Couplage avec la magnétosphère Par J. De Keyser L'interaction du vent solaire avec la magnétosphère contrôle la circulation du plasma dans les régions externes de la magnétosphère. Par contre, dans les régions internes, le plasma magnétosphérique est entraîné par le mouvement de rotation synchrone de l'ionosphère avec la Terre. Les circulations du plasma dans les régions externes et internes de la magnétosphère ne sont cependant pas indépendantes puisqu'elles sont reliées entre elles par des flux de particules électriquement chargées, formant un vaste système de courants électriques magnétosphériques. Bien que les mécanismes impliqués dans ce couplage ne soient pas encore entièrement élucidés, on ne peut nier que ce circuit électrique géant dissipe dans l'ionosphère, sous forme de chaleur, une grande partie de l'énergie puisée dans le vent. La circulation du plasma magnétosphérique La circulation du plasma dans la magnétosphère (appelée également "convection magnétosphérique") est étroitement liée au champ électrique magnétosphérique, puisque des particules chargées de faible énergie se déplacent sur des surfaces équipotentielles (c'est-à-dire sur des surfaces où le potentiel électrique est constant). La figure ci-contre [d'après Nishida, JGR, 71, 5669, 1966] représente un modèle très simplifié de la circulation du plasma dans le plan équatorial. La direction du Soleil est à gauche de la figure. Dans la magnétogaine (à l'extérieur de la magnétosphère, à gauche sur la figure), on constate que le plasma contourne la magnétopause (frontière de la magnétosphère, représentée par la dernière courbe en forme de C, à gauche de la figure) en s'écoulant de gauche à droite, c'est-à-dire dans la direction opposée au Soleil. A proximité de la Terre, le plasma suit de façon synchrone la rotation diurne de notre planète. A la partie droite de la figure, on constate que le plasma s'écoule vers la Terre dans les régions centrales de la queue magnétosphérique. Ce mouvement résulte de l'interaction du vent solaire avec les flancs de la magnétosphère. La circulation du plasma ionosphérique Dans les régions de la magnétosphère où la densité du plasma est faible, les lignes de force du champ magnétique sont de très bons conducteurs de l'électricité : elles se comportent comme des "fils électriques" reliant l'ionosphère à d'autres régions de la magnétosphère où le plasma est plus dense (comme certaines régions situées dans la queue). Le champ électrique magnétosphérique - et par conséquent la circulation du plasma magnétosphérique - est "projeté" dans l'ionosphère. Cependant, l'ionosphère est un milieu présentant une résistivité (elle possède une "résistance" électrique de la même façon qu'une bouilloire électrique en possède une qui dissipe en chaleur l'énergie électrique du réseau). De nombreux facteurs déterminent la résistivité ionosphérique. Ainsi, est-elle beaucoup plus petite lorsque l'ionosphère est illuminée par le Soleil. On voit donc que des variations dynamiques dans l'ionosphère affecteront à leur tour la convection magnétosphérique. C'est pourquoi l'image de la convection magnétosphérique illustrée précédemment est fortement idéalisée. La figure ci-contre [d'après Nagata et Kokubun, Rept. Ionosphere Space Res., Japan, 16, 256, 1962] illustre la configuration typique de la circulation ionosphérique au-dessus de la calotte polaire de l'hémisphère Nord (la direction du Soleil correspond à 12 h, alors que 0 h indique la direction de la queue magnétosphérique). En parcourant la figure de gauche à droite, les lignes de force du champ magnétique ancrées dans l'ionosphère vont relier successivement les deux cellules de convection ionosphériques aux deux schémas de circulation magnétosphérique de la queue, respectivement ceux d'avant et d'après minuit. Des différences de potentiel électrique (des tensions électriques) entre les noyaux des deux cellules de convection atteignant plusieurs dizaines de milliers de volts représentent des valeurs typiques. L'intensité de cette différence de potentiel est fortement contrôlée par les conditions régnant dans le vent solaire. Les courants électriques reliant la magnétosphère à l'ionosphère Puisque la conductivité électrique (l'inverse de la résistivité électrique) de l'ionosphère n'est pas infinie, cette région ne court-circuite pas les différences de potentiel électrique existant dans la magnétosphère. C'est la raison pour laquelle des courants électriques sont entretenus dans le système couplé ionosphère magnétosphère. La source d'énergie qui alimente ces courants est le vent solaire, responsable de la convection dans les régions externes de la magnétosphère. En effet, le mouvement de charges électriques dans le champ magnétique terrestre produit une différence de potentiel électrique. Il s'agit d'un effet fort semblable à celui d'une dynamo de vélo, génératrice d'électricité, où la rotation de la roue (l'analogue du mouvement du vent solaire) est utilisée pour faire bouger un conducteur électrique -un rotor- (l'analogue de la convection du plasma magnétosphérique) dans un petit aimant permanent -un stator- (l'analogue du champ géomagnétique). Puisque les particules chargées sont essentiellement guidées par les lignes de force du champ magnétique (qu'elles suivent comme un rail), le courant électrique engendré par cette dynamo magnétosphérique s'écoule le long de ces lignes, comme s'il était transporté par de longs fils de cuivre. C'est pourquoi on a appelé ces courants électriques des "courants alignés". C'est le physicien norvégien Birkeland qui, le premier, a suggéré l'existence de ces courants (d'où aussi l'appellation "courants de Birkeland"). Les courants alignés transportent l'énergie électromagnétique vers le bas, jusque dans l'ionosphère. Celle-ci présentant une résistivité, l'énergie électromagnétique s'y dissipe sous forme de chaleur, ce qui entraîne un réchauffement de l'atmosphère supérieure. L'illustration ci-contre représente un schéma plus détaillé du circuit électrique global. Sur cette figure, on regarde le système de courants en se plaçant dans la queue magnétosphérique et en regardant en direction du Soleil. La source électromotrice magnétosphérique (le générateur électrique) est constamment approvisionnée par le mouvement du vent solaire. En partant de la borne positive du générateur (en haut, à droite sur la figure), on constate que le courant pénètre d'abord dans les régions polaires, sous forme d'un courant aligné qui s'écoule le long de lignes de force ouvertes de la magnétosphère juste adjacentes à la magnétopause (ces lignes sont dites "ouvertes" car elles s'étendent très loin dans la queue magnétosphérique). Le courant s'écoule ensuite horizontalement dans l'ionosphère (au travers de l'ovale auroral) où il dissipe une partie de son énergie dans la résistance ionosphérique. Il ressort de l'ionosphère, à nouveau sous forme de courant aligné, mais cette fois le long d'une ligne de force fermée. Lorsqu'il rencontre le "feuillet de plasma" (mince couche de plasma situé plus ou moins dans le plan équatorial, en direction de la queue magnétosphérique), le courant est dévié transversalement au travers de la queue magnétosphérique et contribue de la sorte au courant électrique annulaire entourant la Terre dans le plan équatorial (sa contribution est parfois appelée "courant annulaire partiel"). Le circuit électrique se complète en suivant un chemin symétrique par rapport au plan méridien midi-minuit. Il emprunte ainsi à nouveau des lignes de force fermées du champ géomagnétique pour plonger une fois encore dans l'ionosphère et y dissiper une partie de son énergie. Le courant traverse l'ovale auroral et le circuit se referme (à gauche sur la figure) en remontant le long des lignes de force ouvertes jusqu'à la borne négative du générateur magnétosphérique.