Résumé long

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Les verbes d’émotion causatifs en français et en espagnol : structure syntaxique, signification
sémantique et fonction linguistique
A travers cette communication, nous avons pour objectif de contribuer à l’analyse des
constructions transitives liées aux verbes d’émotion causatifs (Croft : 1993), constructions qui sont
caractérisées par le fait de faire apparaître l’expérienceur comme complément dans la construction
transitive (Paul a fâché Marie/ Paul enfadó a María).
Dans ce type de constructions, la langue française codifie toujours l’expérienceur en tant que
COD alors qu’en espagnol, l’alternance COD/COI est possible. Cette alternance a reçu de nombreuses
explications. L’explication présentée ici s’inscrit dans le cadre de la grammaire cognitive et plus
concrètement, dans celui du modèle de Langacker (2008a). Ainsi, nous considérons que les
constructions syntaxiques dans lesquelles ces éléments s’intègrent sont porteuses d’une signification
sémantique et ceci, indépendamment des éléments lexicaux concrets qui les composent. Par ailleurs, et
toujours en accord avec la grammaire cognitive, nous affirmons que les différentes alternatives
syntaxiques capables d’accueillir ces verbes ne se réduisent pas à des options structurales dénouées de
sens mais au contraire, que celles-ci transmettent une conception prototypique particulière de
l’événement ou de la situation qu’elles représentent (Castañeda: 2004). Ces distinctions sont palpables
même quand il s’agit d’un usage conventionnel de la langue, dans la mesure où conventional usage
almost always has conceptual motivation (Langacker, 2008b: 72),
Ainsi, nous considérons que la possibilité d’exprimer l’expérienceur comme COI dans ce type
de structures est liée à la tendance de la langue espagnole à marquer l’expérienceur humain (masculin
ou féminin) comme un participant actif dans l’événement (Martínez Linares : 1998). Cette tendance
s’est vue confirmée dans notre corpus1, qui a montré un pourcentage sensiblement supérieur
d’expérienceurs codifiés comme des participants avec un degré élevé de participation dans les
productions espagnoles que dans les productions françaises.
Par ailleurs, le COI inscrit dans ce type de constructions peut être situé dans deux positions
distinctes. Nous considérons, d’après le cadre théorique présenté préalablement, que la position du
complément n’est pas arbitraire. Au contraire, la position du pronom datif avant (cf. 1) ou après (cf. 2)
le sujet est porteuse de signification, et donne lieu à deux constructions différentes.
(1) Tras un rato de cariñosa conversación, llegó uno de esos puntos (que solían ser poco
frecuentes) en los que Martín conseguía enervar a Laura.
(2) Laura acabó enfadándose con su amigo, ya que pese que éste sabía que a Laura le enervaba
que no le contase y explicase las cosas, él seguía haciéndolo.
Le premier type, nous l’appelons construction causative (cf. 1). La deuxième, souvent considéré
comme propre au verbe gustar (Vázquez Rozas y Rivas : 2007, Mendívil Giró : 2002, etc.), nous
allons l’appeler (de façon préliminaire) construction mentale (cf. 2). Les constructions comme (1)
situent de façon prototypique le stimulus, codifié comme sujet, en première position de l’énoncé, alors
que les constructions comme (2) se caractérisent par le fait de mettre en première position (situation
canonique du sujet) l’expérienceur, codifié comme datif. D’après notre analyse, la variation syntaxique
que l’on vient d’annoncer contribue à créer deux scénarios conceptuels différents. Les deux
constructions représentent un expérienceur avec un double rôle : actif (il exerce une activité mentale
qui lui permet de ressentir l’émotion désignée par le verbe) et passif (participant affecté par le
stimulus). Cependant, elles se différencient par rapport au participant qu’elles mettent au premier plan.
Le premier type de constructions met au premier plan le stimulus et la trajectoire causative que celui-ci
déclenche (quelque chose cause une émotion), alors que le deuxième type de constructions met au
premier plan l’expérienceur et la trajectoire mentale que celui-ci dirige vers le stimulus (un individu
ressent quelque chose).
1
Il s’agit d’un corpus de nature discursive crée ad hoc pour ce travail.
Nous affirmons également, grâce à l’analyse des données issues de notre corpus, que ces deux
structures sont prototypiquement associées à deux fonctions différentes de la langue. Ainsi, nous
avons émis l’hypothèse qu’une structure syntaxique comme celle liée au verbe gustar pouvait être
associée de manière prototypique à certains usages conventionnels pour l’expression des ‘situations
générales’ comme par exemple, pour exprimer ce que de façon générale produit un état de colère, mais
sans conceptualiser l’épisode émotionnel comme un processus qui a lieu ‘dans le monde réel’. Ainsi,
nous pensons que les réponses associées à une question du genre Cuando piensas en la contaminación
de hoy en día, ¿Qué comportamientos de los que ves en tu población te molestan? (Quand vous pensez
à la pollution aujourd’hui, quels comportements adoptés par d’autres personnes vous dérangent?)
peuvent être plus facilement matérialisées grâce aux constructions mentales, comme [A mí] me
molesta X, alors qu’une question du type ¿Qué pasó el otro día? (Qu’est-ce qu’il s’est passé l’autre
jour?) peuvent être plus facilement matérialisées par des constructions causatives, du type X me
molestó. La raison réside dans le fait que le premier type de constructions, comme nous l’avons
soutenu préalablement, permet de marquer la proéminence de l’expérienceur et de la trajectoire
mentale que celui-ci effectue, alors que le deuxième type focalise plutôt le stimulus et la trajectoire
énergétique que celui-ci commence. Ainsi, en accord avec ce que l’on vient de dire, ces structures,
malgré leur similitude, répondent à des propos communicatifs différents (exprimer les réactions
prototypiques virtuelles d’un expérienceur face à un stimulus/exprimer l’occurrence d’un évènement
dans lequel un stimulus donné cause un changement émotionnel dans un expérienceur).
Bibliographie succinte
Castañeda Castro, A. (2004). "Potencial pedagógico de la gramática cognitiva. Pautas para la
elaboración de una gramática pedagógica del español/LE". redELE Revista Electrónica de
Didáctica/Español Lengua Extranjera, n° 0. Disponible en formato electrónico en la siguiente
dirección:
http://www.educacion.gob.es/dctm/redele/MaterialRedEle/Revista/2004_00/2004_redELE_0_06Castaneda.pdf?documentId=0901e72b80e0c73e Croft, W. (1993). "Case marking and the semantics of mental verbs". En Pustejovsky, J. (ed.)
Semantics and the Lexicon. Dordrecht (Holanda): Kluwer Academic Publishers. pp. 55-72.
Langacker, R. W. (2008a). Cognitive grammar: a basic introduction. Oxford (Inglaterra): Oxford
University Press.
Langacker, R. W. (2008b). "Cognitive grammar as a basis for language instruction". En Robinson, P. &
Ellis, N. C. (eds.) Handbook of Cognitive Linguistics and Second Language Acquisition. Nueva York
(NY) & Londres (Inglaterra): Routledge Taylor & Francis Group. pp. 66-88.
Martínez Linares, M. A. (1998). "Los complementos del verbo psicológicos en español y la
perspectiva no discreta de la categorización". Estudios de lingüística, nº12. pp. 117-144. Disponible en
formato
electrónico
en
la
siguiente
dirección:
http://rua.ua.es/dspace/bitstream/10045/6332/1/ELUA_12_08.pdf.
Maldonado, R. (2007). "Gramamtical Voice in Cognitive Grammar". En Geeraerts, D. & Dirk
Cuyckens, H. (eds) The Oxford Handbook of Cognitive Linguistics, capítulo 32. Nueva York
(NY): Oxford University Press, Inc. pp. 829-868.
Vazquez Rozas, V. y Rivas, E. (2007). "Un análisis construccionista de la diacronía de
gustar", en Ibarretxe-Antuñano, I., Inchaurralde, C. & Sánchez-García, J. (eds.), Language,
Mind, and the Lexicon, Frankfurt, Peter Lang, pp. 143-164.
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