
J. Tignol
S682
La deuxième étude de suivi sur un an, a été réalisée
par Barkow en 2004 (2). Il a comparé quatre groupes de
patients souffrant de trouble mixte anxiété dépression
(85), dépressifs (496), troubles anxieux (296) et comor-
bidité anxio-dépressive (306). Le groupe trouble mixte
anxieux-dépressif est le seul à avoir un diagnostic ins-
table à un an.
La troisième étude a été menée par Weisberg (9), à
partir des critères diagnostiques du DSM-IV sur 1 634
patients de médecine générale, suivis sur 6 et 12 mois.
Il rapporte 2 % de sujets avec trouble mixte anxieux-
dépressif et ce petit nombre de patients a une rémission
dans 80 % des cas au bout d’un an.
La quatrième étude a été menée par Means-Chris-
tensen en 2006 (5), chez 65 patients de médecine géné-
rale présentant des symptômes anxieux et des symptô-
mes dépressifs : 37 patients n’avaient aucun handicap
en rapport avec ce trouble. Or c’est l’existence d’un
handicap qui permet de déterminer la gravité, voire la
réalité, d’une maladie.
Le trouble anxieux-dépressif mixte est donc rare,
sinon inexistant. Les critères sont surtout des critères
d’exclusion : les symptômes sous le seuil sont soit des
prodromes de dépression ou trouble anxieux, soit plus
probablement des signes résiduels (d’une dépression
ou d’un trouble anxieux) qui peuvent être à l’origine de
complications et récidives ultérieures. À ce titre, le trou-
ble mixte anxieux-dépressif doit être considéré comme
prodrome ou résidu d’une maladie qu’il faut traiter à
part entière.
COMORBIDITÉ TROUBLES ANXIEUX / TROUBLES
DÉPRESSIFS
Il y a débat à propos de la coexistence trouble an-
xieux caractérisé et trouble dépressif caractérisé. Il y
a ceux qui pensent que ces deux pathologies peuvent
faire partie d’une seule entité et ceux qui les consi-
dèrent comme deux catégories indépendantes. Les
études sur cette comorbidité sont nombreuses : soit
en population clinique mais trop peu précises, avec
des biais de recrutement, soit en population générale,
transversales, et n’apportant pas d’information claire.
Cette comorbidité, et en particulier la succession
de ces deux troubles, a été abordée par une grande
étude américaine (National Comorbidity Survey) pu-
bliée par Kessler en 1994, répliquée en 2000 et repu-
bliée par le même auteur en 2003 (4). Cet auteur en
utilisant la notion de time lag (durée séparant l’appari-
tion du 1er trouble de celle du trouble comorbide) rap-
porte que lorsqu’une dépression précède l’émergence
d’un trouble anxieux comorbide, ce dernier survient 3
à 6 ans après le début de la dépression ; par contre, la
dépression survient après 3 à 13 ans d’un trouble an-
xieux préexistant. L’argument selon lequel les troubles
anxieux précèderaient la plupart du temps les troubles
dépressifs n’est pas suffi sant pour en faire un facteur
causal. La principale conclusion qu’on puisse retenir
de cette étude américaine est que les troubles dits ac-
tifs (contrairement aux troubles en rémission) sont des
facteurs de risques d’une comorbidité dépressive.
Deux études prospectives (6, 10) ont rapporté que
les troubles anxieux étaient d’autant plus fréquents
que la dépression était persistante. Ils soulignent que,
dans 60 % des cas, la dépression est secondairement
associée à un trouble anxieux et que dans 30 % des
cas les troubles anxieux sont ensuite associés à une
dépression. L’étude de Wittchen, en 2003, (10) rappor-
te des éléments en faveur d’un lien de causalité entre
ces deux troubles. De jeunes patients âgés de 14 à
17 ans ont été suivis sur 5 ans ; à terme, les troubles
anxieux se sont accompagnés de troubles dépressifs
beaucoup plus souvent que les troubles anxieux ne
sont restés purs ; l’anxiété serait un facteur de risque
de dépression.
On peut retenir que les troubles anxieux augmen-
tent le risque de persistance de la dépression, mais
l’inverse n’est pas vrai. Le trouble anxieux, (surtout
le trouble panique et le PTSD) augmente la sévérité
de la dépression et le risque de suicide, alors que la
dépression secondairement associée à un trouble an-
xieux augmente le handicap du trouble, surtout pour
le trouble anxieux généralisé et la phobie sociale. Il
faut donc retenir que la comorbidité aggrave le pro-
nostic.
CONCLUSION
Le trouble mixte anxiété-dépression n’existe proba-
blement pas. Les symptômes sont à traiter comme un
trouble anxieux ou un trouble dépressif, ou les deux à la
fois, caractérisés, remplissant tous les critères diagnos-
tiques, en sachant que le pronostic de cette associa-
tion n’est pas très favorable. La dépression anxieuse de
l’école française est à rediscuter. Il s’agit plus sûrement
d’une dépression comorbide d’un trouble panique ou
d’un trouble anxieux généralisé, dont le risque suici-
daire est élevé. La prise en charge ne doit pas se fi xer
seulement sur la dépression mais aussi sur le trouble
anxieux.
La dépression complique souvent les troubles an-
xieux, d’autant plus qu’ils sont anciens et c’est souvent
à l’occasion d’une consultation pour dépression que
l’on peut faire le diagnostic de trouble anxieux. La pré-
vention des troubles anxieux par une prise en charge
précoce, par exemple des enfants ayant un trouble
anxieux, en particulier une phobie sociale, permettrait
d’éviter un trouble dépressif secondaire.
L’Encéphale, 2007 ; 33 : 681-683, cahier 3