Apport des thérapies comportementales et cognitives dans les

Communication
Apport des thérapies comportementales
et cognitives dans les troubles bipolaires
The contribution of behaviourist
and cognitive theories in bipolar troubles
C. Mirabel-Sarron
a,*
, E. Siobud-Dorocant
b
, M. Cheour-Ellouz
b
, N. Kadri
c
, J.-D. Guelfi
a
a
CMME, Université Paris-VRené-Descartes, Centre hospitalier Sainte-Anne, 100, rue de la Santé, 75014 Paris, France
b
Service des consultations externes et des urgences, EPS Razi, La Manouba, Tunis, Tunisie
c
Centre Psychiatrique universitaire Ibn-Rochd, Casablanca, Maroc
Résumé
Les thérapies comportementales et cognitives sont proposées aujourdhui aux patients bipolaires sous forme de programmes thérapeutiques
spécifiques dont les buts sont laugmentation de lobservance médicamenteuse, la reconnaissance précoce des fluctuations de lhumeur et une
meilleure gestion des stress personnels et environnementaux. Ces trois modalités doivent permettre de réduire lintensité, voire la fréquence des
phases dépressives ou maniaques. Les premières études contrôlées confirment ces résultats et constatent également une augmentation significative
de lestime de soi. Ces thérapies se pratiquent soit en individuel (Basco, Rush 1996 ; Newman 2000), soit en groupe (Bauer 1996 ; Lam 1999).
Le programme de Lam est le plus évalué aujourdhui et représente le modèle de référence ; cest pourquoi nous avons reproduit cette prise en
charge depuis deux ans au sein de la CMME de lhôpital Sainte-Anne de Paris. Nos échanges réguliers avec lhôpital Razi de Tunis (service du
Professeur-Cheour-Ellouze) et avec le centre psychiatrique universitaire Ibn-Rochd de Casablanca (service du Professeur-Moussaoui) nous ont
permis de former à Paris des thérapeutes qui ont acquis cette compétence. Désormais cette modalité thérapeutique est proposée également dans
ces deux pays et une étude prospective est en cours. Nous proposons de décrire le modèle thérapeutique, les stratégies utilisées, le déroulement
dune thérapie de groupe, les constats faits dans les différents pays et les résultats des premières évaluations cliniques.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Nowadays specific cognitive and behaviourist therapies are proposed to patients with bipolar affective disorder. The purpose of those thera-
pies is to improve pharmacological observance, to detect early prodromes and to better cope with stressors. Previous controlled studies confirmed
these three improvements and furthermore showed an improvement in self-esteem. Cognitive and behaviour therapies may be performed in
individual or in-group sessions. Most of the studies are based on the Lam treatment manual of therapy. We decided to choose a similar strategy
these last two years in the Sainte-Anne Hospital of Paris, in the Razi Hospital of Tunis (Tunisia) and in the Rochd Hospital in Casablanca
(Morocco). A clinical study in these three units was undertaken and we are now presenting the first results today.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Alliance thérapeutique ; Bipolarité ; Observance médicamenteuse ; Rechutes ; Thérapies comportementales et cognitives
Keywords: Bipolar disorders; Cognitive behaviourist therapy; Compliance; Relapse; Therapeutic relationship
http://france.elsevier.com/direct/AMEPSY/
Annales Médico Psychologiques 164 (2006) 341348
*
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Mirabel-Sarron).
0003-4487/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.amp.2006.03.008
1. Introduction
Les troubles bipolaires constituent un trouble de lhumeur
très fréquent et invalidant au fort taux de mortalité. Ils repré-
sentent aujourdhui un enjeu important de santé publique.
Dans le but daméliorer la qualité de vie de ces patients, de
diminuer leur taux de rechute, daugmenter leur observance
médicamenteuse, une aide psychologique leur est proposée.
La thérapie comportementale et cognitive (TCC) a déjà
montré son efficacité dans plusieurs études anglo-saxonnes
[10]. Nous avons souhaité reproduire ce modèle thérapeutique
en France, mais aussi grâce à nos collaborations universitaires
dans une consultation de lhôpital Razi de Tunis, et dans une
consultation du Centre Psychiatrique Universitaire Ibn-Rochd,
de Casablanca [3,4].
Laccueil de nos collègues a permis une formation des thé-
rapeutes par modeling en participant comme cothérapeutes au
groupe de thérapie parisien. Nous proposons ici le déroulement
pratique de cette aide psychologique, ladaptation apportée
dans chaque pays, et leurs premiers résultats.
2. Bipolarité et culture
Les troubles bipolaires sont considérés parmi les troubles
psychiatriques les plus fréquents. Selon létude épidémiolo-
gique ECA (Epidemiological Catchment Area) [12], les trou-
bles thymiques se situent au quatrième rang derrière les trou-
bles phobiques, labus de substances et lalcoolisme. Il sagit
de la sixième cause de handicap mondial (WHO, 1996). Sa
prévalence est estimée à 1,2 % de la population générale. Cette
fréquence du trouble nest pas modifiée par lorigine ethnocul-
turelle des patients [13].
Quel que soit le profil de la maladie, il existe une baisse de
la qualité de vie, une altération des relations sociales, une aug-
mentation du taux de mortalité qui est deux à trois fois plus
élevé que celui de la population générale et le risque suicidaire
est majeur. Ce trouble est très souvent associé, par ailleurs, à
de nombreux autres troubles comme des abus de substances,
des troubles anxieux, des troubles de la personnalitéqui
concernent 50 à 70 % des sujets bipolaires traités. Le Tableau 1
rassemble ces comorbidités selon les différents pays. De nom-
breux auteurs estiment que les événements qui perturbent le
rythme social des patients (surmenage, manque de sommeil),
labus de substances (café, alcool) peuvent déclencher une
rechute ou précipiter une récidive. Ainsi, les intervalles dits
« libres » entre les accès dépressifs ou maniaques ne sont pas
indemnes de dysfonctionnements psychologiques, comme on a
pu le croire pendant longtemps. Ces données cliniques sont
largement admises.
Cependant, des études menées en Tunisie et au Maroc ten-
dent à montrer certaines variations culturelles. Ainsi, dans un
travail tunisien [11] comparant 45 patients bipolaires tunisiens
et français, on constate les éléments suivants :
les patients français appartiennent à des classes sociales plus
favorisées, comme en témoignent leur niveau dinstruction
et leur statut professionnel ; leur début des troubles est plus
tardif : 30,26 contre 24,5 ans ;
labus de substance et labus dalcool sont significativement
plus fréquents (respectivement 80 et 66,7 % contre 3,3 et
3,3 % chez les patients tunisiens) ;
lanalyse sémiologique des épisodes maniaques index mon-
tre que la durée moyenne des épisodes maniaques index est
plus courte et que laltération de lhumeur est dominée par
lirritabilité (54 % des cas) avec plus de perturbations cogni-
tives ; en revanche, lexaltation domine chez les patients
tunisiens (90 % des cas) ;
concernant les taux de récidives, il est plus important en
France (0,94 contre 0,74 épisode par an). Ces récidives
comprennent une fréquence nettement plus élevée dépiso-
des dépressifs (0,27 contre 0,16 épisodes dépressifs par an),
légèrement plus de manies que de dépressions (0,39 contre
0,27 épisodes par an), alors que les patients tunisiens pré-
sentent trois fois plus dépisodes maniaques que dépisodes
dépressifs ;
des facteurs climatiques pourraient influencer lexpression
du trouble bipolaire, tels que le climat méditerranéen de la
Tunisie qui est plus lumineux, plus sec et plus chaud que
celui de la France. Il joue probablement un rôle dans la
polarité des épisodes thymiques ;
des facteurs culturels retardent la mise en route du traite-
ment du fait de la stigmatisation sociale des troubles psy-
chiatriques dans la culture tunisienne qui empêche et retarde
la reconnaissance des troubles mentaux. Ainsi, larrêt du
traitement par le patient est deux fois plus fréquent dans
léchantillon tunisien ;
Chairat [1] a signalé que si la maladie débute avant 20 ans,
la symptomatologie est souvent trompeuse, atypique et
délirante, conduisant au diagnostic de schizophrénie, diag-
nostic redressé au cours de lévolution ultérieure ;
Cheour-Ellouze [2] a montré que les troubles de la person-
nalité, lorsquils sont comorbides, donnent lieu à plus der-
rance diagnostique et à un plus mauvais pronostic.
Au Maroc, une enquête épidémiologique nationale a été réa-
lisée. Elle porte sur un échantillon représentatif de la popula-
Tableau 1
Troubles bipolaires et comorbidités
ECA France Maroc Tunisie
Trouble panique 11,6 16
a
Trouble anxieux généralisé
Phobie 3,2 11
a
Dysthymie 41
Trouble obsessionnel compulsif 8,7 3
a
Toxicomanie 7,4 80 50
(cannabis)
66,7
Alcoolisme 4,6 3,3 3,3
Personnalité antisociale 7,9
a
Henry et al. Anxiety disorders in 318 bipolar patients, J. Clin. Psychiatry,
2003.
C. Mirabel-Sarron et al. / Annales Médico Psychologiques 164 (2006) 341348342
tion générale marocaine. Elle a concerné 5600 personnes âgées
de 15 ans ou plus, tirées au sort dans les provinces et préfectu-
res du Maroc, en milieu rural et en milieu urbain. Linstrument
de travail utilisé a été le Mini International Neuropsychiatric
Interview, validé en arabe dialecte marocain, la prévalence
retrouvée est de 2,8 %. Ce taux très élevé na pas suscité
dexplication totalement satisfaisante.
Depuis ces 20 dernières années, le pourcentage de diagnos-
tic de trouble bipolaire a augmenté aux dépens de celui de la
schizophrénie, grâce à une meilleure analyse clinique et psy-
chopathologique, en particulier avec lutilisation de critères
diagnostiques ainsi quà un meilleur suivi.
Plusieurs auteurs stipulent que le cours de la maladie bipo-
laire peut être perturbé par les changements du rythme social
qui surviennent, par exemple, pendant le ramadan (mois de
jeûne).
Ces rythmes sociaux sont les plus importants régulateurs du
rythme circadien pour lêtre humain. Ils incluent des compo-
santes comme lalternance de la lumière et de la nuit, les
moments des repas, de sommeil et dactivités.
Kadri et al. [5] ont étudié des patients bipolaires jeûneurs
qui étaient euthymiques sous lithiothérapie pendant au moins
trois mois avant le démarrage de létude, et avant linclusion.
Vingt patients bipolaires ont été inclus durant le mois de rama-
dan de 1997. Les critères diagnostiques étaient ceux de la
CIM-10. Les évaluations ont eu lieu une semaine avant le mois
de ramadan, les deuxième et quatrième semaines du mois de
jeûne et la première semaine après la fin du mois. La sympto-
matologie dépressive a été évaluée par léchelle de Hamilton et
celle de la manie par léchelle de Bech-Rafaelsen. Lévaluation
du taux plasmatique du lithium a suivi le même schéma. Le
résultat le plus important était que 42 % des patients avaient
rechuté, 70 % durant la deuxième semaine, et le reste à la fin
du mois. Ces rechutes nétaient pas corrélées aux variations des
taux plasmatiques du lithium. La plupart des rechutes étaient
de type maniaque (71,4 %). Ceux qui nont pas rechuté se sont
plaints dinsomnie et danxiété durant la deuxième et troisième
semaine du mois. Les effets secondaires du lithium avaient
augmenté et ont été observés dans 48 % de léchantillon. Ils
étaient à type de sécheresse de la bouche, soif et tremblements.
Les résultats de cette étude pilote indiquent que le mois de
ramadan peut perturber létat de lhumeur des patients bipolai-
res.
Si lensemble des données cliniques sur la bipolarité est par-
tagé, les études tunisiennes et marocaines nous indiquent cer-
taines particularités importantes qui peuvent prendre source
sous linfluence du climat, des rythmes sociaux, et des facteurs
culturels.
3. La prise en charge thérapeutique
Le traitement proposé aux patients bipolaires est mixte
pharmacologique et psychothérapique. Le traitement médica-
menteux de choix est la prescription de thymorégulateurs qui
ont considérablement amélioré le pronostic de ce trouble, en
limitant le nombre de récidives. Cependant, une partie de ces
patients continuent à présenter des fluctuations de lhumeur.
Les différentes raisons invoquées à cette non-réponse ou
réponse partielle aux thymorégulateurs sont : la qualité de
lobservance, la forme particulière, singulière, de la maladie
ou encore lexistence de facteurs de précipitation des troubles.
En conséquence, dautres mesures thérapeutiques associées
au traitement thymorégulateur ont été proposées afin daug-
menter leffet du traitement pharmacologique et de réduire les
facteurs de vulnérabilité aux rechutes. Différents traitements
psychologiques ont alors été développés, dont les mesures psy-
choéducatives et les thérapies comportementales et cognitives
(Tableau 2).
Les TCC pour troubles bipolaires se sont développées
depuis 1996, et cinq modalités sont aujourdhui disponibles
[9].
Tous les programmes sont très structurés et sorganisent en
trois temps :
une phase éducative ;
une phase de techniques particulières comportementales et
cognitives ;
une phase de consolidation.
Leur but est de diminuer les rechutes dépressives et mania-
ques au côté des traitements médicamenteux.
Afin de parvenir à cet objectif, la thérapie se propose
(Tableau 3):
daugmenter lobservance médicamenteuse ;
didentifier de manière précoce les prodromes dépressifs ou
maniaques ;
dapprendre au patient différents moyens comportementaux
et cognitifs pour combattre les premiers symptômes ;
de sinitier à la technique de résolution de problèmes pour
réduire les conséquences psychosociales négatives ;
de développer des moyens pour faire face aux problèmes
affectifs et comportementaux ;
didentifier les facteurs de stress personnels qui augmentent
la probabilité des rechutes ;
daider à lidentification de lhumeur, des cognitions et des
comportements par trois outils nouveaux : récapitulatif sur
la vie entière du trouble bipolaire, feuille de route des prin-
cipaux symptômes dépressifs et maniaques, graphe quoti-
dien de lhumeur.
En 1999, Lam [6] a proposé un programme qui sert
aujourdhui de référence. Il comprend une phase psychoéduca-
tive où les modalités dentretien sont propres aux TCC. Ce sont
des interventions par questionnement inductif, déductif, des
reformulations, qui permettent daborder de manière très
interactive des thèmes comme le trouble bipolaire, les traite-
ments pharmacologiques, puis les symptômes personnels idio-
syncrasiques dépressifs et maniaques.
Lhistoire du trouble bipolaire est reconstruite sous forme
dun diagramme ou « life shart », qui est complété pendant
C. Mirabel-Sarron et al. / Annales Médico Psychologiques 164 (2006) 341348 343
toute la durée de la prise en charge. Il est appelé aussi « history
record », ou histoire de la maladie bipolaire. Il sagit de la
constitution rétrospective des différents épisodes dépressifs et
maniaques de la maladie bipolaire, avec leur date dapparition,
leur durée, les hospitalisations. Ce travail senrichit pendant
toute la thérapie. Quand, par exemple, les entretiens éducatifs
abordent la discussion des traitements médicamenteux, le
patient est invité à compléter son graphique avec les prises
médicamenteuses, leur durée, leur posologie, les changements
thérapeutiques intervenus. Il est alors amené à constater
linfluence de ces traitements sur la stabilité ou non de son
humeur.
Il reconstitue ainsi lhistoire de son trouble bipolaire, lac-
tion de ses prises médicamenteuses et différents facteurs psy-
chologiques déstabilisants. Le patient constate que certains
schémas cognitifs ou certains stress favorisent une période
maniaque, tandis que dautres vont constituer des vulnérabilités
propres aux rechutes dépressives [10].
Une phase cognitive et comportementale permet au patient
didentifier ses fluctuations de lhumeur, den détecter les ori-
gines (environnement, personnalité), de développer des
actions pour faire face aux symptômes dépressifs ou mania-
ques, de repérer les signes précurseurs des rechutes et didenti-
fier les vulnérabilités psychologiques personnelles appelées
schémas cognitifs favorisant la souffrance émotionnelle.
Le Tableau 4 résume les différentes étapes.
Ce programme, structuré en 20 séances pratiquées en
groupe, a été évalué dans plusieurs études : ainsi, Lam [7] a
étudié 25 patients bipolaires suivis en ambulatoire, dont la
symptomatologie était équilibrée par un traitement thymorégu-
lateur. Deux groupes ont été constitués par randomisation. Les
premiers suivent une thérapie comportementale et cognitive en
Tableau 2
TCC et bipolarité
Tableau comparatif des programmes de thérapies cognitivocomportementales dans les troubles bipolaires.
Programme de BAUER
et MC BRIDE
BASCO et RUSH LAM NEWMAN BECK
Groupeindividuel Groupe Individuel Individuel Individuel Individuel
Durée 20 séances sur un an 20 séances sur un an 20 séances sur un an Non codifié 15 à 20 séances
Indications Bipolaire Bipolaire Bipolaire Bipolaire Unipolaire
Objectifs Meilleure gestion de
la maladie et
amélioration du
fonctionnement social
et professionnel
Améliorer la
compliance
médicamenteuse
Information sur la
maladie
Prévention
des rechutes
Améliorer la
compliance
médicamenteuse.
Information sur la
maladie
Prévention
des rechutes
Améliorer la
compliance
médicamenteuse.
Information sur la
maladie
Prévention
des rechutes
Modifier le schéma
cognitif dysfonctionnel
pour supprimer les
symptômes et éviter
les rechutes
Psychoéducation sur la maladie Oui Oui Oui Oui Non
Techniques de restructuration cognitive
avec auto-observation ; identification et
modifications des cognitions
Non Oui Oui Oui Oui
Technique comportementale :
(résolution de problèmes, maîtrise et
plaisir, assignation de tâches graduées,
affirmation de soi)
Oui Oui Oui Oui Oui
Techniques pour prévenir le risque
de rechutes
Identification et gestion des facteurs
de stress spécifiques
Oui Oui Oui Oui Oui
Stratégies de coping Non Oui Oui Oui Oui
Identification et modification des
schémas dysfonctionnels
Non Non Non Non Oui
Participation de l'entourage Oui Oui Non Oui Non
Extrait de « Soigner les dépressions avec les thérapies cognitives », Ed. Dunod 2005.
Tableau 3
Objectifs des thérapies comportementales et cognitives
BUT PRINCIPAL
Diminuer les rechutes dépressives et maniaques
MOYENS
Augmenter l'observance médicamenteuse
Identifier de manière précoce des prodromes dépressifs ou maniaques
Apprendre au patient différents moyens comportementaux et cognitifs pour combattre les premiers symptômes
Apprendre par exemple la technique de résolution de problèmes pour réduire les conséquences psychosociales négatives
Apprendre les stratégies pour faire face aux problèmes affectifs et comportementaux
Identifier les facteurs de stress personnels qui augmentent la probabilité des rechutes ; Prescrire des tâches entre les séances, estimées à une vingtaine de minutes
deux ou trois fois par semaine
Aider à l'identification de l'humeur, des cognitions et des comportements par trois outils nouveaux : récapitulatif sur la vie entière du trouble bipolaire, feuille
de route des principaux symptômes dépressifs et maniaques, graphe quotidien de l'humeur
C. Mirabel-Sarron et al. / Annales Médico Psychologiques 164 (2006) 341348344
20 séances, les autres bénéficient du suivi psychiatrique habi-
tuel. Les évaluations sont faites à 6 et 12 mois et indiquent,
pour les sujets qui ont suivi le programme thérapeutique de
Lam, une amélioration significative, avec moins dépisodes
récurrents, une meilleure compliance médicamenteuse ; ainsi
dix patients sur 12 traités par TCC nont pas eu de rechute
durant le suivi, contre seulement deux sur 11 dans le groupe
témoin.
Lam et al. [8] ont poursuivi leur étude sur un plus large
échantillon de 123 patients quils ont randomisés en deux grou-
pes, lun recevant une TCC dune quinzaine de séances. Les
patients du groupe ayant reçu la TCC avaient significativement
moins de rechutes, les épisodes étaient moins longs (trois fois
moins environ), moins dhospitalisations (environ deux fois
moins), moins de symptômes subsyndromaux, ils géraient
mieux les épisodes maniaques et avaient un meilleur fonction-
nement social. Cependant, la prévention des épisodes dépres-
sifs était meilleure que celle des épisodes maniaques. La pro-
portion de patients ayant rechuté après un an était de 44 %
dans le groupe TCC contre 71 % dans le groupe contrôle.
Scott et al. ont comparé 42 patients bipolaires dont 21 ayant
reçu un programme de six mois de thérapie cognitive et com-
portementale individuelle (de 22 séances environ). Les patients
recevant la TCC ont présenté une amélioration significative des
symptômes dépressifs (Beck Depression Inventory après six
mois). La non-compliance médicamenteuse est tombée de 48
à21%.
4. Une étude multicentrique
Devant la forte demande des patients bipolaires, et après une
formation auprès du Dr Lam, début 2003 nous avons mis en
place une thérapie de groupe à la CMME puis avons formé nos
collègues de Tunisie, puis du Maroc.
4.1. La mise en place en France (20032005)
Depuis leur mise en place, trois groupes de patients ont
bénéficié de cette approche, le quatrième est en cours.
Chaque groupe a inclus dix patients qui débutent et pour-
suivent toute la démarche ensemble. Chaque séance dure deux
heures et est animée par deux thérapeutes (C. Mirabel-Sarron,
E. Siobud-Dorocant).
Les patients bipolaires inclus reçoivent depuis plusieurs
mois un traitement thymorégulateur estimé defficacité insuffi-
sante, quelles que soient leurs comorbidités. Sont exclus uni-
quement les patients dont une addiction est de premier plan et
invalidante et qui sont orientés vers des unités spécialisées, et
les malades dont létat dépressif ou maniaque est jugé trop
sévère pour débuter une thérapie de groupe.
Une évaluation clinique et psychologique est pratiquée
avant et après la thérapie et comporte une estimation de létat
thymique, de lanxiété et de lestime de soi. Le Tableau 3 rap-
porte le descriptif des groupes.
Tableau 4
Programme de Lam et al. 1999 - 20 séances de groupe
ÉTAPE 1 Phase éducative : séances 1 à 5
Le trouble bipolaire et ses traitements
Construction de l'alliance thérapeutique
Rappels sur la démarche comportementale
Identification des cognitions, émotions et comportements
Structuration des entretiens, définition de l'agenda
Définition des tâches à domicile
Questionnaires d'autoévaluation
Construction progressive de la life-shart
Définition individuelle des problèmes et des objectifs
ÉTAPE 2 - Techniques comportementales et cognitives : séances 6 à 16
Autoenregistrement de l'humeur et des activités quotidiennes
Identification des fluctuations de l'humeur normale, des aspects de la
personnalité, et de l'humeur pathologique
Mise en relation de la modification de l'humeur avec les cognitions et avec le
taux d'activité
Apprentissage à la relaxation si activité augmentée
Définition de tâches graduées si activité diminuée
Contre-argumentation des cognitions : alternatives de pensées, examen de
l'évidence
Identification des schémas cognitifs
Reformulation des schémas
ÉTAPE 3 - Consolidation : séances 17 à 20
Vérification de l'utilisation de toutes les techniques comportementales et
cognitives
Régularité du style de vie
Identification des stigmas et leurs conséquences personnelles
Identification des facteurs précédant les rechutes sur la life-shart
Tableau 5
Description clinique des groupes
France groupe 1 France groupe 2 France groupe 3 Tunisie groupe 1
Nombre de patients éligibles 13 11 14 Non connu
Nombre de patients inclus 7 7 10 10
Sex-ratio 1 H 1 H 2 H 5 H
6F 6F 8F 5F
Statut matrimonial M = 2 M = 4 M = 5
C=5 C=6 C=4
D=1
Situation professionnelle actuelle A = 4 A = 6 A = 7
In = 2 AM = 3 AM = 1
In = 1 In = 2
Type de bipolarité I = 7 I = 7 I = 9 I
II = 1
H = Hommes ; F = Femmes ; M = Marié ; C = Célibataire ; D = Divorcé ; A = En activité ; AM = En arrêt maladie ; In = Patient inactif.
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