ENTRENOUS LA RADIOTHÉRAPIE SOUS L’ATTAQUE des RAYONS La radiothérapie est le traitement de choix pour divers cancers de la prostate par les Drs Carole Lambert et Jean-Paul Bahary La radiothérapie externe sert depuis longtemps à traiter — avec succès — le cancer de la prostate. Elle n’exige pas d’hospitalisation et, contrairement à la chirurgie, n’est pas réservée aux hommes plutôt jeunes et en santé ou à ceux dont le cancer est localisé (voir l’arbre décisionnel, page 7). Ses effets secondaires graves, sauf l’impuissance, sont rares. Dans les cas de diagnostic précoce, quand le cancer ne s’est pas propagé hors de la prostate, on peut aussi implanter des granules radioactives à des endroits précis pour supprimer les petites tumeurs. Cette radiothérapie interne s’appelle curiethérapie. La Dre Carole Lambert est radio-oncologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), Hôpital Notre-Dame et Hôpital Hôtel-Dieu Le Dr Jean-Paul Bahary est radio-oncologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), Hôpital Notre-Dame À qui convient ce traitement ? Cas de tumeur peu avancée Si la tumeur commence tout juste à croître (voir « Faible risque », page 6), la radiothérapie est une solution de rechange valable à la chirurgie, qu’il s’agisse d’irradiation externe ou de curiethérapie. On préférera également la radiothérapie si la chirurgie pose un trop grand risque parce que le patient est âgé ou atteint d’une maladie cardiaque, pulmonaire, vasculaire ou autre. Certains hommes choisiront ce traitement après avoir évalué les effets indésirables des différentes options possibles pour les petites tumeurs. Cas de tumeur modérément évoluée ou avancée localement La radiothérapie est souvent le traitement de choix quand la tumeur est modérément avancée ou à tout le moins confinée à la prostate (voir « Risque moyen », page 6). Et on l’associe souvent à une hormonothérapie de courte ou de longue durée. Mais un porteur d’une telle tumeur peu évoluée optera plutôt pour la chirurgie, tandis qu’un homme ayant une tumeur plus avancée choisira l’hormonothérapie seule. La curiethérapie en traitement unique n’est pas indiquée, quoiqu’on puisse la combiner à la radiothérapie externe. 10 ENTRENOUS Après la chirurgie Il y a deux situations où le chirurgien pensera à la radiothérapie externe après avoir enlevé la prostate du patient (prostatectomie radicale). Si le rapport détaillé du pathologiste sur les tissus prélevés pendant la chirurgie ne le convainc pas complètement que toutes les cellules cancéreuses ont été éliminées, il peut proposer des séances de radiothérapie pour éviter une récidive cancéreuse. Il en va de même si le taux d’APS (antigène prostatique spécifique) augmente au cours des années suivant l’intervention, laissant soupçonner qu’une tumeur s’est reformée dans la région où était la prostate. En traitement palliatif Quand le patient souffre de douleurs osseuses ou pelviennes, de compression d’un vaisseau sanguin, de saignements ou de tout autre symptôme lié au cancer prostatique, des séances de radiothérapie allant d’un jour à trois semaines pourraient le soulager, selon le siège des symptômes et la présence d’autres facteurs. Comment cela se passe-t-il ? Radiothérapie externe Cette forme d’irradiation, la plus courante, consiste à diriger des rayons X de haute énergie sur la prostate, et parfois sur les ganglions du bassin si on croit que les cellules cancéreuses s’y sont propagées. À la première visite de planification du traitement, on utilise la tomodensitométrie (le scan) pour visualiser la prostate et les LE CHAMP DE TRAITEMENT Coupe transversale du bassin vu de côté le long d’un faisceau d’irradiation. La prostate est au centre, en rouge ; les trois points blancs sont les grains d’or qui servent de repères en vue du traitement quotidien. Le champ de rayonnement correspond à la tache verte délimitant la prostate et une mince lisière de son pourtour ; il ne couvre qu’une petite partie de la paroi du rectum (contour en rose) et de la vessie (contour en bleu). ENTRENOUS 11 vésicules séminales par rapport aux organes avoisinants (rectum, vessie, têtes des fémurs). En général, on effectue aussi une urographie, soit l’injection dans l’urètre d’un liquide radioopaque au moyen d’une seringue de plastique lubrifiée. Cet examen vise à repérer la limite inférieure de la zone à irradier. On peut également fabriquer un moulage des jambes du patient pour qu’il demeure immobile et toujours dans la même position à chaque séance de radiothérapie. À la deuxième visite, on vérifie le plan de traitement par une simulation sur des images radiologiques, et on trace les limites des zones à irradier ainsi que d’autres repères sur la peau du patient. La radiothérapie proprement dite débute quelques jours plus tard. Selon le patient, elle s’échelonne sur 32 à 38 jours ouvrables consécutifs, chaque séance durant quelques minutes. Le patient est couché sur le dos tandis que l’appareil tourne autour de lui (sans le toucher) et s’arrête à divers angles du corps. Les fortes doses de rayons sont concentrées sur la prostate pour ne pas abîmer les tissus sains qui l’entourent. Les cellules cancéreuses détruites sont « digérées » par l’organisme, ne laissant qu’une cicatrice fibreuse. Curiethérapie L’implantation permanente ou temporaire de granules radioactives est une autre forme de radiothérapie. La version « permanente » est la plus répandue ; l’implantation LES EFFETS SECONDAIRES DE LA RADIOTHÉRAPIE EXTERNE À court terme Les effets indésirables surviennent habituellement après quelques semaines de traitement, pour disparaître dans les quatre à six semaines après la fin des séances. Ils ne touchent pas tous les patients et ils varient beaucoup d’une personne à l’autre. • Problèmes urinaires. C’est le résultat de l’inflammation ou de l’irritation de la prostate et des organes proches. En augmentant de volume sous l’effet des rayons, la prostate peut bloquer partiellement ou complètement le passage de l’urine. D’où la difficulté à commencer à uriner, la miction par jets intermittents, voire l’incapacité totale à uriner. L’irradiation d’une partie de l’urètre peut causer une sensation de brûlure à la miction, et celle d’une portion de la vessie, une fréquence accrue des mictions. En effet, la vessie irritée tend à se contracter plus souvent et, malgré le peu d’urine emmagasinée, le patient a des envies urgentes. • Irritation rectale. L’irradiation d’une partie du rectum peut causer une sensation de brûlure au passage des selles, avec des selles moins bien formées et plus fréquentes, ainsi que des crampes douloureuses à l’anus. • Fatigue. Comme toutes les formes de radiothérapie, l’irradiation de la prostate peut entraîner une fatigue plus ou moins intense. À long terme Les effets indésirables de la radiothérapie peuvent se manifester plusieurs mois, sinon plusieurs années après le traitement, et ils sont en général permanents. • Saignements. La muqueuse rectale peut devenir très fragile et saigner facilement au passage des selles. • Défécation et miction. Les cicatrices causées par l’irradiation peuvent rendre le rectum et la vessie moins élastiques et entraîner une augmentation permanente de la fréquence des selles ou des mictions. • Impuissance. La compression des nerfs et des vaisseaux sanguins par le tissu cicatriciel peut occasionner une difficulté érectile, voire l’impuissance complète. • Fertilité. Comme les testicules reçoivent une forte dose de rayonnement, la fertilité est compromise en permanence. Cela a souvent peu d’importance pour la plupart des patients, qui n’en sont plus à l’âge de fonder une famille. temporaire fait présentement l’objet de nombreuses études. La curiethérapie permanente comporte trois étapes : • la planification — on établit le volume et la forme de la prostate, et on décide du nombre et de la position des granules • la mise en place des granules par guidage échographique, sous anesthésie générale ou régionale • la vérification de la position des granules, par radiographie Cette version est la plus avantageuse : elle permet d’exposer le moins de tissu possible à une forte dose de rayonnement, le traitement se fait en un seul jour, la convalescence est moins longue et cause moins d’effets indésirables. D’après des études maintenant à terme, la curiethérapie permanente entraînerait aussi de moins nombreuses complications sexuelles. Mais tous les hommes ne sont pas candidats à ce traitement, particulièrement si la tumeur est avancée, si la prostate est volumineuse ou si on a déjà effectué une résection transurétrale de la prostate dans le passé. Radiothérapie conformationnelle et à modulation d’intensité Si la radiothérapie classique a connu tant de changements ces dernières années, c’est surtout en raison des percées de l’informatique (création de logiciels de planification perfectionnés), mais aussi grâce aux collimateurs multilames (de fines lamelles situées dans la tête de l’appareil de radiothérapie permettent de « conformer » les rayons à la cible tout en protégeant les tissus sains avoisinants). La recherche Les récents progrès de la radiothérapie ont amélioré les taux de guérison et la qualité de la vie des patients atteints de cancer prostatique. Et l’homme qui vient de recevoir ce diagnostic a désormais un éventail d’options plus large. Tous les axes de recherche sont explorés présentement, et la prochaine décennie s’annonce prometteuse quant à l’optimisation de la radiothérapie. 12 ENTRENOUS