PHI 8110 Introduction à la lecture de la Science de la logique de Hegel Mathieu Marion Courriel : [email protected] Dario Perinetti Courriel : [email protected] DESCRIPTION De nos jours, l’étude de l’œuvre de Hegel, longtemps tenue pour « suspecte » en France ou simplement méprisée en philosophie analytique, est l’objet d’un regain d’intérêt, comme par exemple, dans le cadre de cette dernière, dans les œuvres de Robert Brandom ou de John McDowell, où elle joue un rôle fécond pour le moins inusité. Cependant, nombre de philosophes, dont Brandom, privilégient l’étude Phénoménologie de l’esprit, tandis que la Science de la logique est souvent considérée, pour reprendre le mot de Croce, comme faisant partie de « ce qui est mort » dans la philosophie de Hegel. Une telle attitude n’est guère possible, non seulement parce qu’on ne peut pas séparer ainsi l’œuvre de Hegel, mais aussi parce que la Science de la logique recèle de nombreuses thèses auxquelles les lecteurs contemporains s’appuyant sur la Phénoménologie de l’esprit font en fait référence, car y sont présentées les thèses en philosophie de la logique – sur l’être, l’identité, le concept, les modalités, le jugement, le syllogisme – auquel Hegel fait appel tout au long de son œuvre. Il faut aussi noter que ce fut la Science de la logique qui joua un rôle historique prépondérant dans la première réception de Hegel, en Angleterre comme en Italie, vers la fin du 19e siècle (à un moment où dominaient en Allemagne les écoles néo-kantiennes) et que c’est en réaction à la Science de la logique, telle que réinterprétée par Bradley, que Russell a défini les grandes lignes de la philosophie analytique. La philosophie d’avant la révolution copernicienne suppose souvent une distinction nette entre trois tâches, soit celles de déterminer la structure de la réalité (ontologie et métaphysique), de déterminer comment cette réalité est connue (théorie de la connaissance) et de déterminer comment nous sommes équipés pour la connaître (théorie de concepts et logique). Dans ce contexte, le problème central de la connaissance devenait celui d’expliquer comment la réalité fournit le contenu de ce qui est pensé et en quoi nos facultés logiques nous permettent de représenter la réalité avec certitude. Pour Kant, au contraire, la représentation ne peut être analysée que par le biais de certaines capacités subjectives qui synthétisent le divers donné passivement à la conscience et qui déterminent a priori la structure de toute expérience possible. Contre Kant, Hegel soutient que nos capacités subjectives sont responsables non seulement de la façon dont on synthétise un contenu donné mais, de façon plus radicale, que ces capacités sont également celles qui nous permettent d’articuler la structure même de l’être. D’après cette conception, la tâche de déterminer ce qui peut être le contenu d’une connaissance (ontologie) ne se distingue plus de celle de déterminer comment nous mettons en relation les contenus conceptuels (logique). En ce sens la Science de la logique est à la fois une ontologie et une logique qui forment ensemble une théorie de la connaissance. Le but de ce séminaire est d’introduire à la lecture de la Science de la logique de Hegel, par une lecture approfondie de longs extraits provenant de différentes sections du texte intégral. Cependant, nous allons nous concentrer sur la troisième tâche indiquée ci-dessus, donc sur le troisième livre ; les extraits tirés des deux autres tomes seront donc choisis en fonction de cette lecture. Notre choix de texte nous permettra de cibler les éléments philosophie de la logique de Hegel que nous allons examiner dans un double but, celui de comprendre la nature des reprises de Hegel par les idéalistes britanniques et leur rejet par Russell, dont on réalise de plus en plus qu’il n’allait en fait pas de soi, et celui, par ailleurs, de donner aux étudiants une connaissance approfondie de Hegel, leur permettant de comprendre les enjeux – ou les faiblesses – de certaines lectures contemporaines, comme non seulement celle de Brandom, mais aussi, en Allemagne, celle de Rolf-Peter Horstmann, détenteur de la chaire d’idéalisme allemand à Berlin ou celle, plus « analytique », de Pirmin Stekeler-Weithofer. – 1 – CALENDRIER 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. Introduction. Premier livre Préface à la première édition, préface à la deuxième édition et introduction, p. 5-52. L’être, livre I, trad. Jankelevitch, tome 1, p. 69–103 et Encyclopédie §§ 89-95, trad. Bourgeois, p. 355360. Deuxième livre La doctrine de l’essence, livre II, trad. Jankelevitch, tome 3, p. 5-8 & 28-56. La doctrine de l’essence : la contradiction, livre II, trad. Jankelevitch, tome 3, p. 56-73 & R. Pippin, « Hegel’s Metaphysics and the Problem of Contradiction ». L’absolu, la contingence et la nécessité, livre II, trad. Jankelevitch, tome 3, p. 197–214. Le rapport absolu et la substance, livre II, trad. Jankelevitch, tome 3, p. 215–238. Troisième livre Le concept en général, livre III, trad. Jankelevitch, tome 4, p. 243–268. La subjectivité : le concept, livre III, trad. Jankelevitch, tome 4, p. 269–298. Le jugement, livre III, trad. Jankelevitch, tome 4, p. 299–348. Le syllogisme, livre III, trad. Jankelevitch, tome 4, p. 349–397. Le syllogisme, livre III, trad. Jankelevitch, tome 4, p. 349–397. La téléologie, livre III, trad. Jankelevitch, tome 4, p. 435–460. L’idée, livre III, trad. Jankelevitch, tome 4, p. 461–468 & La connaissance, livre III, trad. Jankelevitch, tome 4, p. 487–510 & 541-547. L’idée absolue, livre III, trad. Jankelevitch, tome 4, p. 549–573. ÉVALUATION Exposé oral............................................................. 30% Participation ........................................................... 20% Travail écrit (20 pp. MAXIMUM)...................... 50% BIBLIOGRAPHIE NOUS UTILISERONS LES TRADUCTIONS SUIVANTES : Hegel, G.W.F., Science de la logique, 4 tomes, traduction de Serge Jankélévitch, Paris, Aubier, 1969. (Une version PDF sera mise à la disposition des étudiants.) Hegel, Georg Wilhelm Friedrich. Encyclopédie des Sciences Philosophiques. Trad. Bernard Bourgeois. 2e éd., Bibliothèque des textes Philosophiques. Paris: J. Vrin, 1979. Hegel, G. W. F., and Jean-Michel Buée. Leçons sur la Logique : d’après l’Encyclopèdie des sciences philosophiques en Abrégé ; Semestre d'été 1831 à Berlin, Bibliothèque des textes philosophiques. Paris: Vrin, 2007. SOURCES PRIMAIRES Éditions originales : Hegel, Georg Wilhelm Friedrich. Die objektive Logik. Die Lehre vom Sein, Wissenschaft der Logik, Erster Band, Buch 1. Nürnberg: Schrag, 1812. Hegel, Georg Wilhelm Friedrich. Die objektive Logik. Die Lehre vom Wesen, Wissenschaft der Logik, Erster Band, Buch 2. Nürnberg: Schrag, 1813. – 2 – Hegel, Georg Wilhelm Friedrich. Die subjective Logik oder Lehre vom Begriff, Zweiter Band, Buch 3, Nürnberg: Schrag, 1816. Éditions critiques : L’édition de référence de la Science de la logique se trouve dans les volumes 11, 12 et 21 de l’édition critique des œuvres de Hegel : Hegel, G.W.F. Gesammelte Werke. herausgegeben von der Rheinisch-Westfälischen Akademie der Wissenschaften ed. Hamburg: Felix Meiner Verlag, 1968 -. Hegel, G.W.F. Enzyclopädie der philosophischen Wissenschaften im Grundrisse (1830). Herausgegeben von der RheinischWestfälischen Akademie der Wissenschaften. herausgegeben von Wolfgang Bonsiepen und Hans-Christian Lucas. Gesammelte Werke, Band 20. Hamburg: Felix Meiner, 1992. OUVRAGES DE RÉFÉRENCE : Burbidge, J. W. Historical Dictionary of Hegelian Philosophy. Lanham, MD: Scarecrow Press, 2001. Hasselberg, E. & F. Radtke (dir.), Hegels “Wissenschaft der Logik”. Eine internationale Bibliographie ihrer Rezeption im XX. Jahrhundert: Bibliographie in drei Bänden. 3 tomes. Wien: Passagen, 1993. Inwood, M. J. A Hegel Dictionary. Oxford: Blackwell, 1992. Steinhauer, K., G. Hausen, H.-D. Schlüter & A. Sergl (dir.), 1998, Hegel Bibliography: Background Material on the International Reception of Hegel within the Context of the History of Philosophy. 2 tomes. München/New York: K.G. Saur, 1998. LITTÉRATURE SECONDAIRE : Allard, J. W. 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Ontologie und Relationen: Hegel, Bradley, Russell und die Kontroverse über interne und externe Beziehungen. Königstein: Athenäum, 1984. ———. « Hegel über Unendlichkeit, Substanz, Subjekt. Eine Fallstudie zur Rolle der Logik in Hegels System », dans Karl Ameriks et Jürgen Stolzenberg (dir.), Internationales Jahrbuch des Deutschen Idealismus, vol. 1, 2003, p. 183-200 ; trad. angl. : « Substance, Subject and Infinity : A Case Study of the Role of Logic in Hegel’s System », dans K. Deligiorgi (dir.), Hegel : New Directions, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2006, p. 65-84. Hyppolite, Jean. Logique et existence: Essai sur la Logique de Hegel. Paris: Presses universitaires de France, 1953. Jarczyk, Gwendoline. Le négatif, ou, l’écriture de l’autre dans la logique de Hegel. Paris: Ellipses, 1999. ———. Système et liberté dans la logique de Hegel. 2e édition revue et corrigée. 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