Q1. Compte tenu des différences dans les cadres réglementaires en vigueur dans les pays où
exercent le Dr Ramsey et le Dr Green, le Dr Ramsey devrait il se préoccuper des ramifications
éthiques ou professionnelles que soulève cette collaboration scientifique? Pourquoi?
Il s'agit d'un projet de collaboration scientifique international sur le clonage thérapeutique, et plus
précisément d'une étude sur le développement de lignées de cellules souches embryonnaires par
clonage en vue de mieux comprendre et traiter le diabète.
Les lois canadiennes interdisent au Dr Ramsey de mener ou de participer à un projet de recherche sur
le clonage au Canada, car la Loi sur la procréation assistée considère le clonage comme une activité
criminelle1. Dans le cas présent, toutefois, le clonage sera fait au Royaume Uni. Or à quelques
exceptions près (notamment dans les cas de tourisme sexuel impliquant des mineurs, de pédophilie et
de traite de personnes), le Canada n'a pas de compétence extraterritoriale sur les activités réputées
criminelles au pays. Donc, dans le cas présent, si le Dr Ramsey participait à un projet de recherche sur
le clonage à l'étranger, il n'enfreindrait pas les lois canadiennes, car la recherche ne serait pas menée
au Canada.
Selon le Code international d'éthique médicale de l'Association médicale mondiale, un des devoirs
généraux du médecin est de respecter les codes d'éthique régionaux et nationaux2. Le Manuel
d'éthique médicale de cette même Association établit une distinction entre les obligations éthiques et
juridiques3 et, même si les deux sont parfois étroitement liées, elles peuvent exiger des normes de
comportement ou des actions différentes. À titre d'exemple, une obligation éthique pourrait exiger d'un
médecin qu'il contrevienne à une loi appelant un comportement contraire à l'éthique.
En dernier recours, il appartient aux personnes de prendre leurs propres décisions en matière d'éthique
et d'y donner suite. Le Manuel d'éthique médicale nous rappelle que, contrairement aux règles de droit,
l'éthique est un principe relatif qui varie d'une personne à l'autre; il appartient donc à chacun de
choisir ses propres normes ou valeurs éthiques, bien sûr en assumant les risques que cela comporte3.
Dans le cas présent, le Dr Ramsey n'enfreindra pas directement les lois canadiennes, car ses actions
sont licites à l'étranger. La principale question concerne donc la moralité ou l'éthique de ses actions.
Ses actions sont-elles conformes à l'éthique? Est-il moralement acceptable pour un médecin-chercheur
d'effectuer, à l'extérieur de son pays, une action qui est interdite dans son propre pays? Sur le plan
moral ou éthique, cette personne manque-t-elle à ses obligations professionnelles? Un chercheur
(comme le Dr Ramsey), qui choisit de mener des recherches à l'étranger parce que la recherche
envisagée est interdite dans son pays, manque t il à ses obligations éthiques ou professionnelles?
Cette pratique doit-elle être perçue comme un incitatif pour tous les chercheurs à enfreindre les règles
de leurs pays pour mener leurs recherches dans un pays où elles sont autorisées? Il n'est pas facile de
répondre à ces questions, et la présente étude de cas soulève un dilemme d'ordre moral. Il existe des
motifs tout aussi irréfutables pour appuyer les différents choix éthiques ou moraux qui se présentent
au médecin-chercheur et il importe de parvenir à un équilibre.
Au moment d'évaluer l'éthique du comportement du médecin-chercheur, il est important de tenir
compte des coûts et des avantages et des autres facteurs en jeu (p. ex., la liberté universitaire). Si la
participation à une recherche précise sur le clonage thérapeutique sert le but utile de l'avancement de
la science en contribuant à la découverte d'un traitement et si la recherche semble avoir de très
grandes chances de réussir, cette participation pourrait ne pas être aussi contraire à l'éthique qu'elle
semblait l'être à première vue, et les avantages d'une participation pourraient l'emporter sur ceux
d'une non participation. Cependant, une telle analyse coûts-avantages ne tient pas compte des
conséquences négatives potentielles du comportement du médecin-chercheur sur le plan professionnel,
comme celle d'encourager indirectement le « tourisme de recherche ».
Malgré l'absence de consensus sur la question de savoir s'il est approprié pour un médecin-chercheur
assujetti à des restrictions dans son pays de mener la recherche dans un autre pays où l'activité est
permise (« tourisme de recherche »), cette notion reçoit l'appui de certains. Le groupe Hinxton, par
exemple, est d'avis qu'un chercheur devrait être libre de mener ce type de recherche sans s'exposer à
des poursuites ou autres formes de sanctions de la part du gouvernement, de ses pairs ou de son
employeur4. Cette opinion du groupe Hinxton fait valoir l'autonomie et la liberté de la recherche
universitaire comme étant des droits fondamentaux. Cette opinion devrait être interprétée en regard
d'un autre privilège, celui de l'autoréglementation. Comme le souligne l'Association médicale
canadienne dans son Code de déontologie, l'autoréglementation de la profession est un privilège, et
chaque médecin a la responsabilité de constamment mériter ce privilège et d'appuyer ses institutions5.
En sa qualité d'agent autonome, le médecin-chercheur a le droit d'être en désaccord avec la position
de son pays et, par conséquent, de rejeter les fondements éthiques qui sous-tendent le cadre
réglementaire national. Pour ces raisons, il pourrait décider de mener ses recherches à l'étranger.
Cependant, ainsi qu'il a été mentionné précédemment, le jugement éthique qui sera posé sur ses
actions dépendra de l'équilibre entre les coûts et les bénéfices sociaux et individuels qui sont en jeu. De
fait, même si le médecin est un agent libre et autonome, il demeure lié à l'un de ses principaux devoirs