Passer du statut d`état rentier à l`économie productive

BAD
Banque africaine de développement
Passer du statut d’état rentier à
l’économie productive
Planifier le développement de la Libye de
l’après-guerre civile
2013
www.afdb.org
Note économique
CONTENU
IContexte p.1
II Planifier pour le
développement de la
Libye p.5
III Passer d’un statut
d’État rentier à une
économie productive p.6
1. Renforcer les capacités
de l’État en matière de
réglementation p.6
2. Redéfinir les rôles des secteurs
public et privé p.8
3. Orienter et appuyer plus
les initiatives de réforme et de
développement p.13
III Conclusion p.15
Annexe A p.17
Zondo Sakala
Vice président
Jacob Kolster
Directeur ORNA
+216 7110 2065
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I. Contexte
Le titre du présent document Passer du statut.
d’État rentier à une économie productive
exprime le changement qui doit s’opérer en Libye
au moment le pays s’apprête à s’engager dans
un processus de planification économique à long
terme, au lendemain de la guerre civile qu’il a
travere. Ce changement consiste essentiellement
à passer d’une économie reposant essentiellement
sur les recettes pétrolières dans le cadre d’un
sysme quasiment dépourvu d’institutions
politiques nationales pour orienter le veloppement
vers un nouvel État dans lequel les institutions
politiques et économiques s’allient de manière plus
inclusive et plus intége pour assurer la croissance
et leveloppement économiques.
Près de 18 mois après la fin du conflit, le pays
a du mal à finir son avenir économique à
long terme. Le document intitulé Libye défis
d’après-guerre (BAD, 2011) signalait que l’une
des principales difficultés du pays serait d’éviter
de renouer avec les habitudes de népotisme du
régime précédent, se traduisant par l’utilisation
des ressources du pays d’une façon distributive
qui ajoute peu à la capacité globale de
l’économie à stimuler la croissance et le
développement à long terme. Le premier budget
du pays aps la guerre civile, ainsi que les
paiements effectués aux thuwar ceux qui ont
combattu l’ancien gime, aux anciens
prisonniers politiques sous le précédent régime
et à la population dans son ensemble, attestent
des écueil que les États producteurs de pétrole
ont à éviter (quelle que soit leur bonne intention)
le recours aux paiements directs et aux
subventions dans le but de réaliser des objectifs
politiques à court terme.
L’intérêt porté à l’avenir économique du pays
pendant la guerre civile, diminué ou disparu face
aux dures alités de la reconstruction et à la
nécessité de faire face aux séquelles de la guerre
civile. Il n’est donc pas surprenant que la
planification à long terme ait été, du moins
temporairement, reléguée au second plan dans
un contexte les besoins de reconstruction sont
considérables et où la capacité des autorités
nationales continue de se révéler très insuffisante
Ce rapport a été prépapar Dirk Vanderwalle, membre de la faculté de science administrative à l'Ecole Amos de management
de Dartmouth, États-Unis, sous la supervision de Vincent Castel, (Coordinateur principal de programme, ORNA). Ce travail a
été réalisé en 2011 sous la conduite générale de Jacob Kolster (Directeur, ORNA. Les auteurs souhaitent remercier Sahar Rad
(Consultante, ORNA) pour sa contribution.
au regard de la quantité, de la diversité des défis auxquels celles-ci
sont confrontées. À ce jour, les aides des institutions bilatérales et
multilatérales ont elles aussi principalement porté sur des solutions à
court et moyen termes.
Depuis 1969, les autoris libyennes se sont peu intéressées à
la planification systématique en faveur de la croissance et du
développement économiques du pays, convaincues en parties que la
richesse minière du pays constituerait une source quasi inépuisable de
revenus pour les générations futures. Le gouvernement libyen contrôlait,
directement ou indirectement, la majorité des entreprises et des actifs
du pays – accumulant un nombre important d’industries, d’institutions
financières et de sociétés immobilières peu performantes. Il contrôlait,
entre autres actifs, 360 sociétés d’État et cinq des six banques
commerciales du pays.
La nécessid’adopter de toute urgence, au lendemain de la révolution,
une stratégie de croissance, de développement et de réforme pour
l’économie libyenne est toutefois évidente : le maintien des politiques
budtaires et des tendances actuelles des dépenses de la Libye
entameront gravement la richesse du pays. Des scénarios plausibles
esquissent une situation dans la quelle les penses publiques pourraient
entraîner des déficits durables du solde budgétaire dès 20152. Au rythme
actuel des dépenses, ces scénarios se réaliseront, même si les cours
des hydrocarbures demeurent élevés et que l’on présume que ni une
crise européenne, ni une crise mondiale prolongées ne viendront
aggraverles défis auxquels est confrontée la Libye.
Pour rappele, la Libye est confrone à deux types distincts mais
interdépendant, de difficultés dans lélaboration d’un plan de
développement intégré à long terme :
1) Les inefficacités et les goulots d’étranglement économiques de
longue date et persistants, qui se sont manifess lorsque la Libye
est devenue un pays exportateur de trole au but des années
60. Le document intitulé Libye : fis d’aps guerre s’est penché
sur ces maux de « rentier » : fortes défaillances de la réglementation;
recherche géralisée de rente; incohérences et faiblesse de la
réglementations économique; économie dualiste; environnement des
affaires non transparent; politiques économiques incorentes;
prédominance de l’État se traduisant par des directives à caractère
général ne régissant guère l’économie; inadéquation des politiques
de l’emploi; obstacles à l’entreprenariat privé; régimes juridiques
défaillants et quasi abandon de certains secteurs de léconomie
nationale.
2) Des questions déconomie politique de plus vaste portée
l’interface des rapports État-société) limitent gravement la capaci
des planificateurs économiques à mettre en œuvre tout plan à
long terme : favoritisme; interdiation et corruption généralisés;
niveau élevé d’autonomie de l’État; faible niveaux de réglementation
et fragmentation de la société, qui écornent les initiatives personnelles
et la légitimité en Libye. C’est en particulier ce 2ème type de contraintes
(et non les défis à caractère purement économique) qui ont voué à
l’échec les tentatives de réformes aps 2003.
Bien que le contexte sociopolitique soit plus favorable aux réformes
économiques dans la Libye de l’après révolution, il importe de noter
qu’il subsiste d’importantes entraves aux réformes économiques peu
probable de résorber totalement pendant la période de planification et
de réforme sur laquelle se concentre le présent document. Au nombre
de celles-ci, la sécurité et l’ordre constituent les principaux sujets de
préoccupation : les efforts visant à attirer les investissements étrangers
et locaux et à mettre en œuvre les directives économiques seront voués
à l’échec, si le gouvernement libyen n’a pas la capacité à assurer
durablement la sécurité et à appliquer l’État de droit. Or, ces capacités
institutionnelles et réglementaires s’acquièrent généralement au bout
de plusieurs années, non pas du jour au lendemain.
Jusqu’à la cente guerre civile, la planification de l’avenir de la Libye
était au mieux une activi aléatoire. Les préoccupations concernant
l’efficaci et la diversification se voyaient noyées, en effet, dans une
masse de préoccupations politiques, idéologiques et sécuritaires
qui ne permettaient pas une planification systématique. La Libye n’a
envisagé une approche plus systématique en matre de croissance
et de développement, que face aux réalités de sa situation économique
et par l’émergence de la vonlonté de réintégrer la communauté
internationale aps avoir subi plusieurs cennies de sanctions et
d’ostracisme. La publication, en 2006 par le Conseil général libyen
de planification du rapport du Monitor Group intitulé « National
Economic Strategy: An Assessment of the Competitiveness of the Libyan
Arab Jamahiriya » et la nomination d’un nouveau premier ministre ont
constit la première tentative de planification à long terme, avec
l’adoption de certaines mesures décrites dans l’annexe A. À l’époque,
le rapport du Monitor Group avait habilement résumé les difficuls
que connaissait le pays et les fis à venir :
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2FMI, Visite des services en Libye – Déclaration finale (4 mai 2012).
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3Voir en particulier FMI, Libya Beyond the Revolution: Challenges and Opportunities (Washington D.C., 2012) et Visite des services en Libye – Déclaration finale (mai 2012).
4À ce jour, les nouvelles autorités libyennes ont eu recours au favoritisme à petite échelle essentiellement à des fins de stabilisation politique ; l’on ignore pour le moment si cette
pratique va s’enraciner davantage dans l’économie libyenne de façon structurelle.
« Le projet de nouvelle stragie économique vise à faire passer la
Libye dune situation déconomie distributive aux institutions peu
développées, à un modèle d'économie mixte unique opérant un
équilibre entre les mécanismes du marché et les valeurs [du Livre
Vert]... Le gouvernement est appelé à jouer un rôle important,
consistant à réaliser la stabilité politique et juridique, mettre en place
une infrastructure de base efficace et renforcer l'environnement
microéconomique et macroéconomique, afin de permettre à l'entreprise
privée de prospérer. Il s'agira là d'une problématique cruciale pour la
Jamahiriya, dont les institutions juridiques et réglementaires étatiques
sont traditionnellement faibles ».
Lévaluation faite par le premier ministre d’alors reftait les
préoccupations expries dans le rapport sur la nouvelle stratégie
économique :
« Les stratégies et les initiatives que nous adoptons […] visent créer]
une architecture nouvelle et globale pour l’économie nationale [qui
intègre] de nombreuses incitations en faveur des investisseurs étrangers,
telles que des exonérations fiscales au cours des premières années,
un abattement fiscal important pour les entreprises, la création d’une
zone franche à Misurata [Misrata] et l’ouverture du capital des entreprises
publiques aux investisseurs étrangers-[et] la réduction de la mauvaise
gestion et de la corruption et, bien entendu, de la bureaucratie ».
Les rapports du FMI publiés mi 2012 reprenaient quasiment mot pour
mot les poccupations que l’institution avait exprimées ps d’une
cennie auparavant, indiquant à quel point peu de choses avaient
ritablement changé au cours des années écoues :
« À court terme, les autorités doivent rétablir la sécurité, rendre
totalement opérationnelle la production d’hydrocarbures, exercer une
rigueur budgétaire, redynamiser le sysme bancaire et maintenir la
stabilité macroéconomique […] Les efforts à moyen terme devraient
se focaliser sur le renforcement des capacités, le renouvellement des
infrastructures, le développement du secteur pri, l’amélioration de
l’éducation, la création d’emplois [...] dans un cadre de gouvernance
transparente et responsable »3.
Tout plan de développement économique efficace pour la Libye doit
s’attaquer, de façon globale et intégrée, à cette combinaison de lacunes
tant physiques qu’institutionnelles et réglementaires ainsi, quaux
problèmes sociaux et politiques de portée plus large y afférant. Sous
la pression d’une multitude de contraintes politiques et culturelles, les
gouvernements prennent inévitablement des décisions sous-optimales
qui reflètent en partie des opportunités non économiques. Dans les
États producteurs de pétrole, en particulier, ces solutions sous-
optimales peuvent être ignorées pendant longtemps comme la Libye
l’a démontdurant un demi-siècle.
L’un des plus grands défis auxquels se heurteront les planificateurs
libyens sera préciment d’éviter de se fier aux solutions faciles et
sous-optimales, à mesure que s’alioreront les recettes trolières
du pays. Comme l’a indiq la Stragie économique nationale en
2006, la réforme dans les pays exportateurs de pétrole, où les
pratiques de favoritisme sont répandues, constitue un fi aussi bien
politique et social qu’économique :
« [...] l’on constate généralement une sistance au changement de
la part des bénéficiaires de la distribution de revenus s par les
ressources naturelles telles que le pétrole, des licences d’importation
et dautres privilèges accordés par le gouvernement. Par ailleurs,
ceux qui font partie du gouvernement peuvent également se montrer
ticents face à la forme économique, conscients qu’elle créera au
sein de la société civile de nouveaux centres de pouvoir qui ne seront
pas tributaires du favoritisme pratiqué par le gouvernement»4.
Il importe également de noter, qu’en plaidant en faveur de la réforme,
l’État peut aussi se heurter à un certain deg de résistance de la
part du peuple Libyen, qui s’est accoutumé au caracre distributif
de la gouvernance économique sous le régime précédent qu’il préfère
à l’incertitude qu’un changement en faveur de la propr prie et
qu’une plus grande dépendance vis-à-vis des marchés pourraient
entraîner dans le cadre de la réforme économique). Et dont le souvenir
de l’adoption d’un sysme reposant davantage sur le secteur pri
aps 2003 demeure marq par les iniquités qu’il a engendrées.
Enfin, il importe également d’indiquer quen pit des difficuls
soulignées dans ce rapport, et bien que la Libye présente de nombreuses
caractéristiques d’un exportateur type de pétrole, elle jouit également
d’atouts économiques et non économiques uniques qui peuvent faciliter
ses efforts de planification et de diversification. Au nombre de ces
caractéristiques, figure un ensemble unique de sites archéologiques
qui peuvent aider à promouvoir une industrie du tourisme longtemps
négligée ; une position géographique sur les rives sud de la Méditerranée
qui est intéressante pour la création de zones franches et le veloppement
portuaire ; sa situation entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne qui
peut en faire une zone importante de commerce de transit. En outre,
la Libye a eu la chance d’avoir jusqu’ici, dans cette période post-guerre
civile, des dirigeants au fait des défis économiques auxquels le pays
est confronté et qui ont accueilli avec enthousiasme les expertises et
avis internationaux.
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Encadré 1 : Caractéristiques et futurs moteurs de l’économie libyenne
Les efforts de forme et de liralisation économiques qu’a ployés la Libye entre 2003 et 2010 ont donné lieu à un certain nombre de changements importants.
Toutefois, en matière de planification à la fin de la guerre civile, les dirigeants libyens font face à une économie non diversifet inefficace dont les caracté-
ristiques demeurent celles d’un pays exportateur de pétrole, les forces et les faiblesses de cette économie peuvent se résumer comme suit :
Ressources
Riche dotation en ressources naturelles d’hydrocarbures.
Accumulation substantielle de réserves de capitaux.
Abondance du capital humain, mais peu de personnes possèdent les compétences nécessaires, et taux de chômage élevé.
Développement institutionnel
Faible niveau de réglementation.
Faible niveau d’obligation redditionnelle/de transparence/d’État de droit.
Gestion de l’État et relations État/secteur privé
Faible orientation économique.
Gestion inefficiente de l’État.
Faible niveau d’entreprenariat privé.
Méfiance traditionnelle des entrepreneurs privés.
Climat des affaires
Inexistence d’un environnement des affaires favorable à la participation étrangère.
Climat juridique et d’investissement imprévisible.
Faible recours à l’expertise régionale et internationale en dehors du secteur de l’énergie.
Absence de participation étrangère en dehors du secteur de l’énergie.
Manque d’accès aux experts et à l’expertise.
Aspects sectoriels
Faible niveau de diversification économique.
Faible efficacité en dehors du secteur des hydrocarbures.
Faible niveau d’activité en amont/en aval dans le secteur des hydrocarbures.
Secteur du tourisme peu développé en dépit d’importants pôles d’attraction.
Secteurs à la traîne : préstations de santé, éducation, planification urbaine, agriculture, commerce de transit, construction.
Secteur bancaire défaillant.
Niveau élevé d’activités économiques informelles dans plusieurs secteurs.
Géographie
Site de transit important entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne.
Situation géographique cruciale pour le commerce trans-maghrébin et arabo-maghrébin
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II. Planifier le développement de la Libye
La suite de cette étude se concentre principalement sur les stratégies
institutionnelles et sectorielles à plus long terme, que la Libye doit
adopter dans sa quête d’une économie durable et diversifiée. Elle met
également l’accent sur les transformations et les mesures à plus
grande échelle qui s’imposent pour qu’un plan économique catalyse
efficacement les chances de croissance et de développement du pays.
L’étude passe sous silence la plupart des efforts à court terme sur
lesquels les institutions ont mis l’accent (reflétés par la citation plus
haut), ainsi que certains des facteurs non économiques (tels que la
normalisation de la situation sécuritaire et la transition politique). Ces
efforts sont cependant nécessaires pour mettre en œuvre ce que Rodrik
et d’autres qualifient de « contraintes fondamentales » au veloppement,
indispensables à la réalisation des conditions préalables à une économie
durable.
Les aspects imdiats et techniques de ce type de mesures de
renforcement institutionnel en vue d’une meilleure réglementation ont
été analys de façon très détaillée; ils ptent relativement peu à
controverse et ont été régulièrement portés à l’attention de la Libye par
les institutions financières internationales5.
Ce document ne fait pas non plus de recommandations spécifiques
pour les institutions du secteur pétrolier du pays qui, en tant qu’ilots
privilégiés d’efficience dans l’économie libyenne, sont bien gérées par
une équipe de technocrates de la compagnie pétrolière nationale. Après
une forte contraction en 2011, la production de pétrole brut a atteint,
en avril 2012, 90 % des niveaux d’avant-conflit, et a retrouvé son niveau
d’avant-guerre s l’automne 2012. Les recettes trolres, qui
constituent 95 % des recettes d’exportation du pays et qui assuraient
90 % des recettes de l’État à la veille de la guerre civile, se maintiendront
pendant au moins une décennie en termes de contribution à l’économie.
Certes, l’activité non liée aux hydrocarbures s’est fortement contractée
pendant la guerre civile et mettra un certain temps à se rétablir. Mais
elle devra jouer un rôle crucial, si la Libye entend sortir de sa situation
d’économie essentiellement non productive pour devenir une économie
plus productive.
Comme dans tous les pays de telles transformations (passage d’une
situation d’État rentier à une économie productive) sont envisagées,
l’essentiel de la lutte initiale pour la gestion de l’économie doit se focaliser
sur l’aptitude de l’État à développer la capacité réglementaire nécessaire
pour orienter la planification économique. En outre, l’on note une certaine
contradiction : si l’État doit jouer un rôle d’intermédiaire au départ, il
doit aussi se désengager à plus long terme, afin de libérer l’énergie
entrepreneuriale et la laisser aux mains de ses citoyens. Un tel
désengagement, après des périodes intenses de réglementation est
toujours difficile, pour un certain nombre de raisons essentiellement
d’ordre politique.
En ce qui concerne l’institutionnalisation et la glementation, la Libye est
confrone à des difficultés singulres : ses structures et ses bureaucraties
étatiques disposent traditionnellement de très peu de pouvoirs ou de
capacités de réglementation. Ensuite, l’existence d’importants capitaux
générés par le pétrole fait souvent paraître moins pressante la question
de l’efficience et de la réforme dans des pays tels que la Libye. Enfin,
l’élite étatique (en particulier dans les pays exportateurs de pétrole les
points d’accès à l’économie sont concentrés et où il existe une source
facile de favoritisme) est souvent réticente à transmettre le pouvoir ou à
favoriser/promouvoir les petits entrepreneurs. En Libye, en particulier,
les mesures adoptées en vue de la réforme et du développement
économiques doivent s’ingrer dans tout un ensemble d’activités
administratives, juridiques, bureaucratiques et réglementaires favorables,
qui rendent cette réforme et ce développement économiques possibles
et dépolitisent l’environnement du pays.
5Dans la pléthore d’écrits sur le sujet, voir en particulier Dani Rodrik, « Institutions for High-Quality Growth: What They Are and How to Acquire Them », Studies in Comparative
International Development, Fall 2000, Vol. 35, 3, P 3-31 ; « Getting Institutions Right », polycopié, Harvard University, avril 2004. Pour un argument plus général concernant les liens
entre les deux catégories de préoccupations économiques et d’économie politique de plus vaste portée évoquées plus haut, voir l’ouvrage de Rodrik intitulé « Participatory Politics,
Social Cooperation, and Economic Stability », The American Economic Review, Vol. 90, 2, P 140-144.
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