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LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX
Plan Psychiatrie et
Santé mentale
2011-2015
LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX
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LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX
Plan psychiatrie et santé mentale 2012 : tout ça pour ça ?
Communiqué SPH du 19 janvier 2012
www.sphweb.info
Nul n’était besoin d’engager le Haut Comité de Santé publique et la Cour des Comptes à établir un bilan du
plan psychiatrie et santé mentale de 2005 pour se contenter en 2012 d’un nouveau plan qui ne répond pas aux
insuffisances signalées par ces deux hautes instances soucieuses de coûts et d’efficacité des politiques publiques.
Nul n’était besoin d’annoncer depuis l’élaboration de la loi HPST qu’une réflexion spécifique pour la psychiatrie
justifierait une loi d’organisation, d’engager pour cela la mission Couty et de publier un rapport sénatorial
appelant lui aussi à une loi de santé mentale, pour au final réduire les travaux à un simple plan d’orientations
sans pouvoir incitatif.
Cette priorité de santé publique que constitue la santé mentale, à en croire les nombreux rapports sur la
psychiatrie, devra donc se contenter des 34 pages d’un simple assemblage de thèmes et de recommandations
régulièrement déclinées depuis 15 ans sans qu’il soit donné réellement les moyens de les mettre en œuvre.
Comment croire que de simples « orientations stratégiques » adressées aux ARS, dont l’absence de caractère
incitatif leur confère au mieux la qualité d’une liste de vœux pieux, au pire celle d’un simple exercice de style
adapté à une campagne électorale, puissent bâtir une politique de santé mentale, alors que la multiplicité des
missions et la diversité des champs concernés obligeraient à des dispositions et des mesures législatives de
portée nationale ?
Ainsi le ministère qui s’était montré particulièrement volontaire en matière de soins sans consentement pour
mener en juillet 2011 une réforme législative alambiquée et contraignante, apparaît beaucoup plus en retrait
lorsqu’il s’agit de redéfinir clairement l’organisation des soins psychiatriques, les moyens qui y sont consacrés et
les indicateurs de résultat, le minimum pourtant nécessaire pour assurer la prévention et les prises en charge en
santé mentale.
Après les réformes d’organisation sanitaire qui n’ont fait que gommer les spécificités de la psychiatrie et
pulvériser son cadre juridique d’organisation territoriale, la « mission de service public psychiatrique de
secteur » que la Cour des Comptes appelait à créer dans son bilan se réduit ici à la simple évocation d’une
« mission de service public psychiatrique de proximité ». Derrière les formulations imprécises ou tarabiscotées,
la volonté ministérielle d’enterrer l’échelon du secteur sous la nébuleuse d’ensembles plus vastes reste intacte.
Ce plan catalogue, où chaque acteur de santé mentale pourrait penser trouver l’orientation qui lui manquait,
n’est en fait que la marque du désengagement de l’Etat pour mener la réforme d’organisation attendue des
professionnels qui devrait préserver les spécificités de la psychiatrie nécessaires à la politique de santé mentale.
Alors que les derniers rapports dénoncent les disparités territoriales, ces orientations stratégiques molles laissées
aux initiatives de terrain et aux déclinaisons régionales ne pourront que les favoriser.
Dans cette entreprise d’évidement du secteur initiée par la réforme HPST, l’absence de cadre juridique propre
à la psychiatrie installe la dérive de son organisation qui aura pour conséquence de produire ce que le plan
prétend éviter : les ruptures de soins pour les patients.
JC. Pénochet, président du SPH
I. Montet, secrétaire générale du SPH
ORGANISATION DE LA PSYCHIATRIE ET DE LA SANTÉ
MENTALE : MIEUX QU’UN PLAN, UNE LOI
1. DES PROMESSES ET DES RAPPORTS ........................................................................................................ 4
2. UNE LOI GLOBALE DE SANTE MENTALE ................................................................................................. 7
2.1
PLANIFICATION SANITAIRE, PSYCHIATRIE ET SANTÉ MENTALE
.................................................... 7
2.1.1 Que fait-on des spécificités de la psychiatrie dans l’organisation sanitaire ? .............. 7
2.1.2 La psychiatrie dans la santé mentale : effets sur la politique sanitaire ....................... 8
2.2
ASSURER L'ORGANISATION DE LA PSYCHIATRIE POUR UNE POLITIQUE DE SANTÉ
MENTALE EFFICACE ..........................................................................................................................
10
2.2.1 Les avantages d’un secteur renouvelé ...................................................................... 10
2.2.2 Une organisation territoriale pour la santé mentale : secteur psychiatrique et
département ............................................................................................................ 11
2.3
FAVORISER LES COOPÉRATIONS ET LES DÉCLOISONNEMENTS DANS UNE MISSION DE
SERVICE PUBLIC PSYCHIATRIQUE DE SECTEUR ............................................................................
12
2.3.1 Des instances de concertations spécifiques pour acteurs multiples
.............................
12
2.3.2 Psychiatrie et champ médico-social : des articulations évolutives
...............................
13
2.3.3 Expérimentations des GCS établissements de territoires de santé mentale
.................
14
2.4
UNE LOI D’ORIENTATION POUR L’ENSEMBLE DES MISSIONS DE LA PSYCHIATRIE ....................
16
2.4.1 Perspectives pour la psychiatrie infanto-juvénile ...................................................... 16
2.4.1.1 L’évolution du dispositif sectoriel de psychiatrie infanto-juvénile .............................. 17
2.4.1.2 Un dispositif à renforcer dans une organisation d’ensemble ..................................... 17
2.4.2 Psychiatrie et justice ................................................................................................ 18
2.4.2.1 Soins aux personnes détenues .................................................................................. 18
2.4.2.2 Réformer l’expertise psychiatrique judiciaire ............................................................ 22
2.4.2.3 Les soins sous contraintes judiciaires ........................................................................ 25
2.5
UN VOLET POUR LA REFORME DE LA LOI DU 5 JUILLET ............................................................
26
2.5.1 Vers un mode unique de soins sans consentement .................................................. 27
2.5.2 La judiciarisation des soins sans consentement ....................................................... 27
2.5.3 Eléments pour une révision du texte de loi du 5 juillet 2011 ................................... 28
Avec les contributions de :
Dr Michel David, Dr Nicole Garret-Gloanec, Dr Yves Hémery, Dr Isabelle Montet,
Dr Jean-Claude Pénochet, Dr Fabienne Roos-Weil, Dr Gérard Rossinelli
PLAN PSYCHIATRIE ET SANTÉ MENTALE 2011-2015
Présenté en Conseil des Ministres le 29 février .... 30
ADHÉSION AU SPH
.................................................................................................................... 60
BUREAU NATIONAL 2009-2012
.................................................................................................. 61
CONSEILLERS NATIONAUX
........................................................................................................ 62
ANNONCES DE RECRUTEMENT
.................................................................................................. 64
Positions du SPH à propos du Plan psychiatrie et santé mentale 2011-2012
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LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX
1. DES PROMESSES ET DES RAPPORTS
IL ÉTAIT QUESTION D’UNE LOI
En avril 2008, le rapport Larcher lance la loi HPST
mais : « La psychiatrie, les hôpitaux publics de
taille importante et l’adaptation du cadre applicable
à l’Outre-Mer méritent une réflexion spécifique.
Ils n’ont pas fait l’objet d’un traitement ad hoc et
nécessiteront des études complémentaires, que la
commission appelle de ses vœux ».
Janvier 2009, Roselyne Bachelot expose en
Commission des affaires sociales de l’Assemblée
Nationale : « Comme le Président de la République
s’y est engagé en décembre dernier, je présenterai au
printemps prochain un projet de loi sur la psychiatrie
et la santé mentale. Il s’agira en premier lieu de
réformer la loi du 27 juin 1990 sur les soins et les
hospitalisations sans consentement des personnes
atteintes de maladies mentales. Le texte comportera
également un volet sur l’organisation de la santé
mentale et de la psychiatrie. Édouard Couty, à qui
j’ai confié la présidence d’une commission sur les
missions et l’organisation des soins de la psychiatrie
et de la santé mentale, doit me rendre son rapport
demain. En complément, je lui demanderai de
préparer les dispositions législatives nécessaires à
une meilleure prise en compte de la spécificité de
la psychiatrie, de l’entourage des malades et des
professionnels de santé, afin de mener une politique
de la santé mentale ambitieuse. ».
Ce que préconise ce rapport Couty attendu c’est
« une loi de santé mentale intégrant les soins,
la réinsertion sociale et l’accompagnement des
malades ». Trois mois plus tard, en avril, le rapport
sénatorial Milon chargé d’évaluer les politiques
publiques, conclut qu’une loi de santé mentale
pour l’organisation territoriale de la psychiatrie est
nécessaire. Le comité d’évaluation de la loi HPST
présidé par le sénateur Fourcade signale encore en
juillet 2011 dans son rapport que « l’organisation
territoriale de la psychiatrie est une problématique
particulière ».
CE NE SERA QU’UN PLAN D’ORIENTATIONS
Le président de la république vient de choisir de
réformer la loi du 27 juin 1990 et de l’orienter
pour en augmenter les contraintes au nom de
l’ordre public, mais le ministère n’avait pas prévu
que le Conseil constitutionnel l’obligerait en
cette fin d’année 2010 à revoir sa copie : il doit
rééquilibrer dans la précipitation le texte de la
future loi pour introduire le rôle d’un juge dans les
soins sans consentement et dans le même temps,
les organisations opposées à une réforme qui fait la
part belle aux mesures sécuritaires sans traiter de
l’organisation, réclament une loi globale de santé
mentale. C’est pourtant un simple « plan pluriannuel
de prévention et d’accompagnement des personnes
souffrant de troubles mentaux » qui est commandé
par le président en janvier 2011 au nouveau ministre
de la santé, du travail et de l’emploi, Xavier Bertrand.
En juin 2011, les premiers groupes réunis par le
ministère pour le nouveau plan de santé mentale se
retrouvent à constituer un comité d’orientation chargé
de se prononcer sur des « orientations stratégiques »
déjà définies en 4 axes. Pourtant, le Haut Conseil de
la Santé Publique chargé du bilan du précédent plan
de psychiatrie et santé mentale de 2005-2008 n’a pas
encore rendu ses conclusions, et l’avis de la Cour des
Comptes est attendu.
Rondement mené, le plan qui a gardé ses axes et
son titre pourtant critiqués par les participants, est
rendu public en ce début d’année 2012. Nora Berra
se félicite d’avoir initié une nouvelle génération de
plan de santé publique et donné un cadre stratégique
clair à la psychiatrie et la santé mentale : quand
le plan de 2005 fixait des mesures et permettait
des investissements, ce plan à la « méthodologie
innovante » se contente de donner des orientations
stratégiques aux ARS.
Avec un contenu modeste, l’ambition doit être
ailleurs. Elle est affirmée en préambule : « redonner
du sens à la psychiatrie aux yeux de tous et d’assurer
la protection des personnes et de la société toute
entière ». Rien que ça !
LES ENSEIGNEMENTS QUI N’ONT PAS ETE TIRES
DU PLAN PRÉCÉDENT
vLe Haut Conseil de Santé Publique (HCSP)
a rendu public en octobre 2011 son rapport
sur le bilan réalisé pendant un an du plan
psychiatrie et santé mentale 2005-2008 :
ØA propos de la pertinence du précédent plan
comme « outil de politique publique », le HCSP
en approuve la conception, mais comme outil
de mobilisation et parce que sa conception
est surtout justifiée par les enjeux de la santé
mentale.
Enjeux qui de fait sont les objectifs que le plan
tentait d’atteindre, déclinés à l’époque en 5 axes
(décloisonner la prise en charge entre les différents
acteurs de prise en charge, renforcer le rôle des
patients et la formation des professionnels, développer
la qualité des pratiques et la recherche, agir sur des
populations spécifiques – personnes déprimées et
suicides, enfants et adolescents, détenus et auteurs
d’agressions sexuelles, personnes en situation de
précarité, personnes âgées –, et assurer un suivi du
plan).
En novembre 2001, c’est en 8 axes que le plan
santé mentale « L’usager au centre d’un dispositif à
rénover » déclinait de semblables enjeux : la lutte
contre la stigmatisation, le renforcement des droits
des malades, l’amélioration des relations entre les
professionnels et les malades, l’amélioration des
pratiques professionnelles et l’évolution des rôles
des intervenants en santé mentale, le développement
du partenariat entre acteurs de santé mentale,
les programmes spécifiques d’action (suicide,
mineurs, précarité, dépression), l’insertion sociale et
professionnelle des personnes handicapées du fait
de troubles mentaux, organiser une offre de soins
psychiatriques diversifiée, développer la recherche.
En janvier 2012, voilà encore un plan, qui a beau
faire un exercice de style en réduisant en 4 axes sa
construction autour de l’expression « prévenir et
réduire les ruptures », l’exposé des motifs posé en
introduction n’innove pas sur les constats : « Un
plan d’orientations stratégiques sur la psychiatrie
et la santé mentale : pourquoi ? Parce que c’est
un enjeu de société et de santé publique majeur ;
parce qu’il existe encore trop souvent des inégalités
d’accès aux soins ; parce que les maladies mentales
peuvent troubler la capacité à demander de l’aide, à
consentir et s’engager durablement dans des soins ;
parce que les personnes souffrent encore trop souvent
de stigmatisation et de discrimination, aggravant leur
vulnérabilité ».
Il serait temps de se demander s’il est utile de rappeler
avec cette constance des objectifs toujours non
atteints, plutôt que d’interroger les moyens pour les
obtenir : le HCSP souligne que le nombre important
de rapports sur la santé mentale et la psychiatrie signe
la sensibilité du sujet et les enjeux de santé publique.
Mais si la multitude des rapports montre l’intérêt des
pouvoirs publics qui les commandent, ils peuvent
aussi tracer l’insuffisance des décisions politiques
pour les exploiter ou que le type de décisions prises
ne répond pas à la complexité du problème.
ØPour ce qui est de sa pertinence en termes
d’efficacité et d’impact, le HCSP explique
l’incomplétude de son bilan par l’imprécision
des données accessibles sur la mise en œuvre du
plan de 2005 : la multitude des mesures (210),
leur manque de hiérarchisation, les différences
de nature et de contenu qui mêlent des éléments
quantitatifs comme les budgets, et qualitatifs plus
difficiles à évaluer, en sont des explications. Mais
le HCSP souligne aussi que cette mise en œuvre
est rendue inégale par la différence de niveaux
des pilotages entre des mesures d’impact national
et une politique de santé déclinée au niveau
régional.
Le HCSP dans son bilan du plan de 2005 met le doigt
sur une limite de tout plan de psychiatrie et santé
mentale qui, bien que de portée nationale, ne saurait
régler « les inégalités territoriales » entre les régions,
surtout s’il se limite à des « orientations stratégiques »
dont Madame Berra est si fière. Les limites des plans
tiennent à leur nature : outils de planification et
outils de politique publique, le HCSP pointe qu’ils
ne peuvent se substituer à une loi d’orientation et au
cadre normatif qui manque à la psychiatrie et à la
santé mentale.
vLe bilan de la Cour des Comptes chargé de
compléter celui du HCSP a été publié quant à
lui peu avant Noël et se montre plus critique
sur le plan. Face aux enjeux encore une fois
qualifiés d’importants de la psychiatrie, les
résultats du plan sont jugés médiocres.
Les critiques rejoignent en partie celles du HCSP et
portent sur l’insuffisance en matière de structures
extrahospitalières et d’alternatives à l’hospitalisation
complète, sur l’insuffisance de la recherche, sur le
problème des disparités régionales, sur la mauvaise
prise en charge psychiatrique des détenus.
Mais la Cour des Comptes a élargi l’analyse des soins
en psychiatrie à ce que les défauts d’application du
plan n’ont fait que mettre un peu plus en évidence :
le problème structurel des soins en psychiatrie dont
l’organisation territoriale a été fragilisée.
S’il faut consentir à quelques accents de
condescendance de la Cour qui cite comme obstacles
aux évolutions de l’organisation, « l’attachement » des
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LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX
psychiatres publics à l’organisation en secteurs et le
souci des ministères de ménager les professionnels en
engageant la concertation, c’est bien le rôle de l’Etat
qui est pointé du doigt comme défaillant. Et comme
celle du SPH, l’analyse dénonce depuis la mise en
œuvre des réformes sanitaires de ces dernières années
l’absence d’adaptation des textes aux spécificités de la
psychiatrie. L’ordonnance de simplification sanitaire
de 2003 pour la réforme « hôpital 2007 » a préparé
ce que la loi HPST n’a fait qu’aggraver : le décalage
entre une organisation sectorisée de la psychiatrie
toujours valable dans les principes et de référence
dans les faits pour les professionnels et les patients,
et la disparition du cadre juridique qui en permettrait
l’évolution dans un environnement réglementaire et
législatif qui a changé.
Parmi les 26 recommandations de la Cour des
Comptes qui ne font au final que reprendre les thèmes
habituels de simple orientation d’une politique
de santé mentale, celle pour l’instauration et la
définition d’une mission de service public de secteur
psychiatrique pose bien les bases du cadre manquant.
DES ARGUMENTS POUR UNE LOI DE SANTE MENTALE
Les 2 bilans du plan psychiatrie et santé mentale
de 2005-2008 du HCSP et de la Cour des Comptes
ont ceci de commun qu’ils montrent l’insuffisance
du plan à répondre aux nécessités selon les termes
du HCSP d’une réflexion nationale et d’un cadre
normatif, et pour la Cour des Comptes, de fixer un
cadre juridique pour une organisation territoriale
rénovée.
On peut citer comme arguments signant l’insuffisance
d’un plan pour une véritable politique de santé
mentale, quelques éléments des analyses de ces 2
hautes instances chargées d’évaluer les politiques
publiques :
-Les besoins importants de la psychiatrie et de la
santé mentale ne pouvaient que partiellement
être comblés par le plan de 2005, pas tant par
l’insuffisance des mesures qu’il comportait, mais
parce que les spécificités de la santé mentale font
appel à des mesures transversales et de niveau
national que le plan ne pouvait ordonner (ex :
pour la dimension sanitaire, le financement des
soins, la démographie médicale, la formation
des internes, ou pour l’accompagnement
socioprofessionnel, le logement, ou la recherche,
etc.).
-Les avancées telles que les SAMSAH, les GEM, les
SAVS sont à attribuer bien plus à la publication
concomitante de la loi sur le handicap de février
2005 qu’au plan de santé mentale lui-même,
et les effets positifs du plan sont venus de la
cohérence avec d’autres mesures nationales telles
que la loi du 4 mars 2002 ou la circulaire sur les
SROS ; signe que des mesures législatives peuvent
seules donner l’impulsion nationale qu’un simple
plan ne réduira qu’à des incitations diversement
prises en compte par les acteurs en régions.
-Comme facteur de mobilisation et de
décloisonnement entre les différents champs,
l’application du plan a pu bénéficier des
échanges et rencontres entre les acteurs de la
santé mentale que permettaient les instances
de coordination qu’il avait créées, localement
mais aussi au niveau national, comme l’instance
nationale de concertation et le comité technique
de suivi. La disparition de ces instances et l’arrêt
des rencontres nationales en 2007 sont pointées
comme un des éléments de l’insuffisance de
suivi du plan : l’efficacité d’une politique de
santé mentale nécessite donc pour le moins
des dispositifs de coordination et de pilotage
renforcés, d’autant que la santé mentale fait appel
à des centres décisionnels de niveaux différents
(organisation sanitaire des SROS, programmes
départementaux et interdépartementaux sur le
handicap, etc.) propres à entretenir les disparités
territoriales déjà dénoncées .
-Certaines démarches jugées intéressantes sont
trop laissées aux initiatives des acteurs de terrain
et le plan n’a pas suffisamment contribué à
l’émergence de nouvelles pratiques : ainsi les
conseils locaux de santé mentale manquent pour
leur développement d’un soutien institutionnel,
que le plan seul ne peut contraindre.
-Le plan n’a pas assez répondu aux programmes
de prise en charge spécifiques : le cas des
détenus a fait appel à une loi (et pas à un simple
plan) celle du 9 septembre 2002 d’orientation et
de programmation pour la justice qui a créé les
UHSA. L’amélioration de la coordination santé
justice qui est jugée nécessaire ferait appel à une
volonté et un pilotage national et interministériel
qu’un simple plan ne peut ordonner.
-La Cour des Comptes est plus radicale : la
fragilité de l’organisation territoriale des soins en
psychiatrie, enjeu fondamental, est une source
de dysfonctionnements. L’adaptation des textes
législatifs aux spécificités de la psychiatrie et la
reconstruction du cadre juridique qui étaient
attendues depuis l’élaboration de la loi HPST
n’ont pas été menées par l’Etat.
2. UNE LOI GLOBALE DE SANTE MENTALE
La psychiatrie a des spécificités dans le système
sanitaire et une place dans la santé mentale qui
justifient bien la loi d’orientation de la psychiatrie et
de la santé mentale promise lors de l’élaboration de
la loi HPST, et redemandée par les organisations lors
des débats sur la réforme de la loi du 27 juin 1990.
L’ordonnance du 4 septembre 2003 et sa circulaire
du 25 octobre 2004, qui accompagnaient la réforme
hôpital 2007, ne maintenaient des spécificités de
la psychiatrie qu’un volet « psychiatrie et santé
mentale » dans les SROS : la Cour des Comptes
dénonce comme source de dysfonctionnements la
disparition du cadre juridique spécifique nécessaire
à l’organisation de la psychiatrie ; il s’agit bien là
des limites que les textes partiels et les dispositions
réglementaires à destination seulement régionale
ont dans une politique de santé publique, et que
le nouveau plan s’obstine pourtant à vanter par ses
« orientations stratégiques » à destination des ARS.
Cette loi de santé mentale doit comporter :
-un dispositif législatif définissant et donnant
les moyens d’une mission de service public
psychiatrique de secteur ;
-une organisation territoriale de santé mentale
intégrant la continuité des soins du secteur et
l’échelle départementale ;
-un budget national spécifique identifié pour la
psychiatrie et la santé mentale décliné dans les
régions ;
-une révision de la loi du 5 juillet 2011.
2.1
PLANIFICATION SANITAIRE, PSYCHIATRIE
ET SANTÉ MENTALE
2.1.1 Que fait-on des spécificités de la
psychiatrie dans l’organisation
sanitaire ?
Spécialité médicale obligée d’emprunter aux sciences
humaines pour circonscrire son objet, la première des
spécificités de la psychiatrie est sans doute d’avoir
sans cesse à affirmer une identité, condamnée à lutter
contre les représentations que s’en fait la société du
moment, tout en les incorporant au nom du progrès.
Le plan de 2012 paraît bien présomptueux d’annoncer
« redonner du sens à la psychiatrie aux yeux de
tous » par de simples orientations stratégiques !
Toute mesure visant le financement, l’organisation, la
recherche, la formation pour la psychiatrie et la santé
mentale devrait pourtant bien, pour être efficace,
intégrer quelques spécificités de la psychiatrie, parmi
lesquelles :
• Son image (négative voire dangereuse, rejetée
par le public, ou dotée de capacités de
compréhension pour lesquelles la société lui
demande de répondre à toutes les douleurs de
l’existence).
• Son objet et son champ clinique (sans modèle
anatomoclinique et d’unicité théorique pour
rendre compte de son savoir, ses différentes ap-
proches (organogenèse, psychogenèse, socioge-
nèse...) se complètent).
• Le lien avec le domaine social (que ce soit par
l’influence de l’environnement social dans
l’éclosion et l’évolution de la maladie mentale,
ou du fait du poids de l’expression de la maladie
dans le domaine social).
• Les rapports avec le pouvoir : de celui supposé
du psychiatre sur son patient à celui de dispo-
sitif de contrôle social installé par la loi du 18
juin 1838 et que n’ont pas démenti ses réformes
de la loi du 27 juin 1990 puis de la loi du
5 juillet 2011, la question du pouvoir psychia-
trique évolue dans l’inconfort d’une position où
les questions d’aliénation et nécessités de soins
sans consentement le disputent aux spectres des
abus, manipulations et instrumentalisation poli-
tique. L’indépendance professionnelle des psy-
chiatres est bien plus qu’une position théorique,
et rend compte de l’équilibre d’une société
démocratique.
• La place des usagers et des familles :
oQuand la psychiatrie doit faire avec
la suspicion de ses abus de pouvoirs,
il semblait plus que normal que
l’affirmation des droits des malades
concrétisée par la loi du 4 mars 2002
s’applique aussi à la psychiatrie, mais
quelques aménagements liés aux
particularités de l’exercice psychiatrique,
comme ceux concernant l’accès au
dossier médical, y ont été nécessaires.
oMême la loi du 30 juin 1838, en créant
le placement volontaire, avait donné
8 9
LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX LE SYNDICAT DES PSYCHIATRES DES HÔPITAUX
une place spécifique aux tiers pour les
décisions de soins. La place croissante
des associations d’usagers et de familles
au niveau des espaces institutionnels de
concertation signe la reconnaissance
du rôle des proches dans l’évolution de
la maladie mentale, et pourrait favoriser
une réelle dé-stigmatisation des malades.
La loi HPST a d’ailleurs voulu accroître
leur représentativité dans les espaces
décisionnels des établissements sur
les principes de démocratie sanitaire,
en prolongation de la loi du 4 mars
2002. Mais en psychiatrie, il faut
pouvoir intégrer à la réflexion les
risques de dérives que constituent des
actions de groupes de pressions moins
bien intentionnés qui exploitent les
amalgames entre la mauvaise image de
la psychiatrie, l’absence de délimitation
strictement scientifique de son objet
et les injonctions contradictoires qui
lui sont faites, pour s’autoproclamer
représentatifs de ses « victimes ».
oLa loi du 11 février 2005 pour l’égalité
des droits et des chances a satisfait les
associations pour la reconnaissance
du handicap psychique, comme un
moyen de favoriser l’intégration sociale
des malades. Mais le rapport sénatorial
d’information du 24 juin 2009 sur le
bilan des maisons départementales des
personnes handicapées nées de cette loi,
soulignait aussi les problèmes rencontrés
par les MDPH pour équilibrer leur budget
et développer leur activité quand la part
financière souvent insuffisante de l’Etat,
variable entre les départements, contraint
les conseils généraux à s’ajuster. Toute
modification de l’organisation territoriale
de la psychiatrie devra, pour être
coordonnée de manière efficace avec les
secteurs sociaux et médico-sociaux de
la santé mentale, intégrer les différents
niveaux d’intervention entre Etat et
collectivités territoriales ; et selon les
principes de déconcentration renforcée
par la loi HPST, c’est donc à la condition
que les ARS aient le pouvoir et la volonté
d’y veiller.
• La chronicité et la discontinuité psychique :
ole principal argument pour souligner
l’intérêt de la sectorisation comme
dispositif de soins psychiatrique
efficace tient dans la continuité
relationnelle que le secteur
coordonne entre hospitalisation
et soins ambulatoires, comme
dispositif contre la discontinuité
psychique d’un patient « bien connu
du service » atteint de maladie
chronique et d’expressions variables
au cours de sa vie. Cette continuité
s’appuie donc sur des personnels
en nombre suffisant pour assurer
le « plateau technique » propre
à la psychiatrie : la relation entre
soignant et patient, et souvent
étendue à ses proches par nécessité.
oLa psychiatrie a à traiter une part
importante d’affections longues
durées (ALD) : toute disposition
visant à contrôler les dépenses de
santé par une révision des prises
en charge des ALD devra bien
tenir compte de cette singularité
pour ne pas rendre inefficace son
organisation et ses prises en charge.
2.1.2 La psychiatrie dans la santé
mentale : effets sur la politique
sanitaire
C’est par la circulaire du 14-03-90 que la psychiatrie
a fait son entrée médico-administrative dans la santé
mentale, rappelle le HCSP. Mais pour ce qui est de
définir le concept de santé mentale et la psychiatrie,
le HCSP est obligé d’emprunter à la sociologie pour
au final n’aboutir qu’à la définition d’une différence
d’idiomes, « local » pour la psychiatrie « spécialisée
dans l’identification et le traitement de problèmes
particuliers », alors qu’il est « global » pour la santé
mentale, « qui met en forme et en sens les conflits
et dilemmes de la vie sociale contemporaine en
attribuant des causes ou des raisons à des problèmes,
très généralement liés à des interactions sociales ».
Ce qui ne dit rien sur la manière dont une politique de
santé devrait faire jouer à la psychiatrie son rôle dans
cette priorité de santé publique. D’autant que selon le
même HCSP « les questions de pathologie mentale ne
sont plus un secteur particulier de la société traité par
une discipline appelée la psychiatrie, mais un souci
transversal à toute la société faisant partie de l’agenda
politique ».
Comme dans tous les projets sur la santé mentale,
les tentatives de définitions de la psychiatrie et de
la santé mentale dont certaines visaient à mieux
faire passer « la psychiatrie vers la santé mentale »,
et « changer de paradigme » finissent, même quand
les intentions seraient assez bonnes pour essayer de
déterminer des besoins et des moyens, par aboutir à
une dé-spécification de la psychiatrie. La psychiatrie,
ramenée à une organisation commune aux autres
disciplines médicales, comme le préconise la Cour
des Comptes, se trouve alors surtout mise au régime
de la maîtrise des dépenses de santé.
Depuis l’ordonnance de simplification sanitaire
du 4 septembre 2003 la psychiatrie a, avec la
santé mentale, intégré l’outil de planification
sanitaire que constituent les SROS pour favoriser les
coopérations. Mais cette réforme de la planification
générale basée sur les besoins, et non plus sur des
équipements, se heurte pour définir l’organisation
de la psychiatrie qui serait basée sur les besoins, à la
difficulté de déterminer les besoins de santé mentale.
L’impossibilité de définir strictement la santé mentale
participe à cette difficulté et comme le soulignait
le Centre National de l’Expertise Hospitalière
engagé pour le rapport Milon sur la prise en charge
psychiatrique, il est aisé de confondre l’estimation des
demandes de santé mentale et celle des besoins.
Que ce soit par l’enquête diagnostique
populationnelle qui établit une « probabilité » des
besoins, l’extrapolation statistique de cas cliniques
révélés ou la modélisation présentée par V. Kovess
qui tente une différenciation entre besoins de santé
mentale et besoins de psychiatrie basée sur les aides
auxquelles les personnes accèdent (généraliste et
psychologue pour la santé mentale), les méthodes
envisagées pour déterminer de manière rationnelle
et quantifiée les besoins de santé mentale n’ont pas
permis de trancher.
Une enquête de l’IRDES de mai 2008 qui portait
sur la mise en place des territoires de santé par les
régions montrait que les manières d’y prendre en
compte les spécificités de la psychiatrie ne pouvaient
être univoques et combinaient aussi bien :
-une approche sanitaire basée sur l’analyse
du recours aux soins (soins hospitaliers
courants et médecine de ville)
-une approche populationnelle à partir des
données de bassins de vie de l’INSEE
-voire une approche basée sur les
organisations politiques locales telles que les
communautés de communes réunies autour
d’un projet de développement.
Avec la loi HPST, les dispositions qui visent
les établissements de santé interrogent encore
l’organisation de la psychiatrie : outre le fait que
la sectorisation psychiatrique a perdu son support
juridique depuis les réformes, comme le souligne la
Cour des comptes, l’appel à créer des Communautés
Hospitalières de Territoires, et que la FHF prône aussi
pour la psychiatrie, va à l’encontre des préconisations
pour une psychiatrie décloisonnée dans une santé
mentale non médicalisée, et alors que les reproches
faits aux secteurs et à l’organisation actuelle de la
psychiatrie sont d’être trop hospitalo-centrés.
Le plan psychiatrie et santé mentale 2012 a beau
affirmer que « dans ce domaine plus que dans
d’autres, les termes employés doivent être précisément
définis », on ne peut pas dire qu’il fait avancer
les rigueurs de définitions, avec sa santé mentale
en trois dimensions d’un côté (« la santé mentale
positive ; la détresse psychologique réactionnelle ;
les troubles psychiatriques) et la psychiatrie de
l’autre, « discipline médicale qui prend en charge les
affections psychiatriques caractérisées et les aspects
pathologiques de la souffrance psychique ».
Tout ça pour affirmer que « ce plan s’adresse aux
personnes vivant avec des troubles psychiatriques,
en particulier des troubles sévères générant parfois
du handicap, mais cette priorité politique ne portera
ses fruits qu’intégrée dans une prise en compte plus
globale de la santé mentale …enjeu de société qui
concerne l’ensemble des citoyens et pas uniquement
les professionnels de la psychiatrie ». La boucle est
bouclée, et la psychiatrie et la santé mentale n’en sont
pas plus avancées par des mesures concrètes.
L’étude menée par le HCSP pour son bilan du plan
santé mentale de 2008 auprès des professionnels de
différentes structures intervenant auprès des personnes
souffrant de troubles psychiatriques apporterait
pourtant quelques pistes dans cette dimension d’une
santé mentale qui intègre une psychiatrie décloisonnée
vers ses autres domaines de partenariats : le HCSP
souligne que le décloisonnement qui est en soi une
notion problématique a une pertinence pour une
majorité de professionnels, et tire deux conclusions :
« 1. Le débat qui opposerait une approche
hospitalo-centrée à une vision alternative, moins
institutionnalisée, des prises en charge, est mal posé.
Le développement d’alternatives à l’hospitalisation
et la construction de partenariats entre le sanitaire,
le médico-social et l’associatif pour favoriser le
travail commun fonctionnent d’autant mieux que les
partenaires peuvent s’adosser à l’hôpital public, pour
gérer les crises ou faire appel à des compétences
spécifiques.
2. Une tension très forte traverse le sanitaire autour
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