5
Notre terreur
« Notre terreur, ce n’est pas la Terreur, ce sont nos voix discordantes et
violentes si belles qu’on ne peut les voir sans rougir, étouffées qui appellent
et qui meurent sans qu’on les ait écoutées.
Notre terreur n’est pas de soigner un ulcère, c’est de l’ouvrir. »
Sylvain Creuzevault
Le jeune collectif français d’Ores et déjà nous présente en ouverture de saison Notre terreur,
spectacle coup de point qui fait œuvre de véritable théâtre politique en interrogeant les
sources mêmes de la démocratie et de la République française, la Révolution, et à travers cette
période, ses années les plus noires, les plus difficiles à interpréter en matière de choix et de
nécessité politique, la Terreur.
Qu’est-ce que la Terreur ? Quel sillon laisse dans notre présent l’idéal de démocratie et
de pureté des hommes de quatre-vingt-treize ? Comment regardons-nous cette “scène
primitive” de la légende révolutionnaire ?
Cette courte période qui va de la mort de Danton à la veille de celle de Robespierre est ici
décortiquée, réinterrogée, réappropriée, différemment chaque soir puisqu’une partie est
improvisée. Elle met en scène les conflits, d’intérêt et d’opinion qui agitèrent les douze
hommes aux prises avec le destin de toute une nation. Il s’agit ici de prendre un contre-pied,
de s’éloigner de la vision dominante de la Révolution aujourd’hui, comme chariant un fleuve
de sang et baignant dans une violence et une cruauté sauvages. La véritable question est
plutôt ici celle de la nécessité de la violence et de la terreur.
Sujet grave, s’il en est, mais qui trouve ici son déploiement et sa force de frappe critique par
un développement ludique, contemporain, et désacralisé, très loin de tout théâtre historique et
de tout discours pontifiant.
Dix hommes ici sont attablés, affairés, exténués. Tour à tour déterminés, en colère ou
réticents : Notre terreur nous plonge directement au cœur de l’effondrement de la
Terreur et de la chute de Robespierre, entourés des membres du comité de salut public.
La Terreur ici en écho avec le temps présent et ce qui nous terrifie…ou nous
terrorise…Comme un chœur de militants d’aujourd’hui, agitant avec ferveur et violence la
question des rapports entre le terrorisme et l’Etat, dans ces heures sombres qui fondèrent nos
démocraties. La proximité avec les spectateurs, constante et loin des morceaux de bravoures
des pièces historiques nous rend tous complices et témoins de l’Histoire qui se fait et de ce
que l’on peut lui faire dire. Rendre son humanité fondamentale à la Terreur, donc
puisque faite par des hommes.