
travail moral, qui nécessite une croyance à des fictions ou à des valeurs qui sont elles-mêmes 
transmises aux élèves, ne serait-ce que pour obtenir leur consentement (Dubet, 2002a).   
L’école se serait efforcée de répondre à la question de l’unité et de la diversité des 
hommes, tout en soulignant que l’égalité des droits des citoyens n’est pas l’égalité des 
chances. Une croyance bien répandue postule que les différences scolaires seraient dues aux 
différences de quantité de travail fournie par chaque élève, ce qui serait attesté par les 
bulletins scolaires puis légitimé par les représentations de l’élève et de sa famille. D’où l’idée 
de cours de soutien pour les élèves en difficulté, qui produit pourtant généralement des 
résultats en conformité avec la loi des rendements décroissants, mais qui permet de 
sauvegarder l’illusion démocratique de l’école.  
Celle-ci d’ailleurs se répète avec celle de la formation des enseignants, sensée être la 
solution efficace, alors que les résultats sont plutôt insignifiants. Ainsi, on peut s’étonner que 
les enseignants formés dans les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ne 
soient pas très différents de leurs prédécesseurs, alors que la formation a été pensée 
différemment. Les pratiques pédagogiques ne résultent pas des convictions des enseignants 
(Felouzis, 1997) et ce sont rarement les changements des représentations qui engendrent de 
nouvelles pratiques. Les idées résultent le plus souvent de la rationalisation des pratiques, 
tandis que les acteurs sociaux changent leurs pratiques suite aux modifications des conditions 
de l’action et du cadre général dans lequel ils se situent (Lewin, 1972).   
Les théories de la reproduction ont permis aux enseignants de se déculpabiliser de leur 
participation à la production des inégalités des élèves, oubliant ainsi la violence pédagogique 
et l’arbitraire culturel. « Toutes les analyses situant les causes des difficultés des élèves dans 
la société et dans leurs familles sont bienvenues, elles renforcent l’image de l’école comme 
sanctuaire ; toutes celles qui évoquent des causes nichées dans le fonctionnement de l’école et 
dans les pratiques pédagogiques sont neutralisées. Il importe que le péché reste hors des murs 
du temple » (Dubet, 2002b, p. 19). La mise en exergue des cas de réussite de quelques élèves 
socialement et culturellement éloignés de l’école renforce ces croyances et le besoin légitime 
d’y croire.  
Des recherches plus microsociologiques des inégalités scolaires (basées sur 
l’établissement, la classe, l’enseignant) ont permis d’introduire d’autres variables explicatives 
que les inégalités sociales. Ainsi, la reconnaissance de la différence des acteurs sociaux et de 
la diversité des situations, favorise une prise en compte des ajustements locaux qui permettent 
d’infléchir la situation globale d’inégalité sociale. Les résultats, difficilement généralisables 
du fait de la multiplicité des facteurs ou des causes, mettent en valeur l’efficacité différentielle 
des acteurs ou composantes du système éducatif et témoignent de possibilités – certes infimes, 
mais réelles – d’enrayer les inégalités scolaires dans des situations ou des contextes singuliers.  
 Une idéologie basée sur l’économie des moyens et l’efficacité, issue notamment du 
management des organisations privées (Le Goff, 1999) et de la rationalisation économique 
mondiale, a cherché à transformer les enquêtes qui émanent de ces recherches en outils 
d’évaluation – notamment des acteurs sociaux, à commencer par les enseignants. Elle vise à 
légitimer des politiques éducatives qui favorisent le passage d’une exigence de moyens à une 
exigence de résultats, en oubliant que « l’essentiel du différentiel de réussite scolaire réside 
toujours dans les caractéristiques de la population des élèves » (Martuccelli, 2002, p. 31). De 
nouvelles légitimités basées sur des normes de qualité commencent à remplacer les références 
nationales, à la fois sur le plan local ou régional et à l’échelle européenne ou internationale. 
Ainsi, en France, d’un côté, le système de conventions collectives est remplacé par le 
portefeuille de compétences individuelles, brisant ainsi le cadre des qualifications nationales, 
tandis que les critères d’évaluation et la définition des compétences et des niveaux 
d’éducation et de formation favorisent la mise en place de réseaux d’établissements destinés à 
différents types de clientèle. De l’autre, ce nouveau système permet une plus forte mobilité 
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