4. Impacts du pétrole

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Pétrole
Le pétrole, du latin petra pierre et oleum huile (soit « huile de pierre »), est une roche
liquide carbonée, ou huile minérale. Énergie fossile, son exploitation est l’un des
piliers de l’économie industrielle contemporaine, car il fournit la quasi totalité des
carburants liquides. Le pétrole est aussi souvent appelé or noir en référence à sa
couleur noire et à son coût élevé.
Sommaire
[masquer]
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1 Une roche visqueuse
o 1.1 Formation
 1.1.1 Accumulation de matière organique
 1.1.2 Maturation de la matière organique
 1.1.3 Piégeage des hydrocarbures
o 1.2 Composition
2 Historique
o 2.1 Usage préindustriel
o 2.2 1859-1901 : la naissance d’une industrie
o 2.3 1901-1945 : changement d’échelle
o 2.4 1945-1973 : l’abondance
o 2.5 1973-1985 : les crises pétrolières
o 2.6 1986-2001 : le retour à l’abondance ?
o 2.7 Depuis 2002 : l’inquiétude
3 L’or noir
o 3.1 Pays producteurs
o 3.2 Pays consommateurs
o 3.3 Exploration et production du pétrole
o 3.4 Industrie aval
o 3.5 Compagnies pétrolières
o 3.6 Consommation
o 3.7 Commerce du pétrole et des produits pétroliers
4 Impacts du pétrole
o 4.1 Économie
o 4.2 Société
o 4.3 Environnement
o 4.4 Sciences et techniques
o 4.5 Géopolitique
o 4.6 Culture et symbolique
5 Perspectives
o 5.1 Production
o 5.2 Alternatives
o
1. Une roche visqueuse
1.1 Formation
Le pétrole est un produit du passé géologique d’une région, issu de la succession de
trois circonstances plutôt exceptionnelles:



l'accumulation de matière organique ;
sa maturation.
le piégeage des hydrocarbures.
Comme un gisement de pétrole est entraîné dans la tectonique des plaques, l’histoire
peut ne pas s’arrêter là. Il peut être enfoui plus profondément et se pyrolyser à
nouveau, donnant un gisement de gaz naturel - on parle alors de gaz thermogénique
secondaire, par opposition au gaz thermogénique primaire formé directement par
pyrolyse du kérogène. Le gisement peut également fuir, et le pétrole migrer à
nouveau, vers la surface ou un autre piège.
Il faut ainsi un véritable concours de circonstances pour mener à la création d’un
gisement de pétrole (ou de gaz), ce qui explique d’une part que seule une infime partie
de la matière organique formée au cours des ères géologiques se soit transformée en
énergie fossile et, d’autre part, que ces précieuses ressources soient réparties de
manière très disparate dans le monde.
1.1.1 Accumulation de matière organique
En règle générale, la biosphère recycle la quasi-totalité des déchets qu’elle produit.
Cependant, une petite minorité de la matière « morte » sédimente, c’est-à-dire qu’elle
se dépose et est enfouie avec de la matière minérale, et dès lors coupée de la
biosphère. Ce phénomène concerne des environnements particuliers, tels que les
endroits confinés (lagunes, deltas…), surtout en milieu tropical et lors de périodes de
réchauffement climatique intense (comme le silurien, le jurassique et le crétacé), où le
dépôt de détritus organiques dépasse la capacité de « recyclage » de l’écosystème
local. C’est durant ces périodes que ces sédiments riches en matières organiques
(surtout des lipides) s’accumulent.
1.1.2 Maturation de la matière organique
Au fur et à mesure que de nouvelles couches de sédiments se déposent au dessus de
cette strate riche en matières organique, la « roche-mère » ou « roche-source », voit
ses conditions de température et de pression augmenter. La matière organique se
transforme d’abord en kérogène, un « extrait sec » disséminé dans la roche sous forme
de petits grumeaux. Si la température devient suffisante (le seuil est à au moins 50°C,
généralement plus selon la nature de la roche et du kérogène), et si le milieu est
réducteur (pauvre en oxygène, dans le cas contraire le kérogène sera simplement
oxydé), le kérogène sera pyrolysé de façon extrêmement lente.
Le kérogène produit du pétrole et/ou du gaz naturel, qui sont des matières plus riches
en hydrogène, selon sa composition et les conditions d’enfouissement. Si la pression
devient suffisante ces fluides s’échappent, ce qu’on appelle la migration primaire. En
général, la roche source a plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’années
quand cette migration se produit. Le kérogène lui-même reste en place, appauvri en
hydrogène.
1.1.3 Piégeage des hydrocarbures
Quant aux hydrocarbures expulsés, plus légers que l’eau, ils s’échappent en règle
générale jusqu’à la surface où ils sont oxydés, ou biodégradés (ce dernier cas donne
des sables bitumineux), mais une minime quantité est piégée : elle se retrouve dans
une zone perméable (généralement du sable, des carbonates ou des dolomites) qu’on
appelle la « roche-réservoir », et ne peut s’échapper à cause d’une couche
imperméable (composée d’argile, de schiste et de gypse), la « roche piège » formant
une structure piège.
Il existe plusieurs types de pièges. Les plus grands gisements sont en général logés
dans des pièges anticlinaux. On trouve aussi des pièges sur faille ou mixtes anticlinalfaille, des pièges formés par la traversée des couches par un dôme salin, ou encore
crées par un récif corallien fossilisé.
1.2 Composition
On distingue les pétroles en fonction de leur origine et donc de leur composition. Le
mélange d’hydrocarbures issu de ce long processus comprend des chaînes linéaires
plus ou moins longues, ainsi que des chaînes cycliques naphténiques ou aromatiques.
Il est possible de distinguer les différents types de pétrole selon leur densité, leur
fluidité, leur teneur en soufre et autres impuretés (vanadium, mercure et sels) et leur
teneur en différentes classes d’hydrocarbures. Le pétrole est alors paraffinique,
naphténique ou aromatique. Il est aussi possible de les classifier parfois selon leur
provenance (golfe Persique, mer du Nord, Venezuela, Nigeria), car le pétrole issu de
gisements voisins a souvent des propriétés proches.
Il existe des centaines de bruts de par le monde. Certains servent comme étalon pour
établir le prix moyen du pétrole en provenance d’une région donnée. Les bruts les
plus connus sont l'Arabian Light (brut de référence du Moyen-Orient), le Brent (brut
de référence européen) et le West Texas Intermediate (WTI, brut de référence
américain).
Selon sa provenance, le brut peut contenir du gaz dissous, de l’eau salée, du soufre et
des produits sulfurés (thiols (mercaptans) surtout). Il a une composition trop complexe
pour être décrite en détails. Il faut distinguer simplement trois catégories de brut :



à prédominance paraffinique : les hydrocarbures linéaires sont les plus
abondants, ces bruts sont les plus recherchés car ils donnent directement une
grande proportion de produits légers comme l'essence et le gasoil;
à prédominance naphténique : beaucoup d'hydrocarbures à plusieurs cycles ;
à prédominance aromatique : les hydrocarbures présentant un seul cycle
insaturé sont les plus abondants.
Il faut signaler également qu’il existe des bruts aptes à faire du bitume, ce sont des
bruts très lourds de type Boscan, Tia Juana, Bachaquero ou Safaniyah. Les deux
principaux critères pour classer les centaines de bruts différents qui existent sont la
gravité (densité) et la teneur en soufre, depuis le plus léger et le moins sulfureux (qui
a la plus haute valeur commerciale) qui est du condensat, jusqu’au plus lourd et au
plus sulfureux qui contient 90 % de bitume environ : c’est un brut d’Italie.
2 Historique
2.1 Usage préindustriel
L’usage du pétrole remonte à l’Antiquité, mais l’approvisionnement était limité aux
affleurement naturels de pétrole, et au pétrole trouvé accidentellement en creusant des
puits pour trouver de l’eau potable ou de la saumure. Ces sources étaient faibles et
irrégulières. Les civilisations mésopotamiennes s’en servaient comme produit
pharmaceutique, cosmétique et comme combustible pour les lampes à huile. Les
Égyptiens employaient de l’asphalte pour la momification.
Au Moyen Âge, il a été utilisé par les Byzantins, puis les Vénitiens, dans la
préparation du « feu grégeois » pour incendier et couler les navires ennemis. Les
Amérindiens, de leur côté, utilisaient du pétrole pour calfater les embarcations et pour
ses supposées vertus médicinales. Au début du XIXe siècle, il existait une utilisation
ponctuelle du pétrole, surtout aux États-Unis. Il était vendu comme remède
« miracle », ou servait dans des lampes et comme lubrifiant.
2.2 1859-1901 : la naissance d’une industrie
Contrairement à une idée répandue (surtout aux États-Unis), Edwin Drake n’a pas
foré le premier puits de pétrole cette année-là. Cependant, il semble avoir été le
premier à produire du pétrole depuis un puits spécifiquement foré dans ce but et, quoi
qu’il en soit, il a provoqué la naissance de l’industrie pétrolière. L’idée était simple :
puisque le pétrole qu’on trouvait en surface semblait fuir depuis des réserves
souterraines, on devait pouvoir en produire beaucoup plus en creusant pour accéder
directement à celles-ci. Il fora donc son puits en Pennsylvanie, dans une région
connue pour les affleurements de pétrole, et produisit les premiers barils de l’ère
moderne. Les États-Unis en produisirent 274 tonnes en 1859. L’année précédente, le
seul producteur était la Roumanie avec 200 tonnes.
Il s’ensuivit une « ruée vers l’or noir » dans différentes régions du monde : Alberta,
Californie, Transylvanie, Pologne et Azerbaïdjan. Les puits de cette époque, creusés
dans des réservoirs proches de la surface signalés par des affleurements, produisaient
peu, de l’ordre du baril/jour. Le marché restait confiné aux applications
traditionnelles, pétrole lampant en tête. En 1857, la ville de Bucarest devient la
première au monde éclairée au pétrole. Notons qu’en fournissant un carburant liquide
beaucoup moins cher que l’huile de baleine employée jusque-là, le pétrole a
probablement sauvé cette espèce de l’extinction totale[2].
En 1885, le chimiste américain Benjamin Silliam Jr. (1816-1885), reprenant des
travaux antérieurs, retrouva un certain nombre de produits naturels par distillation du
pétrole : goudrons, lubrifiants, naphta, solvants pour les peintures ainsi que l’essence
qui, considérée à l’époque comme produit mineur, était utilisée comme détachant. Le
marché du pétrole connaissait à cette époque des fluctuations de prix énormes, chaque
nouveau gisement saturant le marché pour quelque temps. John Davison Rockefeller
parvint à établir une situation de monopole sur le raffinage américain, qui sera brisé
par une loi antitrust.
2.3 1901-1945 : changement d’échelle
Foré en 1901, le premier puit dans le gisement de Spindletop au Texas inaugura une
ère nouvelle. Creusé dans un réservoir profond et non indiqué par des affleurements,
il produisit 80 kbbls/j après son percement. Vers la même époque, le moteur à
explosion se généralise, créant une nouvelle demande pour les carburants liquides. La
production augmente de façon soutenue jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
Des gisements de pétrole de grande taille, comme East Texas ou Kirkouk, furent si
prolifiques que l’inquiétude principale était alors de savoir comment écouler la
production. Le pétrole devint une source d’énergie majeure, au même titre que le
charbon. Pendant les deux guerres mondiales, l’approvisionnement en pétrole des
belligérants fut un enjeu majeur.
L’industrie pétrolière se développa ensuite dans un nombre accru de pays, mais resta
largement dominée par la production américaine qui, en 1945, représente encore 60 %
du chiffre mondial de 7 Mbbls/j[3]. Néanmoins, s’agissant des réserves, une part
accrue se situe au Moyen-Orient. Par exemple, Burgan est découvert en 1938.
2.4 1945-1973 : l’abondance
La forte croissance économique qu’ont connue les pays développés entre 1950 et le
milieu de 1970 n’a pu se réaliser qu’au prix d’un très fort accroissement de la
consommation d’énergie. En effet, cette consommation est passée de 1,7 milliard de
TEP (tonne équivalent pétrole) en 1950 à 5,2 milliards de TEP en 1970, soit un
triplement en 20 ans. Au cours de cette période, le pétrole bon marché détrôna
progressivement le charbon ; alimentant les centrales électriques et l’industrie,
suscitant une crise économique de reconversion dans les bassins charbonniers. Dans le
même temps, il permit la révolution verte. La population mondiale augmenta de 60 %
durant ces 28 années, tandis que la production de pétrole fut multipliée par sept.
À cette époque, le pétrole était encore « facile » : les gisements se trouvaient
facilement, et peu de régions productrices importantes étaient en déclin. D’immenses
gisements faciles à exploiter, peu déplétés, étaient capables d’offrir de la production
supplémentaire. Du point de vue technico-économique, comme conséquence de ce
fort accroissement de la consommation, on assista à un développement des moyens de
transport (transport maritime et par oléoduc) entraînant une diminution importante des
coûts. La seule inquiétude restait le risque de saturation du marché. Les prix étant
clairement orientés à la baisse, les pays disposant des plus vastes réserves
constituèrent, en 1960, l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP),
organisme chargé de coordonner les intérêts des pays membres et dont l’action,
relativement limitée au début, devint par la suite prépondérante.
En 1953, les États-Unis mirent en place des restrictions à l’importation de pétrole afin
de stimuler la production nationale. La fermeture du Canal de Suez de 1967 à 1975
entraîna une augmentation prodigieuse de la capacité unitaire des transports
maritimes. C’est ainsi qu’on a construit dans les années 1970 des supertankers de
550 000 tonnes.
Vers 1970, on commença à se rendre compte qu’une croissance exponentielle de la
production ne peut être maintenue indéfiniment[4], et certains pays producteurs se
mirent à raisonner sur le long terme, se disant qu’en limitant la production, ils
pourraient la prolonger. Ils prirent conscience de leur pouvoir face aux pays
consommateurs et aux compagnies pétrolières. Des négociations importantes eurent
lieu à Téhéran, puis à Tripoli en 1971, où les pays de l’OPEP obtinrent des
compagnies une revalorisation substantielle de leurs revenus et des assurances de
nouvelles augmentations. Le prix de l’Arabe léger (Arabian Light), brut de référence,
n’était que de 3,02 USD courant le baril.
Avec la nationalisation de L’Aramco (1971), l’OPEP donnait le coup d’envoi des
revendications visant à s’assurer une forte participation dans les sociétés pétrolières.
Ces revendications ont été suivies d’effets par des accords de participation signés avec
les pays du golfe persique. Par ailleurs, la production américaine atteint son pic en
1971. [5]
2.5 1973-1985 : les crises pétrolières
Aux États-Unis, la « couleur » politique des États et des grandes collectivité influe sur
leur propension à gaspiller ou économiser l'énergie. Les États majoritairement
démocrates (ayant voté pour Al Gore) aux élections de l'an 2000 (courbes bleues) ont
une plus forte propension à économiser l'électricité que ceux ayant voté pour G Bush.
la Californie a ainsi - dès le 1er choc pétrolier - lancé un programme ambitieux
d'efficacité énergétique qui lui a permis de presque stabiliser sa consommation
moyenne par personne (Sa population ayant augmenté, la consommation totale a
néanmoins augmenté, mais proportionnellement beaucoup moins que dans les autres
états). Source [6]
En février 1971, l’Algérie annonça à la surprise générale la nationalisation des
hydrocarbures, elle fut suivie par l’Irak en 1972, puis par la Libye en 1973, qui
nationalisa à son tour 5 compagnies anglo-américaines de pétrole. En octobre 1973
éclata la guerre du Kippour. Les pays arabes, déjà mécontents de la dévaluation du
dollar américain qui servait à payer leur pétrole (la convertibilité en or du dollar ayant
été supprimée), décrétèrent un embargo pétrolier. Le prix du pétrole bondit de 3 à 13
USD. Une crise encore plus grave eu lieu en 1979, provoquée par la Révolution
iranienne. Le prix culmina à 40 dollars en 1981. La production mondiale passa de 66
Mbbls/j en 1979 à 56 en 1983, le niveau de 1979 ne fut retrouvé qu’en 1993 - et il ne
le fut jamais si l’on divise par la population.
Dans ce contexte, les pays non-membres de l’OPEP se lancèrent dans un
développement rapide de prospection et forage dans de nouvelles régions, comme la
baie de Campeche, la mer du Nord, la Sibérie et l’Alaska. Les efforts en matière
d’énergie nucléaire furent intensifiés, ainsi que les économies d’énergie. L’utilisation
du charbon et du gaz naturel pour l’électricité fut accrue. La croissance de l’économie
mondiale marqua un coup d’arrêt. Les répercussions politiques furent importantes.
Les chocs pétroliers eurent des impacts variés dans la vie quotidienne : réduction de la
cylindrée des voitures, heure d’été, etc.
2.6 1986-2001 : le retour à l’abondance ?
Une nouvelle période de prix relativement bas à partir de 1986 est due à la
conjonction de plusieurs phénomènes. D’une part, les pays du Golfe augmentent
massivement leur production. Il s’agit en partie d’un plan convenu avec les États-Unis
dans le but de « couler » l’économie soviétique, pour laquelle le pétrole représente
une source de devises importantes. Les pays du Golfe, contrairement à l’URSS, ont
des coûts de production bas, et peuvent donc supporter une baisse du prix du baril. Ce
plan fonctionna, et est une cause très importante, quoique méconnue, de
l’effondrement soviétique. Cette chute se traduisit par la perte de plusieurs millions de
barils par jour entre 1990 et 1995, mais fut compensée par une baisse de la demande
des mêmes pays.
D’autre part, le pétrole des nouvelles régions explorées en réponse aux chocs
pétroliers est exploité intensivement, les réserves s’épuisant à un rythme beaucoup
plus rapide que celui des régions « traditionnelles ». La mer du Nord devint une
région pétrolifère, mais avec son coût de production élevé et les prix bas du baril sur
le marché mondial, elle ne généra pas les bénéfices escomptés. Mais surtout, la
croissance économique restant faible dans la plupart des pays, la demande n’augmente
pas beaucoup.
Les inquiétudes sur l’approvisionnement en pétrole s’estompent. Les efforts en
matière d’efficacité énergétique et d’énergies nouvelles sont relâchés. La catastrophe
de Tchernobyl contribue aussi à réduire les programmes nucléaires. Les
investissements dans la filière pétrolière sont réduits également, et les compagnies
pétrolières occidentales affichent des bilans peu flatteurs. Le prix oscille entre 10 et
20 dollars jusqu’en 2001, sauf un pic au moment de la guerre du Koweït. Il passera
même sous les 10 dollars en 1998, sous le double effet d’une reprise de la production
irakienne et d’une crise financière en Asie.
2.7 Depuis 2002 : l’inquiétude
A partir de 2002, le prix du pétrole a connu une hausse rapide. Celle-ci a pris tous les
analystes par surprise, d’autant qu’elle s’est produite sans raison politique majeure,
contrairement aux chocs des années 1970. Si des paramètres momentanés (ouragans,
rupture d’oléoducs, incidents politiques, situation au Venezuela) sont intervenus, les
raisons de fond sont principalement :


La hausse de la demande, en particulier de la Chine, dont la consommation a
augmenté de plus de 2 Mbbls/j en quatre ans, résultat de l’accès d’une fraction
pourtant faible de sa population à la société de consommation.
L’épuisement rapide des réserves de certaines régions, comme la Mer du
Nord, qui ont été exploitées très intensivement. Par exemple, la production
britannique a diminué de 40 % entre 2000 et 2006, tandis que la production
australienne a diminué de moitié.


Les investissements trop faibles de la décennie précédente (dues au faible prix
du pétrole dans les années 90). Actuellement, tous les éléments de la chaîne
pétrolière (derricks, gisements, oléoducs, pétroliers, raffineries) sont vieux et
utilisés à 100 % de leur capacité.
L’incapacité des pays du Golfe à augmenter suffisamment leur production, du
fait du vieillissement de leurs grands gisements, dont la plupart sont exploités
depuis 40 ans ou plus.
Ces difficultés furent partiellement compensées, jusqu’en 2004, par un rebond
spectaculaire de la production russe mais celle-ci augmente beaucoup moins depuis
2005. Dans ce contexte, on cherche à nouveau à économiser le pétrole, mais les 15
années de retard pris dans le domaine se font sentir. Le pétrole non conventionnel fait
l’objet d’investissements accrus, et la stratégie militaire des grandes puissances prend
de plus en plus le pétrole en compte. L’investissement est relancé, mais l’exploration
pétrolière offre des retours sur investissement bien plus faibles que jadis. L’OPEP n’a
plus de capacité de production en réserve, et a donc perdu son contrôle des prix.
Les paramètres principaux pour l'estimation de la demande pétrolière à moyen et long
terme sont au nombre de cinq : la croissance économique ; l'évolution de la part du
pétrole dans le mix énergétique ; les changements dans l'efficacité de l'utilisation du
pétrole (intensité énergétique par unité de PIB) ; les prix du pétrole ; les conditions
climatiques. D'autres éléments impactent la demande à court terme : le prix des
énergies concurrentes (principalement gaz et charbon) ; la fiscalité sur les produits
pétroliers ; le taux de change du dollar ; le taux de charte des tankers ; la spéculation ;
le nombre de jours travaillés dans le mois ; les grèves dans les industries très
consommatrices de pétrole, etc...
Courant 2006, les prix se sont légèrement tassés aux environs de 60 dollars. Ils sont
repartis à la hausse en 2007, atteignant des records historiques à 80 dollars (12
septembre) puis 90 (19 octobre).
3. L’or noir
Les unités couramment utilisées pour quantifier le volume de pétrole sont les Mbbls
ou Gbbls pour les réserves, les Mbbls/j pour la production, « bbls » signifiant « blue
barrels », les préfixes « M » et « G » signifiant respectivement million et milliard
(méga et giga). Un baril représente exactement 42 gallons, soit 158,987 litres. Cette
unité, bien qu’universellement utilisée pour le pétrole, n’est pas une unité légale,
même aux États-Unis. À titre d’exemple, le plus grand réservoir connu de pétrole,
Ghawar, contient environ 70 Gbbls extractibles et la production mondiale est de
81 Mbbls, c’est-à-dire 12,9 milliards de litres, par jour.
3.1 Pays producteurs
Les principaux pays producteurs sont (par ordre décroissant de production en 2005,
avec quantités en Mbbls/j incluant le brut, les liquides de gaz naturel et le pétrole non
conventionnel (voir l’article : Classification des hydrocarbures liquides), mais pas le
gain de raffinage)[7] :
Régions productrices de pétrole dans le monde
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Arabie saoudite : 9,57
Russie : 9,44
États-Unis : 7,27
Iran : 3,91
Mexique : 3,76
Chine : 3,63
Canada : 3,03
Norvège : 2,97
Venezuela : 2,64
Koweït : 2,51
Nigeria : 2,5
Émirats arabes unis : 2,5
Angola:1,8
Irak : 1,8
Brésil : 1,7
Royaume-Uni : 1,7
Algérie : 1.65
Libye : 1,4
Les principaux pays exportateurs sont (par ordre décroissant d’exportation en 2005) :
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Arabie saoudite : 7,38
Russie : 6,64
Norvège : 2,74
Iran : 2,34
Koweït : 2,18
Venezuela : 2,12
Nigeria : 2,09
Émirats arabes unis : 2,09
Mexique : 1,66
Algérie : 1.63
Libye : 1,38
La production mondiale est d’environ 80 Mbbls/j, dont 34 proviennent des pays
membres de l’OPEP.
3.2 Pays consommateurs
En 2005, les principaux pays consommateurs sont, en Mbbls/j [8]:
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États-Unis : 20 (estimation 2003)
Chine : 7
Japon : 5,4
Russie : 2,8
Corée du Sud : 2,6
Allemagne : 2,6
Inde : 2,5
Canada : 2,2


Mexique : 2,0
France : 2,0
Quelques quantités remarquables par groupes de pays :



Union européenne : 14,7, ce qui est relativement peu pour l’importance
économique de cette zone.
OPEP : 7,4, ce qui représente une consommation énorme comparée à la taille
de l’économie de ces pays, s’expliquant par des prix extrêmement bas sur les
marchés intérieurs. Le cas extrême est celui du Venezuela, où l’essence est
vendue 4 centimes d’euro le litre.
Afrique : 2,8, soit moins de 3,5% de la consommation mondiale.
3.3 Exploration et production du pétrole
L’industrie pétrolière se sépare schématiquement en « amont » (exploration,
production) et en « aval » (raffinage, distribution).
L’exploration, c’est-à-dire la recherche de gisements et la production sont souvent
associés : les États accordent aux compagnies des concessions, pour lesquelles ces
dernières assument le coût de l’exploration, en échange de quoi elles exploitent (pour
une certaine durée) les gisements trouvés. Les mécanismes financiers sont variés :
prêts à long terme, participation au capital, financement via des emprunts faits auprès
de banques nationales, etc.
L’exploration commence par la connaissance géologique de la région, puis passe par
l’étude détaillée des structures géologiques (principalement par imagerie sismique,
même si la magnétométrie et la gravitométrie peuvent être utilisées) et la réalisation
de puits. On parle d’exploration « frontière » lorsque la région n’a pas encore de
réserve prouvée, le risque est alors très élevé mais le prix d’entrée est faible, et le
retour peut être important.
La production, ou plutôt l’extraction du pétrole, peut être une opération complexe :
pour maximiser la production finale, il faut gérer un réservoir composé de différents
liquides aux propriétés chimiques très différentes (densité, fluidité, température de
combustion et toxicité, entre autres). Au cours de la vie d’un gisement, on augmente
le nombre de puits de production pour accéder aux poches restées inexploitées. En
règle générale, on injecte de l’eau et/ou du gaz dans le gisement, via des puits
distincts de ceux qui extraient le pétrole. Une mauvaise stratégie d’exploitation
(mauvais emplacement des puits, injection inadaptée, production trop rapide) peut
diminuer de façon irréversible la quantité de pétrole extractible. Par exemple, la
frontière entre la nappe de pétrole et la nappe d’un liquide chargé en soufre peut être
brisée par simple brassage, contaminant ainsi le pétrole.
Au cours des dernières décennies, l’exploration et la production se font en proportion
croissante en offshore : l’onshore, plus facile d’accès, a été exploité le premier. La loi
de Ricardo s’applique très bien au pétrole, et, en règle générale, le retour sur
investissement tend à diminuer : les gisements sont de plus en plus petits, dispersés, et
difficiles à exploiter. Il y a bien sûr des exceptions, comme dans des pays où
l’exploration a longtemps été paralysée pour des raisons politiques.
3.4 Industrie aval
Les raffineries sont le centre névralgique de l’industrie pétrolière
Articles détaillés : Raffinage du pétrole et pétrochimie.
Le raffinage consistait simplement, à l’origine, en la distillation du pétrole, pour
séparer les hydrocarbures plus ou moins lourds. La distillation sous pression
atmosphérique s’est vue complétée d’une distillation sous vide, qui permet d’aller
plus loin dans la séparation des hydrocarbures lourds. Au fil du temps, nombre de
procédés ont été ajoutés, dans le but de maximiser la production des coupes les plus
profitables (essence et gasoil, entre autres) et de diminuer celle de fioul lourd, ainsi
que de rendre les carburants plus propres à l’emploi (moins de soufre, de particules et
de métaux lourds). Ces procédés, qui notamment comprennent le reformage, le
désasphaltage, la viscoréduction, la désulfuration, l’hydrocraquage, utilisent beaucoup
d’énergie (sous forme de chaleur et d’hydrogène).[9]
Ces procédés continuent à se multiplier, les raffineurs devant satisfaire des demandes
de plus en plus sévères sur la qualité des produits (du fait de l’évolution de la structure
du marché et des normes environnementales) alors que la qualité des pétroles bruts
tend à diminuer, les pétroles plus lourd et plus riches en souffre représentant une part
accrue de la production. Une autre évolution importante est la valorisation améliorée
des gaz (GPL) et des solides (cokes de pétrole, asphalte) coproduits par le raffinage.
Les raffineries sont en général des infrastructures considérables, traitant des dizaines,
voire des centaines de milliers de barils/jour. En France, il existe treize raffineries,
dont six (représentant 55% de la capacité) sont contrôlées par Total.[9]
On inclut aussi souvent dans l’industrie aval pétrolier, en plus de la production des
carburants, la conversion de certains des produits en dérivés comme les matières
plastiques.
Le transport du pétrole, tant le brut que les produits raffinés, utilise principalement les
pétroliers et les oléoducs pour les grandes distances et les volumes importants. Le
transport par chemin de fer, par barge en eau douce et par camion sont surtout utilisés
pour la distribution finales des produits. Le transport du pétrole est à lui seul un
secteur économique important : ainsi, les pétroliers représentent environ 35% du
tonnage de la marine marchande mondiale.[10]
3.5 Compagnies pétrolières
L’industrie pétrolière est un pilier de l’économie mondiale : sur les dix plus grandes
sociétés privées de la planète, cinq sont des compagnies pétrolières [11]. De plus,
certaines compagnies nationales dépassent largement la taille de ces majors privées.
En effet, il existe plusieurs sortes de compagnies pétrolières :


Les grandes compagnies privées multinationales et verticalement intégrées
(c’est-à-dire concentrant les activités d’exploration, production, raffinage, et
distribution), dites « majors », telles queBP, Shell, Total et Lukoil.
Les raffineurs, qui ne détiennent que l’aval (raffineries et éventuellement
stations-service).


Les indépendants, qui ne font que chercher et produire du brut pour le vendre
à des raffineurs. Certaines sont des compagnies très importantes et agissant sur
plusieurs continents, comme Anadarko, d’autres sont beaucoup plus petites,
avec à l’extrême des compagnies familiales n’opérant qu’un puits ou deux (au
Texas notamment). En France, on peut citer Pérenco et Maurel et Prom.
Les compagnies nationales, qui sont elles-mêmes assez diverses. Pemex et
Aramco, par exemple, ont un monopole de la production dans leur pays, et se
comportent comme un organe du gouvernement. D’autres, comme Petronas ou
Petrobras, cherchent une expansion internationale, et se comportent presque
comme des « majors » bien que leur capitaux soient publics. Notons qu’en
termes de production de pétrole, Aramco équivaut à quatre fois Exxon Mobil,
première compagnie privée par le chiffre d’affaires. Enfin, certains petits pays
producteurs ont une compagnie nationale qui n’a en réalité guère d’activité
industrielle et a surtout pour rôle de commercialiser la part de la production
revenant à l’état.
3.6 Consommation
Le pétrole sert dans tous les domaines énergétiques, mais c’est dans les transports que
sa domination est la plus nette. Seul le transport ferroviaire est en grande partie
électrifié, pour tous les autres moyens de transports, les alternatives sont marginales et
coûteuses, et ont un potentiel de croissance limité. En 2002, selon le FMI [12], 48% des
produits pétroliers sont employés dans ce secteur, et cette part continue à augmenter.
La situation est différente pour la production d’électricité à partir du pétrole, où sa
part a constamment diminué depuis plus de 30 ans, étant à moins de 8 % en 2006. Le
charbon, le gaz naturel, le nucléaire et les énergies renouvelables s’y sont largement
substitués, sauf pour des cas particuliers (pays producteurs disposant de pétrole bon
marché, îles et autres endroits difficiles d’accès). De plus, le pétrole utilisé dans la
production d’électricité est en majorité du fioul lourd, difficile à employer dans
d’autres domaines (excepté la marine) sans conversion profonde.
L’agriculture ne représente qu’une fraction modeste de la consommation de pétrole,
mais c’est peut-être ce secteur qui crée la dépendance la plus vitale : sans les
pesticides et les machines agricoles, qui s’appuient sur le pétrole (les engrais sont
confectionnés à partir de gaz naturel), il ne serait pas possible d’avoir les rendements
agricoles actuels, ni de nourrir une population mondiale aussi nombreuse. Il faut
savoir aussi, que plus la demande augmente, plus il y a d’investissement dans la
recherche de pétrole. La demande favorise les investissements et donc il y a plus de
terres inexploitées où l’on trouve du pétrole.
3.7 Commerce du pétrole et des produits pétroliers
La valeur d’un pétrole brut dépend de sa provenance et de ses caractéristiques
physico-chimiques propres qui permettent, après traitement, de générer une plus ou
moins grande quantité de produits à haute valeur marchande. Pour simplifier, on peut
dire que plus le brut est léger (c’est-à-dire apte à fournir, après traitement, une grande
quantité de produits à forte valeur marchande) et moins il contient de soufre, plus il
coûte cher. Dans une moindre mesure, la distance entre l’endroit où est vendu le
pétrole et les régions importatrices intervient également.
Les acteurs du marché cherchant à se protéger des fluctuations de cours, le NYMEX
introduit en 1978 les contrats futures sur le fioul domestique (heating oil).
4. Impacts du pétrole
Le développement de l’industrie pétrolière a fourni les carburants liquides qui ont
permis la deuxième révolution industrielle et a donc considérablement changé le cours
de l’histoire. En ce sens, le pétrole est véritablement un successeur du charbon, qui
avait rendu possible la première révolution industrielle. Son utilisation est également
source de controverse, car ses utilisations conduisent l'homme à dégrader
l'environnement, plus ou moins directement.
4.1 Économie
Le pétrole étant le plus gros commerce de la planète en valeur (et en volume), il
modifie considérablement les flux de devises. Les grands pays producteurs disposent
de recettes telles que leurs gouvernements ont souvent un excédent public à placer,
qui leur donne un poids financier important. Par exemple, vers 1998, la Russie avait
une dette publique très importante et semblait proche de la cessation de paiements.
Depuis, la hausse du prix de pétrole et celle de sa production lui a permis d’engranger
des recettes fiscales telles que la dette a été pratiquement remboursée et que le pays a
la troisième réserve de devises au monde en 2006 [13]
Les fluctuations du prix du pétrole ont un impact direct sur le budget des ménages,
donc sur la consommation dans les pays développés. Elles influent aussi, en
proportion variable, sur le prix de tous les biens et services, car tous sont produits en
utilisant, du moins indirectement, du pétrole.
La découverte de réserves de pétrole dans un pays est souvent perçue comme un
« miracle » pour son économie. Toutefois, l’afflux de devises est parfois mal utilisé
(voir Syndrome hollandais), il peut encourager la corruption et les ingérences
étrangères. L’effet réel est donc souvent plus contrasté, surtout pour les pays les plus
pauvres.
4.2 Société
Devenu indispensable à la vie quotidienne, le pétrole a un impact social important. On
a vu des émeutes parfois violentes dans certains pays suite à des hausses de prix. En
2006, certains syndicats français demandent l’instauration d’un « chèque transport »
pour aider les salariés qui se déplacent beaucoup à faire face au prix des carburants.
Dans les pays développés, une hausse du prix du pétrole se traduit par un
accroissement du budget consacré à la voiture, mais dans les pays les plus pauvres,
elle signifie moins d’éclairage et moins d’aliments chauds, car le kérosène est souvent
la seule source d’énergie domestique disponible.
Outre que le pétrole est utilisé dans toutes les industries mécanisées comme énergie
de base, ses dérivés chimiques servent à la fabrication de toutes sortes de produits,
qu’ils soient hygiéniques (shampooing), alimentaires, de protection, de contenant
(matière plastique), tissus, etc. Ce faisant, le pétrole est devenu indispensable et par
conséquent très sensible stratégiquement.
4.3 Environnement
L’impact environnemental le plus inquiétant du pétrole est l’émission de dioxyde de
carbone résultant de son utilisation comme carburant. La combustion des produits
pétroliers libère dans l’atmosphère d’autres polluants, comme le dioxyde de soufre
(SO2), mais ceux-là peuvent être maîtrisés, notamment par la désulfuration des
carburants, ou des suies. On estime cependant que si le pétrole est plus polluant que le
gaz naturel, il le serait nettement moins que le charbon et les sables bitumineux.
L’extraction pétrolière elle-même n’est pas sans impact sur les écosystèmes locaux
même si, comme dans toute industrie, les risques peuvent être minimisés par des
pratiques prudentes. Néanmoins, certaines régions fragiles sont fermées à
l’exploitation du pétrole, en raison des craintes pour les écosystèmes et la biodiversité.
Enfin, les fuites de pétrole et de production peuvent être parfois désastreuses,
l’exemple le plus spectaculaire étant celui des marées noires. Les effets des dégazages
ou même ceux plus cachés comme l’abandon des huiles usagées ne sont pas à
négliger.
La société moderne qui utilise encore largement le pétrole, énergie génératrice de
pollution, dégrade, de manière sensible, l'environnement de la planète.
4.4 Sciences et techniques
L’exploration pétrolière a rendu nécessaires de grands progrès en géologie, du moins
pour la compréhension des bassins sédimentaires. Cette science aurait donc progressé
beaucoup moins vite sans la source de financement représentée par le pétrole.
Certaines branches de la chimie en ont aussi profité. Dans le domaine technologique,
la contribution la plus évidente de l’industrie pétrolière est l’amélioration des
techniques de forage, qui profite à d’autres domaines comme l’énergie géothermique.
Ce sont là les impacts directs de l’industrie pétrolière, mais indirectement le pétrole,
en fournissant les carburants liquides nécessaires, a permis le développement de
l’automobile et de l’aviation. En revanche, cette source d’énergie relativement bon
marché a freiné la recherche pour d’autres ressources énergétiques.
4.5 Géopolitique
Le pétrole est une donnée largement prise en compte par les stratèges géopolitiques.
En effet, la dépendance des sociétés envers ce produit est telle qu’une difficulté
d’approvisionnement (coût, diminution de la production…) peut en soi justifier un
conflit. D’autre part, une guerre qui rompt des approvisionnements en pétrole peut
ainsi forcer l’implication de puissances, qui seraient restées neutres sinon. Par ailleurs,
l’approvisionnement en pétrole des belligérants a plusieurs fois influé sur le sort des
armes, comme pendant les deux guerres mondiales. Nombre de pays disposent de
réserves stratégiques de pétrole et/ou de produits raffinés, pour subvenir aux besoins
de leurs forces armées en cas de conflit. Les États-Unis ont une réserve si vaste
qu’elle sert aussi à atténuer l’impact économique de coupures d’approvisionnements,
comme celles dues aux ouragans.
4.6 Culture et symbolique
Le pétrole est devenu un symbole de la richesse et de la chance, supplantant
largement l’or qui avait longtemps tenu ce rôle. La culture populaire en a tiré des
images stéréotypées, qu’on retrouve par exemple dans la série Dallas, ou dans
l’expression « rois du pétrole ». Les compagnies pétrolières privées sont elles
emblématiques du système économique capitaliste, ainsi les auteurs de romans ou de
films en feront souvent usage pour tenir le rôle du « méchant ». À l'inverse, les
compagnies pétrolières publiques de certains pays sont un emblème d'indépendance
nationale et de puissance économique, on pourra en donner comme exemple la
construction des tours Petronas.
5. Perspectives
5.1 Production
Une méthode prédictive a été mise au point par le géologue Marion King Hubbert
pour déterminer le moment où la production d’un champ pétrolifère atteint son point
culminant. En 1956, il avait ainsi annoncé le pic pétrolier des États-Unis d’Amérique
en 1970[14].
Selon le modèle de Hubbert, la production d’une ressource non renouvelable, à
condition qu’elle ne soit pas trop perturbée par des évènements externes, suit une
courbe qui ressemble d’abord à une croissance exponentielle, puis plafonne et
diminue.
Cette loi s’applique au pétrole et une cinquantaine de pays ont déjà passé leur pic de
production. Néanmoins, il est très difficile d’estimer quand ce pic aura lieu au niveau
mondial : vers 2010 pour les uns, dans plusieurs décennies pour les autres.
Dans le premier groupe, un certain nombre de chercheurs en géologie et d’anciens
experts géologues en prospection pétrolière des grandes compagnies productrices se
sont regroupés en association, l’ASPO, pour dénoncer la surévaluation des stocks
estimés des pays producteurs. Les raisons d’une telle surévaluation sont multiples :



pour un pays producteur, il s’agirait d’attirer les investisseurs pour construire
des infrastructures d’extraction et de transport coûteuses ;
pour un pays consommateur, il s’agirait de forcer les pays producteurs à
maintenir un prix bas en agitant la menace d’aller se fournir ailleurs ;
pour les compagnies pétrolières, il s’agirait de rassurer leurs investisseurs sur
leur valeur à terme et de négocier à bas prix les achats de gisements (si les
réserves mondiales sont élevées, un nouveau gisement vaut moins cher car il
est moins rare). Certains dirigeants de Shell, ayant surévalué les stocks
récupérables de la compagnie, ont été remerciés en 2004, entraînant à l’époque
une lourde chute des actions de la société.
La conséquence principale de la surévaluation des stocks est une prise de risque pour
l’économie mondiale, qui repose majoritairement sur le pétrole pour ses besoins en
énergie et qui n’anticipe pas la pénurie prévisible à moyen ou court terme : une crise à
court terme pourrait déstabiliser à la fois l’économie et la politique sur le globe. De
nombreux experts de l’ASPO annoncent un baril à 100 USD dans moins de deux ans.
Les détracteurs de cette hypothèse, qui la voient comme une théorie du complot,
rappellent que plusieurs alertes à une prochaine pénurie se succèdent depuis les
années 1950 et que, depuis, il n’y a toujours pas eu de tel pic.
La question n’est pas de savoir si le pic aura lieu, mais simplement quand il aura lieu.
Une fourchette de dates comprises entre 2020 et 2030 est de plus en plus largement
admises, par les pays producteurs, les compagnies pétrolière et les instances
internationales telles que l’AIE.
Le rapide développement industriel de la Chine rend le sujet encore plus pressant, en
pesant sur la demande. Plusieurs pays producteurs ont récemment connu des
controverses intérieures sur l’étendue de leurs réserves. [15]
Si évaluer la date du pic de production est difficile, anticiper ses conséquences sur
l’économie mondiale l’est encore plus. Il existe en effet de nombreuses solutions pour
remplacer des quantités variées de pétrole, chacune ayant ses limites.
5.2 Alternatives
L’impact du pétrole sur l’environnement et la diminution prévue des stocks obligent à
envisager, à plus ou moins long terme, le remplacement de cette énergie par une autre
qui soit plus propre à obtenir.
Les différentes pistes sont :
– les énergies renouvelables ;
– l’énergie nucléaire.
Néanmoins, ces sources d’énergie conviennent surtout pour la production
d’électricité. Elles peuvent donc réduire directement la consommation de charbon et
de gaz naturel. Par contre, elles ne peuvent pas directement se substituer au pétrole,
qui sert principalement à la production de carburants liquides.
L’industrie chimique est à même, depuis la Seconde Guerre mondiale, de reproduire
l’ensemble des produits chimiques issus du pétrole par le procédé Fischer-Tropsch,
mais pour cela il faut disposer d’un combustible bon marché. L’Afrique du Sud
produit plus de 160 kbbls/j de pétrole à base de charbon, mais les émissions de gaz à
effet de serre sont énormes : les carburants en produisent autant que les carburants
pétroliers conventionnels lors de leur utilisation, et d’autres émissions s’ajoutent lors
de la production. Une solution, coûteuse mais efficace, serait de coupler à ces
procédés la séquestration du CO2.
Les biocarburants sont la seule source renouvelable de carburants liquides. Ils se
développent dans nombres de pays, mais suscitent des inquiétudes. Ils entrent en
compétition avec l’agriculture pour l’alimentation et avec les milieux naturels pour
l’occupation des sols. Leur rendement énergétique est souvent critiqué[16] De petites
quantités de biocarburants peuvent être produits à partir de déchets de l’industrie
agroalimentaire, dans ce cas le bilan est bien meilleur. La production de biodiesel à
partir d’algues attire un intérêt croissant : elle ne réclame ni eau douce, ni terres
cultivables et offre un rendement à l’hectare bien supérieur et permettent de recycler
du CO2 industriel.[17]
Pour les autres utilisations du pétrole (industriel, résidentiel, tertiaire), des solutions
locales, très dépendantes du contexte, peuvent apporter une diminution de l’emploi du
pétrole, mais non un remplacement complet. Certaines industries génèrent des
coproduits qui sont des sources d’énergie potentielles et ne sont pas toujours utilisées
de façon optimale. À titre d’exemple, citons l’industrie du papier qui pourrait devenir
autonome en énergie en valorisant plus efficacement les écorces et la liqueur noire[18]
ou des stations de retraitement des eaux usées qui peuvent s’auto-alimenter au moins
partiellement grâce à la production de biogaz[19].
Pour le chauffage, les alternatives les plus courantes sont le gaz naturel et l’électricité.
L’emploi d’électricité pour la production de chaleur par effet joule est
thermodynamiquement inefficace, car l’électricité est généralement produite à partir
de chaleur avec un mauvais rendement. Cependant, des solutions basées sur la
géothermie, les pompes à chaleur ou sur l’amélioration de l’isolation permettent un
gain de rendement important. Enfin, pour la chaleur à basse température (comme
l’eau chaude domestique), l’emploi du pétrole peut être assisté par l’énergie
solaire[20].
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