8 9
LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX
une place spécifique aux tiers pour les
décisions de soins. La place croissante
des associations d’usagers et de familles
au niveau des espaces institutionnels de
concertation signe la reconnaissance
du rôle des proches dans l’évolution de
la maladie mentale, et pourrait favoriser
une réelle dé-stigmatisation des malades.
La loi HPST a d’ailleurs voulu accroître
leur représentativité dans les espaces
décisionnels des établissements sur
les principes de démocratie sanitaire,
en prolongation de la loi du 4 mars
2002. Mais en psychiatrie, il faut
pouvoir intégrer à la réflexion les
risques de dérives que constituent des
actions de groupes de pressions moins
bien intentionnés qui exploitent les
amalgames entre la mauvaise image de
la psychiatrie, l’absence de délimitation
strictement scientifique de son objet
et les injonctions contradictoires qui
lui sont faites, pour s’autoproclamer
représentatifs de ses « victimes ».
oLa loi du 11 février 2005 pour l’égalité
des droits et des chances a satisfait les
associations pour la reconnaissance
du handicap psychique, comme un
moyen de favoriser l’intégration sociale
des malades. Mais le rapport sénatorial
d’information du 24 juin 2009 sur le
bilan des maisons départementales des
personnes handicapées nées de cette loi,
soulignait aussi les problèmes rencontrés
par les MDPH pour équilibrer leur budget
et développer leur activité quand la part
financière souvent insuffisante de l’Etat,
variable entre les départements, contraint
les conseils généraux à s’ajuster. Toute
modification de l’organisation territoriale
de la psychiatrie devra, pour être
coordonnée de manière efficace avec les
secteurs sociaux et médico-sociaux de
la santé mentale, intégrer les différents
niveaux d’intervention entre Etat et
collectivités territoriales ; et selon les
principes de déconcentration renforcée
par la loi HPST, c’est donc à la condition
que les ARS aient le pouvoir et la volonté
d’y veiller.
• La chronicité et la discontinuité psychique :
ole principal argument pour souligner
l’intérêt de la sectorisation comme
dispositif de soins psychiatrique
efficace tient dans la continuité
relationnelle que le secteur
coordonne entre hospitalisation
et soins ambulatoires, comme
dispositif contre la discontinuité
psychique d’un patient « bien connu
du service » atteint de maladie
chronique et d’expressions variables
au cours de sa vie. Cette continuité
s’appuie donc sur des personnels
en nombre suffisant pour assurer
le « plateau technique » propre
à la psychiatrie : la relation entre
soignant et patient, et souvent
étendue à ses proches par nécessité.
oLa psychiatrie a à traiter une part
importante d’affections longues
durées (ALD) : toute disposition
visant à contrôler les dépenses de
santé par une révision des prises
en charge des ALD devra bien
tenir compte de cette singularité
pour ne pas rendre inefficace son
organisation et ses prises en charge.
2.1.2 La psychiatrie dans la santé
mentale : effets sur la politique
sanitaire
C’est par la circulaire du 14-03-90 que la psychiatrie
a fait son entrée médico-administrative dans la santé
mentale, rappelle le HCSP. Mais pour ce qui est de
définir le concept de santé mentale et la psychiatrie,
le HCSP est obligé d’emprunter à la sociologie pour
au final n’aboutir qu’à la définition d’une différence
d’idiomes, « local » pour la psychiatrie « spécialisée
dans l’identification et le traitement de problèmes
particuliers », alors qu’il est « global » pour la santé
mentale, « qui met en forme et en sens les conflits
et dilemmes de la vie sociale contemporaine en
attribuant des causes ou des raisons à des problèmes,
très généralement liés à des interactions sociales ».
Ce qui ne dit rien sur la manière dont une politique de
santé devrait faire jouer à la psychiatrie son rôle dans
cette priorité de santé publique. D’autant que selon le
même HCSP « les questions de pathologie mentale ne
sont plus un secteur particulier de la société traité par
une discipline appelée la psychiatrie, mais un souci
transversal à toute la société faisant partie de l’agenda
politique ».
Comme dans tous les projets sur la santé mentale,
les tentatives de définitions de la psychiatrie et de
la santé mentale dont certaines visaient à mieux
faire passer « la psychiatrie vers la santé mentale »,
et « changer de paradigme » finissent, même quand
les intentions seraient assez bonnes pour essayer de
déterminer des besoins et des moyens, par aboutir à
une dé-spécification de la psychiatrie. La psychiatrie,
ramenée à une organisation commune aux autres
disciplines médicales, comme le préconise la Cour
des Comptes, se trouve alors surtout mise au régime
de la maîtrise des dépenses de santé.
Depuis l’ordonnance de simplification sanitaire
du 4 septembre 2003 la psychiatrie a, avec la
santé mentale, intégré l’outil de planification
sanitaire que constituent les SROS pour favoriser les
coopérations. Mais cette réforme de la planification
générale basée sur les besoins, et non plus sur des
équipements, se heurte pour définir l’organisation
de la psychiatrie qui serait basée sur les besoins, à la
difficulté de déterminer les besoins de santé mentale.
L’impossibilité de définir strictement la santé mentale
participe à cette difficulté et comme le soulignait
le Centre National de l’Expertise Hospitalière
engagé pour le rapport Milon sur la prise en charge
psychiatrique, il est aisé de confondre l’estimation des
demandes de santé mentale et celle des besoins.
Que ce soit par l’enquête diagnostique
populationnelle qui établit une « probabilité » des
besoins, l’extrapolation statistique de cas cliniques
révélés ou la modélisation présentée par V. Kovess
qui tente une différenciation entre besoins de santé
mentale et besoins de psychiatrie basée sur les aides
auxquelles les personnes accèdent (généraliste et
psychologue pour la santé mentale), les méthodes
envisagées pour déterminer de manière rationnelle
et quantifiée les besoins de santé mentale n’ont pas
permis de trancher.
Une enquête de l’IRDES de mai 2008 qui portait
sur la mise en place des territoires de santé par les
régions montrait que les manières d’y prendre en
compte les spécificités de la psychiatrie ne pouvaient
être univoques et combinaient aussi bien :
-une approche sanitaire basée sur l’analyse
du recours aux soins (soins hospitaliers
courants et médecine de ville)
-une approche populationnelle à partir des
données de bassins de vie de l’INSEE
-voire une approche basée sur les
organisations politiques locales telles que les
communautés de communes réunies autour
d’un projet de développement.
Avec la loi HPST, les dispositions qui visent
les établissements de santé interrogent encore
l’organisation de la psychiatrie : outre le fait que
la sectorisation psychiatrique a perdu son support
juridique depuis les réformes, comme le souligne la
Cour des comptes, l’appel à créer des Communautés
Hospitalières de Territoires, et que la FHF prône aussi
pour la psychiatrie, va à l’encontre des préconisations
pour une psychiatrie décloisonnée dans une santé
mentale non médicalisée, et alors que les reproches
faits aux secteurs et à l’organisation actuelle de la
psychiatrie sont d’être trop hospitalo-centrés.
Le plan psychiatrie et santé mentale 2012 a beau
affirmer que « dans ce domaine plus que dans
d’autres, les termes employés doivent être précisément
définis », on ne peut pas dire qu’il fait avancer
les rigueurs de définitions, avec sa santé mentale
en trois dimensions d’un côté (« la santé mentale
positive ; la détresse psychologique réactionnelle ;
les troubles psychiatriques) et la psychiatrie de
l’autre, « discipline médicale qui prend en charge les
affections psychiatriques caractérisées et les aspects
pathologiques de la souffrance psychique ».
Tout ça pour affirmer que « ce plan s’adresse aux
personnes vivant avec des troubles psychiatriques,
en particulier des troubles sévères générant parfois
du handicap, mais cette priorité politique ne portera
ses fruits qu’intégrée dans une prise en compte plus
globale de la santé mentale …enjeu de société qui
concerne l’ensemble des citoyens et pas uniquement
les professionnels de la psychiatrie ». La boucle est
bouclée, et la psychiatrie et la santé mentale n’en sont
pas plus avancées par des mesures concrètes.
L’étude menée par le HCSP pour son bilan du plan
santé mentale de 2008 auprès des professionnels de
différentes structures intervenant auprès des personnes
souffrant de troubles psychiatriques apporterait
pourtant quelques pistes dans cette dimension d’une
santé mentale qui intègre une psychiatrie décloisonnée
vers ses autres domaines de partenariats : le HCSP
souligne que le décloisonnement qui est en soi une
notion problématique a une pertinence pour une
majorité de professionnels, et tire deux conclusions :
« 1. Le débat qui opposerait une approche
hospitalo-centrée à une vision alternative, moins
institutionnalisée, des prises en charge, est mal posé.
Le développement d’alternatives à l’hospitalisation
et la construction de partenariats entre le sanitaire,
le médico-social et l’associatif pour favoriser le
travail commun fonctionnent d’autant mieux que les
partenaires peuvent s’adosser à l’hôpital public, pour
gérer les crises ou faire appel à des compétences
spécifiques.
2. Une tension très forte traverse le sanitaire autour