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est réalisée en appliquant des méthodes de l’économétrie
structurelle qui utilise les prédictions de la théorie économique
concernant les effets des chocs, appelées hypothèses
d’identification. Ces méthodes permettent d’extraire des séries
macroéconomiques et financières les composantes qui peuvent
être imputées à ces chocs de politique monétaire étant donné
les hypothèses d’identification retenues. Conformément aux
enseignements des travaux mentionnés précédemment, nous
retenons cinq hypothèses d’identification. Un resserrement de
la politique monétaire américaine est supposé s’accompagner :
(i) d’une hausse du taux d’intérêt, (ii) d’un ralentissement de la
croissance économique américaine, (iii) d’une baisse du niveau
général des prix aux États-Unis, (iv) d’une augmentation des
flux de crédits transfrontaliers, et (v) d’une augmentation du
taux d’endettement des grandes banques américaines6.
Identifiés ainsi, les chocs exogènes de politique monétaire
expliquent une part modeste, mais notable, de 3,4 % des
variations cycliques de la croissance économique aux États-
Unis7. Il convient de rappeler que nous mesurons uniquement
la contribution de la composante exogène de la politique
monétaire à la croissance économique. En ce sens, ce
chiffre constitue une estimation basse du rôle de la politique
monétaire dans le cycle économique. L’intérêt d’étudier
cette composante exogène de la politique monétaire est de
pouvoir ensuite réaliser des simulations de croissance pour
différentes valeurs des taux d’intérêt en conservant les mêmes
fondamentaux de l’économie.
Lorsqu’on élargit l’analyse au cycle financier mondial, le rôle
des chocs monétaires reste significatif. Les chocs de politique
monétaire expliquent près de 6,6 % des variations cycliques de
l’indice de volatilité des actions cotées aux États-Unis, 4,1 % de
celles des flux de crédits transfrontaliers et 4,4 % de celles de
l’endettement des grandes banques américaines8. Ces chiffres
montrent l’importance de la politique monétaire américaine
pour le cycle financier aux États-Unis, mais également pour le
cycle financier mondial.
La dernière étape de l’identification consiste à examiner les
effets des chocs de politique monétaire sur d’autres économies.
L’hypothèse ici retenue est que l’économie considérée est
« ouverte » mais suffisamment « petite » pour que sa réaction
à la politique monétaire américaine n’ait pas d’effet retour sur
l’économie américaine elle-même et le cycle financier mondial.
Il est possible, pays par pays, d’examiner les effets des
chocs de politique monétaire américaine sur leur croissance
économique. Les résultats, présentés dans le graphique 1,
6. Plus spéciquement, nous employons un modèle structurel bayésien à vecteur autorégressif (SVAR) avec restrictions de signe.
7. Ce chiffre correspond aux effets sur la croissance à un horizon de 10 ans après le choc et est plus élevé à l’impact (5,6 %). La modeste contribution du choc monétaire aux uctuations
économiques corrobore la littérature empirique. Voir notamment : E. M. Leeper, C. A. Sims & Tao Zha (1996), « What Does Monetary Policy Do? », Brookings Papers on Economic Activity,
vol. 27, n° 2. C. A. Sims (2012), « Statistical Modeling of Monetary Policy and Its Effects », American Economic Review, vol. 102 (4).
8. Ces chiffres sont calculés pour un horizon temporel de 10 ans et sont plus importants si l’on considère un horizon de plus court terme.
9. « Wu-Xia Shadow Federal Funds Rate » : https://www.frbatlanta.org/cqer/research/shadow_rate.aspx?panel=1
10. Plus précisément, nous considérons ici le secteur des courtiers en valeurs (« security broker dealers ») qui comprend les intermédiaires nanciers opérant principalement sur les marchés
d’actifs dont les principales banques d’investissement de Wall Street. Cf. T. Adrian & H. S. Shin (2010), Liquidity and leverage, Journal of nancial intermediation, 19(3), 418-437.
soulignent les enjeux de la transmission internationale de
la politique monétaire américaine. Les pays pour lesquels
l’impact est le plus fort – plus encore que pour les États-
Unis eux-mêmes – sont tous des économies émergentes.
Les chocs de politique monétaire expliquent, en effet, plus
de 4,5 % des variations de la croissance économique au
Mexique, en Colombie, en Roumanie, en Afrique du Sud, ou
en Hongrie notamment. Juste après les États-Unis, viennent
des économies avancées comme la Suède, le Royaume-Uni,
Hong-Kong et le Canada, puis à nouveau d’autres économies
émergentes, comme la Turquie et l’Indonésie.
Un changement de politique monétaire
américaine déjà engagé
Les mesures de politique monétaire non conventionnelles
prises aux États-Unis rendent difficile l’analyse de la politique
monétaire par les méthodes statistiques traditionnelles,
surtout en matière de taux d’intérêt, compte tenu du plancher
zéro du taux nominal contraignant depuis 2009 le taux des
fonds fédéraux – cible de référence de la banque centrale
américaine. Pour contourner cette difficulté, des chercheurs
de la banque fédérale d’Atlanta ont proposé de calculer un
taux implicite9 (shadow rate) pour ces fonds en exploitant les
informations sur les titres de plus longue maturité. Les résultats
publiés par la Réserve Fédérale d’Atlanta montrent que ce
taux implicite a atteint sa valeur minimale de - 2,99 % en mai
2014, et qu'il remonte depuis jusqu’à redevenir légèrement
positif en novembre 2015. L’utilisation de ce taux d’intérêt
implicite dans notre cadre d’analyse nous permet donc de
regarder les effets qu’ont déjà produits les changements de
politique non conventionnelle et conventionnelle engagés
depuis le milieu de l’année 2014 aux États-Unis. Le
graphique 2 montre l'effet sur l'économie américaine et le
cycle financier mondial des chocs de politique monétaire
aux États-Unis (les barres vertes correspondent aux chocs
ε de politique monétaire définis dans l’encadré). Des
chocs positifs qui signifient un resserrement de la politique
monétaire sont, en partie, à l’origine d’un ralentissement
de la croissance et de l’inflation, d’une contraction
des flux de crédits transfrontaliers, d’une réduction de
l’endettement des banques d’investissement américaines10
et d’une augmentation de l’indice de volatilité (VIX).
La croissance réalisée au troisième trimestre de 2015 se situe
légèrement en dessous de sa moyenne historique, posant la