans
but. », » Insurrection p112.
L’affaire dite « de Tarnac »
Le 11 novembre 2008, à Tarnac, petit village de Corrèze où ils vivent en communauté, un
groupe de jeunes gens, dont Julien Coupat, sont victimes d’une arrestation policière musclée
(150 policiers, chiens, hélicoptères, menottes). On reproche à Julien Coupat d’être le leader
d’une « cellule invisible », mouvement d'"ultragauche" auquel sont imputés des sabotages sur
une ligne de chemin de fer ; il s’agit du placement de fers à béton sur des caténaires d’une
ligne de TGV. Ces actes, qu’aucune preuve n’a jamais pu relier à Julien Coupat sont
considérés comme actes terroristes. Julien Coupat est mis en examen pour « direction d'une
association de malfaiteurs et dégradations en relation avec une entreprise terroriste » avec huit
autres personnes. Il sera maintenu plus de six mois en détention provisoire avant d’être libéré
faute de preuves et placé sous contrôle judiciaire, le 28 mai 2009.
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Les avocats des personnes en cause contestent depuis le début de l'enquête la qualification
"terroriste" des actes et dénoncent une opération politique visant des jeunes gens soupçonnés
par les enquêteurs d'appartenir à la mouvance "anarcho-autonome". Coupat est en outre
accusé d’être l’auteur de l’Insurrection qui vient, ce qu’il nie, même s’il affirme être en parfait
accord avec son contenu.
Le spectacle
Coline Struyf a choisi de mettre ce texte en perspective en le confrontant avec les faits de
l’Affaire de Tarnac en France, un épisode particulièrement reluisant d’intervention policière
et d’arrestation abusive sous couvert d’action de prévention contre le terrorisme.
Les comédiens jouent donc les différents protagonistes de l’Affaire : journalistes, avocats,
accusés, parents des accusés, animateurs de télévision qui nous retracent les tenants et
aboutissants de l’affaire, en entrecoupant le récit de paragraphes tirés de l’Insurrection qui
vient qui fonctionnent comme des contre-points, des coups de poing accusateurs assenés à
cette même société qui emprisonne et accuse ceux qui simplement la mettent en cause.
« Théâtre National : Pourquoi as-tu voulu amener ce texte au théâtre ?
Coline Struyf : C’est un livre étrange, un livre poétique bien plus qu’un essai politique qui
d’ailleurs, en tant que tel, résiste mal à l’analyse, comporte des failles et ne tient pas la route.
Il y a une esthétique de l’écriture, une avancée en sept cercles. Nous sommes embarqués dans
une pensée bien sûr mais il y a des phrases absolument magnifiques. En un paragraphe, toute
une part de nos réalités est condensée, et ça c’est l’attrait de la littérature, de la poésie. C’est
une parole qui flambe ! C’est passionnant d’amener ça à des acteurs. Il y a tellement
d’envolées qu’on peut se réapproprier le texte sur un plateau et dire pourquoi et où ça nous
touche. S’il y a là une énergie à capter c’est bien parce que ces sentiments nous traversent,
parce qu’il y a une reconnaissance qui s’opère. »
Propos recueillis en juin 2010 par Cécile Michaux
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